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Socio-histoire d'une offre alternative de transport urbain: etude du cas des «woro-woro» de yopougon (abidjan, cote-d'ivoire)


par Yerehonon Jean Zirihi
Université Alassane Ouattara (Ex Université de Bouaké) - Doctorat  2015
  

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4.1.1 Caractéristiques générales des transports alternatifs

Les transports alternatifs ont envahi les espaces publics des villes africaines depuis plusieurs décennies. Leurs activités font vivre dans chaque pays des dizaines de milliers de personnes en quête d'emploi et fournissent des déplacements bon marché aux populations. Certes, les figures de cette mobilité sont variables selon les contextes urbains et leurs dynamiques, mais ce qui semble se généraliser dans de nombreuses villes, c'est le caractère massif de ces transports. À Abidjan, à Dakar, à Harare, à Lomé, à Cotonou et dans une moindre mesure à Alger et à Casablanca, comme dans beaucoup d'autres pays du Sud, certains observateurs n'ont pas hésité à qualifier cela d'occupation «désordonnée» des rues et des espaces publics (Adoléhoumé 2001; SITRASS 2007). Ces constats sur les transports alternatifs reposent toutefois sur un ensemble de traits communs qui peuvent se résumer selon (BM 2001; Godard 2002; Plat 2003; Noukpo and Agossou 2004; Diaz Olvera, Plat et al. 2007; Kassi 2007; Capo 2008) à peu près comme suit:

- un secteur atomisé avec des opérateurs de toutes tailles rendant difficile l'organisation professionnelle de l'activité.

123 Chute des effectifs des autobus roulant de la SOTRA, crise, ajustement, réduction du pouvoir d'achat des populations, contestations sociales et promotion de l'initiative individuelle et collective.

124 Pendant les campagnes électorales, les candidats promettent parfois d'aider les jeunes à travers la subvention des permis de conduire. Il est de ce fait très difficile à élu d'empêcher une occupation anarchique de la rue, mode d'exerce de l'activité pour laquelle il a subventionné les permis au risque de chasser ses électeurs potentiels.

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- des chauffeurs obligés de travailler dans des conditions de sécurité précaires étant donné la concurrence souvent destructrice qui tire vers le bas les conditions d'exploitation des véhicules.

- l'absence de capacités d'expertise et de volonté politique des pouvoirs publics à l'endroit du secteur.

- le détournement de la réglementation.

- une occupation anarchique des espaces publics.

Ces traits caractéristiques qui résultent de la répartition spatiale des lieux structurants de l'urbanité et de la demande, entraîne aussi selon les villes le recours à plusieurs types de véhicules: minibus, taxis collectifs, taxis-motos, pour ne citer que les plus répandus. L'enjeu est de concevoir et de réaliser sur des axes structurants, des dessertes plus locales ou de rabattement sur les grands axes. Ainsi à Abidjan, ces transports suivent l'extension du tissu urbain et le rayon accru des déplacements. Les taxis collectifs particulièrement sont organisés suivant deux réseaux (un réseau interne et un réseau externe). Le premier groupe de taxis collectifs dits taxis communaux, circulent à l'intérieur du périmètre communal à la recherche de clients postés aux abords des routes (mode de rotation), ou organisent la desserte à partir d'un point fixe ou d'une gare. Le second réseau est composé d'un ensemble de lignes de longue distance, assurant des dessertes entre les communes sur des axes à fort trafic et s'effectue dans le sens nord-sud (quartiers résidentiels-zones d'emplois). Comme à Abidjan, à Dakar selon (Lombard, Sakho et al. 2004), c'est aussi la logique linéaire du réseau de transport des cars rapides dit transport artisanal qui l'emporte sur tout autre organisation spatiale. Les sites sont concentrés sur les grands axes routiers en provenance du nord et du nord-est de la capitale (les villes de Pikine et Guédiawaye) qui convergent vers le sud-ouest de la presqu'île (Dakar et quartier du Plateau). La répartition des arrêts de minibus montre un fonctionnement différent selon le type de véhicules. Les arrêts de ndiaga ndiaye sont situés sur les axes routiers majeurs alors que ceux des cars rapides, tout en respectant la logique d'axe, sont implantés sur les boulevards et avenues secondaires, à proximité des quartiers d'habitations (Pikine, Parcelles Assainies ou Grand Dakar). Les ndiaga ndiaye sont présents dans l'agglomération depuis moins de dix ans et ont démarré

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sur le réseau de desserte banlieue/centre. De ce point de vue, ils peuvent être assimilés aux woro-woro intercommunaux dans l'agglomération abidjanaise dont les arrêts sont distants les uns des autres de plusieurs kilomètres. Plus rapide, ils transportent les passagers d'un point à l'autre du territoire de l'agglomération, des zones périphériques vers le Plateau (Dakar) comme ici à Abidjan avec la commune de Plateau.

On retrouve sensiblement ce même schéma de fonctionnement des woro-woro à Cotonou, à Douala et même à Lomé avec les taxis-motos ou zemijan (Cotonou) ou bendskin (Douala) ou Oléyia à Lomé, sauf que dans ces villes, la répartition modale confirme la domination des deux-roues. Les taxis-motos sont absents à Abidjan alors qu'ils le sont davantage à Cotonou, à Lomé et à Douala. Autres différences, la place des taxis-moto, mode individuel125, dans la chaîne des transports des villes-capitales où ils sont présents est envisagée comme des relais aux autres modes de transport en commun. Ceux-ci auraient le monopole du transport sur les grands axes et les voies nationales, les moto-taxis assurant le relais vers les routes secondaires, les pistes de desserte rurale et sentiers. Par contre, pour ce qui est de l'expérience abidjanaise, on remarque de plus en plus une part croissante de l'offre de taxis intercommunaux sur tous les réseaux de desserte126, contrairement à la réglementation.

Toutefois, le mode de fonctionnement de ces transports n'est pas un fait à rattacher spécifiquement aux comportements et attitudes des transporteurs, il s'intègre en partie dans un ensemble de logiques et de stratégies dont les institutions et les administrations publiques semblent être les foyers de diffusion (Konaté 2001; Olivier de Sardan 2008). Le fonctionnement des transports alternatifs dans les pays d'Afrique, s'intègre donc dans le paradigme explicatif de l'écart entre le droit, les normes et les pratiques usuelles. En effet, dans la

125 La moto a un seul siège. Et d'ordinaire, on ne remorque sur cet engin qu'un passager. Mais dans ses usages comme mode de transport, les moto-taxis peuvent remorquer deux passagers, voire, trois dans certains. De ce fait, le moto-taxi est de plus en plus considéré comme un mode de transport collectif.

126 À Abidjan, les taxis collectifs desservent actuellement sur toutes voies urbaines et sont établis dans presque toutes les communes de la ville.

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littérature portant sur l'Etat, les administrations et les services publics en Afrique, le terme de «normes», sous ses diverses déclinaisons (normes officielles, normes sociales, normes professionnelles, normes pratiques) est employé pour expliquer les pratiques et les comportements individuels ou collectifs des acteurs127. Le point commun à ces écrits c'est l'existence de règles tacites non écrites mais collectivement intériorisées et partagées qui n'en sont pas moins efficaces dans le fonctionnement des services (De Sardan 2008). De ce point de vue, on peut faire le constat que les pratiques des entrepreneurs des transports considérées habituellement de «déviantes» (occupation des voies publiques par les taxis, véhicules polluants, non respect du code de la route, violence, etc.), sont des comportements enchâssés dans un schéma global de gestion des services collectifs et publics. Ils ne sont pas non plus des pratiques marginales, comme le sont les pratiques criminelles, ou les conduites pathologiques, mais plutôt de comportements normaux, organisés, structurés. Les organisations sociales sont des systèmes dans lesquels les règles formelles et les normes informelles tout à la fois s'imposent aux acteurs et permettent de faire fonctionner les institutions (De Sardan 2008).

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld