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L'organisation internationale de la francophonie et la démocratie en Afrique noire francophone.


par Abdou-Ramane MAMA
Université d'Abomey-Calavi (UAC) - Master 2 Droit international et organisations internationales 0000
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITÉ D'ABOMEY-CALAVI (UAC)

    *******

    ÉCOLE DOCTORALE DE SCIENCE JURIDIQUE POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE (ED-SJPA)

    ********

    MASTER RECHERCHE « DROIT INTERNATIONAL ET ORGANISATIONS INTERNATIONALES »

    SUJET

    L'ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA
    FRANCOPHONIE ET LA DEMOCRATIE EN
    AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE

    Réalisé par : Sous la direction de :

    MAMA Abdou-Ramane Frédéric Joël AÏVO

    Agrégé des Facultés de Droit

    Professeur Titulaire de Droit Public (Université d'Abomey-Calavi)

    Membres du Jury :

    Président : Frédéric Joël AÏVO

    Membres : Ahmzat GOUNOU KORA

    Pierre TOGBE

    Soutenu, le 06/12/2019

    DEDICACE

    A mes géniteurs MAMA Ibrahim et OLAYE Falilatou, deux héros dans l'ombre.

    A mon tuteur OLOU Gilbert, un éducateur moderne et très engagé.

    REMERCIEMENTS

    II

    Cette oeuvre procède de la conjugaison de plusieurs efforts et soutiens à géométrie variable qui m'ont été concédés. Je tiens par conséquent à adresser mes profonds remerciements à l'endroit du Professeur Frédéric Joël AÏVO qui, en dépit de ses multiples occupations a accepté de diriger ce travail de recherche et a trouvé du temps pour m'écouter et me guider. Recevez cher Professeur l'expression de ma profonde gratitude. Je tiens aussi à remercier :

    i' le Docteur GOUNOU KORA Ahmzat pour avoir contribué à perfectionner ce travail à travers ses conseils et expériences mais aussi sa rigueur scientifique;

    i' le Docteur SUANON Fidèle pour avoir contribué à ma formation ;

    i' Monsieur BINDA Oualoufeye Razack pour avoir généreusement mis en ma disposition son expérience;

    i' Monsieur BIAOU Gilbert et son épouse pour tous leurs conseils constructifs; i' mes collègues de l'Ecole Internationale UFUK-BENIN; i' mes frères et soeurs pour leur amour et soutien combien grands;

    i' les enseignants qui m'ont formé et toute l'instance dirigeante du Centre de Droit constitutionnel ainsi que de la coordination du Master en commençant par ses principaux responsables;

    i' tous mes camarades de promotion.

    SIGLES ET ABREVIATIONS

    III

    ACCT : Agence de Coopération Culturelle et Technique

    AFDI : Annuaire Français de Droit International

    APF : Assemblée Parlementaire de la Francophonie

    CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

    CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale

    CEI : Commission Electorale Indépendante

    CENI : Commission Electorale Nationale Indépendante

    CMF : Conférence Ministérielle de la Francophonie

    CENCO : Conférence Episcopale du Congo

    CPF : Conseil Permanent de la Francophonie

    CPI : Cour Pénale Internationale

    DDHDP : Délégation aux Droits de l'Homme à la Démocratie et à la Paix

    DOMP : Département des Opérations de Maintien de la Paix

    EIFORCES : Ecole Internationale des Forces de Sécurité

    FMU : Fonds Multilatéral Unique

    FPI : Front Populaire Ivoirien

    GIC : Groupe International de contact

    OI : Organisation Internationale

    ONG : Organisation Non Gouvernementale

    ONU Organisation des Nations Unies

    ONUCI : Organisation des Nations Unies en Côte d'Ivoire

    OSCE : Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe

    OUA : Organisation de l'Unité Africaine

    RCA : République Centrafricaine

    iv

    RDC : République Démocratique du Congo

    RESOP : Réseau de Recherche sur les opérations de Paix

    RSS : : Réforme des Systèmes de Sécurité

    SADC : South African Development Community

    SG/OIF : Secrétaire Général de l'Organisation Internationale de la Francophonie

    SG/ONU : Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies

    UA : Union Africaine

    UE : Union Européenne

    SOMMAIRE

    V

    INTRODUCTION

     

    1

    PREMIERE PARTIE : UN ACCOMPAGNEMENT AVERE

    11

    CHAPITRE I : LES BASES DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE

    12

    Section I : Une incitation au plan universel

    13

    Section 2 : La conception d'un dispositif institutionnel en matière de démocratie

    28

    CHAPITRE II : L'EFFECTIVITE DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE

    40

    Section 1 : Une mise en oeuvre dynamique des engagements démocratiques

    40

    Section 2 : Un maintien effectif de la stabilité démocratique.

    55

    DEUXIEME PARTIE : UN ACCOMPAGNEMENT PERFECTIBLE

    72

    CHAPITRE I : DES DIFFICULTES A UN DOUBLE NIVEAU

    73

    Section 1 : Les difficultés intrinsèques à l'espace noir francophone

    73

    Section 2 : Les difficultés intrinsèques à l'OIF

    86

    CHAPITRE II : DES PERSPECTIVES A UNE MEILLEURE IMPLICATION

     

    DEMOCRATIQUE

    96

    Section 1 : Les réformes à soutenir au niveau des Etats

    96

    Section 2 : Les réformes à impulser au sein de l'OIF.

    114

    CONCLUSION GENERALE

    130

    BIBLIOGRAPHIE

    133

    ANNEXE

    ....143

    TABLE DES MATIERES

    145

    INTRODUCTION

    1

    Il y a plus de vingt ans, la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc soviétique ont permis « la vague de démocratisation »1 qui a soufflé sur le continent africain et le reste du monde2.

    L'analyse de ces phénomènes politiques démocratiques sur le continent africain laisse perplexe plusieurs observateurs politiques aujourd'hui. La complexité du processus démocratique africain conduit certains analystes politiques à tirer un bilan mitigé des différentes transitions démocratiques enclenchées depuis plus de deux décennies.

    L'examen minutieux du niveau démocratique de certains Etats africains francophones peut conclure à un bilan nuancé en ce sens que le système de gouvernement actuel qu'on retrouve dans plusieurs Etats africains se présume comme une variante partagée entre un système démocratique et une restauration autoritaire voire autocratique du pouvoir. Et pour preuve, « dans de nombreux pays, les dirigeants tentent de s'accrocher au pouvoir par la manipulation des règles du jeu démocratique au mépris des règles de convergences constitutionnelles édictées par la communauté africaine et francophone »3.

    Or, «pour une partie de la doctrine, la limitation du nombre de mandat présidentiel pouvait à juste titre être considérée comme la pierre angulaire du néo constitutionnalisme africain »4. Finalement, la remarque générale est le recul du nouveau constitutionnalisme africain des années 90 qui fait de l'alternance au pouvoir le fleuron de la gouvernance démocratique. Les exemples sont d'ailleurs innombrables dans ce domaine5.

    1 HUNTINGTON Samuel, The third wave: Democratization in the late twentieth century, Norman, University of Oklahoma Press, 1991. Par « vague de démocratisation », l'auteur entend le passage à la démocratie d'un certain nombre de régimes non démocratiques dont le nombre est supérieur à ceux ayant opéré la transition inverse. Voir p.12-24.

    2 Il s'agit du phénomène de démocratisation de certains pays de l'Europe de l'est et du Centre de même que de nombreux pays de l'Amérique du Sud. L'Afrique, plus précisément le Maghreb longtemps réfractaire à la démocratisation, subi ces dernières années notamment à partir de 2011 de profonds changements politiques dus au printemps arabe et notamment dans les pays comme la Lybie, le Maroc et la Tunisie ou l'Egypte.

    2

    3 Rapport du centre pour la gouvernance démocratique Burkina Faso, « Constitutionnalisme et révisions constitutionnelles en Afrique de l'Ouest : le cas du Benin, du Burkina Faso et du Sénégal », 2009, www.cgdigdcontitutionnalisme120 et Révisi. p.4.

    4 ATANGANA Amougou Jean Louis, « les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain », Politeia, n°7, Printemps 2007, www.afrilex.u-bordeau4.fr, p.19.

    5Au Niger, malgré la mobilisation de l'opposition et de la société civile en 2009, le Président Mamadou Tandja, s'est entêté à procéder à la révision de la constitution du 10 octobre 1999 en vue d'un troisième mandat au terme de son deuxième et dernier mandat. Ce dernier va plus loin en dissolvant l'Assemblée Nationale mais aussi la Cour constitutionnelle qui elle, s'opposait

    Au demeurant, l'Afrique reste le continent de l'urgence en matière de pratique démocratique.

    Face à une telle situation alarmante, les appels à l'ordre ne manquent pas. Les organisations non gouvernementales jouent et continuent par jouer un rôle important dans le rétablissement démocratique en dénonçant les abus6 et en appelant au respect des principes démocratiques et des Droits de l'Homme. Toutefois leurs efforts restent très précaires car ils ne consistent qu'en des dénonciations qui n'offrent évidemment aucune garantie de résultat probant.

    « Dans le même temps et à la périphérie au coeur des conflits qui hantent l'Afrique noire francophone, une pluralité d'acteurs régionaux et internationaux se mobilisent pour des tentatives de sortie de crise et oeuvrent pour l'affirmation des valeurs démocratiques »7. Ce qui est regrettable cependant, c'est la relative contribution de ces acteurs aussi à l'enracinement démocratique dans les Etats africains. L'Union Africaine8 qui est une organisation panafricaine est loin de combler les attentes dans ce domaine9. Mise en cause pour son immobilisme dans le domaine des Droits de l'Homme, elle est également critiquée pour son incapacité et par sa faible réussite dans le règlement des conflits.

    farouchement à son projet de référendum en vue de l'approbation de la révision. Au Burkina Faso, pendant vingt-sept ans, le pays des hommes intègres n'a pas connu d'élections fiables ; le pouvoir d'Etat ayant été liquidé sous le régime de Compaoré avec le seul objectif de faire obstacle à l'alternance au pouvoir. Denis Sassou N'guesso, Président du Congo Brazzaville totalise à lui seul plus de trente ans de pouvoir sans partage et Joseph Kabila au pouvoir depuis janvier 2001, est resté au pouvoir pendant 18 ans. Une situation similaire est vécue aussi au Burundi avec la prétention d'un pouvoir providentiel clamé par le Président Joseph Nkurunziza. Au pouvoir depuis 2005, l'homme fort du Burundi est en train d'accomplir trois mandats présidentiels à la tête du pays alors que la Constitution burundaise adoptée en 2005 limite le nombre de mandat à deux. Ce dernier réussit ensuite à engager une révision constitutionnelle le 17 mai 2018; révision qui lui permettrait de rester au pouvoir jusqu'en 2034.

    6 Nous avons par exemple : Human Rights Watch, Amnesty International, La Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO) créée à Dakar le 21 avril 1990.etc.

    7 HUGON Philipe, « Conflits armés, insécurité et trappes à pauvreté en Afrique », Afrique contemporaine : Afrique et développement, n° 218, Bruxelles, éd. De Boeck, 2006, p. 33.

    8 L'Union Africaine (UA) est une organisation d'États africains créée en 2002, à Durban en Afrique du Sud, en application de la déclaration de Syrte du 9 septembre 1999. Elle a remplacé l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) créée en 1963 par 32 Etats à Addis-Abeba en Ethiopie. La mise en place des institutions de l'UA (Commission, Parlement panafricain et Conseil de paix et de sécurité) a eu lieu en juillet 2003 au sommet de Maputo au Mozambique. Son premier président a été le Sud-Africain Thabo Mbeki, précédemment président de l'OUA. Ses buts sont d'oeuvrer à la promotion de la démocratie, des droits de l'Homme et du développement à travers l'Afrique, surtout par l'augmentation des investissements extérieurs par l'intermédiaire du programme du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD). Ce programme considère que la paix et la démocratie sont des préalables indispensables au développement durable. L'UA compte actuellement 55 Etats membres soit la totalité des Etats africains après la réintégration du Maroc le 30 janvier 2017.

    3

    9La Charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance, texte fondamental de promotion de la démocratie dans le cadre de l'UA adoptée en 2007 a du mal à être appliquée dans l'ensemble des Etats membres.

    L'Organisation des Nations Unies n'est pas non plus exempte de défauts. En dépit des efforts louables accomplis, il faut reconnaitre que ses actions restent encore laconiques dans le domaine de la promotion de la démocratie en Afrique.

    Pour pallier les carences ci-dessus évoquées, d'autres organisations viennent en rescousse à la diplomatie africaine et onusienne avec bien évidemment des exploits divers.

    Au nombre de ces organisations, on retiendra fondamentalement l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) ; organisation à l'origine géolinguistique, mais, qui est aujourd'hui un acteur cardinal dans la promotion des régimes démocratiques en Afrique. Cela renforce davantage le débat sur son rôle dans le processus de démocratisation des Etats africains. Cette préoccupation justifie la formulation de cette étude qui s'intitule : « l'Organisation Internationale de la Francophonie et la démocratie en Afrique noire francophone ». A une époque où l'on assiste à un passage de l'équivalence des régimes politiques à la légitimité exclusive de la démocratie libérale, il convient de passer au scanner les démocraties africaines après une vingtaine d'années d'expérience afin d'en tirer quelques enseignements. Plus précisément, il s'agit d'identifier les efforts accomplis par les partenaires internationaux notamment l'OIF dans le renforcement de la démocratie en Afrique noire francophone.

    Avant tout développement sur ce sujet, éclaircissons certaines terminologies dont les sens nous paraissent déterminants pour la suite de notre développement.

    Tout d'abord, d'une façon générale, la Francophonie désigne les pays ayant en partage la langue française.

    En effet, c'est au géographe français, Onésime Reclus 10 que l'on attribue de manière constante la paternité de la notion de « Francophonie ». En 1880, il employa ce mot de manière inédite pour désigner la communauté linguistique que la France formait alors avec ses colonies11. La langue française se donnait ainsi déjà comme un outil

    10 RECLUS Onésime, France, Algérie et Colonies, Paris, Hachette, 1880, p .820.

    4

    11 Pour aller plus loin sur les origines de la Francophonie, voir DENIAUX Xavier, la Francophonie, Paris, PUF, 1983, pp 9- 11; HAGEGE Claude, Le français et les siècles, Paris , Odile Jacobs, 1987, pp.209-210.

    de solidarité et d'échange, un facteur de rassemblement culturel. En 1962, Léopold Sédar Senghor, profondément attaché à la richesse du métissage culturel, rafraîchit ce néologisme pour y voir un« humanisme intégral qui se tisse autour de la terre »12. L'idée sous-jacente d'une communauté composite et solidaire, rassemblée autour de la langue française mit donc environ un siècle pour se concrétiser. Né de la volonté de regrouper les Etats africains désireux, au lendemain des indépendances, de poursuivre avec la France des relations culturelles et linguistiques, le projet francophone fut initié par trois chefs d'Etat africains, Léopold Sédar Senghor du Sénégal, Habib Bourguiba de la Tunisie et Hamani Diori du Niger, soutenus par le Prince Norodom Sihanouk du Royaume du Cambodge. Le 20 mars 1970, vingt-et-un chefs d'Etat et de gouvernement signèrent à Niamey, la Convention portant création de l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT)13. Construite autour du partage de la langue française, cette première organisation intergouvernementale francophone était chargée de promouvoir et de diffuser les cultures de ses Etats membres, tout en intensifiant la coopération culturelle et technique entre eux.

    Mais très rapidement, l'ambition de la Francophonie s'est étoffée. Ainsi que le faisait remarquer fort justement Abdou Diouf en 2007, « tandis que la physionomie du monde changeait, la Francophonie changeait aussi, décidée à être un acteur à part entière sur la scène internationale, décidée à promouvoir un véritable projet de société à l'échelle du monde, décidée à faire valoir une alternative aux menaces potentielles ou avérées qui assombrissent l'horizon planétaire »14. Au-delà de la promotion de la langue française, cet « outil précieux trouvé dans les décombres du régime colonial»15, pour reprendre les mots de Senghor, la Francophonie a donc progressivement revêtu une dimension politique, perceptible tant dans l'élargissement de ses objectifs que dans la réorganisation de son appareil institutionnel. En 1997, afin de donner à leur

    5

    12 SENGHOR Léopold Sédar, « Le français, langue de culture », Esprit, n°311, novembre 1962, p.844.

    13 ACCT, Convention relative à l'origine de la coopération culturelle et technique, Niamey, 20 mars 1970. Disponible en ligne sur : http:// www.francophonie.org/ IMG/ PDF/acct-textes-fondamentaux- 1970- convention et -charte-3-pdf.

    14 DIOUF Abdou, Extrait du discours prononcé lors du colloque de l'Académie des Sciences d'outre-mer sur : « francophonie : enjeux et perspectives après le Sommet de Bucarest», Paris, 10 mai 2007. En ligne sur : http : // www. francophonie.org/ discours-d-M-Abdou-Diouf-Paris-le-28054.html.

    15 SENGHOR Léopold Sédar, « Le français, langue de culture », article précité, p.844.

    organisation sa pleine envergure politique, les chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage ont créé un poste de Secrétaire Général16et transformé l'ACCT en Agence Internationale de la Francophonie (AIF).

    Huit ans plus tard, la nouvelle Charte adoptée à Antananarivo le 23 novembre 2005 parachevait la réforme institutionnelle en créant, à proprement parler, l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF)17. D'abord construite autour d'une langue, la Francophonie s'est ensuite organisée autour d'un dessein culturel commun, avant de revendiquer désormais une ambition politique18. Elle s'est peu à peu structurée pour devenir une véritable organisation, dotée d'une personnalité juridique internationale19. Le contexte mondial et le développement de la démocratie dans tous les pays exigeaient que la Francophonie revêtît une dimension politique. Désormais, au-delà de la simple promotion de la langue française et de la diversité culturelle, l'avenir de la Francophonie dépend, ainsi que l'observait le Professeur Jean Du Bois de Gaudusson, « pour une très large part, de l'aptitude de ses promoteurs à relever des défis qui sont d'abord d'ordre juridique »20. C'est, consciente de cette réalité, que la communauté francophone s'est progressivement appropriée les défis de l'ancrage de la démocratie et de la consolidation de l'Etat de droit.

    Aux fins de la présente étude, la Francophonie doit donc être entendue comme une organisation internationale qui, au-delà de son objet initial de promotion de la langue française et de la diversité culturelle, s'emploie depuis plusieurs années à consolider l'Etat de droit, à appuyer les processus de démocratisation et à renforcer la protection des droits et les libertés fondamentaux.

    6

    16 Depuis 1997, le Secrétaire Général de la Francophonie est conçu comme la clé de voûte du système institutionnel francophone. Il incarne la Francophonie multilatérale et conduit l'action politique de la Francophonie. Article 6, 7 et 8 de la Charte.

    17 Article 9 de la Charte de la francophonie.

    18 MASSART-PIERRARD Françoise, « la Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale », Revue Internationale de politique Comparée, vol.14, De Boeck université, 2007, pp 69- 93 ; DEREUMEAUX Réné-Maurice, l'organisation Internationale de la Francophonie : l'institution internationale du XXIe siècle, Paris, l'Har mattan, 2008.

    19 Par la nature de son acte constitutif, son statut juridique et ses modalités de fonctionnement, la Francophonie présente dans la forme, tous les caractères d'une Organisation Internationale. Sur la question des critères distinctifs des OI; voir NGUYEN Quoc Dinh, FORTEAU Mathias, DALLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, 8e éd, Paris, LDGJ, 2009, pp.643 et ss. Voir aussi AÏVO Frédéric Joël, « La question de la personnalité juridique internationale des associations d'Etats », Revue de la recherche juridique droit prospectif, vol.4, n° 134, 2010.

    20 DU BOIS DE GAUDUSSON Jean, Les origines juridiques pour la Francophonie, in DECAUX Emmanuel (dir.), Justice et droits d'expression et d'inspiration françaises ( IDEF), Paris, IDEF, 2003, p.65.

    La présente étude ne vise pas à faire une étude inclusive et polymorphe sur tous les Etats membres de la Francophone. Elle se limitera spécifiquement aux Etats d'Afrique noire francophone membres de l'organisation. C'est la rencontre de tous ces Etats d'Afrique noire autour de l'OIF qui permet de dessiner les contours de ce que l'on appellera tout au long de cette étude, l'espace noir francophone.

    Etymologiquement, le mot « démocratie » vient du grec « dèmokratia » qui signifie gouvernement populaire. Le préfixe « dèmos » signifie peuple et le suffixe « Kratein » veut dire loi, règlement, gouvernement21.

    Notons qu'il existe plusieurs définitions de la démocratie, mot qui demeure au centre des discours politiques de notre siècle.

    Pour bon nombre de théoriciens, la démocratie est un régime de gouvernement dans lequel tous les citoyens participent réellement à l'exercice du pouvoir en élisant librement leurs activités culturelles, professionnelles, religieuses ou autres dans les limites du bien commun et en jouissant tous librement de leurs droits22.

    Pour Abraham Lincoln, la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple23.

    Pour Maurice Duverger, la démocratie suppose que les luttes des classes (et aussi de race, de nationalité, etc. Mais celles - ci sont moins importantes et moins générales) ne dépassent pas un certain degré, soit parce que l'inégalité et l'oppression matérielle ne sont pas trop grandes, soit parce que la conscience de cette inégalité et de cette oppression reste faible et que les opprimés n'ont pas encore les moyens de se battre.24

    Il en résulte que la démocratie est un mot qui a plusieurs significations, selon le milieu, l'idéologie, le but... Cette multiplicité de définitions ne constitue pas une aberration pour la science politique mais elle est plutôt perçue comme inhérente à la notion même de la démocratie.

    21 NOAH Webster, Webster's new twentieth century dictionary, the world publishing company, Cleveland and New York, 1974, p.483.

    22 Le Petit Dictionnaire de la Démocratie, Presse Ujumbura, Bukavu, n°194, 1960, p.12.

    23 CAPITANT René, Démocratie et participation politique, éd. Bordes. Col Etudes politiques, Paris, 1972, p.2.

    7

    24 DUVERGER Maurice, La démocratie sans le peuple, éd. Du seuil, Paris, 1967.

    En définitive, la démocratie demeure le mode de gestion du pouvoir dans lequel le peuple est la seule source de souveraineté, de décisions, d'orientation et de contrôle de toute la société. C'est-à-dire que le peuple est la seule et l'unique source de légitimité du pouvoir. En d'autres termes, la démocratie est la forme du gouvernement dans lequel le peuple est souverain et jouit de ses droits et libertés fondamentaux. Elle inclut donc un large spectre de fondamentaux et de valeurs.

    A cet effet, Béchir Ben Yahmed, en bon observateur de l'actualité internationale, souligne fort opportunément que : « le pluralisme des partis et des candidatures lors d'une élection ne suffit pas, tant s'en faut, même si les scrutins se passent sans fraude criante et sans que leurs résultats soient sérieusement contestés. Il n'y a pas de démocratie sans justice indépendante, intègre et respectée, ainsi que tous ses auxiliaires. Il n'y a pas de démocratie sans le contre-pouvoir d'une presse elle aussi indépendante. Cela, c'est le fondement mais il n'y a pas non plus de démocratie au sens plein du terme lorsqu'il y a trop de prisonniers politiques au sort obscur et incertain, ou lorsque la liberté de circuler est arbitrairement contrôlée, ou bien encore l'éducation et la santé ne sont pas dispensées à un niveau décent. Contrairement à l'eau qui, pourvu qu'on la distille, peut être absolument pure, la démocratie n'est jamais absolue ni parfaite. La dictature non plus, d'ailleurs. »25

    Ajoutons enfin qu'à travers l'histoire26, il faut remarquer que la démocratie a pris plusieurs formes. Ainsi, l'on a pu distinguer la démocratie indirecte ou représentative de la démocratie directe.

    Ces précisions théoriques faites sur le contenu des notions de démocratie et de Francophonie, l'on peut à présent les croiser pour saisir concrètement l'objet de

    25 BECHIR Ben Yahmed, « La panne démocratique », dans Ce que je crois, Paris, Jeune Afrique, 1998, p.63. BECHIR Ben Yahmed est le fondateur de l'hebdomadaire panafricain Jeune Afrique en octobre 1960 à Tunis.

    8

    26 La démocratie indirecte désigne un système démocratique dans lequel les citoyens élisent des représentants chargés d'établir en leur nom des lois (pouvoir législatif) et de les exécuter (pouvoir exécutif). Il y a délégation de prise de décision à des assemblées de représentants (de niveau national, régional ou local) et à un gouvernement. Les représentants doivent défendre et appliquer les programmes sur la base desquels ils ont été choisis. Dans une démocratie indirecte, le peuple détient une souveraineté de principe. Il n'exerce ses pouvoirs que de manière épisodique, lors des élections ou des référendums. Quant à la démocratie directe, elle convient à la forme la plus ancienne d'organisation ou le peuple exerce directement le pouvoir politique.

    9

    notre étude. Il s'agira alors d'identifier et de questionner les voies par lesquelles la Francophonie oeuvre pour l'éclosion de la démocratie en Afrique noire francophone.

    En effet, dans la lettre du titre 1 de sa Charte rénovée de 2005, la Francophonie a pour objectif d'aider à l'instauration et au développement de la démocratie, à la prévention, à la gestion et au règlement des conflits, et au soutien de l'Etat de droit et aux droits de l'Homme; à l'intensification du dialogue des cultures et des civilisations, au rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle, au renforcement de leur solidarité par des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser l'essor de leurs économies, à la promotion de l'éducation et de la formation. La déclaration de Bamako dans son chapitre 3 affirme que pour la Francophonie, démocratie et développement sont indissociables. Ainsi, l'on ne saurait prétendre atteindre à un véritable développement sans l'instauration d'une vraie démocratie favorisant le respect des droits de l'Homme et des libertés publiques. La démocratie permet dans ce sens de centrer l'Homme au coeur du développement. C'est pourquoi aborder la question de l'accompagnement démocratique de la Francophonie dans les Etats d'Afrique noire francophone est très pertinent.

    Dès lors, la principale interrogation qui nous semble opportun de soulever est la suivante : quelle est la contribution réelle ou la valeur ajoutée de l'OIF dans le renforcement de la démocratie dans les États d'Afrique noire Francophone ? Cette question principale nous amène à poser d'autres questions sous-jacentes : quelle est la nature des actions menées par l'OIF ? Quels sont les instruments juridiques qui la fondent à s'investir dans ce domaine ? Comment oeuvre-t-elle pour la promotion de la démocratie en Afrique ? Quel est l'état des lieux de ses actions et quelle en est l'efficacité ?

    Une première analyse nous permet déjà de dire que l'OIF est très active dans l'accompagnement démocratique des Etats, notamment ceux d'Afrique noire francophone. Elle disposerait d'instruments juridiques propres à régir son action politique. Les mécanismes originaux qu'elle met en oeuvre permettraient de maintenir les Etats dans un état de stabilité démocratique optimale.

    10

    L'intérêt du sujet ci-dessus réside dans le fait qu'il permet de contribuer à la réflexion dans le cadre d'une recherche fondamentale sur les questions des pratiques démocratiques ainsi que les techniques mises en oeuvre par la Francophonie pour leur renforcement dans les Etats africains. Ceci dans l'optique d'appréhender l'efficacité des actions menées par une telle organisation en vue d'explorer éventuellement d'autres pistes.

    Le présent travail sur l'OIF et la démocratie en Afrique noire Francophone obéira à une délimitation temporelle et spatiale. Sur le plan temporel notre travail partira de l'année 1990 à nos jours ; 1990 étant l'année de la « vague de démocratisation » en Afrique et la période de l'entrée en scène de la Francophonie comme nouvel acteur politique sur l'échiquier international. Sur le plan spatial, l'étude et l'examen des actions de l'OIF en faveur de la démocratie se fera sur la base de quelques interventions faites par l'organisation en Afrique noire francophone. Rappelons qu'un travail plus général a déjà été fait sur cette organisation. Dans ce dernier, l'auteur a abordé la question de l'investissement de l'OIF à faire triompher la démocratie au sein de la communauté francophone mondiale. Dans le cadre de l'étude présente, nous nous attèlerons à faire une étude approfondie sur l'engagement démocratique de l'OIF spécifiquement en Afrique noire francophone. Il ne s'agira pas alors d'explorer toutes ses actions dans l'ensemble du monde francophone.

    Pour mieux traiter ce sujet, nous proposons un travail en deux grandes parties. La première partie intitulée un effort de démocratisation avérée nous permettra de constater que la diplomatie de la francophonie est dynamique et proactive (Partie1). La deuxième partie intitulée un effort de démocratisation perfectible nous permettra de mettre en évidence les limites de la politique démocratique de la Francophonie en Afrique noire francophone. (Partie2)

    UN ACCOMPAGNEMENT AVERE

    PREMIERE PARTIE :

    Selon les dispositions de leur acte constitutif27, les Organisations internationales28 peuvent se voir attribuer des compétences variées. Cependant, de façon générale, on distingue deux grandes compétences exercées par elles : la compétence normative, c'est-à-dire la possibilité de produire des normes, et la compétence opérationnelle, leur permettant d'engager des actions pour la réalisation de leurs objectifs. Au fil des ans, l'OIF a pu mettre en oeuvre ces deux compétences selon des spécificités qui lui sont propres.

    Ainsi, nous traiterons dans cette première partie des bases de l'engagement politique de l'OIF (chapitre I) et dans la seconde partie, de l'effectivité cet engagement politique (chapitre II).

    27 En tant que sujet dérivé du droit international, l'OI n'existe que par un traité. Il est le plus souvent mis en place à l'occasion d'une conférence internationale précédée par des activités préparatoires d'une durée variable et qui sera soumis aux règles du droit des traités. Voir DIEZ VELLAZCO Vallejo, Les organisations internationales, Paris, Economica, 2002, pp. 11 et 25 ; DALLIER Patrick, FORTEAU Mathias et PELLET Alain, Droit international Public, 8é Ed., Paris, L.G.D.J, Lextenso éd., 2009, pp. 644645.

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    28« Une organisation internationale est une association d'Etats créée par traité et dotée d'une constitution et d'organes communs et possédant une personnalité juridique distincte de celle des Etats membres » .Cf. BETTATI Mario, « Création et personnalité des organisations internationales », in R.-J. Dupuy, Manuel sur les organisations internationales, La Haye, Académie de droit international, Kluwer Law International, 1996, p.33. Cité par AÏVO Frédéric Joël, « La question de la personnalité juridique des associations d'Etats », Revue de la Recherche Juridique Droit Prospectif, vol.4, n°134, 2010. p.2.

    LES BASES DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE

    CHAPITRE I :

    L'engagement politique de l'OIF est un processus particulièrement récent. L'étape première de cette démarche doit être dédiée à François Mitterrand qui dès le premier sommet de la Francophonie tenu au Château de Versailles avait perçu l'intérêt de doter l'organisation d'une dimension politique de manière à l'adapter aux mutations actuelles dans le monde. Ainsi à l'issue de ce sommet, les Chefs d'Etat et de Gouvernement déclarent vouloir engager « une concertation permanente sur les grandes questions... et apporter par là une contribution significative à l'instauration d'un nouvel équilibre mondial»29. Mais le rubicond n'aura été franchi qu'avec les sommets de Cotonou en 1995, mais surtout ceux de Hanoi en 1997 et de Beyrouth en 2002. Par ailleurs les bouleversements politiques qu'a connu le monde dans les années 80 ont profondément impacté la politique internationale et incité les organisations internationales ; l'ONU en premier lieu à s'affirmer comme des actrices incitatrices à la gouvernance démocratique dans leurs Etats membres.

    Nous trouvons alors pertinent de nous intéresser d'abord au processus par lequel la démocratie s'est imposée dans le concert des nations (Section I), et ensuite son adoption dans le cadre de l'OIF comme mode privilégié de gouvernance par la mise en place d'une architecture juridico- institutionnelle.(Section II).

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    29 ACCT, acte de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement ayant en commun l'usage du français, Paris, 17-19 février 1986, la documentation française, disponible sur www.francophonie.org/IMG/pdf/actesommeti19021986.pdf, Cité par CHABI Basile, L'organisation internationale de la Francophonie et la résolution des conflits en Afrique noire francophone, mémoire de Master, UAC, 2014, p.14.

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    Section I : Une incitation au plan universel

    Lorsque les fondateurs des Nations Unies ont rédigé la Charte, ils n'y ont pas inclus le mot « démocratie ». Et pour cause, en 1945, de nombreux Etats membres des Nations Unies n'avaient pas adopté la démocratie comme système de gouvernance. D'autres s'en réclamaient, mais ne la mettaient pas en pratique. Les conséquences des deux guerres mondiales avec leur lot de violations des droits humains ainsi que les bouleversements des années 1980 ont amené l'ONU à donner une impulsion particulière à la gouvernance démocratique en lançant un appel vibrant en direction des Etats et des organisations internationales (Paragraphe1). On comprend dès lors que l'OIF ne peut que réformer ses objectifs, elle qui, pendant longtemps, est restée cantonnée à son rôle classique de coopération culturelle et technique (Paragraphe2).

    Paragraphe 1 : Une prise de conscience générale

    Le rôle précurseur de l'ONU dans l'avènement et le développement de la démocratie est indéniable. S'il est vrai que l'invention de cette terminologie et sa conceptualisation remonte à la Grèce antique, son apparition dans la société moderne internationale comme modèle de gouvernance politique accepté dans le concert des Nations est dû d'abord à l'impulsion particulière que lui a accordée l'ONU. Ensuite, l'appel retentissant donné par cette organisation en direction des regroupements régionaux et sous régionaux a été décisif afin que ceux-ci s'engagent à encourager leurs Etats membres à adopter la démocratie comme mode de gouvernance politique. Il convient alors tout d'abord de préciser le rôle précurseur joué par l'ONU dans le développement de la démocratie (A). Ensuite, nous nous pencherons sur les efforts déployés par les organisations régionales en vue de rendre effectif cette nouvelle donne dans la vie politique de leurs Etats membres (B).

    A- Un rôle pionnier des Nations Unies

    L'organisation des Nations Unies est pionnière dans l'engagement des organisations internationales à oeuvrer pour le triomphe de la démocratie comme seul

    modèle de gouvernance respectueux des droits de l'Homme et des libertés. Pourtant, à la lecture de sa Charte30 constitutive, aucune mention n'est faite par rapport à la démocratie.

    En effet, étant donné que la Charte des Nations Unies est un instrument juridique universel dont le but principal se trouve être le « le maintien de la paix et de la sécurité internationale », elle n'a pas pour vocation en réalité à s'intéresser au modèle de gouvernance choisi par les Etats31. Le silence des rédacteurs de la Charte sur la question de la démocratie n'est pas anodin. C'était en effet le seul moyen de ne pas entrer en conflit au plan juridique avec la souveraineté des Etats membres32 . Toutefois, s'il est vrai que le caractère non exprès de la Charte sur la démocratie est clair, l'on ne saurait douter de ce que ses rédacteurs exprimaient le besoin pressant de satisfaire aux aspirations profondes des peuples notamment celles liées aux droits de l'Homme et aux libertés publiques.

    Ainsi, il faut dores et déjà signaler que, bien que la Charte des Nations Unies ne mentionne pas le terme « démocratie », les premiers mots de son préambule, « Nous, peuples des Nations Unies », sont le reflet du principe fondamental de la démocratie, à savoir que la volonté des peuples est la source de la légitimité des Etats souverains et donc de l'ensemble des Nations Unies33. De plus, avec la Charte, les références sont constitutionnelles. Elles rappellent le long combat pour les libertés et la démocratie, la Grande Charte arrachée à Jean-sans-Terre34, les franchises établies au profit des bourgs et

    30 La Charte des Nations encore appelée Charte de San Francisco a été adoptée le 26 juin 1945 à San Francisco aux Etats Unis. Elle est entrée en vigueur le 24 octobre 1945. Cette Charte définit les buts et les principes de l'ONU ainsi que la composition, la mission et les pouvoirs de ses organes exécutifs (le Conseil de Sécurité), délibératifs (l'Assemblée Générale), judiciaires (la Cour Internationale de Justice) et administratifs (le Conseil Economique et Social, le conseil de tutelle et le Secrétariat général). https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Charte_des_Nations_Unies

    31KPOBIE Toa, Action internationale en faveur de la démocratisation du Togo, mémoire de DEA, Université de Lomé, 2012. Voir www.memoireoline.com/10/13/7479/m-Action-internationale-en-faveur-de-la-democratisation-dutogo2.html. Consulté le 28 avril 2018.

    32 L'égalité souveraine des Etats membres est proclamée par la Charte en tant que principe fondamental de l'ONU. Aussi la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats, conformément à la Charte des Nations Unies adoptée par la résolution R/ 2625 XXV de l'Assemblée Générale de l'ONU lors de sa 1883eme séance plénière implique le droit qu'à chaque Etat de choisir librement et développer son système politique, social, économique et culturel.

    33 « La démocratie et les Nations Unies », voir www.un.org > events > pdf.democracy. Consulté le 16/10/17.

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    34 Jean-Sans-Terre fut roi d'Angleterre, seigneur d'Irlande et duc d'Aquilaine de 1119 à sa mort. Son règne à la tête de l'Angleterre a été caractérisé par la violence et une gestion solitaire du pouvoir. Il se considérait comme étant au-dessus des lois. Le 15 juin 1215 les barons réussissent à imposer au roi l'adoption de la grande charte (Magna Carta). L'objectif de la noblesse était d'imposer au roi le respect de la coutume et de ses droits féodaux.

    les citoyens ; la montée de mouvement démocratique qui trouve enfin son expression sur le plan international35.

    De ce point de vue, il faut reconnaitre que la Charte des Nations Unies est le premier instrument international de base de la démocratie dans la mesure où certains principes fondamentaux de la démocratie sont considérés par elle comme condition sine qua non pour la réalisation de certains buts. Ainsi, elle affirme son objectif de développer entre les Nations les relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité du droit des peuples et leur droit à disposer d'eux-mêmes36. De même, le principe de l'autodétermination des peuples qui constitue la racine mère de la démocratie trouve son fondement dans la Charte. Conscients du lien intrinsèque entre la démocratie et les droits de l'Homme, les rédacteurs de la Charte ont proclamé leur foi dans les droits fondamentaux de l'Homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des hommes et des femmes37. Elles s'efforcent par ailleurs de développer et d'encourager le respect de ces droits de l'Homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion38.

    L'enthousiasme que la Charte accorde à la démocratie sera davantage formalisé et développé à travers les Chartes internationales aux droits de l'Homme. Il s'agit d'abord de l'adoption le 10 décembre 1948 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui fixe des principes visant à protéger la dignité humaine. Cette déclaration adoptée par l'Assemblée générale , énonçait clairement le concept de démocratie en déclarant que « La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics» 39 . La Déclaration énonce les droits essentiels à une véritable participation politique. Le rapport du Secrétaire Général des Nations Unies en 2005 énonce à cet effet que « depuis son adoption, elle a inspiré l'élaboration de constitutions à chaque coin du monde, et a

    35 PELLET Alain, COT Jean-Pierre, FORTEAU Mathias, La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Paris, 2e édition, Economica, p.2- 1571.

    36 Voir art 1er paragraphe 2 de la Charte.

    37 Voir le préambule de la Charte.

    38 Voir art 1er paragraphe 3 de la Charte.

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    39 ONU, Assemblée Générale, « Déclaration Universelle des Droits de l'Homme », R/217 (III) A. Paris, 1948, art.2 al 3.

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    grandement contribué à faire enfin accepter la démocratie, partout dans le monde, en tant que valeur et principe universel»40.

    Il s'agit ensuite du Pacte international relatif aux droits civils et politiques41 qui pour sa part pose les fondements juridiques des principes de la démocratie au regard du droit international. Le caractère contraignant de ce texte fait que les Etats qui l'ont adopté sont astreints à le respecter. Grâce à la diplomatie du Secrétaire Général des Nations Unies et l'action des ONG, le nombre des Etats partis à la convention est passé à 168 en juillet 2015 soit 85% des Etats membres des Nations Unies42.

    Dans le but de donner un caractère solennel à la démocratie et au développement, l'ONU a mis en place des institutions chargées d'inciter les Etats à l'adoption des systèmes démocratiques et d'appuyer les processus de démocratisation dans les Etats. Il s'agit du Programme des Nations Unies pour le Développement, du Fonds des Nations Unies pour la Démocratie, du Département des Opérations de Maintien de la Paix, du Haut-commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, de l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes. Chaque année 1,5 milliards de dollars environ est versé par le biais du PNUD pour appuyer les processus démocratiques partout dans le monde43, ce qui fait de l'ONU l'un des principaux fournisseurs de coopération technique pour la démocratie et la gouvernance dans le monde.

    Depuis 1988, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté au moins une résolution par an relative à un aspect de la démocratie 44 . La démocratie est devenue un thème intersectoriel des documents issus des grandes conférences et réunions au sommet des Nations Unies depuis les années 90 et des objectifs de développement internationalement convenus qui en ont émané. Au Sommet mondial de septembre 2005, les Etats membres

    40 Rapport du secrétaire général des Nations Unies, « dans une plus grande liberté », A /59/2005, paragraphe 148.

    41 Le pacte international relatif aux droits civils et politiques a été adopté par l'Assemblée Générale le 16 décembre 1966 dans sa résolution 2200 A (XXI) et est entré en vigueur le 23 mars 1976. Il comprend les droits et libertés qui protègent les particuliers contre les ingérences de l'Etat, comme le droit à la vie, l'interdiction de la torture, de l'esclavage et du travail forcé, le droit à la liberté, etc. Il est complété par deux protocoles : celui du 16 décembre 1966 et celui du 15 décembre 1989 interdisant la peine de mort.

    42 « La démocratie et les Nations Unies », voir www.un.org >events > pdf.democracy. Consulté le 16/10/17.

    43 Ibidem.

    44 Ibidem.

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    ont réaffirmé que « la démocratie est une valeur universelle, qui émane de la volonté librement exprimée des peuples de définir leur propre système politique, économique, social et culturel et qui repose sur leur pleine participation à tous les aspects de leur existence»45.

    Le Document final du Sommet mondial soulignait également que « la démocratie, le développement et le respect de tous les droits de l'homme et libertés fondamentales sont interdépendants et se renforcent mutuellement,»46 et a signalé que «quand bien même les démocraties ont des caractéristiques communes, il n'existe pas de modèle unique de démocratie» 47 . Les Etats membres ont résolu de faciliter un accroissement de la représentation féminine dans les instances gouvernementales de prise de décisions, y compris de leur garantir d'égales opportunités de participer pleinement au processus politique.

    Les dirigeants du monde entier se sont engagés dans la Déclaration du Millénaire à ne ménager aucun effort pour promouvoir la démocratie et renforcer l'état de droit ainsi que le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils ont décidé de lutter en faveur de la protection et de la défense pleine et entière partout dans le monde des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels universels et de renforcer la capacité de tous les pays à mettre en oeuvre les principes et les pratiques de la démocratie et le respect des droits de l'homme48.

    Le désir de l'organisation des Nations Unies de faire de la démocratie un système politique accepté dans le concert des nations a conduit l'Assemblée Générale le 8 novembre 2007 à proclamer le 15 septembre journée internationale de la démocratie et invité les Etats membres, le système des Nations Unies, et les autres organisations régionales, intergouvernementales et non gouvernementales à oeuvrer à son expansion.

    45 ONU, Assemblée Générale des Nations unies, document final du Sommet mondial de 2005, paragraphe 135, 2005, p. 32.

    46 Ibidem, p.32.

    47 Ibidem, p. 32.

    48 Déclaration du Millénaire adoptée par la résolution A/55/2 de l'Assemblée Générale des Nations Unies. Disponible sur www.un.org/french/millénaire/ares552f.htm.

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    C'est donc à dessein que cette impulsion donnée par l'ONU à la démocratie a suscité un écho à la fois régional et sous régional.

    B- Une réaction solennelle des organisations régionales

    L'impulsion donnée à la démocratie par l'ONU a suscité un engouement général de la part des organisations régionales. En effet, ces organisations sont devenues des espaces régionaux propices à l'expansion de la démocratie en raison de leur nature et de leurs objectifs qui sont d'établir au-delà d'une simple coopération technique, une véritable intégration entre leurs Etats membres. Ainsi, dans les textes juridiques qui régissent les organisations européennes telles que le Conseil de l'Europe49, l'Union Européenne50 et l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe51, un cachet spécial a été donné à la démocratie dans les relations régissant les Etats membres et la gouvernance conduite par ces derniers.

    Tout d'abord, en ce qui concerne le Conseil de l'Europe, dès sa création par la Convention de Londres du 5 mai 1949, les dix Etats fondateurs à l'époque ont fait de la trilogie : Droits de l'Homme, démocratie et Etats de droit la pierre angulaire de l'organisation. En effet, le préambule du statut du Conseil de l'Europe dispose dans son deuxième considérant : « inébranlablement attachés aux valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples et qui sont à l'origine des principes de libertés individuelles, de libertés politiques et de prééminence du Droit, sur lesquels se fonde toute démocratie véritable »52. A l'article 3 de la Charte, sont énoncés les principes

    49 Le Conseil de l'Europe qui n'est pas à confondre avec le Conseil de l'UE et le Conseil européen, deux institutions de l'UE, est en fait une organisation intergouvernementale instituée le 5 mai 1949 par le traité de Londres signé par dix Etats. Elle compte 47 Etats membres et a son siège en France. Il apparait comme l'Organisation des Etats attachés à la démocratie libérale et au pluralisme politique.

    50 L'UE est une association politico-économique sui generis de vingt-huit Etats européens qui délèguent ou transmettent par traité l'exercice de certaines compétences à des organes communautaires. L'Union Européenne a été instituée par le traité de Maastricht en 1992 après celui de Rome de 1957 qui instituait une communauté économique européenne. Elle est actuellement régie par le traité de Lisbonne de 2009.

    51 L'OSCE est la plus grande organisation régionale au monde. Elle oeuvre en faveur de la stabilité, de la paix, et de la démocratie pour plus d'un milliard de personnes par le biais d'un dialogue politique autour des valeurs partagées et par des activités concrètes sur le terrain. Elle compte 57 Etats membres d'Amérique du nord, d'Europe et d'Asie. Sa création remonte à 1973 sous le nom de Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) devenue OSCE en janvier 1995.

    52 http://www.cvce.eu/viewer/-/content/4aa0bc88-cea9-902d-

    a19e5bbf2c82/fr;jsessionid=A87D659CE54FEFBDACAFRD029B39B943F

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    nécessaires à la réalisation d'une démocratie véritable53. Le respect de ces engagements est une condition pour tout Etat désireux d'être membre du Conseil de l'Europe54. En d'autres termes, leur violation peut entrainer le retrait ou la suspension du Conseil. C'est ainsi qu'en Grèce lors de la suppression de la légalité constitutionnelle et la démocratie parlementaire en 1967, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a décidé, sur la base de l'interprétation de l'article 3 du statut de la suspension de cet Etat du Conseil. La Grèce s'est alors retirée en 1969 et ce n'est qu'en 1974, jugée démocratique qu'elle a été invitée à rejoindre le Conseil de nouveau55.

    Etant consciente du lien intrinsèque entre démocratie et droit de l'Homme, l'organisation s'est dotée à partir de novembre 1950 de la Charte européenne des droits de l'Homme (CEDH) qui entrera en vigueur en 1953. Afin de garantir le respect de ce texte par les Etats membres, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a été créée en septembre 1959. C'est auprès de cette Cour que les Européens peuvent introduire des recours s'ils estiment qu'un Etat a enfreint à leur droit.

    Dans le traité de Maastricht du 7 février 1992, les chefs d'Etats et de gouvernement des douze Etats membres de l'Union Européenne ont réaffirmé « leur attachement aux principes de la liberté, de la démocratie et du respect des droits de l'Homme, des libertés fondamentales et de l'Etat de droit ». L'article F du traité prévoit que « l'union respecte l'identité nationale de ses Etats membres, dont les systèmes de gouvernements sont fondés sur les principes démocratiques ». L'engagement de l'Union pour la démocratie a été réitéré dans l'article J -1- qui prévoit que « Le développement et le renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales » est l'un des objectifs de la politique étrangère et de la sécurité commune des Etats de l'Union. Le traité de Lisbonne adopté en 2009 qui se substitue au traité de

    53 Article 3 de la Charte : « Tout membre du Conseil de l'Europe reconnait le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'engage à collaborer sincèrement et activement à la poursuite du but défini au chapitre 1er ».

    54 C'est ce qui ressort de la lecture des articles 4 et 5 de la Charte du Conseil de l'Europe.

    55 BEIDEGER Yves, Le contrôle international des élections, Bruxelles, Bruylant, Paris, L.G.D.J. 1994, p.93. Cité par HAMROUNI Salwa, L'ONU et la démocratie, mémoire de DEA en droit public et financier, Tunis, 1996. https://www.memoireonline.com/07/08/1356/ml-onu-et-la-democratie0.html

    Maastricht en plus d'apporter des modifications majeures aux anciens traités, réitère l'attachement de l'organisation à la gouvernance démocratique. Nous pouvons alors dire que la démocratie est bel et bien prise en compte dans les textes du droit international européen56.

    Par ailleurs, le système juridique interaméricain affiche également sa préférence pour la démocratie. Ainsi, déjà dans le préambule de la Charte adoptée le 30 avril 1948 à Bogota, le principe de la démocratie est énoncé. Selon ce préambule, « ... le véritable sens de la solidarité américaine et du bon voisinage ne peut se concevoir qu'en consolidant dans ce continent et dans le cadre des institutions démocratiques, un régime de liberté individuelle et de justice sociale basée sur le respect des droits fondamentaux de l'Homme ». Cela est confirmé par l'article 5d qui stipule que la solidarité des Etats américains exige que leur organisation politique soit basée sur l'exercice effectif de la démocratie représentative. Cette même option pour la démocratie représentative a été réitérée dans le protocole de Buenos Aires du 27 février 1967 en son article 3d. La Convention Américaine des Droits de l'Homme (CADH) du 22 novembre 1969 adoptée à San José et entrée en vigueur le 18 juillet 1978 vient préciser dans son préambule et en son article 23 l'importance de sauvegarder la démocratie à travers la préservation des droits civils et politiques des individus. Le premier considérant du préambule de la CADH prévoit que : « Réaffirmant leur propos de consolider sur ce continent, dans le cadre des institutions démocratiques, un régime de liberté individuelle et de justice sociale, fondé sur le respect des droits fondamentaux de l'Homme. ». La convention consacre un certain nombre de droits aux individus qui sont nécessaires dans une démocratie: le droit de

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    56 En qui concerne la Conférence sur la sécurité et la Coopération en Europe devenue Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, il faut attendre les années 90 pour que l'organisation opte clairement et explicitement pour le régime démocratique libéral. En effet dans la Charte de Paris pour une nouvelle Europe adoptée le 21 novembre 1990 dans le cadre de la C. S.C.E, les Etats européens déclarent : « il nous appartient aujourd'hui de réaliser les espérances et les attentes que nos peuples ont nourri pendant des décennies : un engagement indéfectible en faveur de la démocratie fondée sur les droits de l'Homme et les libertés fondamentales ». (Voir le texte de la Charte, in R.U.D.H, 1990, pp. 490-495). Parlant des relations amicales entre les Etats, les Etats partis à la Charte affirment : « Nos relations reposeront sur notre adhésion commune aux valeurs démocratiques, aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Nous sommes convaincus que les progrès de la démocratie, ainsi que le respect de l'exercice effectif des droits de l'homme sont indispensables au renforcement de la paix et de la sécurité entre nos Etats ». La Charte de Paris a même consacré un paragraphe spécial aux droits de l'Homme à la démocratie et à l'Etat de droit dans lequel les Etats participants s'engagent « à édifier consolider et raffermir la démocratie comme seul système de gouvernement de leur nation. Ils considèrent que « le gouvernement démocratique repose sur la volonté du peuple, exprimée à intervalles régulière par des élections libres et loyales »

    participer aux gouvernements, directement ou à travers des représentants librement élus, le droit de voter à des élections libres et honnêtes et périodiques (article 23). Pour s'assurer du respect des principes et intensifier les droits de l'Homme, l'OEA a mis en place un système de protection et de contrôle du respect des droits de l'Homme prévus par la CADH. Ainsi, la Commission Interaméricaine des droits de l'Homme57 et la Cour Interaméricaine des droits de l'Homme58 ont été créées. L'option de l'OEA en faveur de la démocratie est donc sans ambages et cette option a connu son point d'orgue à partir des années 199059.

    Notons ensuite que l'Asie et l'Afrique ne sont pas restées en marge de cette nouvelle donne politique qu'est la gouvernance démocratique. En effet, l'Organisation de l'Unité Africaine créée en mai 1963 s'était déjà très tôt constituée en son apôtre dans le continent. C'est pourquoi à l'issue du sommet de l'OUA tenu à Addis-Abeba en juillet 1990, les chefs d'Etats et de gouvernement ont proclamé leur adhésion aux principes démocratiques tout en précisant que chaque Etat reste libre de choisir la forme de

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    57 La Commission a toujours insisté sur le lien entre droits de l'Homme et démocratie. Sa pratique s'est développée par le biais de trois méthodes ; le système de pétition (examen de plaintes ou de communication), le système des rapports (rapport sur la situation concernant les droits de l'Homme dans les Etats de la région), le système d'enquête (missions d'observation). Voir Annual report of the interamericain commission on Human Rights 1979-1980, Chapter VI,

    OEA/Ser.L/V/II.50, Doc, 13 rev.12 October 1980.

    58 La relation entre principes démocratiques et droits de l'Homme a retenu également l'attention de la Cour Interaméricaine des droits de l'Homme. A titre d'exemple, la Cour dans son arrêt Baena Ricardo et autres c. Panama declare: « therefore, in a democratic system it is necesary to intensify precautions in order for such measures to be adopted with absolute respect for the basic rights of individuals (...) ». Voir interamerican court of Human Rights, Case of Baena-Ricardo et al. v. Panama, judgement of 02/2/2001. Paragraphe 106. Cité par AYARI Zied, L'exigence démocratique en droit international, mémoire de master2 en Droit international public, Université Jean Moulin Lyon 3, 2012.

    59 Ce sont les années quatre-vingt-dix qui vont marquer le processus d'un véritable engagement démocratique de l'OEA. D'abord avec la création de « l'Unité pour la promotion de la démocratie » qui a la responsabilité d'offrir un programme d'appui en faveur de la promotion de la démocratie (son action doit être sollicitée par les Etats membres). Ces principales activités concernent le renforcement des institutions démocratiques, le renforcement des processus électoraux, l'information et le dialogue. Voir RODRIGUES Maristela, le système interaméricain et les principes démocratiques : l'évolution de son engagement, Paris, l'Harmattan, 2009, pp. 77- 146.

    Le 14 décembre 1992 a été adopté le Protocole de Washington qui a ajouté l'article 9 à la Charte de l'O.E.A prévoyant des sanctions à l'encontre de coups d'Etats allant jusqu'à la suspension de l'Etat concerné de l'Organisation si l'ordre constitutionnel n'est pas rétabli. La Déclaration de Managua du 8 juin 1993 pour la promotion de la démocratie et le développement reconnait la nécessité de développer des dispositifs «qui promeuvent et renforcent intégralement le système démocratique de gouvernement ». C'est dans ce sens que le Protocole de Managua adopté par la XIXème session spéciale de l'Assemblée générale le 10 juin 1993, a envisagé des réformes structurelles dans l'OEA. Ainsi, le Conseil interaméricain pour le développement intégré a pour mission « le renforcement de la conscience civique des peuples américains considéré comme l'un des éléments fondamentaux de l'exercice effectif de la démocratie et du respect des droits et des devoirs de la personne humaine ». Par ailleurs, la Charte démocratique interaméricaine adoptée le 11 septembre 2011 traduit l'évolution de l'OEA dans le renforcement de la démocratie en Amérique. Elle reconnait expressément le droit à la démocratie. L'article 1 par. 1 de cette Charte interaméricaine prévoit que : « Les peuples des Amériques ont droit à la démocratie et leurs gouvernements ont pour obligation de la promouvoir et de la défendre ».

    démocratie qui correspond le mieux à ses réalités 60 . Avec la naissance de l'UA, l'engagement démocratique s'est affirmée avec plus d'acuité car dans son acte constitutif61, elle affirme sa préférence pour la démocratie en définissant ce qu'elle entend par démocratie et en tentant de la faire accepter par tous les Etats africains. L'adoption de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance en 2007 lors du 8è sommet de l'UA à Addis-Abeba qui établit à la fois les principes politiques et juridiques d'un système démocratique est une action qui vise à étaler les valeurs démocratiques que tout Etat membre de l'Union est tenu de préserver.

    Face à cette nouvelle donne politique partagée et défendue dans la plupart des organisations régionales, la réorientation politique de la Francophonie devint irréversible sous peine qu'elle devienne anachronique par rapport aux défis de son temps.

    Paragraphe 2 : Une irréversible rénovation des objectifs

    L'insertion des objectifs politiques dans l'agenda de l'OIF n'est pas une génération spontanée. S'il est vrai que les chefs d'Etat et de Gouvernement manifestaient depuis fort longtemps le désir de voir l'organisation s'intéresser aux questions préoccupantes des Etats (en occurrence la technique, l'économie l'éducation mais aussi la gouvernance politique), il faut cependant reconnaitre que sa métamorphose politique dans un cadre purement formel s'est construite dans le temps. Il convient alors de s'intéresser aux péripéties qui ont conduit à son engagement politique (A) avant de se pencher sur son véritable envol vers l'édification d'une doctrine en matière de démocratie (B).

    A- Une longue marche vers l'engagement politique

    Les efforts du Président Léopold Sédar Senghor et de ses pairs62 visant à mettre en place un regroupement commun francophone a d'abord pris corps avec la création d'une organisation restreinte : l'organisation Commune Africaine et Malgache (OCAM).

    60 La déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA de 1990 sur la situation politique et socio-économique en Afrique et les changements fondamentaux intervenus dans le monde ainsi que la déclaration de Lomé de 2000 sur une réaction de l'OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernements jettent les bases d'un engagement démocratique de l'OUA.

    61 Article 3.g de l'acte constitutif de l'UA.

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    62 Le projet francophone a été l'oeuvre de quatre chefs d'Etat : Léopold Sédar Senghor du Sénégal, Hamani Diori du Niger, Habib Bourguiba de la Tunisie et le Prince Norodom Shinahouk du Cambodge.

    Ensuite, l'idée de création d'une organisation de promotion de la langue française va davantage se concrétiser par la mise en place de l'ACCT.

    Dans sa Charte constitutive, on peut lire à l'article 1er relatif aux objectifs : « l'Agence a pour fin essentielle l'affirmation et le développement entre ses membres d'une coopération multilatérale dans les domaines ressortissant à l'éducation, à la culture, aux sciences et aux techniques, et par là au rapprochement des peuples. Elle exerce son action dans le respect absolu de la souveraineté des Etats, des langues et des cultures, et observe la plus stricte neutralité dans les questions d'ordre idéologique et politique ». Il ressort de cette disposition que l'ACCT n'affiche aucun objectif politique ni idéologique et qu'elle ne s'occupe que des questions linguistiques, culturelles et techniques 63 . Pourtant, la pratique interne de l'organisation elle-même démentit l'étroitesse des objectifs prioritaires affichés dans sa Charte constitutive.

    En effet, les rivalités politiques à fondement linguistiques et culturels internes entre certains de ses membres64, les dynamiques des relations internationales déjà à partir des années 80, ainsi que des problèmes de gouvernance politique remarquables dans les Etats d'Afrique francophone ont conduit l'Agence à introduire implicitement des questions idéologiques et politiques dans sa feuille de route. L'organisation internationale intergouvernementale est passée alors du principalement technique et culturel à l'essentiellement politique et idéologique.

    A cet effet, l'orientation et le contenu des « actes des conférences des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage », notamment à partir de 1990, exprime sans aucune ambigüité l'ambition d'affirmer une opinion politique francophone

    63 Les premiers Sommets organisés sous l'égide de l'ACCT le témoignent. Au premier Sommet de l'ACCT en 1986, les domaines essentiels de la coopération multilatérale concernaient : le développement (agriculture et énergie), les industries de la culture et de la communication, les industries de la langue, l'information scientifique, le développement technologique, y compris la recherche. Au Sommet de Québec de 1987, il s'agissait de l'agriculture, l'énergie, la culture et les communications, l'information scientifique et le développement : les industries de langue. Le 3e Sommet de 1989 consacre son agenda aux questions liées à l'éducation et à la formation, qualifiée de « domaine stratégique d'intervention ».

    23

    64 Il s'agit des rivalités entre le Canada et sa province du Québec, persistantes tout au long du processus de création et de fonctionnement des organisations intergouvernementales francophones qui n'ont jamais trouvé de solutions satisfaisantes. Ces rivalités ont continué après la création de la première institution intergouvernementale francophone (ACCT) et cette fois ci entre la France et le Canada. Voir TOLDE Ngarlem, La Francophonie et la résolution des conflits : réflexion sur la notion de tiers, thèse de doctorat, Université Jean Moulin (Lyon 3), 2012, p.52.

    sur la scène internationale. Aussi, indiquent-ils la volonté de donner une nouvelle orientation à la jeune organisation créée. Sur ce point, si les trois premiers sommets organisés sous la coupole de l'ACCT ont traité essentiellement des questions culturelles et techniques, il faut reconnaitre qu'à partir de 1991, la dimension politique a commencé par s'affirmer clairement. Ainsi, déjà au sommet de Dakar en 1989, une résolution portant sur les droits fondamentaux dans l'espace francophone sera adoptée, ainsi que la décision portant création d'un nouveau champ de coopération, la coopération juridique et judiciaire.

    Avec cet élargissement tacite des missions de l'organisation, les organes de l'ACCT vont s'investir à partir de 1990 dans l'accompagnement des processus de retour au pluralisme et de l'Etat de droit dans l'ensemble des Etats membres et plus particulièrement ceux de l'Afrique avec l'action du nouveau Secrétaire de l'ACCT Monsieur Jean Louis Roy65. Cet accompagnement concerne principalement la tenue des consultations électorales pluralistes66 qui ont symbolisé la rupture avec les systèmes mono-partisans, la mise en place des institutions de l'Etat de droit, judiciaires, mais aussi celles de contrôle, de régulation et de médiation, la promotion et la défense des droits de l'Homme67.

    Toutefois, ces efforts quand bien même louables n'ont pas pu empêcher certains blocages institutionnels et politiques au niveau de certains Etats de l'Afrique noire francophone. Il s'agit par exemple des élections contestées au Togo en 1993, ayant entrainé la suspension de la coopération entre ce pays et l'Union Européenne, le coup d'Etat orchestré au Mali en 1991 par Amadou Toumani Touré contre le président Moussa

    65 A la tête de l'ACCT plusieurs secrétaires se sont succédés avant que l'on assiste à un élargissement exprès des missions du secrétariat général. Il s'agit par exemple de Jean Marc Léger, secrétaire général de 1970 à 1981, François Owono Nguema (19861989), Paul Okwatsegue, Jean Louis Roy (1990- 1997).

    66 Sous l'égide de l'ACCT, des textes ont été adoptés pour régir les nouvelles missions de l'organisation : il s'agit de Principes Directeurs régissant l'observation des élections adoptés en 1992, puis révisés en 1996, Déclaration et plan d'action du Caire adopté par les ministres francophones en 1999 etc. L'agence s'est dotée aussi de mécanismes appropriés pour répondre à ses objectifs (plan d'action pour la justice, mission d'observation des élections, concertation entre francophones à l'occasion des conférences internationales comme la conférence mondiale sur les droits de l'Homme, à Viennes en 1993 ou comme la conférence mondiale sur les femmes, à Pékin, en 1995).

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    67 DESSOUCHES Christine, « Médiation et Francophonie », in Vettovaglia Jean Pierre (sous-dir), Médiation et facilitation dans l'espace francophone, éd Bruylant, Bruxelles, 2010, p.280. Cité par TOLDE Ngarlem, La Francophonie et la résolution des conflits : réflexion sur la notion de tiers, op.cit., p.56.

    Traoré, le coup de force perpétré en 1996 par M. Baré Mainassara au Niger, pour ne citer que ces exemples. Ces situations ont incité davantage les représentants des chefs d'Etat et de Gouvernement à réfléchir dès 1995 sur la possibilité de la mise en place d'un comité de réflexion sur le renforcement de la Francophonie. Les travaux de ce comité devraient aboutir à la mise en place d'un nouveau dispositif de la Francophonie structuré autour du changement de l'appellation ACCT devenant « agence de la Francophonie » et de la création d'un poste de Secrétariat Général de la Francophonie68.

    L'enthousiasme des hauts responsables présents à ce sommet de 199569 de donner une réelle orientation politique à la Francophonie est symptomatique de la qualité des discours tenus par eux. L'occasion de ce Sommet a été saisie pour condamner le terrorisme sous toutes ses formes ainsi que « toute tentative de remise en cause des processus de démocratisation, de déstabilisation des régimes légalement constitués et toute occupation du territoire par la force ».

    On voit très bien que la marche de la Francophonie vers l'affirmation de sa dimension politique se dessine au fil des Sommets. Mais il s'agit jusqu'à présent d'une volonté politique non traduite dans les textes. C'est pourquoi les prochains sommets vont servi de creuset pour une véritable métamorphose de la Francophonie politique dans son engagement en faveur de la démocratie et la paix.

    B- Un aboutissement décisif

    Les négociations engagées au sommet de Cotonou en 1995 ont atteint leur point d'orgue en 1997 à Hanoi.

    En effet, à l'occasion de ce sommet, la Charte de l'Agence de la Francophonie a été révisée en créant un poste de Secrétariat Général investi d'importantes prérogatives

    68 TOLDE Ngarlem, La Francophonie et la résolution des conflits : réflexion sur la notion de tiers, article précité., p.56.

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    69 Selon Emile Derlin Zinsou dans son rapport au sommet en qualité de Président du CPF, « La Francophonie peut, en se référant à ses valeurs, être un acteur essentiel dans certaines médiations. Mais elle devrait d'abord, pour ce faire, se doter d'instruments indispensables, de manière à être éclairée en permanence par une observation attentive de l'évolution des situations qui lui permette de déceler les risques de conflits. Il s'agit de renforcer la capacité de réaction de la Francophonie, de manière à faciliter sa mobilisation immédiate en cas de crise ». Voir TOLDE Ngarlem, La Francophonie et la résolution des conflits : réflexion sur la notion de tiers, thèse de doctorat, op.cit., p.58.

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    politiques en matière d'accompagnement démocratique. Selon l'article 7 de cette Charte révisée, « En cas d'urgence, le Secrétariat Général saisit le CPF et, compte tenu de la gravité de la situation, le président de la Conférence ministérielle, des situations de crise et de conflits dans lesquels les membres peuvent être ou sont impliqués. Il propose des mesures spécifiques pour leur prévention, éventuellement en collaboration avec d'autres organisations internationales ». « Les instances de la Francophonie donnent au Secrétaire Général des délégations générales de pouvoir, qui découlent de son statut et qui sont liées aux exigences de sa fonction. Notamment le Secrétaire Général décide de l'envoi d'une mission d'exploration. Il propose au CPF l'envoi d'une mission d'observation d'élections. Il en rend compte »70. Le secrétaire Général Boutros Boutros Ghali va dès lors sur la base de son expérience aux Nations Unies donner une impulsion décisive à ce nouvel engagement de l'organisation au service de la paix et de la démocratie. Ainsi, lors de sa première intervention en qualité de représentant officiel de la Francophonie, Boutros Ghali estime que : « la Francophonie doit être un creuset de solidarité et de générosité. Elle doit se traduire- et c'est bien le sens de l'élection aujourd'hui- par un véritable programme d'action. Ce programme, je le souhaite, d'abord, au service de la paix. Je suis persuadé que la Francophonie peut déployer, à cet égard, une diplomatie de conciliation, une diplomatie de médiation de manière à ce que se renforcent les liens pacifiques entre tous les membres de notre communauté et avec le reste du monde »71.

    Le plan d'action adopté à Hanoi au cours de ce sommet par les chefs d'Etat et de Gouvernement donnait des prérogatives politiques au Secrétaire Général qu'il devra mettre au service de la paix et la démocratie. L'article 4 invitait en effet le Secrétaire Général à « développer les initiatives politiques susceptibles de contribuer au règlement pacifique des conflits en cours, par le canal des opérateurs directs et reconnus des

    70 DESSOUCHES Christine, « Médiation et Francophonie », Vettovaglia Jean Pierre (sous dir), in Médiation et Francophonie dans l'espace francophone, p.280. Cité par TOLDE Ngarlem, La Francophonie et la résolution des conflits : réflexion sur la notion de tiers, article précité., p.60.

    71 Ibidem.

    Sommets et d'autres acteurs de la Francophonie »72. Aussi, convaincus des avantages du système de la sécurité collective, les chefs d'Etat et de gouvernement invitèrent le Secrétaire Général à « intensifier la coopération avec les organismes internationaux et régionaux oeuvrant, notamment, dans le domaine des droits de l'Homme »73.

    Dès lors, la Francophonie longtemps cantonnée à ses activités culturelles va « multiplier et étendre ses réseaux d'influence pour renforcer ses capacités d'action dans les lieux où elle peut influer sur les enjeux diplomatiques déterminant la marche du monde»74.

    C'est ainsi que sa charte de 1997 adoptée à Hanoi au Vietnam a été révisée en 2005 à Antananarivo par la Conférence ministérielle afin «de renforcer la Francophonie, la rendre plus dynamique, plus cohérente et plus visible»75. Cette Charte a le mérite de donner une touche politique aux missions du Secrétaire Général qui devient désormais une personnalité centrale dans l'accompagnement démocratique de l'organisation. Dorénavant, les instances supérieures de la Francophonie sont appelées à établir progressivement une doctrine francophone d'engagement pour la démocratie, la paix et la sécurité en utilisant les sommets francophones comme « une tribune privilégiée de l'élaboration de stratégies francophones sur les enjeux présentant un caractère prioritaire pour le devenir commun de tous les membres d'une communauté regroupant des Etats appartenant aux cinq continents»76.

    Par ailleurs, la Francophonie se réclamant désormais comme une actrice de plein droit des relations internationales ne pouvait pas mener ses actions isolément. Il s'agit dans ses nouveaux objectifs d'agir en synergie avec l'ONU et les autres organisations régionales oeuvrant pour la démocratie, la paix et la sécurité. L'article 9 alinéa 6 de la

    72 OIF, Plan d'action de Hanoi, article 4.

    73 Ibidem.

    74 MOBE Fansiama, « Pour que l'intelligence critique donne un sens au cinquantenaire des indépendances africaines», in MOBE Fansiama (dir.), 50 ans d'indépendance en Afrique francophone, l'année Francophone internationale 2010-2011, p. 324.

    75 DIOUF Abdou, Discours lors de la séance d'ouverture de la conférence ministérielle de la Francophonie à Antananarivo à Madagascar les 22 et 23 Novembre 2005.

    27

    76 CHABI Basile, l'OIF et la résolution des conflits en Afrique noire francophone, mémoire de master, Université d'Abomey-Calavi, 2014, p.19.

    Charte de 2005 dispose que «L'OIF collabore avec les diverses organisations internationales et régionales sur la base des principes et des formes de coopération multilatérales reconnues». Il en résulte alors que l'OIF «devient acteur dans le système des relations internationales et ajuste son agenda qu'elle veut commun à tous ses membres au plus près des réalités de la gouvernance mondiale»77.

    Engagée dans cette droite ligne d'actrice politique privilégiée aux cotés des Etats membres, la Francophonie va construire progressivement sa doctrine en mettant en place un dispositif institutionnel de soutien à la démocratie et à la paix.

    Section 2 : La conception d'un dispositif institutionnel en matière de démocratie

    La nouvelle impulsion donnée à l'OIF depuis le sommet de Hanoi en 1997 qui a été sanctionné par la mise en place d'un Secrétariat Général, ne pouvait se confirmer sans la rénovation normative et institutionnelle de l'organisation. Dans cet ordre d'idées, l'OIF s'est employée non seulement à rénover ses textes fondamentaux de manière à les adapter à ses nouvelles missions, mais elle a aussi davantage mis en oeuvre sa fonction normative en adoptant de nouveaux textes qui constituent le creuset de la démocratie au sein de la Francophonie (paragraphe1). Aussi, faut-il ajouter qu'au-delà des textes, des institutions ont été créées afin d'affirmer la dimension politique de la Francophonie (paragraphe2).

    Paragraphe 1 : L'adoption de textes ambitieux.

    Dans le souci d'être une actrice privilégiée pour l'éclosion démocratique de ses Etats membres, l'OIF a procédé d'abord à la rénovation de sa Charte (A). Ensuite elle a renforcé cet instrument avec l'adoption de deux textes fondamentaux : la Déclaration de Bamako et la Déclaration de Saint Boniface (B).

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    77 MAILA Joseph, « la notion de crise en Francophonie : entre dispositif normatif et traitement politique », La Revue Internationale des Mondes Francophones, n°2, Printemps 2010, p.37.

    A- Une Charte rénovée

    Depuis la conférence fondatrice de Niamey en 1970, la Francophonie multilatérale a progressé par étapes. Son essor a suscité un développement des activités qu'il devenait nécessaire de rationaliser pour mieux concentrer ses moyens. De ce point de vue, la première démarche pour la concrétisation du projet de la Francophonie politique passe par l'adoption d'une charte. En 1995, à Cotonou (Bénin), moins de dix ans après le 1er Sommet de la Francophonie réuni à Versailles (France) en 1986, la Conférence des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage décide de donner à la Francophonie sa pleine dimension politique en créant la fonction de Secrétaire Général, appelé à devenir la «clé de voûte du système institutionnel francophone». En 1997, à Hanoi (Vietnam), le VIIè Sommet adopte la première Charte de la Francophonie et élit le premier Secrétaire Général, M. Boutros Boutros-Ghali (1997-2002).

    Afin de donner amplement à l'organisation les moyens de ses actions, une rénovation de la Charte de Hanoi a été engagée. A ce propos, le nouveau Secrétaire Général Abdou Diouf, élu en 2002 rappelait dans son discours lors de la séance d'ouverture de la Conférence ministérielle de la Francophonie, réunie à Antananarivo (Madagascar) les 22 et 23 novembre 2005 que: «préparer l'avenir, renforcer la Francophonie, la rendre plus dynamique, plus cohérente et plus visible : voilà ce que nos chefs d'État et de gouvernement nous avaient demandé à Ouagadougou. Pour y parvenir dans les meilleures conditions, ils nous ont demandé de parachever la réforme institutionnelle décidée lors des Sommets de Cotonou et de Hanoi et nous ont donné en particulier le mandat de mieux fonder juridiquement l'Organisation internationale de la Francophonie et de mieux définir le cadre d'exercice des attributions du Secrétaire général»78. La Charte révisée de la Francophonie adoptée à l'issue de cette conférence, «met en place un nouveau dispositif institutionnel qui simplifie et rationalise

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    78 DIOUF Abdou, discours lors de la séance d'ouverture de la conférence ministérielle de la Francophonie à Antananarivo au Madagascar les 22 et 23 novembre 2005.

    les structures et les modes de fonctionnement de la Francophonie multilatérale»79. Cette réforme est le résultat de la volonté constante des chefs d'Etat et de gouvernement de mieux organiser la communauté francophone et de valoriser sa place dans les relations internationales.

    Le préambule de cette nouvelle Charte précise que les chefs d'État et de gouvernement, réunis en sommet à Ouagadougou en 2004, «ont pris la décision de parachever la réforme institutionnelle afin de mieux fonder la personnalité juridique de l'Organisation internationale de la Francophonie et de préciser le cadre d'exercice des attributions du Secrétaire Général». Elle institue80 donc une seule et même organisation et « donne à l'Agence de coopération culturelle et technique, devenue Agence de la Francophonie, l'appellation d'Organisation internationale de la Francophonie». Dans la mesure où, «le resserrement du dispositif institutionnel francophone est un aspect important de la réforme et le gage d'une exécution plus cohérente et plus efficace des décisions prises par les instances de la Francophonie», la nouvelle Charte de la Francophonie reconnaît trois instances : la Conférence des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage, la Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF) et le Conseil permanent de la Francophonie (CPF). Cette réforme institutionnelle initiée à Antananarivo a été ainsi qualifiée comme « un puissant adjuvant pour décupler et faciliter les interventions de l'organisation, en particulier dans le secteur politique, en général et plus précisément dans celui afférent aux initiatives de paix»81.

    Toutefois, cette avancée reste incomplète sans la construction d'une véritable doctrine francophone de la démocratie et de la paix. C'est ce qui explique les multiples négociations engagées par les Ministres et chefs de délégation des Etats et

    79 Rapport du Secrétaire Général de la Francophonie (2004-2006), une Francophonie modernisée, p.124.

    80 Ibidem, p.124.

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    81 NGARLEM Toldé, La Francophonie et la résolution des conflits: réflexion sur la notion de tiers, Lyon, Université Jean Moulin (Lyon 3), thèse de doctorat soutenue le 20 décembre 2012, p.69. La nouvelle Charte issue des travaux de la Conférence ministérielle de Antananarivo de novembre 2005, mettait fin à la dyarchie institutionnelle que la Charte de Hanoi avait laissé subsister. Car, en dépit de la création d'un poste de Secrétaire Général de la Francophonie, assisté d'un Conseil Permanent de La Francophonie, subsistait toujours l'ACCT, devenue Agence de la Francophonie, qui sera rebaptisée AIF lors du Sommet de Hanoi en 1997 puis OIF en 2005, seule disposant de la personnalité juridique internationale sur la base de sa convention constitutive.

    Gouvernements des pays ayant le français en partage et qui ont abouti à l'adoption des déclarations de Bamako et de Saint Boniface.

    B- Une Charte confortée par deux déclarations laborieuses

    La Déclaration de Bamako reste sans doute le premier instrument de référence qui organise le système démocratique dans l'espace francophone. Adoptée à Bamako en 2000 lors du symposium international sur la démocratie, les droits de l'homme et les libertés dans l'espace francophone, elle est devenue le texte principal et le cadre normatif de l'action politique de la Francophonie et a acquis une référence internationale. L'originalité de ce texte réside dans le fait qu'elle s'organise tout entière autour de la démocratie. Comme le rappelait fréquemment le premier Secrétaire Général de la Francophonie, M. Boutros Boutros Ghali, la déclaration de Bamako est le seul texte de portée internationale consacré expressément à la démocratie. Sa particularité est qu'elle est conçue de manière à réagir à tout agissement qui pourrait mettre en péril la démocratie et la paix. Autrement dit, elle privilégie la prévention à l'action au moyen de l'observation et de l'alerte précoce. Ainsi, selon Abdou Diouf, «elle structure depuis 2000, les actions au service de la démocratie et de la paix, et nous permet de jouer pleinement notre rôle dans l'observation, l'alerte précoce, la diplomatie préventive, la gestion de crises, l'accompagnement des transitions et la consolidation de la paix, en collaboration systématique avec les organisations internationales et régionales»82.

    La déclaration comporte cinq chapitres bien structurés en vue d'une organisation et d'une action progressive et croissante des instances de la Francophonie pour la protection et la sauvegarde de la démocratie dans l'espace francophone. Dans le mode d'organisation qu'elle prévoit, la Francophonie n'impose pas un modèle unique de la démocratie pour ses Etats membres. Le libre choix est donné aux Etats de s'organiser démocratiquement en prenant en compte leurs propres spécificités. Ainsi, selon la lettre de l'article 3,2 « pour la Francophonie, il n'y a pas de mode d'organisation unique de la démocratie et que, dans le respect des principes universels, les formes d'expression de la démocratie doivent

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    82 DIOUF Abdou, Passion francophone : Discours et interventions 2003-2004, Bruxelles, Bruylant, 2010, p.14.

    s'inscrire dans les réalités et spécificités historiques, culturelles de chaque peuple». Cet article convient au principe du respect de la différence et de l'égalité car en principe, « il n'y a pas dans l'Etat de droit démocratique de modèle : il y a des principes ce qui n'est pas toujours la même chose. Il n'y a pas, pour parvenir à l'Etat de droit démocratique, de recettes : il y a des expériences, avec des conséquences que l'histoire a permis de dégager.»83

    Par ailleurs, le mécanisme d'action prévu dans cette déclaration pour réagir à tout heurt de la démocratie est très précis. En effet, « face à une crise de la démocratie ou en cas de violations graves des droits de l'Homme, les instances de la Francophonie se saisissent (...) de la question afin de prendre toute initiative destinée à prévenir leur aggravation et à contribuer à un règlement. A cet effet, le Secrétaire Général propose des mesures spécifiques : il peut procéder à l'envoi d'un facilitateur susceptible de contribuer à rechercher de solutions consensuelles»84.

    Dans le chapitre 5, 3, est prévu « un mécanisme de suivi articulé autour, d'une part, d'un dispositif d'observation et d'évaluation permanente, et d'autre part, d'un système de réaction collective, en particulier en cas de violations graves ou massives des droits de l'Homme, de crise ou de rupture de la démocratie, et ce, en privilégiant la démarche préventive, par l'alerte précoce ainsi que le soutien aux efforts nationaux grâce à une coopération régulièrement réactualisée»85.

    La mise en oeuvre croissante de ce dispositif sous les commandes du Secrétaire Général constitue un véritable levier de maintien du vent démocratique dans l'espace francophone. Son efficacité amène Abdou Diouf à affirmer que « la Francophonie a acquis aujourd'hui une expérience et un savoir-faire dans le règlement des crises et des conflits comme dans l'accompagnement des processus de sortie de crise et de transition»86.

    83 BADINTER Robert, Quelques réflexions sur l'Etat de droit en Afrique, in l'Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica 1993, p.9.

    84 OIF, Déclaration de Bamako, Ouagadougou, 3 /10/2000, Chapitre V, 2.

    85Ibidem, chapitre V, 3

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    86DIOUF Abdou, Passion francophone : Discours et interventions 2003-2004, article précité., p.236.

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    Toutefois, consciente que le rayonnement démocratique d'un Etat dépend intimement de l'environnement politique dans lequel la démocratie s'épanouit (qui doit être un espace où la sécurité humaine est assurée), la Francophonie ne s'est pas limitée à la déclaration de Bamako. Dans le but d'assurer une plus grande protection de l'individu, acteur de la démocratie, la Déclaration de Saint Boniface a été adoptée par la Conférence Ministérielle le 14 mai 2006 en vue de conforter la déclaration de Bamako. Elle constitue après la déclaration de Bamako, le texte de référence de l'engagement politique de la Francophonie. La conclusion de ce texte dans le cadre de la Francophonie est la conséquence de la remarque générale que «depuis la fin de la guerre froide, la sécurité des Etats s'est améliorée, alors que celle d'une grande partie de la population mondiale s'est détériorée»87. Il en ressort alors que la sécurité des individus n'est pas tributaire de la sécurité des Etats, ce qui explique alors la nécessité de la mise en place d'un instrument de préservation de l'individu.

    Par l'adoption de ce texte de portée sécuritaire dans l'espace francophone, l'OIF confirme son adhésion au principe de la « responsabilité de protéger », telle énoncée dans le préambule de la Déclaration. Elle traduit qu'il incombe aux Etats de protéger leur population mais «lorsqu'un Etat n'est pas en mesure ou n'est pas disposé à exercer cette responsabilité ou qu'il est lui-même responsable de violations massives des droits de l'Homme et du droit international Humanitaire ou de la sécurité, la communauté internationale a la responsabilité de réagir pour protéger les populations qui en sont victimes, en conformité avec les normes du droit international selon un mandat précis et explicité du Conseil de Sécurité des Nations Unies»88. La déclaration de Saint Boniface met donc en exergue la coopération multilatérale dans la recherche de solutions aux exactions commises sur les individus.

    87 MARCLAY Eric, La responsabilité de protéger : un nouveau paradigme ou une boite à outils?, Etude Raoul Dandurand, n°10, Chaire Raoul Dandurand, Etudes Stratégiques et diplomatiques, novembre 2005, p.10.

    88 Document final du Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement ayant le français en partage. www.francophonie .org/IMG/.../adhésion_bucarest_2006. pdf. Cité par SODOKIN Atsou Koffigan, Contribution de l'OIF au droit international de la démocratie, mémoire de DEA, UAC, 2011.

    Dans sa phase opérationnelle, la responsabilité de protéger comporte trois phases : la responsabilité de prévenir, la responsabilité de réagir, la responsabilité de reconstruire.

    Dans sa structure, la déclaration fait référence à la protection des populations civiles, des enfants enrôlés dans les guerres (article33), des enfants (article 36), des jeunes (article37), des réfugiés et des déplacés, des femmes (article 35 et 37) ; des défenseurs des droits de l'Homme (article31), des réfugiés (article28), des personnes déplacées (article 29).

    Paragraphe 2 : L'érection d'institutions aux dimensions politiques affirmées

    La volonté déterminante affichée par les Chefs d'Etat et de Gouvernement de donner une dimension politique à la Francophonie ne s'est pas limitée à la rénovation de son cadre normatif. Ces derniers ont vu en effet la nécessité de doter l'organisation d'institutions politiques susceptibles de renforcer la visibilité et l'action de la Francophonie comme un nouvel intervenant sur la scène internationale89. C'est ainsi que lors du Sommet de Hanoi en 1997, un poste de Secrétaire Général doté de missions centrales a été mis en place(B). Le Secrétariat Général bénéficie à son tour du concours et de l'apport de l'Assemblée parlementaire Francophone (B).

    A- Un Secrétaire Général investi de missions politiques

    Tenu à Hanoi au Vietnam du 12 au 15 novembre 1997, le sommet de Hanoi adopte la charte de la Francophonie préparée par la CMF à Marrakech. Cette charte consacre en son article premier au titre des objectifs prioritaires de la Francophonie, « les liens que crée entre ses membres le partage de la langue française et souhaitant les utiliser au service de la paix, de la coopération et du développement a pour objectifs d'aider : à l'instauration et au développement de la démocratie, à la prévention des conflits et au soutien à l'Etat de droit et aux droits de l'homme ; à l'intensification du dialogue des cultures et des civilisations ; au rapprochement des peuples par leur connaissance

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    89 MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale », Revue Internationale de Politique Comparée, vol.14, n°1, 2007.

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    mutuelle ; au renforcement de leur solidarité par des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser l'essor de leurs économies. La Francophonie respecte la souveraineté des Etats, leurs langues et leurs cultures. Elle observe la plus stricte neutralité dans les questions de politique intérieure »90.

    Les objectifs ainsi cités seraient d'une totale vanité sans l'existence d'une institution dotée de mandat d'exécution à même de les réaliser.

    La charte assure ainsi la création d'un poste de Secrétaire Général de la Francophonie investi de fonctions politiques et dont l'article 7 précise que « le Secrétaire général est le porte-parole politique et le représentant officiel de la Francophonie au niveau international. Il exerce ses prérogatives dans le respect de celles du président en exercice du sommet, et du président de la Conférence ministérielle. En cas d'urgence, le Secrétaire général saisit le Conseil Permanent et, compte tenu de la gravité des évènements, le Président de la Conférence ministérielle, des situations de crise ou de conflit dans lesquelles des membres peuvent être ou sont impliqués. Il propose les mesures spécifiques pour leur prévention, éventuellement en collaboration avec d'autres organisations internationales»91. Les instances de la Francophonie donnent au Secrétaire Général des délégations générales de pouvoirs qui découlent de son statut et qui sont liées aux exigences de sa fonction. Le Secrétaire Général décide de l'envoi de missions exploratoires. Il propose au CPF l'envoi de missions d'observation d'élections. Il en rend compte. Le Secrétaire Général fait rapport au sommet de l'exécution de son mandat, conformément aux dispositions de l'article 3. En plus, le Plan d'action du sommet de Hanoi en son article 4 précisait également le mandat confié par les chefs d'Etat et de Gouvernements au Secrétaire Général de «développer les initiatives politiques susceptibles de contribuer au règlement pacifique des conflits en cours, par le canal des opérateurs directs et reconnus des sommets et autres acteurs de la Francophonie d'intensifier la coopération avec les organismes régionaux et internationaux oeuvrant

    90 Article 1er de la charte de la Francophonie.

    91 Article 7 de la Charte.

    notamment dans le domaine des droits de l'Homme »92. Ce plan d'action confie en outre au Secrétaire Général « la mission de contribuer, par l'entremise des instruments de l'Agence mis à disposition, à cet effet, à la consolidation de l'Etat de droit et du processus démocratique »93.

    Il en résulte alors que le Secrétaire Général, clé de voûte du dispositif institutionnel de la Francophonie, est l'une des institutions centrales de la Francophonie. Tel que le confirme le Professeur Françoise Massart-Pierard, le Secrétaire Général de l'OIF «apparait de toute évidence dans une position de centralité au sein de la Francophonie»94. Il est le plus haut responsable de l'Organisation internationale de la Francophonie, dirige le corps diplomatique dont il est le chef et «est le garant de la conformité des actions aux textes de référence et aux valeurs partagées. Il favorise la cohérence politique des positions et des interventions, et accroit leur visibilité et leur impact»95. Le Secrétaire Général conduit l'action politique de la Francophonie, dont il est le porte-parole et le représentant officiel au niveau international. En raison de l'importance et de la délicatesse des missions politiques qui lui sont conférées, il s'avère nécessaire que le Secrétaire Général soit assisté dans son rôle, d'où l'implication de l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie.

    B- Un Secrétariat Général suppléé par l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie

    Le Secrétaire Général de la Francophonie ne saurait à lui seul conduire les actions politiques de la Francophonie. Dans cette tâche combien immense et délicate, une synergie d'action est entretenue au sein des différentes institutions qui composent la Francophonie. L'apport de l'APF dans ce sens est significatif dans la mesure où la Charte de la Francophonie lui donne une fonction consultative au service de l'organisation. De ce

    92 Article 4, al 1er du plan d'Action du Sommet de Hanoi, adopté par la VIIe Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage, Hanoi, 1997, p.2.

    93Ibidem.

    94 MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale », article précité. Cité par CHABI Basile, L'OIF et la résolution des conflits en Afrique noire francophone, mémoire précité., p.14.

    36

    95 SADA Hugo, « La reconstruction de la Francophonie par le politique», in BAKAYOKO Niagalé et RAMEL Frédéric (dir), « Francophonie et profondeur stratégique », n°26, Paris, IRSEM, 2013, p. 25.

    point de vue, son action politique consiste à adopter des résolutions sur des questions intéressant la communauté francophone, en particulier dans le domaine politique et prendre des positions sur des événements survenant dans son espace, notamment lors des crises politiques. Elle constitue donc le lien démocratique entre les peuples et la Francophonie. Ainsi, elle a suspendu le Mali au mois d'avril 2012 lors du coup d'Etat militaire du 21 mars 201296. Sa grande implication dans le processus politique de la démocratisation a fait dire à Jacques Legendre, ancien Secrétaire Général parlementaire de l'APF, qu'elle est « vigie de la démocratie» et en tant que « Vigie de la démocratie », «l'APF suit avec une grande attention les situations de crises dans l'espace francophone, travail effectué par sa commission politique. Sensible aux différents événements qui ont secoué l'espace francophone dans les dernières années, l'APF tente de compléter par une dimension parlementaire le travail actif mené par l'OIF»97. Ce parlement des parlements de la Francophonie exerce un rôle qui ne saurait être subsidiaire. Ainsi, selon Jacques Legendre, « ce rôle que nous attribuent les acteurs de la Francophonie institutionnelle nous confère une responsabilité particulière. Celle-ci ne se limite pas à une simple mission de veille, d'alerte, voire de sanctions pouvant conduire comme certains en ont fait l'amère expérience à la suspension d'un parlement membre. L'APF ne saurait en effet se contenter d'être simplement le gardien des valeurs de la démocratie et le cas échéant le censeur de leurs adversaires. Il est - et il sera de plus en plus souvent de sa responsabilité d'accompagner les pays dans leur processus de sortie de crise et de retour à la démocratie».98

    Il en ressort que si le Secrétaire Général de la Francophonie a pu qualifier l'institution de « pilier du dispositif institutionnel de la Francophonie» 99 , ce n'est évidemment pas parce qu'elle est seulement une institution à caractère répressif destinée à sanctionner la moindre faille démocratique enregistrée au niveau des Etats membres. Mais

    96http :// www.francophonie.org /83è-session-du-conseil-permanent.html.

    97 Discours de M. LEGENDRE Jacques, sénateur France et secrétaire général parlementaire de l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie devant la Conférence ministérielle de la Francophonie, Kinshasa, octobre 2012. Disponible sur http://apf.francophonie.org/Discours-de-M-Jacques-Legendre.html.

    98Ibidem.

    37

    99 DIOUF Abdou, Parlements et Francophonie, Lettre de l'APF, Bimestriel, juin 2006, n°3, Spécial Maroc, p.9.

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    c'est plutôt en raison de sa forte implication au service de la paix et de la démocratie et ceci au moyen de la négociation «car il faut garder à l'esprit que si suspendre un parlement est un acte difficile et courageux, il ne doit en aucun cas être la manifestation d'un quelconque ostracisme. Le but de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie n'est pas d'écarter mais de rassembler autour des valeurs de la démocratie»100 et de la paix. Etant consciente que l'approfondissement démocratique ne saurait être une réalité sans la paix, l'APF s'intéresse aux situations de crises politiques dans l'espace francophone. A chaque réunion des questions liées à la situation politique des Etats sont abordées et compte tenu de la gravité de la situation, l'Assemblée décide de la suspension ou non du parlement de l'Etat fautif jusqu'au retour de la paix et de la stabilité démocratique. A titre d'exemple, la région Afrique de l'APF a manifesté « de profondes préoccupations en particulier devant le développement de la situation à l'Est, en Centrafrique, en RDC et en Afrique du Nord»101. Les parlementaires de cette région Afrique de APF se sont déclarés «profondément préoccupés des conséquences de cette situation au Mali sur la paix et la sécurité, non seulement au Sahel et même au-delà».102

    Enfin, l'APF mène des actions de coopération en faveur de la démocratie. Cette solidarité s'exprime essentiellement autour d'enjeux chers aux parlementaires : la promotion de la démocratie, de l'état de droit et du respect des droits de l'Homme au sein de la communauté francophone. Dans ce dessein, l'APF entretient un vaste programme de coopération à destination des parlements de l'espace francophone. Par ces activités de coopération, elle favorise directement le développement de la démocratie au coeur de la vie législative des États.

    Ainsi, depuis le Sommet de Montreux, l'APF a mis en oeuvre une foule d'actions de coopération et d'appuis aux parlements. Nous pouvons noter, entre autre, la tenue de séminaires à destination des parlementaires sur des thèmes comme la décentralisation,

    100Apf.francophonie.org >pdf >lettre31.

    101 APF, Rapport d'activité sur la région Afrique, XXIe Assemblée Régionale Afrique, Yaoundé les 9 et 10 mai 2013, intervention de M. Koussoubé, p.5, disponible sur http : // apf.francophonie.org, cité par CHABI Basile, op.cit., p.29.

    102Ibidem.

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    l'intégration du genre dans le développement, le droit de pétition, le code de la famille, la pratique des lois d'habilitation ou encore la bonne gouvernance démocratique.

    Somme toute, l'intervention de l'APF n'est pas du tout négligeable car à travers ses actions politiques et de coopération, elle concourt à «renforcer le rôle de la Francophonie en faveur de la paix, de la démocratie et des droits de l'homme» ; engagement pris par les Chefs d'Etat et de Gouvernements lors de IXè Sommet réuni à Beyrouth en octobre 2002.

    L'EFFECTIVITE DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE

    CHAPITRE II :

    40

    Depuis l'affirmation de sa dimension politique, les situations de crises politiques avec leur incidence sur la vie démocratique des Etats, n'ont pas laissé indifférentes les instances dirigeantes de la Francophonie. Ainsi, elles ont manifesté leur détermination pour la démocratie aussi bien en période d'accalmie politique à travers la concrétisation des engagements démocratiques contenus dans la déclaration de Bamako (Section 1) qu'en période d'instabilité à travers des actions pour le retour démocratique (Section 2).

    Section 1 : Une mise en oeuvre dynamique des engagements démocratiques

    Les engagements consentis en 2000 par les Chefs d'Etat et de Gouvernement des pays de l'espace francophone dans la déclaration de Bamako s'articule autour de deux points essentiels : l'organisation des scrutins électoraux et le renforcement des institutions. On comprend alors aisément l'intérêt accordé par l'OIF à l'accompagnement des procédures électorales (Paragraphe 1) et au renforcement des institutions étatiques, en particulier les institutions judiciaires (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Une expertise électorale proactive

    Si l'acceptation du verdict des urnes a été partout subordonnée à un consensus autour du mode d'organisation des scrutins, consolidant progressivement la dynamique démocratique, il convient à l'inverse, de souligner que les contestations électorales ont été le prélude à de très graves crises, voire à des guerres civiles, témoignant ainsi du caractère stratégique de la préparation et du déroulement satisfaisant des consultations électorales103. Ceci témoigne d'ailleurs de l'enjeu que représentent les élections pour la

    103 L'exemple de la violence post-électorale de 2010-2011 en Côte d'Ivoire est illustratif du caractère stratégique des élections dans la vie politique des Etats.

    stabilité et la crédibilité de tout système démocratique. C'est fort de ce lien direct entre l'élection et la démocratie que l'OIF donne toute son impulsion à l'accompagnement des procédures électorales aussi bien par l'observation des élections (2) que par l'assistance électorale (1).

    A - L'assistance électorale

    «L'assistance électorale est l'expression de l'intérêt que la communauté internationale porte à la tenue d'élections libres s'insérant dans le cadre du développement démocratique, notamment le respect des droits de l'Homme et de la primauté du droit. Elle se définit comme une aide technique ou matérielle apportée par les Nations Unies ou toute autre organisation intergouvernementale ou non gouvernementale au processus électoral dans les pays en transition démocratique ou en situation post-conflictuelle»104

    Comme on le sait très bien, l'organisation des élections en Afrique «est elle-même source de difficultés de toutes sortes et surtout de conflits constatables par des irrégularités nombreuses»105. Ces difficultés sont constatables aussi bien sur le plan des financements desdites élections que dans leur organisation matérielle. C'est dans ce contexte que «la Francophonie intensifie son appui à la tenue d'élections libres, fiables et transparentes, en ciblant davantage les besoins pour lesquels son aide est plus utile et en développant dans ce domaine, des synergies pertinentes avec d'autres organisations internationales»106.

    De façon globale, l'assistance électorale de la Francophonie consiste en des interventions adaptées concernant la mise à disposition d'expertise juridique et électorale, la formation des acteurs institutionnels et de la société civile impliqués dans le processus électoral, l'appui à la rédaction de textes électoraux, la confection de listes fiables et informatisées et la sécurisation de la transmission et du traitement des résultats

    104SONON Evariste, « Assistance électorale », Réseau de recherche sur les opérations de paix (ROP), 2012. Disponible sur http://www.operationspaix.net/12-lexique-assistance-electorale.html.

    105 MELEDJE Djedjro Francisco, « Le contentieux électoral en Afrique », Pouvoirs, Vol.2, n°129, 2009, p.143.

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    106 OIF, Rapport DDHDP, Bamako 10 ans après, 2000-2010, op.cit., p.51.

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    électoraux. Ces différentes actions sont menées en coordination avec les juridictions compétentes, les commissions électorales, les médias, les partis politiques, la société civile, ainsi que les partenaires bilatéraux et multilatéraux des Etats engagés dans les processus électoraux (coopérations bilatérales et organisations internationales et régionales impliquées dans l'organisation et l'observation des élections).

    Il s'agit de mesures appropriées à l'appui et à l'enracinement de la démocratie, des droits et des libertés, ainsi que de l'assistance électorale nécessaire aux pays en situation de post conflits. Ainsi, quand en 2009, l'opposition démocratique et la majorité présidentielle au Tchad contestaient l'indépendance de l'organe électoral, l'expertise juridique de la Francophonie fut conjointement sollicitée par les protagonistes ainsi que l'ensemble des partenaires internationaux concernés en vue de la mise à disposition du Comité de Suivi de l'Accord du 13 août 2007 pour l'élaboration d'un ensemble de «propositions objectives » à même de mettre fin à la crise. Ce compromis a permis la relance du processus électoral, notamment par la création et la mise en place d'une Commission électorale nationale indépendante (CENI), la prorogation à titre exceptionnel du recensement général de la population au 30 juin 2009 , qui permettra de mener à bien le recensement électoral et la prise d'un décret déterminant les modalités d'application de la loi électorale et de la loi portant création de la CENI. Par ailleurs, l'OIF a fourni son assistance électorale par l'envoi de mission d'information et d'évaluation comme ce fut le cas au Togo en prélude aux élections législatives du 14 octobre 2007 ou de la Côte d'Ivoire où à la suite de l'envoi de plusieurs missions des échanges approfondis entre les structures et acteurs concernés, en particulier la CEI, un diagnostic et des recommandations ont été établis y compris quant à la qualification des textes en vigueur pour répondre aux engagements pris à Marcoussis. Aussi, au Gabon une délégation de l'OIF, composée en partie d'experts en gouvernance électorale a-t-elle été envoyée. Elle est conduite par l'ancien ministre des affaires étrangères de la Mauritanie, Ahmed Ould Abdallah. A la suite de la rencontre des autorités nationales, elles ont fait part aux missionnaires de l'OIF de l'évolution des préparatifs en vue des élections de cette année. Des moyens mis en oeuvre pour garantir des élections libres, démocratiques et

    transparentes, aux attentes du pays au niveau de la coopération avec l'organisation francophone, en passant par la volonté claire de l'Etat de tenir un dialogue franc et inclusif avec les acteurs politiques et ceux de la société civile, dans le cadre du CND (Conseil National de la Démocratie), les principaux points intéressant les visiteurs ont été abordés et discutés.

    La mission de l'Organisation Internationale de la Francophonie, pour sa part, a par la suite déclaré, qu'après ses différentes consultations, elle a constaté la disponibilité de tous les acteurs politiques à contribuer à la préservation de la paix et de la cohésion sociale. L'OIF a par ailleurs souligné qu'elle a pris bonne note de l'appel du gouvernement de voir la Francophonie s'impliquer davantage dans le renforcement des capacités du monde de la presse, notamment en matière de gestion et de traitement de l'information en période électorale, en tant qu'acteurs incontournables de la prévention des conflits et de la paix.

    Enfin, des missions de soutien à la gestion des contentieux électoraux ont été envoyées dans plusieurs pays depuis 2000. Sur ce plan, les Cours Constitutionnelles de huit Etats africains ont reçu une assistance axée sur les contentieux électoraux107. Cette forme d'assistance électorale «constitue une part majeure de la spécificité francophone au regard de la pratique des autres organisations internationales dont les actions tendent, en général, au renforcement matériel et/ ou logistique des acteurs et des institutions impliqués dans le processus électoral»108

    Pour assurer une meilleure régulation des élections, l'OIF envoie également des missions d'observation électorale.

    B- L'observation électorale

    L'envoi de missions d'observation a pour objectif d'éviter le risque de sombrer dans des violences électorales non maitrisables, du fait du non-respect par les autorités

    107 Nguyen Thanh Khue, op.cit., p.306.. Il s'agit en Afrique noire francophone du Benin, du Burkina Faso, de la Centrafrique, du Niger. Cité par CHABI Basile, L'Organisation Internationale de la Francophonie et la résolution des conflits en Afrique noire francophone, mémoire de master, UAC, 2014, p.44.

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    108 OIF, Rapport sur l'état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone, Bamako 10 ans après, (2000-2010), op.cit., p.70.

    politiques , des règles du jeu démocratique. «Elle s'est généralisée à travers le monde tant la contestation électorale peut comporter des risques et sachant qu'en définitive, elle n'épargne aucun système»109. De ce fait, une des fonctions des missions d'observation électorale des organisations internationales comme la Francophonie est de «se porter garant de la régularité des opérations de vote et le cas échéant, de la campagne qui les précède immédiatement»110.

    D'une façon générale, les missions d'observation de la Francophonie se conforment aux pratiques suivies par les autres organisations internationales, notamment les organisations régionales et l'ONU.

    Ainsi, l'OIF a marqué sa présence lors de l'organisation des élections à travers l'envoi de délégués qui assistent au processus et établissent des rapports sur leur fiabilité conformément aux dispositions de la Déclaration de Bamako. Tout ceci concourt à la concrétisation de l'idéologie de l'organisation à savoir, devenir le "chantre des élections réussies". Ainsi, sous la demande des autorités nationales, une mission d'observation a été envoyée en Côte d'Ivoire par M. Diouf le 26 novembre 2010 à l'occasion des élections présidentielles du 28 novembre 2010. Après avoir rencontré les acteurs impliqués dans le processus électoral et assisté aux opérations de vote et de dépouillement, ladite mission conduite par Gérard Latortue, ancien ministre d'Haïti, a déploré le 1er décembre le climat de tension qui règne dans le pays dans l'attente des résultats de l'élection et exhorté la Commission électorale Indépendante (CEI) à proclamer les résultats du scrutin dans le délai imparti. Le 5 décembre, le Secrétaire Général prend note sur la déclaration de certification des élections présentée par l'ONUCI qui confirme les résultats annoncés par la CEI reconnaissant la victoire de M. Alassane Ouattara, après un examen minutieux de tous les procès-verbaux.

    Toujours en Afrique de l'ouest, un autre Etat ayant bénéficié de l'observation est le Burkina Faso lors des élections présidentielles du 13 novembre 2005. Sur demande des autorités nationales une mission d'observation conduite par M. Laurent Beteille, Sénateur

    109 SONON Evariste, « Assistance électorale », op.cit., 2012.

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    110 NGUYEN Khue Thanh, op.cit., p.306.

    APF de France a été dépêchée sur le terrain par Abdou Diouf. Après une rencontre des acteurs impliqués dans le scrutin, 119 centres de vote ont été visités par les observateurs francophones qui ont conclu à la suite du dépouillement «que l'élection présidentielle s'est déroulée de façon libre, fiable et transparente»111 mais «la mission recommande cependant plusieurs actions pour la pérennisation des acquis et l'amélioration du processus électoral»112. En Afrique centrale, la RDC a bénéficié d'une observation électorale lors des élections présidentielles et législatives de 2006 et 2011. A l'initiative de la délégation de l'OIF conduite par l'ancien ministre malien des Affaires étrangères, Tiébilé Dramé, la plupart des missions internationales d'observation des élections se sont rendues à Kinshasa la veille du scrutin. A la suite de leur rencontre, le principe d'une déclaration commune des élections a été retenu et le chef de la délégation de l'UA fut désigné comme porte-parole.

    Au total, si l'observation constitue un précieux outil de légitimation démocratique, il convient toutefois de rappeler que celle francophone conserve une spécificité : celle de sa flexibilité pragmatique113 de sorte que, «l'envoi d'une mission d'observation électorale, ses modalités pratiques, sa composition, ses objectifs, sont toujours fonction de la situation du pays concerné, des rapports entre les différents acteurs politiques, de l'environnement économique et social, ou encore des différents enjeux des élections. Toutes ces informations permettent d'adapter l'observation électorale au contexte du pays, et de mieux identifier les membres susceptibles de composer la mission»114.

    Pour garantir un véritable Etat de droit, l'OIF contribue également au renforcement des institutions judiciaires.

    111 OIF, Communiqué de la mission francophone d'observation de l'élection présidentielle du 13 novembre 2005 au Burkina Faso. 112Ibidem.

    113 MOUANDJO Monney Stéphane, la démocratie au Sud et les organisations Internationales: analyse comparée des missions internationales d'observation des élections des pays membres du Commonwealth et des pays membres de l'Organisation Internationale de la Francophonie, Thèse de doctorat en droit public nouveau régime, Université de Reims Champagne-Ardenne, 2007- 2008, p.356.

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    114 Rapport OIF 2006, p.209.

    Paragraphe 2 : Un renforcement avéré des institutions judiciaires

    «Les institutions sécuritaires et judiciaires peuvent provoquer des crises violentes lorsqu'elles transgressent les droits de l'Homme, échappent au contrôle démocratique ou pratiquent la discrimination»115. On le sait bien, la justice est l'une des pièces maîtresses de l'Etat de droit. Elle représente dans les démocraties contemporaines le moule dans lequel la science du droit se concrétise et se perfectionne. Il n'y a pas de démocratie sans Etat de droit. Il n'y a pas non plus d'Etat de droit qui ne s'appuie sur le socle d'une justice indépendante et crédible, dotée de moyens à la hauteur de sa mission116. Pourtant, dans nombre de pays de l'espace francophone en général et en particulier ceux de l'espace noir francophone, le fonctionnement de la justice se heurte à des difficultés à la fois d'ordre statutaire117 et d'ordre matériel118. Ce qui réduit la capacité de l'institution juridictionnelle à assurer efficacement la protection des droits et à créer la confiance indispensable au développement économique des Etats.

    C'est fort de ce constat que l'OIF dans sa vocation de promotion de la démocratie et en collaboration avec ses réseaux institutionnels119, s'investit dans le renforcement du

    115 BAGAYOKO Penone Niagale, «la réforme des systèmes de sécurité dans l'espace francophone», ahjucaf. Disponible sur www.ahjucaf.org/ La-reforme-des- systemes-de.html.

    116 KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et justice: contribution de l'organisation internationale de la Francophonie à la construction de l'Etat de droit, thèse de doctorat, Université de Bordeaux, 2015, p.54.

    117 AHJUCAF, l'indépendance de la justice, Actes du 2è congrès, Dakar, AHJUCAF, 7-8, novembre 2007. Disponible sur www.ahjucaf.org.

    118 AAHJF, Rapport général du colloque international sur le thème « coût et rendement du service public de la justice dans l'espace AAHJF», Bissau, 1- 5 novembre 2007.

