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Quels sont les enjeux pour la promotion de la toponymie littorale comme patrimoine culturel littoral ?

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par Janig LE BOURVELLEC
Universite Bretagne-Sud - Master Politiques patrimoniales, développement culturel et territoires 2017
  

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II.1.1 Oralité et toponymie

La toponymie touche à plusieurs patrimoines : les patrimoines culturels matériel comme immatériel. L'Unesco73 a défini le patrimoine culturel immatériel74 tel que devant faire partie d'un groupe culturel : il doit, ainsi, être enraciné et transmis de génération en génération. Les métiers se transmettant d'une génération à une autre, issue de la même famille, ne sont plus une norme ; par exemple, un boulanger ne tient plus son métier de son père mais, bien souvent, d'un centre de formation75. Il en va de même pour la toponymie littorale qui n'est plus transmise d'une génération de pêcheur à une autre, sauf dans les cas où la génération suivante s'intéresse au passé de la génération qui l'a précédée, comme dans la famille Carriou76.

L'oralité est donc une caractéristique de la toponymie littorale. Les noms n'étaient pas faits pour la connaissance des non-initiés, mais seulement pour une transmission entre gens de mer, les initiés77. De plus, la langue bretonne a connu bien des déboires, tant dans la francisation des noms que dans l'abandon de la langue au profit de la langue française. Les Bretons, bien qu'éduqués à l'école de la République, comprenaient et parlaient bien français, même s'ils préféraient parler breton entre eux. Leur parler sera interdit mais subsistera dans la construction de leurs phrases en français78.

« La langue bretonne fait nettement sentir son influence sur les expressions maritimes, sa forte syntaxe s'étant imposée à maintes reprises dans des expressions comme : attrape à courir, j'ai accosté en retour, il a

73 Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (en anglais United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization)

74 Définition sur le site de l'Unesco, https://ich.unesco.org/fr/qu-est-ce-que-le-patrimoine-culturel-immateriel-00003, dernière consultation le 5 septembre 2017

75 Observation faite en 2017 dans un centre de formation en Centre-Bretagne, au lycée professionnel Saint-Michel, sous la responsabilité de la Fondation des Apprentis d'Auteuil, à Priziac, où les boulangers issus, ou non de famille de boulangers, sont sélectionnés sur dossier de candidature. Le lycée professionnel maritime et aquacole d'Étel ne fournissant pas ce type d'information, l'auteure du mémoire a porté sa réflexion sur un autre corps de métier, lui aussi réputé pour ses traditions.

76 CARRIOU, Jean-Jacques. Op. cit.

77 RIOU, Yann. Op. cit.

78 Bretons, Les bretons en 14-18, la guerre qui a changé la Bretagne, hors-série n°18, Ouest-France, décembre 2013

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embarqué ensemble que moi. »79 Et Pierre Sizaire d'ajouter d'autres expressions tel que « Marche avec » et « Croche dedans » toujours audible chez les Bretons au XXIe siècle.

« Le marin breton utilisait, quand il se trouvait «au pays», un singulier mélange de termes maritimes et d'expressions bretonnes transposées tant bien que mal en langue française, curieuse façon de s'exprimer qui s'était répandue à la fin du siècle dernier sur une grande partie du littoral de la Bretagne, mais qui ne s'étendait pas à l'intérieur des terres, l'intérieur des terres commençant d'ailleurs aussitôt qu'on ne voit plus la mer »80

Nombreux sont les marins à apprendre le français dans la Marine avec pour premiers termes ceux des commandements et le nom des manoeuvres. Pierre Sizaire donne pour exemple des expressions employées comme «un coup de vent de bout'» pour signifier qu'il y a eu un «contre-temps» ou une «adversité».

Les civilisations qui n'ont pas laissé de textes ont laissé parfois des traces dans la toponymie. Yann Riou, ethnologue81, précise que «des macrotoponymes peuvent également être atteints de polymorphie toponymique. La pointe de Corsen, par exemple, à Plouarzel, la plus occidentale du continent en Finistère, est généralement appelée Beg Korzenn. Les riverains la nomment Beg ar Chach (la pointe des chiens), au Conquet on parle de Beg Paol (la pointe de saint Paul ; les Bretons ont une proximité avec leurs saints qui les dispensent généralement de préciser le terme sant devant le prénom) et les pêcheurs portsallais, quant à eux, utilisent plusieurs formes : ar Beg Pell (la pointe lointaine), ar Beg Braz (la grande pointe) ou encore ar Beg Du (la pointe noire)...[...]»