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    119 Depuis 1985, l'organisation internationale de la Francophonie a accompagné la création de quinze réseaux institutionnels. Parmi elles, on peut citer: l'Association Africaine des Hautes juridictions Francophones (AAHJF). Elle est créée en novembre 1998 et met en oeuvre des actions concrètes de coopération entre les juridictions membres, se traduisant, notamment, par l'organisation de rencontres scientifiques et la publication des travaux juridiques correspondants. L'Association des Cours constitutionnelles ayant en partage l'usage du français (ACCPUF) est créée en avril 1997. Elle a pour objectif de faciliter les échanges d'idées et d'expériences entre cours constitutionnelles et institutions équivalentes, aux fins, notamment, de renforcement de ces institutions. L'Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l'usage du français (AHJUCAF) est créée en mai 2001. L'AHJUCAF a pour objet de favoriser la solidarité et les échanges d'idées et d'expériences entre les institutions judiciaires membres mais aussi de promouvoir le rôle de ces institutions dans la consolidation de l'Etat de droit. Le Réseau international francophone de formation policière (FRANCOPOL) est créé en septembre 2008 et a notamment pour mission de créer un lieu d'échange et de collaboration entre les services de police et écoles de police de langue française, oeuvrant dans le domaine de la formation policière et dans les domaines associés ; diffuser l'information relative aux événements, colloques et rencontres qui ont trait à la formation et aux pratiques policières ; partager le savoir des acteurs dans le domaine de la formation policière et stimuler les réflexions portant sur les nouveaux défis et sur l'actualisation des besoins en formation ; contribuer au développement des organisations policières francophones par l'accroissement des échanges d'informations et d'expertise. Le Réseau des compétences électorales francophones (RECEF) est créé en août 2011 et est un regroupement international des administrateurs d'élections de l'espace francophone. Il vise notamment à soutenir ses membres dans la mise en place d'institutions électorales pérennes, neutres, autonomes et indépendantes ; favoriser le professionnalisme par l'échange d'expériences et de bonnes pratiques ; promouvoir la pleine participation des citoyennes et citoyens aux scrutins ; encourager la

    pouvoir judicaire, étant la pièce maitresse de la construction de l'Etat de droit. L'appui de l'OIF à la justice est assuré dans toutes les dimensions du système judicaire, c'est -à-dire aussi bien la justice constitutionnelle (B) que la justice ordinaire (A).

    A-Un soutien général à la justice ordinaire.

    La justice ordinaire regroupe l'ensemble des juridictions de droit commun, en partant des tribunaux de première instance jusqu'à la Cour de Cassation. Le renforcement du rôle de ces juridictions est primordial dans tout Etat de droit. Dans l'espace francophone en général et plus particulièrement dans les pays du Sud, la justice ordinaire n'arrive pas encore à exprimer pleinement son rôle, et ceci s'explique par deux raisons fondamentales. Il s'agit d'abord de l'influence constante et sur plusieurs dimensions du pouvoir politique qui compromet son indépendance; une indépendance qui constitue pourtant une condition essentielle de son bon fonctionnement et de sa crédibilité. Ensuite, le personnel judiciaire dans les Etats d'Afrique noire francophone n'est pas exempt de reproches notamment sur les plans qualitatif que quantitatif.

    En ce qui concerne l'indépendance de la juridiction ordinaire, soulignons que selon KASSI BROU Saint Omer, l'autonomie doit être assurée aussi bien sur le plan fonctionnel que dans les dimensions administrative120 et budgétaire121. L'appui de l'OIF à l'indépendance des juridictions ordinaires est assuré par son accompagnement aux réseaux institutionnels de la Francophonie. A cet égard, les rencontres thématiques organisées autour de l'indépendance de la justice, par l'Association Africaine des Hautes Juridictions

    recherche relative aux élections ; établir et approfondir des partenariats avec toute institution ayant des fins compatibles avec celles du RECEF. Voir http://reffop.francophonie.org/le-reseau/les-membres-du-reseau/les-reseaux-institutionnels-de-la-francophonie, pour plus de détail sur les réseaux institutionnels de la Francophonie.

    120 « L'indépendance administrative suppose et implique que les tribunaux aient la maitrise de tous les éléments de leur administration, lesquels ont un impact direct sur l'exercice de leur mission juridique. Elle s'oppose à ce que la répartition des affaires entre les juges s'opère autrement qu'en vertu d'un tableau annuel de roulement. Ainsi, non seulement la composition d'une juridiction ne doit pas être fixée par la loi mais encore, l'organisation des juges à une cause, les séances du tribunal, la fixation du rôle, ainsi que la durée des procès doivent échapper au pouvoir exécutif ».Voir KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et justice: contribution de l'organisation internationale de la Francophonie à la construction de l'Etat de droit, op.cit., p.81.

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    121 KASSI BROU souligne que « dans l'espace francophone, les garanties financières des juridictions ne sont, en général pas constitutionnalisées. La plupart du temps, le budget des juridictions greffe le budget national et reste tributaire des disponibilités financières de l'Etat. Le pouvoir politique est pourvoyeur des fonds et les chefs de Cours n'en sont que les gestionnaires ». Voir KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et justice: contribution de l'organisation internationale de la Francophonie à la construction de l'Etat de droit, op.cit., p.82.

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    Francophones (AAHJF), l'Association des Institutions Supérieures de contrôle (AISCCUF), l'Association des cours et conseils constitutionnels des pays ayant en partage l'usage du français (ACCPUF), ont permis de rappeler l'importance de l'indépendance institutionnelle des juridictions. Aussi, l'OIF à travers les déclarations du Caire et de Paris a-t-elle souligné avec une parfaite lucidité l'obligation quant aux Etats de renforcer les moyens matériels et financiers octroyés à la justice car «l'absence d'autonomie budgétaire et la faiblesse des moyens diluent les objectifs vertueux d'indépendance et d'efficacité de la justice»122. En plus de l'indépendance des magistrats, l'OIF est convaincue que la formation de ces derniers est primordiale pour perpétuer l'Etat de droit. «C'est la raison pour laquelle la Francophonie a, en vertu de ses engagements, donné un relief concret à son action en faveur de la modernisation des systèmes judiciaires nationaux en la structurant autour de deux axes complémentaires»123.

    En effet, la question des capacités humaines de la justice se pose en des termes à la fois qualitatifs124 et quantitatifs.

    La communauté des Etats francophones a très tôt pris la juste mesure des enjeux liés à la formation du personnel de justice. Dès le Sommet de Dakar (mai 1989), la résolution sur la Coopération juridique et judiciaire a érigé la formation des magistrats et du personnel judiciaire en objectif prioritaire. En 1995, la Déclaration du Caire, en relevant que les lacunes dans l'information et la formation des magistrats entravent le bon fonctionnement de la justice, invitait les Etats à faire une plus large place à la formation initiale, continue et spécialisée, des magistrats et des personnels auxiliaires de justice, dans le cadre de plans nationaux et régionaux. Dans la Déclaration de Paris, les ministres francophones de la justice ont une fois de plus réitéré leur volonté de renforcer les compétences des professionnels de justice, par le soutien à la formation initiale, continue et spécialisée.

    122 KASSI BROU Olivier Saint Omer, op.cit., p.77.

    123 Ibidem, p.201.

    124 L'exigence de compétence a pour pendant naturel l'impératif de formation. La qualité de la justice impose alors de questionner objectivement l'aptitude du magistrat à accéder à ses fonctions et à s'y maintenir.

    La question de la formation du personnel de la justice est conduite au sein de la Francophonie suivant deux stratégies : la formation des structures nationales chargées de la formation judicaire et l'appui direct aux cycles de formation spécialisée et/ou sectorielle.

    La formation des structures nationales de formation est assurée par l'appui de l'OIF au renforcement des capacités nationales de formation. Tournée dans ces débuts vers les centres de formation, cette formation s'intéresse depuis 1994 à la formation des formateurs des personnels judiciaires. La démarche de l'OIF consiste à fournir aux établissements de formation de la documentation et des outils pédagogiques et de favoriser la concertation et la coopération entre eux, en encourageant les échanges d'enseignants et d'experts. Elle organise ainsi des séminaires de formation des formateurs en mettant l'accent sur l'élaboration d'outils méthodologiques qui serviront de support d'enseignement.

    Conformément aux engagements du Caire, la Francophonie, à travers son ancienne direction à la coopération juridique et judiciaire, a dans un premier temps, apporté son soutien à la mise en réseau des responsables nationaux de la formation judiciaire, en vue de resserrer leurs liens et de favoriser le partage et la libre circulation des matériaux pédagogiques entre professionnels francophones de la formation. Particulièrement attachés à ce réseau et à ces objectifs, les ministres francophones de la justice ont, dans la Déclaration de Paris, invité l'OIF à le revitaliser afin d'impliquer davantage les structures nationales dans la définition et la réalisation de politiques et stratégies intégrées dans le domaine de la formation initiale et spécialisée des personnels judiciaires en privilégiant la formation des formateurs. Dans le même esprit, la programmation 2010-2013 s'est assignée l'objectif de redynamiser le réseau des responsables nationaux de la formation judiciaire, en vue d'aider, par l'échange et la mutualisation des moyens, à la mise en place de politiques nationales de formation125.

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    125 OIF, Programme 2010-2013, Paris, OIF, septembre 2010, p. 23.

    Au-delà du cycle de visioconférences organisé en 2005 au bénéfice des responsables nationaux de la formation judiciaire d'une douzaine de pays francophones d'Afrique126 dont dix appartenant à l'espace noir francophone, la Francophonie a soutenu la participation de responsables nationaux à des rencontres internationales de formation des formateurs. Dans la dynamique de valorisation de la concertation et de l'expertise francophone, l'OIF a par exemple financé en décembre 2004, la participation de représentants du réseau francophone des responsables nationaux de la formation judiciaire, aux travaux de la deuxième Conférence internationale sur la formation de la magistrature, à Ottawa. Dans la même lancée, elle a appuyé en 2006, l'organisation par l'Académie internationale des droits de l'Homme, de l'Université d'été internationale de formation de formateurs, à Vichy, sur le thème « Droits de l'Homme et gouvernance à l'ère des nouvelles technologies ». Elle a par ailleurs soutenu en novembre 2011, la participation de responsables francophones de structures nationales de formation judiciaire, à la cinquième Conférence de l'Organisation internationale pour la formation judiciaire tenue à Bordeaux127.

    Par ailleurs, s'agissant de la formation directe des magistrats assurée par l'OIF, elle se fait au travers des rencontres thématiques et le soutien aux programmes des réseaux institutionnels.

    Les rencontres thématiques tournent autour de plusieurs thèmes dont les droits de l'enfant et la justice pénale des mineurs, le contentieux administratif, le droit des affaires, le droit commercial, les droits de l'Homme et la justice pénale internationale et autres. Par exemple, l'OIF a financé en 2000, un séminaire sur les droits de l'enfant en Tunisie et a

    126 Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Côte d'Ivoire, Guinée, Madagascar, Mali, Niger, Rwanda, Sénégal, Tchad

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    127 Grâce au soutien de la Francophonie, onze responsables de structures nationales de formation judiciaire d'Afrique francophone ont pu être associés aux travaux de la Ve Conférence de l'Organisation internationale pour la formation judiciaire, organisée à Bordeaux, du 31 octobre au 3 novembre 2011, sur « La formation judiciaire dans un monde globalisé ». En marge de cette rencontre, l'OIF a organisé les 7 et 8 novembre 2011 à son siège, une concertation francophone sur le renforcement de l'offre francophone de formation judiciaire, à laquelle ont participé des représentants des structures internationales et régionales partenaires, ainsi que ceux des réseaux institutionnels francophones intervenant dans les secteurs du droit et de la justice.

    organisé en décembre 2004 128 , à Ouagadougou, un séminaire régional africain de formation sur la justice des mineurs. S'agissant du droit international, la Francophonie soutient la promotion des Droits de l'Homme et de la justice pénale internationale auprès des magistrats francophones. Dans cette dynamique, elle organise par exemple des programmes de formation sur la CPI129.

    Enfin en ce qui concerne l'appui aux programmes des réseaux, soulignons que la Francophonie soutient également les initiatives de formation des membres des juridictions suprêmes ordinaires. Elle a par exemple appuyé le plan triennal de formation de la Cour suprême du Bénin, ainsi que les activités de l'AHJUCAF130 et de l'AAHJF131 en la matière. En matière de justice financière, l'OIF soutient les cycles réguliers de formation initiés par l'Association des institutions supérieures de contrôle ayant en commun l'usage du français (AISCCUF), au bénéfice des membres des Cours des comptes et institutions équivalentes, en vue du renforcement de leurs méthodes de contrôle. Les magistrats debout ne sont pas en marge des efforts mobilisés par la Francophonie pour assurer la formation continue des professionnels de la justice. A cet égard, l'OIF soutient la formation des parquetiers francophones à travers le financement de leur participation aux congrès annuels de l'Association internationale des procureurs et poursuivants (AIPP).

    L'appui de l'OIF au renforcement de la justice concerne en dehors des juridictions ordinaires, les Cours ou Conseils Constitutionnels.

    128 Cette formation a eu lieu du 29 novembre au 3 décembre 2004 à Ouagadougou et a connu la participation des magistrats des Etats d'Afrique noire francophone tels que le Bénin, le Burkina-Faso, le Burundi, le Cameroun, le Gabon, la Guinée Conakry, le Mali, le Niger, la RDC, le Sénégal et le Togo.

    129 Formation d'une centaine d'avocats maliens et congolais au fonctionnement de la CPI. organisation de deux séminaires régionaux de sensibilisation et de formation au travail de la CPI en Afrique centrale (Yaoundé, 2010) et en Afrique du Nord et Moyen-Orient (Tunis, septembre 2011). L'OIF a financé le premier séminaire conjoint de la CPI et de l'Union africaine sur « Les aspects techniques du Statut de Rome et la pratique de la CPI » (Addis-Abeba, juillet 2011) à l'intention de représentants de la commission de l'Union africaine et des conseillers juridiques des délégations permanentes des Etats membres de l'Union africaine.

    130 En 2004, la Francophonie a accompagné l'AHJUCAF à organiser une session de formation sur « Le juge de Cassation et les nouvelles technologies». En ligne sur http://www.aahjf.org.

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    131 L'OIF a apporté son soutien à l'AAHJF pour l'organisation de la session régionale de spécialisation des compétences des magistrats des Cours suprêmes africaines (Cotonou, décembre 2010).

    B- Un appui spécial à la justice constitutionnelle

    En tant que jeune institution de l'ère démocratique africaine, la justice constitutionnelle bénéficie d'un accompagnement spécial de la part de la Francophonie en raison du rôle éminemment important que les Cours et conseils constitutionnels sont appelés à jouer pour la préservation de l'Etat de droit.

    Représentées dans leur début par une Chambre spéciale au sein de la Cour suprême, les Cours constitutionnelles sont désormais érigées de façon indépendante des autres juridictions dans la majorité des constitutions d'Afrique noire francophone. En effet, elles sont gardiennes de la promesse constitutionnelle de l'indépendance de la justice et pour jouer efficacement leur rôle, elles se doivent d'être indépendantes des autres pouvoirs et en occurrence le pouvoir exécutif. Cet idéal n'est pas encore une réalité en Afrique noire francophone. C'est pourquoi l'OIF a pris la mesure de cette exigence depuis la Déclaration de Caire et de Paris en soulignant avec lucidité le devoir pour les Etats de renforcer l'indépendance de la justice en général et de la justice constitutionnelle en particulier. Cette indépendance de la juridiction constitutionnelle doit être à la fois organique et budgétaire car « l'absence d'autonomie budgétaire et la faiblesse des moyens diluent les objectifs vertueux d'indépendance et d'efficacité de la justice»132. C'est donc de manière tout à fait pertinente que la sixième Conférence des chefs des institutions membres de l'ACCPUF s'est saisie de la question du statut du juge constitutionnel. Soutenue par l'OIF, cette conférence a été l'occasion de rappeler utilement les garanties statutaires nécessaires à la préservation de l'indépendance du juge constitutionnel.

    Formalisée dans les engagements francophones du Caire, érigée en priorité dans la Déclaration de Hanoi, l'indépendance des juridictions constitutionnelles est l'un des principaux défis de la mobilisation francophone en faveur du renforcement des institutions démocratiques. A ce niveau, l'OIF joue un rôle important dans l'interpellation des gouvernants et des acteurs de ces institutions en s'appuyant sur ses réseaux institutionnels. Elle apporte notamment son soutien aux activités de

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    132 KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et justice: contribution de l'organisation internationale de la Francophonie à la construction de l'Etat de droit, op.cit., p.88.

    l'Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AAHJF), de l'Association des cours constitutionnelles ayant en partage l'usage du français (ACCPUF) et de l'Association des Hautes Juridictions de Cassation des pays ayant en partage l'usage du français (AHJUCAF) qui, à travers leurs rencontres thématiques, favorisent les échanges d'expériences et de bonnes pratiques pour la promotion et la consolidation de l'indépendance des juridictions constitutionnelles.

    Par ailleurs, en raison de l'implication des juridictions constitutionnelles dans le domaine électoral et eu égard à l'enjeu de ces scrutins dans les démocraties contemporaines, l'OIF s'est engagée pertinemment à soutenir la justice constitutionnelle pour contenir les digressions de la rationalité électorale. Elle leur apporte un appui polymorphe soit directement 133 , soit par le truchement du réseau des juridictions constitutionnelles francophones, l'ACCPUF dont elle a contribué à la mise en place et dont elle soutient les activités. Le but est de faire en sorte que le juge constitutionnel puisse corriger les imperfections de l'Etat de droit, afin que le mirage134 ou l'illusion135 démocratique de l'élection, se transforme en réalité, partout dans l'espace francophone. L'action de l'OIF s'inscrit ici dans le cadre de sa mobilisation en faveur du renforcement des capacités des institutions nationales de l'Etat de droit et de l'appui aux processus électoraux. L'OIF apporte son soutien aux institutions et acteurs impliqués dans l'organisation et le contrôle des élections 136 . Dans le cadre de son appui au renforcement des capacités du « service public électoral »137, la Francophonie, en plus de son soutien aux Commissions électorales, appuie le perfectionnement technique et humain des structures nationales en charge du contentieux électoral. Outre

    133 Au Mali par exemple, l'OIF a organisé en juin 2013, au bénéfice de la Cour constitutionnelle, un séminaire d'échange d'expérience sur le contentieux électoral. OIF, Rapport du Secrétaire Général de la Francophonie, 2012- 2014 : de Kinshasa à Dakar, Paris, 2014, p. 83.

    134 DARRACQ Vincent et MAGNANI Victor, « Les élections en Afrique : un mirage démocratique ? », Politique étrangère, 2011/4 (Hiver), IFRI, pp. 839-850. Cité par KASSI BROU Olivier Saint Omer, op.cit., p. 269.

    135 HERMET Guy, « L'illusion électorale », in BADIE Bertrand et VIDAL Dominique (dir.), Nouveaux acteurs, nouvelle donne, L'état du monde 2012, Paris, La Découverte, 2011, pp. 147 et ss.

    136 Au titre de l'action de l'OIF en faveur du renforcement des capacités des organes de gestion et de contrôle des élections, voir pour les plus récentes, OIF, Rapport du Secrétaire général de la Francophonie, 2012-2014 : de Kinshasa à Dakar, Paris, 2014, p. 85. Il faut également souligner ici que l'OIF soutient les activités du Réseau des compétences électorales francophones (RECEF), créé en 2011.

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    137 MELEDJE Djèdjro Francisco, « De l'impossible service public électoral en Côte d'Ivoire. Le phénomène des crises électorales », in MELIN-SOUCRAMANIEN Ferdinand (études réunies par Espace du service public), in Mélanges en l'honneur de DU BOIS DE GAUDUSSON Jean, ouvrage précité., pp. 455 - 478.

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    les dotations en équipement138et les séminaires qu'elle organise139, l'OIF apporte son appui aux travaux de ses réseaux institutionnels sur le rôle des juridictions constitutionnelles dans les processus électoraux. Sensible à la question électorale et aux enjeux qu'elle soulève, la Francophonie soutient de manière générale les réunions statutaires et scientifiques de l'ACCPUF et en particulier les séminaires consacrés au traitement du contentieux électoral140. Convaincue de la centralité du juge dans la sécurisation des processus électoraux, l'OIF a par exemple, en novembre 2013, en partenariat avec l'ACCPUF et la Cour Constitutionnelle du Bénin, organisé à Cotonou un colloque sur la pratique du contentieux électoral dans l'espace francophone. En facilitant la réflexion, la formation et les échanges de bonnes pratiques sur la gestion du contentieux électoral, le réseau des juridictions constitutionnelles francophones ayant en partage l'usage du français, peut permettre à ses institutions membres de prendre conscience de l'importance de leur rôle dans la conduite des processus électoraux et donc dans la stabilisation de la démocratie et dans l'enracinement de l'Etat de droit.

    La justice constitutionnelle est indéniablement l'une des avancées les plus remarquables de l'histoire constitutionnelle de l'Etat démocratique moderne en Afrique.

    138 La juridiction constitutionnelle doit disposer d'une administration interne autonome, avec un siège distinct et séparé, des experts, assistants et agents administratifs nommés et rémunérés directement par l'institution, et enfin des moyens techniques et bibliographiques adaptés. Elle doit jouir d'une parfaite liberté dans le recrutement et la gestion de son personnel administratif.

    139 Du 7 au 10 août 2015, l'OIF a par exemple organisé, en partenariat avec la Cour constitutionnelle centrafricaine, un séminaire de renforcement des capacités sur le contentieux électoral.

    140 La Francophonie apporte son soutien aux congrès et autres conférences des chefs d'institutions de l'ACCPUF. Elle a accompagné notamment le congrès tenu à Ottawa en Juin 2003 sur : « Le rôle et le fonctionnement des Cours constitutionnelles en période électorale ». Elle a également contribué à l'organisation de la conférence des chefs d'institution de l'ACCPUF, qui s'est tenue à Bucarest du 31 mai au 1er juin 2005 et qui portait sur « L'indépendance des juges et des juridictions ». L'OIF a apporté son appui financier à l'organisation du cinquième congrès de l'ACCPUF qui s'est tenu à Cotonou du 22 au 28 juin 2009 sur « Les juridictions constitutionnelles et les crises » et a soutenu le 2e congrès de la Conférence des Juridictions Constitutionnelles Africaines (CJCA) toujours à Cotonou du 11 au 13 mai 2013. Par ailleurs, la Cour Constitutionnelle béninoise a reçu un appui financier et matériel de l'OIF pour la formation des assistants juridiques à Paris en septembre 2015 et a contribué à la conception et à l'installation du premier site web de la Cour Constitutionnelle et son hébergement sur le serveur de l'OIF. L'OIF a également contribué à l'Organisation des élections présidentielles au Benin en

    appuyant financièrement la Cour dans l'impression des plaquettes sur le rôle de la Cour Constitutionnelle et à la formation des
    observateurs déployés par celle-ci sur toute l'étendue du territoire national lors de l'élection présidentielle de 2016. Voir www.diplomatie.gouv.bj?2017/03?14-03-2017-Plaquette-CNPF.pdf. A côté du soutien aux congrès de l'association, la Francophonie appuie les séminaires des correspondants nationaux de l'ACCPUF. Elle a accompagné celui qui s'est tenu à Paris du 1er au 3 décembre 2004 sur « Le statut, le financement et le rôle des partis politiques : un enjeu de la démocratie ». Elle a soutenu celui qui s'est tenu à Paris du 29 novembre au 1er décembre 2005 sur « Les méthodes de travail des Cours constitutionnelles et institutions équivalentes ». En 2007, l'OIF a organisé en partenariat avec le PNUD, un séminaire sur le bilan du contentieux électoral de 2006 en République Démocratique de Congo. www.accpuf.org.

    Si elle n'est pas une innovation réelle du point de vue de la technique juridique, elle marque tout de même, à l'aune des droits fondamentaux, une profonde évolution dans les modalités d'exercice du pouvoir. C'est donc avec conviction que la Francophonie doit continuer à appuyer les juridictions constitutionnelles et à renforcer leurs capacités. Qu'il intervienne dans sa fonction de juge électoral ou de juge de la constitutionnalité des lois, le trait dominant du juge constitutionnel le conduit à inscrire son action dans l'élan d'édification d'un ordre juridique et démocratique, protecteur des droits fondamentaux. La Francophonie fait déjà un effort croissant dans ce domaine. Toutefois, son apport plus accru est souhaitable.

    Une justice efficace et accessible ne garantissant pas forcément l'éviction des crises politiques, l'OIF s'investit également dans le maintien de la stabilité démocratique par la prévention et la gestion des crises politiques qui surgissent dans l'espace noir francophone.

    Section 2 : Un maintien effectif de la stabilité démocratique.

    L'une des raisons qui maintient aujourd'hui la démocratie dans une situation léthargique en Afrique noire francophone est la multiplicité des crises politiques. En effet l'espace africain noir francophone est au cours de cette décennie une zone constamment instable et «reste l'épicentre de l'instabilité dans le monde avec quelques 120 conflits entre 1946 et 2005»141. En soutenant que la démocratie ne saurait s'épanouir que dans un environnement d'accalmie politique, ces conflits ébranlent et ralentissent dangereusement le processus démocratique engagé depuis plus de vingt ans dans le continent et accroit le taux de pauvreté. La francophonie dans son engagement de renforcement de la démocratie s'est donnée la ferme résolution d'oeuvrer aux cotés des Etats pour le maintien de la paix, condition sine qua non de la réalisation du projet francophone. La démarche de la Francophonie dans la résolution des crises est très originale. Elle reste en effet très active dans la diplomatie préventive. Par ailleurs, l'évolution de l'institution a conduit de façon

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    141 VETTOVAGLIA Jean- Pierre, Médiation et facilitation dans l'espace francophone : Théorie et pratique, Bruxelles, Bruylant, 2010, Vol.1, p.4

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    bénéfique à rompre avec la tradition et s'engager davantage dans les sanctions de l'Etat fautif en cas de crise. Ainsi, l'OIF s'investit dans l'éviction des crises par leur prévention (paragraphe1). Mais une fois que les crises ont éclaté, elle procède à leur gestion (paragraphe2).

    Paragraphe 1 : La politique de prévention

    Le moyen le plus efficace de préserver la paix est d'oeuvrer à l'éviction des crises politiques. La déclaration de Bamako adoptée en 2000 accorde au Secrétaire Général un champ d'actions à entreprendre pour le maintien de la paix. La mise en oeuvre de ce rôle d'avant-garde démocratique conféré au Secrétaire Général (A) a aussi permis à l'OIF de s'investir dans l'émergence d'un nouveau concept qu'est la Réforme du Système de Sécurité (B).

    A- Une approche anticipatrice des crises

    C'est à l'aune de la légitimité découlant de la Charte de la Francophonie et des engagements consensuels souscrits par les États et les gouvernements francophones dans les Déclarations de Bamako et de Saint-Boniface, que sont conduites, sous l'autorité du Secrétaire Général en liaison avec les instances, les actions de la Francophonie en matière de prévention des crises et des conflits.

    Le Secrétaire Général de la Francophonie représente alors l'autorité centrale dans la tâche de la prévention des conflits dans l'espace francophone. La réussite du processus de prévention reste en effet tributaire des motivations et des précautions mises en oeuvre par ce dernier en collaboration avec les instances. A cet effet, le chapitre 5 paragraphe 1er de la déclaration de Bamako dispose qu'en s'appuyant sur un travail de veille continue, par la collecte permanente d'information et l'évaluation systématique de la démocratie, des droits et des libertés à l'aune des engagements de Bamako, le Secrétaire Général dispose d'outils propres à une prévention tant structurelle qu'opérationnelle. Ces outils sont de divers ordres et sont, principalement, d'ordre structurel et visent à approfondir la vie démocratique de ses États membres, à travers la consolidation de l'État de droit, la tenue

    d'élections libres, fiables et transparentes, la gestion d'une vie politique apaisée, l'intériorisation de la culture démocratique et le plein respect des droits de l'Homme. Les mécanismes ad hoc peuvent être actionnés soit en vue d'apporter des réponses à l'imminence d'une crise, soit afin d'éviter qu'un conflit déjà déclaré ne s'aggrave, en particulier par l'envoi de médiateurs ou de facilitateurs.

    Ainsi au Tchad, à la suite de la visite conjointe du Secrétaire Général, du Président de la République française et du Commissaire au développement de l'Union Européenne au lendemain des événements de février 2008142, l'envoyé spécial du Secrétaire Général désigné en mars 2008, Mohamed El Hacen Ould Lebatt, a contribué au renforcement du dialogue entre les acteurs politiques et sociaux tchadiens dans le cadre du processus de relance de la mise en oeuvre de l'accord du 13 août 2007, devant conduire à la tenue d'élections pluralistes et crédibles. Suite aux nombreuses contestations de l'opposition intervenues lors du processus de révision des textes électoraux, l'envoyé spécial a participé à plus d'une dizaine de séances plénières du comité de suivi et d'appui de cet accord, au sein duquel la Francophonie bénéficie du statut d'observateur et de facilitateur. À cette fin, la Francophonie a mis à la disposition du comité de suivi une expertise juridique de haut niveau pour élaborer des propositions juridiquement fondées et politiquement acceptées par toutes les parties.

    Au Bénin, dans le souci de prévenir les risques de crise qui se dessinaient à la suite de la remise en cause, par l'opposition, de la loi portant organisation de la liste électorale permanente informatisée, pourtant adoptée à l'unanimité, en mai 2009, l'OIF est intervenue, sur sollicitation du président de la République. Elle a ainsi contribué de façon significative, en liaison avec l'ONU et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), à faire surmonter les divergences entre les parties et à relancer la réalisation consensuelle de la liste électorale permanente informatisée, dans la perspective des élections présidentielle et législative de 2011. Le Niger était confronté à une grave

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    142 En janvier 2008, les rebelles tchadiens soutenus par le Soudan, ont envahi le Tchad à partir des bases situées au Darfour. Les rebelles tchadiens et les forces gouvernementales s'affrontèrent à Ndjamena le 2 février. Cette tentative de coup d'Etat qui a provoqué de nombreuses hécatombes et est une conséquence des multiples contestations des partis de l'opposition face au régime du Président Idriss Deby.

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    crise politique, depuis juin 2009, marquée par une succession d'actes posés par le Président de la République visant à modifier la Constitution, par voie référendaire sur des questions fondamentales et qui étaient de nature à affecter gravement le fonctionnement régulier des institutions. Depuis le début de cette crise, l'OIF a suivi avec la plus grande attention l'évolution de la situation, en liaison avec les instances et les partenaires régionaux et internationaux, et marqué, tout en condamnant fermement ces agissements contraires à la Déclaration de Bamako, sa disponibilité à accompagner toute initiative pouvant encourager l'instauration d'un dialogue politique entre tous les acteurs et faciliter une sortie de crise pacifique. Le Conseil Parlementaire de la Francophonie (CPF) s'est prononcé à deux reprises sur la question, lors de ses sessions du 10 juillet 2009 et du 14 décembre 2009. Le Secrétaire Général a dépêché deux missions de haut niveau au Niger. La première a été conduite par Pierre Buyoya, du 23 au 26 juillet 2009. L'envoyé spécial du Secrétaire Général a réitéré la disponibilité de la Francophonie à apaiser la situation et à favoriser le retour au strict respect de la légalité constitutionnelle et de l'État de droit. La seconde, menée par Ousmane Paye, conseiller spécial du Secrétaire général de la Francophonie, en décembre 2009, au lendemain de la 74è session du CPF, faisant valoir auprès de ses différents interlocuteurs le souci expressément énoncé par les instances de privilégier le caractère consensuel du retour à l'ordre constitutionnel et à la vie démocratique. Le Conseil Parlementaire de la Francophonie (CPF), réuni le 14 décembre 2009, a également jugé opportun de donner toutes ses chances à la médiation engagée sous l'égide de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et conduite par l'ancien président du Nigeria, Abdoulsalami Abubakar, et à laquelle l'OIF a participé en qualité d'observateur. Le Sommet des chefs d'État de la CEDEAO, qui s'est tenu le 16 février 2010 à Abuja, a cependant constaté la faiblesse des progrès réalisés dans le cadre du dialogue inter-nigérien. C'est dans ce contexte que sont intervenus le coup d'État militaire du 18 février 2010 et la prise du pouvoir par un groupe de militaires organisé en Conseil suprême pour la restauration de la démocratie. Conformément aux dispositions de la Déclaration de Bamako, le Conseil Parlementaire de la Francophonie (CPF) s'est réuni en session extraordinaire à Paris, le 1er mars 2010, pour apprécier la

    situation et a exhorté les acteurs politiques nigériens à ramener rapidement, en oeuvrant de manière consensuelle et inclusive, leur pays sur le chemin de la démocratie, notamment en organisant des élections libres, fiables et transparentes, en rétablissant des institutions conformément aux principes d'un État de droit et en respectant le plein exercice des droits. L'efficacité du procédé de prévention dans l'enrayement des crises politiques est très notable et constitue pour l'OIF un moyen de réalisation du projet francophone.

    Dans un but d'approfondissement de ce dispositif de veuille, l'OIF contribue fortement à la réforme du système de Sécurité

    B- Une implication croissante

    La recrudescence du terrorisme, des conflits armés, de la violation des droits de l'Homme fragilisent les Etats et remettent en cause le système de sécurité jusqu'alors mis en place par eux dans la société internationale. Ces convulsions qui affectent dangereusement la société internationale ont des impacts négatifs sur le processus de démocratisation des Etats et nécessite des actions quotidiennes de sécurisation. C'est dans ce contexte qu'apparait la notion de Réforme du Système de Sécurité visant une redynamisation des acteurs et institutions impliqués dans la sécurité143.

    L'espace noir francophone n'est pas épargné de ces crises, au contraire il en est de plus en plus affecté144. C'est fort de ces risques et dangers pour la démocratie que la Francophonie a décidé de s'approprier cette notion. Conscients de l'importance fondamentale de cet enjeu, les chefs d'État et de gouvernement de la Francophonie, par le point 18 de la Déclaration de Québec, se sont engagés à « [s'Jimpliquer de façon concertée dans les débats menés au sein des Nations unies et des organisations

    143 Selon l'ONU, le système de sécurité doit comprendre des structures, des institutions et un personnel responsable de la gestion, de la garantie et du contrôle de la sécurité. Par exemple: les forces armées, les services de répressions, les services pénitentiaires, les services de renseignements, et les institutions responsables du contrôle des frontières, des douanes et de la protection civile. Dans certains cas, le système comprend également certains éléments du système judiciaire appelés à connaitre des cas de délit et de mauvais usage de la force. Le secteur de la sécurité doit également comporter des organes de gestion et de contrôle et, dans certains cas, peut faire appel à la participation de prestataires informels ou traditionnels de services de sécurité. Voir http://www.un.org/frpeacekeeping/issues/security.shtml. Consulté le 13 février 2018.

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    144 Rappelons que l'Afrique au sud du Sahel est profondément menacée par le phénomène Boko Haram, secte islamique qui défie jusqu'à présent le système sécuritaire mis en place par les Etats. Ceci est une preuve de ce que le système de sécurité étatique est en pleine crise et nécessite par conséquent d'être réformé pour s'adapter aux nouvelles menaces internationales.

    régionales sur la réforme des systèmes de sécurité dans [les pays de la Francophonie] , compte tenu du lien incontournable entre sécurité, paix, démocratie, développement et droits de l'Homme »145.

    La réforme des systèmes de sécurité vise à améliorer la capacité des pays partenaires à pourvoir à la sécurité de l'État comme de ses populations. Elle a ainsi pour vocation de répondre à l'éventail des besoins de sécurité d'une société donnée, dans le respect de l'État de droit, de la démocratie et des droits de l'Homme, grâce à la promotion d'une gouvernance responsable, transparente et efficace des acteurs qui contribuent à façonner l'environnement sécuritaire d'un État et de sa population.

    En ce qui concerne l'OIF, une lecture des dispositions adoptées ne montre aucune référence expresse à la RSS. Mais elle figure cependant en filigrane dans ces dernières. Ainsi à la faveur des Déclarations de Bamako et de Saint-Boniface, complétées par celle de la Déclaration de Québec, l'OIF s'offre un cadre pertinent pour encadrer les éventuelles interventions de l'OIF en matière d'appui à la réforme des systèmes de sécurité.

    D'abord, en ce qui concerne la déclaration de Bamako, certains de ses articles offrent un cadre adéquat pour l'OIF de s'investir dans les RSS. Par exemple, à travers la proclamation de la séparation des pouvoirs, la soumission à la loi de l'ensemble des institutions et acteurs en charge de la sécurité ainsi que le respect du libre exercice des libertés prévus par le chapitre 2, alinéa 2, l'OIF se fait l'obligation de contribuer au renforcement des institutions car «la sanction et donc la loi sont en effet indispensables au fonctionnement de tout système de sécurité, l'action des forces de sécurité n'étant durable que sur leur capacité à enquêter et contraindre est prolongée par celle de l'Etat à juger et punir, capacité pénale qui doit d'abord s'appliquer aux faux- pas des forces de sécurité elles-mêmes»146. De la même manière, à l'alinéa 5 du point 3 de la Déclaration de Bamako, l'OIF condamne sans équivoque les coups d'Etat et autres tentatives de prise de

    145 Déclaration de Québec, XIIe Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement des pays ayant en partage le français, Québec (Canada), 17-19 octobre 2008, p.2.

    60

    146 VITALIS Joseph, « La réforme du secteur de sécurité en Afrique, Contrôle démocratique de la force publique et adaptation aux réalités du continent », in Afrique Contemporaine, Dossier Paix, Sécurité, développement, n°209- Printemps 2004, p.70.

    pouvoir par les armes ou quelque autre moyen illégal147. L'une des vocations de la RSS est de développer la soumission et la loyauté des forces armées au pouvoir civil et démocratiquement élu. Ainsi, les exigences démocratiques de l'exercice du pouvoir participent à cantonner les forces de l'ordre dans les missions de sécurité qui leur sont dévolues car les coups d'état sont condamnés, de même que les violations graves des droits de l'homme qui sont passibles de jugement devant les instances nationales et internationales.

    Par ailleurs, les principes de l'Etat de droit tels que dégagés par le chapitre 2, al 2 constituent «les fondements élémentaires et indispensables d'un système de sécurité démocratique»148. Cependant il faut noter que la démocratisation n'est pas un gage de sécurité dans la mesure où la remise en cause des privilèges et des expectatives politiques peut engendrer de tensions susceptibles de mettre en danger la sécurité de l'Etat ainsi que des citoyens. La déclaration de Saint Boniface, en faisant référence à la sécurité humaine et à la responsabilité de protéger met en place un moyen de prémunir les individus contre toute faille des Etats quant à la préservation de leur sécurité.

    « La RSS est un instrument qui vise à instaurer une architecture sécuritaire rénovée. La RSS s'étend sur un large spectre et a vocation à être mise en oeuvre dans les pays relativement stables tout comme dans les pays en situation de post-conflit»149. Elle apparaît donc comme un volet essentiel de la prévention des crises comme de la sortie des conflits. En ce sens, il s'agit d'un processus qui s'inscrit dans l'agenda adopté dans le cadre de la Déclaration de Saint-Boniface qui affirme la détermination à « concrétiser l'ambition d'une Francophonie qui, au cours de la décennie 2005-2014, entend valoriser son approche et ses acquis au service de la prévention et du règlement des conflits tout en accompagnant résolument les efforts de la communauté internationale visant à construire un système international plus efficace, rénové dans ses structures, ses mécanismes et ses normes ».

    147 Cet article stipule : « pour préserver la démocratie, la Francophonie condamne les coups d'Etat et toute autre prise de pouvoir par la violence, les armes ou quelque autre moyen illégal ».

    148 Rapport OIF 2008, op.cit. p.171.

    61

    149 BAGAYOKO- PENONE Niagale, « la réforme des systèmes de sécurité en Afrique francophone », www. Ahjucaf.

    Elle a ainsi mis en place des partenariats avec les principales fondations et organisations non gouvernementales oeuvrant en faveur de la démocratisation des systèmes de sécurité150, au premier rang desquelles le Réseau africain pour le secteur de sécurité (RASS)151. L'OIF a noué des échanges avec les organisations multilatérales impliquées dans la formalisation du concept de RSS - ONU, Union africaine, Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), Union Européenne, CEDEAO - afin de peser sur les orientations normatives et les réflexions doctrinales actuellement en cours de définition ou de révision au sein de ces enceintes internationales. Dans ce contexte, l'OIF travaille avec le Bureau État de droit de la Direction des Opérations de Maintien de la Paix (DOMP) sur les actions menées en matière de RSS.

    Sur le terrain, la Francophonie s'est montrée engagée pour le renforcement des RSS. Ainsi, en Centrafrique, des programmes de soutien aux RSS ont été lancés et contrôlés par le biais de missions d'expertises établies à cet effet. L'organisation a apporté son soutien à une formation des professionnels de l'information (notamment les membres du Haut Conseil de la communication) et les journalistes d'une quarantaine de médias au traitement des questions de RSS. Aussi pour aider les forces de sécurité à jouer pleinement leur rôle, un soutien au renforcement des capacités de formation de l'école nationale de police centrafricaine a été apporté par l'OIF avec la collaboration du Réseau International français de formation policière. Par ailleurs, l'OIF a identifié puis envoyé un expert en audit sur la réforme de la police civile pour contribuer à la mission conjointe

    150 L'OIF a pour tradition d'apporter un soutien particulier aux initiatives endogènes engagées à l'initiative des acteurs locaux. La contribution de l'OIF aux RSS s'inscrit dans le cadre d'une coopération avec les autres acteurs internationaux. C'est pourquoi la Délégation à la Paix , à la Démocratie et aux Droits de l'Homme en collaboration avec le Bureau Régional de l'OIF pour l'Afrique de l'Ouest (BRAO) a décidé d'apporter son soutien à la tenue d'un séminaire portant sur les spécificités et enjeux de la réforme des secteurs de sécurité et de la justice en Afrique francophone, qu'elle a organisé conjointement avec le RASS et le centre régional des Nations Unies pour la paix et le désarmement en Afrique ( UNREC). Ce séminaire tenu à Lomé les 28 et 29 mai 2009 et dont les travaux ont été solennellement inaugurées par son excellence M. Gilbert Dawara, ministre togolais de la Coopération, a réuni des spécialistes et des experts en provenance de l'ensemble du monde africain francophone. Il a aussi permis une première participation de trois réseaux institutionnels de la Francophonie (le réseau international francophone de formation policière-FRANCOPOL. La section francophone de l'Association internationale des procureurs et poursuivant AIPP; l'Association des institutions supérieures de contrôle ayant en commun l'usage du français- AISCCUF) à une initiative de l'OIF spécifiquement vouée à promouvoir la gouvernance démocratique des systèmes de sécurité.

    62

    151 Le Réseau Africain des Systèmes de Sécurité est une ONG panafricaine oeuvrant au niveau continental en faveur de la gouvernance démocratique des systèmes de sécurité.

    63

    d'évaluation CEDEAO/ONU/Union africaine élargie à l'OIF et à l'Union européenne, pour la réforme des secteurs de sécurité en Guinée.

    Enfin, mentionnons que l'OIF a pu largement compter aussi sur les réseaux institutionnels de la Francophonie, et plus spécifiquement sur Franco Pol. Instrument de soutien à la modernisation et au perfectionnement des dispositifs et de la qualité de la formation et des pratiques policières, Franco Pol est particulièrement adapté pour contribuer à la réforme des forces de police de certains États francophones, spécialement ceux en situation de post-conflit. Elle s'investit, grâce au soutien de l'OIF, dans un projet de développement au profit de sept Etats francophones (Bénin, Burkina Faso, République centrafricaine, Côte d'Ivoire, Niger, Tchad, Togo). Le Carrefour Franco Pol de l'information et du savoir est une plate-forme de formation numérique dont la vocation est de mettre les technologies de l'information et de la communication au service de la modernisation de la fonction policière.

    Quand toutes les mesures propres à prévenir les conflits sont actionnés sans résultats probants, l'OIF s'efforce de mettre en oeuvre des actions de les gérer lorsqu'ils éclatent.

    Paragraphe 2 : La politique de gestion

    La gestion des crises est concurremment assurée par le Secrétaire Général et le CPF (A). Mais l'OIF va au-delà de ces précautions en étendant ses actions aux opérations de maintien de la paix (B).

    A- Une démarche coordonnée par le tandem Secrétariat Général et CPF

    Selon le chapitre 5, al 2 de la déclaration de Bamako, « face à une crise de la démocratie ou en cas de violation grave des droits de l'Homme, les instances de la Francophonie se saisissent conformément aux dispositions de la Charte, de la question afin de prendre toute initiative destinée à prévenir leur aggravation et à contribuer à un règlement». A ce point, une diversité de décisions peut être prise par le Secrétaire Général. Il peut réunir un comité ad hoc consultatif restreint, envoyer un facilitateur dans

    le cadre de la recherche d'une solution consensuelle ou encore des observateurs judiciaires lors d'un procès «suscitant la préoccupation de la communauté francophone». Il peut songer aussi à l'envoi d'un médiateur, recourir aux bons offices ou à la conciliation. Selon Mme Christine Dessouches, il s'agit d'un «recours à la facilitation ...expressément prévu, en cas de crise ou de violations graves des droits de l'Homme, dans une démarche tant préventive que réactive afin que la situation ne se dégrade pas plus ou, surtout, qu'elle connaisse un règlement pacifique»152. Toutefois, le succès de la procédure de facilitation dépend intimement de «l'acceptation préalable du processus de facilitation par les autorités du pays concerné».

    Sur les applications pratiques de ce dispositif, depuis 2000, l'OIF s'est impliquée dans la recherche de solutions aux graves crises qui ont secoué l'espace noir francophone. Sur ce plan, il convient de citer la désignation, par le Secrétaire Général, d'un Envoyé spécial en Côte d'Ivoire, l'Ambassadeur Lansana KOUYATE, à la suite de la grave crise de septembre 2002, ayant entraîné la partition de fait du pays, qui sera confirmé en tant que Représentant permanent de l'OIF au sein du Comité de suivi des Accords de Marcoussis du 23 janvier 2003, transformé en Groupe de Travail International d'accompagnement du processus de transition et Chef du Bureau de l'OIF en à Abidjan. Au Burundi, le Secrétaire Général dépêchera M. Hacen OULD LEBATT, Ancien Ministre des affaires étrangères de Mauritanie, en décembre 1998, pour une mission de bonne volonté et d'information auprès du Président BUYOYA, puis, en tant qu'Observateur lors des négociations d'Arusha, qui se sont traduites par la signature en août 2000 de l'Accord d'Arusha. En République Démocratique du Congo, le Secrétaire Général allait désigner le Président ZINSOU comme Envoyé spécial en vue de contribuer, après l'arrivée au pouvoir du Président Joseph Désiré KABILA, à la conception des termes de l'ouverture et du dialogue national, à travers plusieurs missions de bons offices, d'octobre 1998 à la fin de l'année 1999. Les destinées de ce dialogue seront finalement présidées par le facilitateur désigné, l'ancien Président MASIRE, auprès duquel le

    64

    152 DESSOUCHES Christine, « Exposé de problématique : la pratique de l'OIF en matière de médiation », in Retraite sur la médiation de la Francophonie, 2007, pp. 22-36.

    Secrétaire Général de la Francophonie nommera, à partir de février 2001 M. Hacen OULD LEBATT, en tant que Chef du Bureau de la Facilitation en RDC, d'abord au titre de la Francophonie, puis de l'ONU, et qui oeuvrera, dans ce cadre à la négociation de l'Accord de Pretoria, sur la base de l'Accord de Lusaka.

    En cas de rupture de la démocratie ou de violation massive des droits de l'Homme dans l'un des pays membres, le Secrétaire Général est habilité à recourir aux procédures prévues à l'alinéa 3 du chapitre V de la Déclaration de Bamako, aux fins du rétablissement de l'ordre constitutionnel ou de l'arrêt immédiat de ces violations. En dernier recours, le CPF peut décider de suspendre l'État de l'Organisation. Cette décision s'impose « en cas de coup d'État militaire contre un régime issu d'élections démocratiques »153.

    Ce fut le cas à l'occasion du coup d'Etat en Centrafrique, ayant porté au pouvoir le Général BOZIZE, en mars 2003 avec la situation tendue qui a prévalu au lendemain des élections de 2005, du coup d'Etat au Togo, en février 2005, lors du décès du Président EYADEMA. Dans le cas spécifique de la Centrafrique, la participation de la Francophonie a été ainsi qualifiée par M. Pierre Buyoya 154 : « en République centrafricaine, la médiation de la Francophonie est particulièrement visible car elle a bâti, avec les acteurs politiques et sociaux impliqués dans le processus politique et électoral, un précieux capital de confiance. Elle a su mobiliser à temps une expertise utile et a, en outre, joué un rôle de plaidoyer auprès d'autres acteurs internationaux pour appuyer les efforts de consolidation de la paix.»155. Dans le même pays, le coup d'Etat intervenu en mars 2013 n'a pas échappé à la censure du CPF. En effet, ayant pris connaissance du rapport circonstancié de la mission d'information et de contact dépêchée par le Secrétaire Général du 29 mars au 05 avril 2013 à Bangui et dirigée par Monsieur Louis Michel, les représentants présents au CPF ont confirmé la condamnation du coup de force exprimée avec fermeté par le Secrétaire Général le 25 mars. Dans une résolution, et

    153 Déclaration de Bamako, Chapitre 5, al 3.

    154 Pierre Buyoya était l'envoyé spécial du SG de l'OIF en Centrafrique.

    65

    155 OIF, Rapport du SG/OIF: 2008- 2010, p.32.

    66

    conformément aux dispositions du chapitre 5 de la Déclaration de Bamako, les membres du CPF ont décidé de prononcer la suspension de la République Centrafricaine tout en reconnaissant la décision prise par les chefs d'Etat et de gouvernement de la CEEAC instaurant un dispositif institutionnel de transition.

    En Afrique de l'ouest, l'intervention de l'OIF aura été aussi salutaire. La vive crise politique qu'a connue la Guinée à la suite des répressions et des massacres du 28 septembre 2009 a conduit M. Abdou Diouf à designer le Président Blaise Compaoré pour trouver une issue à la crise. Par la suite, l'envoi de différentes missions et la participation de Groupe international de contact (GIC) ont permis de rétablir l'ordre constitutionnel. Les efforts menés par l'OIF en collaboration avec la CEDEAO vont aboutir à la conclusion d'une déclaration du 15 janvier 2010 signée par le président de la junte, le Général Sékouba Konaté et le président Compaoré qui prévoit une transition de six mois présidée par le Président de la junte et un Premier Ministre issu des forces vives de Guinée.

    On voit alors clairement à travers cette implication de l'OIF dans les processus de transition que, l'objectif de l'organisation à travers le chapitre V, al 3 ne se limite pas à condamner les atteintes à la démocratie ; il s'agit aussi d'inciter et d'accompagner les États concernés sur le chemin du retour à un ordre constitutionnel démocratique. La Francophonie s'attache donc à renforcer les institutions des pays en transition, qu'elles soient ad hoc ou permanentes, aux fins de restauration de la stabilité politique et de la démocratie ainsi que du respect des droits et des libertés.

    En conclusion, plusieurs foyers de conflits se trouvent dans l'espace francophone. La Francophonie a donc une réelle carte à jouer dans leur règlement en faisant valoir ses outils de médiation et de facilitation. Elle doit donc renforcer son engagement, ce qui lui permettra également de perfectionner ses approches.

    La médiation et la facilitation n'empêchant parfois pas que les conflits éclatent, l'OIF étant ses actions en contribuant également aux opérations du maintien de la paix.

    B- Une démarche extensive

    En 2004, le Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi Annan a lancé un appel vibrant au Secrétaire Général de la Francophonie afin qu'il incite les Etats francophones à prendre part à la mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti. C'est cette alerte, «qui constitue le véritable point de départ de l'engagement de la Francophonie en faveur des opérations de paix»156.

    Ainsi, depuis Saint Boniface et davantage encore, depuis le Sommet de Québec en 2008, «la Francophonie a fait de l'accroissement de la participation aux OMP onusiennes et africaines un des grands terrains de mobilisation»157. A ce titre, l'OIF «développe avec les grands acteurs directs du maintien de la paix les partenariats dans le but de contribuer à l'instauration d'une véritable paix durable, fondée sur la considération de la démocratie»158 même si elle n'est pas une actrice directe en matière de maintien de la paix et qu'il n'entend pas non plus le devenir.

    La Francophonie étant une organisation civile, elle ne dispose pas de forces de maintien de la paix. Sa contribution aux opérations de maintien de la paix consiste d'une part à encourager les pays francophones au renforcement de l'effectif des forces de maintien francophone dans les conflits, et d'autre part à formuler des plaidoyers auprès des organisations internationales.

    En ce qui concerne le premier point, il est important de faire remarquer que les OMP des Nations Unies sont caractérisées par un manque criard des contingents francophones sur les terrains de déploiement. Or la conduite des opérations par des contingents francophones particulièrement dans les pays francophones constitue une

    156 OIF, « La contribution de la Francophonie aux opérations de maintien de la paix », Réseau d'expertise et de Formation pour les Opérations de Maintien de la Paix janvier 2017, p.5.

    157 GUICHERD Catherine, « Profondeur stratégique de la Francophonie en Afrique», in BAGAYOKO Niagalé et RAMEL Frédéric (dir), op.cit., p.40. Dans le cadre de la Francophonie, il importe de préciser que cette action est portée par le Canada, secondée par la France et relayée par des réseaux spécialisés (notamment le réseau de recherche sur les opérations de paix (RESOP), le réseau d'expertise et de diffusion d'information basé à l'université de Montréal). Pour Catherine Guichard, cette action est fondée sur un argumentaire plutôt technique soulignant la sous-représentation des francophones dans les OMP onusiennes, alors même que la demande est allée croissante avec le déploiement et l'expansion des missions telles que la MONUSCO ou l'ONUCI.

    67

    158 OIF, DDHDP, Contribution de l'Organisation Internationale de la Francophonie aux opérations de maintien de la paix, p.4, voir www.opérations paix/net/DATA.pdf. Cité par CHABI Basile, L'organisation Internationale de la Francophonie et le règlement des conflits en Afrique noire francophone, mémoire précité, p.46.

    garantie de la réussite des opérations dans la mesure où la proximité linguistique entre la population locale et les forces de maintien permet de créer un lien de confiance qui peut facilement rendre les opérations probantes. C'est dans ce contexte qu'on a assisté à une «appropriation géoculturelle»159 des OMP consistant à un transfert progressif « de responsabilité, d'imputabilité, de compétences et de capacités à une organisation dont les pays membres jouissent d'une proximité culturelle et linguistique servant, dans une certaine mesure de point de ralliement et d'ancrage de collaboration»160.

    'ONU»162.

    Encore appelée «francophonisation des opérations de paix»161, cette appropriation géoculturelle a permis «une augmentation substantielle bien que tardive et modeste, de la contribution francophone aux opérations de la paix de l

    Les opérations de maintien de la paix ont pour objectif d'aider les pays en proie à des conflits à créer les conditions de retour à une paix durable. L'action de l'OIF consiste, d'un point de vue pratique, à informer les Etats francophones sur la mécanique onusienne relative au montage des Omp, l'objectif étant de permettre aux Etats de saisir toute la mesure des opportunités offertes et de prendre les décisions relatives à leur participation auxdites opérations en pleine connaissance du dispositif existant. L'OIF appuie ainsi le développement de programmes, en coopération avec des partenaires bilatéraux et multilatéraux, visant à renforcer la capacité des Etats membres à participer à ces opérations. Concrètement, cet appui prend la forme de formations dispensées en partenariat avec les écoles de formation spécialisées, telles que l'Ecole de maintien de la paix Alioune Blondin Beye (EMP)163 de Bamako, l'Ecole Internationale des Forces de Sécurité (EIFORCES)164 d'Awaé au Cameroun et les séminaires in situ de formation aux normes des Nations Unies dans les pays qui offrent des disponibilités immédiates de mise

    159 MASSIE Jean et MORIN David, « Francophonie et opérations de paix : vers une appropriation géoculturelle », Revue Etudes Internationales, Vol. 42, n°3, 2011, pp. 313- 336.

    160 LARRAMENDY Damien, MORIN David, THEROUX-BENONI Lorie-Anne et ZAHAR Marie-Joëlle, La participation francophone aux opérations de paix : état des lieux, Montréal, ROP/CERI, 2012, p.21, cité par CHABI Basile, op.cit., p.48.

    161 MASSIE Jean, et MORIN David, op.cit. Ce terme traduit la nécessité de déployer les casques bleus maitrisant la langue française dans les champs des hostilités des pays francophones afin de faciliter la communication avec les populations locales.

    162 Ibidem., p.320.

    163 Cette école a été ouverte en 2006 et a pour mission de contribuer au renforcement des capacités des Etats africains en matière de soutien à la paix et prioritairement à la Force Africaine en Attente de la CEDEAO.

    68

    164 L'EIFORCES a été créée en 2008 et est appelée à devenir la première institution africaine dans le domaine des missions non militaires de maintien de la paix.

    à disposition de contingents, mais dont les troupes ont besoin d'une formation complémentaire pour se présenter aux examens de recrutement organisés par l'ONU (comme ce fut le cas en 2006 des fonctionnaires de police du Sénégal et du Cameroun).

    Enfin, deux autres pôles de formation intéressent la Francophonie. Il s'agit de la formation des contingents non francophones à l'usage et à la pratique de la langue française et l'identification d'un vivier d'experts civils dans les domaines liés aux Omp.

    Le second mode de participation de la Francophonie aux opérations de maintien de la paix consiste en des actions de plaidoyers auprès des organisations internationales notamment l'ONU. Elle mène ainsi des actions de plaidoyers auprès de cette organisation universelle où se déroulent les négociations internationales sur le concept, l'architecture et le déploiement des Omp. Cette initiative a conduit en mars 2004 à la signature d'un partenariat ONU-OIF lorsque l'ONU a pris attache avec l'OIF en sollicitant son concours pour la mobilisation des contingents francophones dans la perspective du déploiement dans les pays francophones.

    Les actions de l'OIF en matière de plaidoyer visent principalement à assurer la promotion de l'usage du français dans la documentation onusienne relative aux opérations de paix, ainsi qu'au sein du Secrétariat et des missions, notamment pour ce qui a trait aux processus de recrutement. En s'appuyant sur le rapport du Comité spécial sur les Opérations de maintien de la paix des Nations unies (dit « C-34 »), auquel l'OIF participe

    en qualité d'observateur, elle a sollicité l'ONU «à rééquilibrer sa politique
    linguistique»
    165 notamment en exhortant l'ONU à ce que tous les documents produits par elle soient publiés en français et afin d'inciter à l'insertion des francophones dans les Omp, notamment en argumentant en faveur de l'ajustement de la manière dont l'ONU conduit les entretiens de recrutement (en français avec évaluation d'un anglais fonctionnel).

    Dans ce cadre, l'OIF a ainsi adressé, en mars 2015, une contribution écrite au Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de paix des Nations unies, mis en place par le Secrétaire général des Nations unies. Cette contribution a notamment mis

    69

    165 OIF, Contribution de l'Organisation Internationale de la Francophonie aux opérations de maintien de la paix, op.cit., p.19.

    70

    l'accent sur la nécessité de favoriser le multilinguisme et de prendre en considération la dimension linguistique dans les phases de préparation, d'intervention et de consolidation des opérations de paix, ainsi que sur l'importance de promouvoir une meilleure prise en compte de la diversité des spécificités locales propres aux pays d'intervention.

    Par ailleurs, l'OIF mène des actions de plaidoyer également auprès des États membres pour les sensibiliser aux avantages stratégiques procurés par la participation aux opérations de maintien de la paix. Celles-ci constituent en effet un instrument de rayonnement politico-diplomatique et un levier d'influence aux plans régional et international, ainsi qu'un vecteur de modernisation de l'appareil de défense et de sécurité. C'est dans ce cadre que se sont inscrits en 2009 les forums de Bamako et de Yaoundé qui ont permis de sensibiliser les responsables d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale à l'importance de la contribution francophone aux OMP. Il s'agit aussi de la Co-organisation avec la Direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère français des Affaires étrangères (DCSD), la Délégation aux affaires stratégiques du ministère français de la Défense (DAS) et le Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP) du cycle de séminaires 2012-2013 (Addis-Abeba, Dakar, Genève, New York) sur le rôle des pays francophones dans les opérations de maintien de la paix de l'ONU.

    Conclusion de la première partie

    71

    Le rôle joué par l'OIF dans le rayonnement démocratique des Etats de l'Afrique noire francophone est évident. La mise en place des instruments juridiques très ambitieux et des mécanismes d'action originaux ont permis de promouvoir la stabilité démocratique en faisant obstacle ou en atténuant les dérives dans la gestion du pouvoir par les responsables politiques. Le partenariat qu'elle a créé avec les organisations internationales et régionales engagées dans la construction démocratique fait de sa contribution un atout irremplaçable auprès des Etats d'Afrique noire francophone.

    Et pourtant, et en dépit de toutes ces réussites, les actions de la Francophonie dans la construction démocratique se heurtent à bien des obstacles ; ce qui rend sa contribution perfectible.

    UN ACCOMPAGNEMENT PERFECTIBLE

    DEUXIEME PARTIE :

    72

    Le projet politique d'accompagnement de la démocratie mis en oeuvre par la Francophonie en Afrique noire francophone en dépit des réussites évidentes enregistrées est plus qu'à parfaire. En effet, bon nombre d'écueils liés aussi bien à l'environnement politique des Etats qu'à l'organisation interne de l'OIF, corsètent les initiatives mises en oeuvre par cette dernière. L'analyse de ces difficultés est donc pertinente en vue d'une meilleure action politique de l'OIF en faveur de la démocratie en Afrique noire francophone.

    Nous parlerons alors d'une part de la double difficulté à laquelle fait face l'OIF (Chapitre 1) et d'autre part des défis qu'elle doit relever en vue d'un meilleur accompagnement démocratique (Chapitre II).

    CHAPITRE I : DES DIFFICULTES A UN

    DOUBLE NIVEAU

    L'engagement politique de la Francophonie amorcée véritablement à partir de 1997, notamment par la création d'un poste de Secrétariat Général est d'une noblesse indiscutable. Il est en effet tourné vers une problématique contemporaine cruciale qu'est la démocratie africaine caractérisée de tous les maux166. Cependant, l'atteinte de cet objectif qu'elle s'est assignée n'est pas sans entraves notamment en Afrique noire francophone.

    On le sait très bien, la démocratie ne saurait rimer avec les conflits. Or l'espace africain noir francophone est un espace constamment secoué par les convulsions politiques qui débouchent fréquemment sur des conflits. Il en résulte que l'Afrique noire francophone n'offre pas un contexte favorable à l'instauration ou à l'accompagnement démocratique (Section 1).

    En outre, l'analyse de l'organisation interne de l'OIF laisse transparaitre une faiblesse structurelle manifeste qui ne favorise pas un accompagnement démocratique optimal (Section 2).

    Section 1 : Les difficultés intrinsèques à l'espace noir francophone

    L'ambition politique de la Francophonie qui est de jouer un rôle primordial dans le rayonnement de la démocratie dans l'espace noir francophone est corsetée par, d'une part, l'instabilité politique qui secoue les Etats de cet espace (paragraphe 1) et d'autre part, par la difficulté de concilier la souveraineté étatique et l'accompagnement démocratique (paragraphe 2).

    73

    166 En effet bon nombre d'observateurs internationaux voient en la démocratie africaine une démocratie imparfaite faite d'instabilité politique, de coups d'Etat caractérisés par des tentatives des militaires à reverser les gouvernements civils élus démocratiquement, la violation des droits de l'Homme, la confiscation du pouvoir, l'instrumentalisation des constitutions par les autorités gouvernementales à des fins politiques ainsi que des élections peu crédibles.

    Paragraphe 1 : L'OIF face à un espace constamment instable

    L'Afrique noire francophone reste un espace très miné par des conflits ethniques et politiques qui engendrent des violations massives des droits humains (A). Dans ce contexte, les actions de médiation entreprises par l'OIF en vue de la résolution desdites crises n'aboutissent toujours pas à des issues favorables (B).

    A- Une recrudescence des conflits

    «Alors que le développement est un processus long et endogène, l'Afrique est le continent des conflits et des tsunamis silencieux»167. C'est malheureusement le tableau sombre que l'on dresse de l'Afrique qui apparemment n'a pas pris la mesure du développement. Depuis les années 1970, le continent africain a connu plus de trente guerres qui, dans leur vaste majorité, sont d'origine interne. Pour la seule année 1996, quatorze des cinquante-trois pays africains - soit plus du quart - étaient touchés par des conflits armés qui avaient provoqué plus de la moitié de tous les décès liés à la guerre dans le monde entier et qui avaient de même expliqué le sort de huit millions de réfugiés et de personnes déplacées168.

    Avec l'écroulement du bloc soviétique et l'adoption dans le monde et en Afrique de la démocratie comme mode d'organisation des sociétés humaines, l'on pouvait raisonnablement s'attendre à l'atténuation considérable des conflits armés au profit de l'accélération du processus conduisant à la pacification des Etats. Au contraire, c'est surtout après 1989, donc avec le changement démocratique que les conflits ont redoublé d'intensité. Au lieu d'en assurer la prospérité des pays africains, l'avènement de la démocratie semble donner un coup d'accélérateur à des conflits particulièrement internes, violents, lesquels ont entamé la vie socio-politico-économique de la majorité des Etats. Et pour preuve, «depuis 1990, 19 conflits majeurs africains ont été localisés dans 17 pays, dont un seul « classique », c'est-à-dire opposant deux États (Éthiopie-Érythrée). La

    167 HUGON Philipe, « Conflits armés, insécurité et trappes à pauvreté en Afrique», Afrique contemporaine : Afrique et Développement, n°218, Bruxelles, éd. De Boeck, 2006, p. 33.

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    168 ANNAN Koffi, Les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durable en Afrique, rapport au conseil de sécurité, New-York, Nations Unies, Avril 1998, paragraphe 4. Disponible sur www.un.org.

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    baisse du nombre des conflits majeurs en Afrique entre 1990 et 1997 a fait place à une reprise entre 1998 et 2000 (11 conflits par an), puis à une réduction depuis 2001 (cinq conflits par an en moyenne). En 2006, le spectre des conflits continue de hanter la République démocratique du Congo (RDC), la Côte d'Ivoire, la Somalie, l'Érythrée et l'Éthiopie ainsi que le Darfour, avec une extension au Tchad voisin. S'expliquant largement par le sous-développement et par l'exclusion, les conflits sont, à leur tour, des facteurs d'insécurité et de sous-développement traduisant l'existence de cercles vicieux et de trappes à sous-développement et à conflits»169.

    A cet effet, l'