Quant à Jean-Yves Le Moing82, il note « (qu') un rapprochement étonnant est celui que permet l'analyse par Auguste Longnon du nom du Roussillon83, analyse que reprend Auguste Vincent84 : à partir du prototype

79 SIZAIRE., Pierre. Op. cit.

80 SIZAIRE, Pierre. Op. cit.

81 Yann RIOU est ethnologue et professeur à l'ISEN Brest. Opus cité. p.79

82 LE MOING, Jean-Yves. Op. cit.

83 Auguste Honoré Longnon (1844-1911), membre de l'Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres, est un archiviste et historien français autodidacte. Il était spécialiste de la Gaule romaine.

84Auguste VINCENT (1879-1962) docteur en philosophie, devenu conservateur de la Bibliothèque royale de Belgique, a en parallèle de sa carrière, enseigné la toponymie française et belge.

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Ruscino, la racine Ros, Rus que l'on retrouve en arabe et en hébreu dans le sens de «cap» ou «promontoire» est similaire au breton Ros, avec quasiment le même sens («tertre, hauteur, promontoire»). » Selon Jean-Yves Le Moing, les connaissances linguistiques statuent sur une hypothèse de rencontres linguistiques fortuites, aussi surprenant que cela puisse paraître.

Le langage maritime est un vaste répertoire de dictons, d'expressions francisées, de chansons et de légendes. Le patrimoine immatériel ne saurait être évoqué sans Théodore Hersart de la Villemarqué, Loeiz Herrieu, ou encore Anatole Le Braz, qui ont contribué à sa reconnaissance, en collectant divers chants et chansons populaire de Basse Bretagne, qui comprend quatre pays ; le Léonard, le Trégorois, le Cornouaillais et le Vannetais.

Anatole Le Braz, dans la Légende de La Mort, mettra en lumière une population aux superstitions et aux croyances nombreuses avec en toile de fond le personnage désormais célèbre de La Mort, prénommé L'Ankou, tandis que Théodore Hersart de la Villemarqué, parmi d'autres folkloristes du XIXe siècle, mettra en avant les chants populaires, les contes et légendes85. Loeiz Herrieu se démaque des collecteurs, puisqu'il faisait partie des personnes qui défendaient le breton contre le français. Le breton était, pour lui, une vraie langue avec sa syntaxe, son orthographe, sa beauté en somme. Loeiz Herrieu n'aura de cesse de vouloir se distinguer vis-à-vis des autres écrivains de son temps, en écrivant directement en breton alors que d'autres s'exprimaient en français en étant de langue maternelle bretonne.86 Dans ses Contes avant Noël87, Loeiz Herrieu, donne des toponymes de Guidel, comme dans le conte Minourez Boderù, donnant ainsi une consistance réelle à ses histoires, en plus de détails servant à l'imagination du lecteur : en effet, il précise que le bâti possède des sortes de gargouilles qui ornent les côtés, et malgré la demeure, il faut se le dire, « ce n'est pas un château, c'est un manoir 88». Pour comprendre, le lecteur, en 2017, doit alors faire preuve de patience et se plonger dans l'histoire de la commune de Guidel. A partir de 1675, le lieu que Loeiz Herrieu

85 BREKILIEN, Yann, La vie quotidienne des Paysans en Bretagne au XIXe siècle, Hachette, Paris, 1966

86 CARRE, Daniel, conférence-lecture tenue le 11 mars 2017, à Auray, sur la thèse consacrée à l'analyse de la correspondance de guerre de Loeiz Herrieu avec son épouse Louise Le Meliner, Et nos abeilles ?...

87 HERRIEU, Loeiz, de hortoz kreisnoz, sous titré Filajad En Nédeleg, En Oriant Molladenneu « DIHUN AMB », 1942

88 HERRIEU, Loeiz. Op. cit.

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décrit en détail passe de propriétaire en propriétaire. Un manoir, d'une belle facture, a bien existé au Talhouët, remplacé par un château89, mais le nom de Boderù n'est pas connu comme toponyme.90 Deux hypothèses peuvent être formulées : soit Loeiz Herrieu, malgré l'effort qu'il a mis à décrire le nom du propriétaire de l'époque, Le Digoadec et la bâtisse, a inventé ce toponyme ; soit il pouvait aussi s'agir d'un surnom donné à l'endroit, Bod-E-Ruz, se traduisant « la demeure rouge », ou encore un mélange des noms avec un patronyme approchant, comme Jehan Le Cameru91, voire Boderiou92.

La toponymie littorale a perdu en partie son utilité et son usage. Heureusement, certains noms ont pu perdurer par les efforts des marins actuels, qu'ils soient dans la marine marchande ou militaire, voire plaisanciers. Certains bénévoles de la SNSM (Société Nationale de Sauvetage en Mer), de la station d'Étel, disent connaître les noms sur le littoral. Ils emploient volontiers les noms des récifs pour situer au plus juste leur exercice de sauvetage93. Toutefois, un plaisancier, même s'il obtient le permis côtier, ne connaît pas les noms des balises.94

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery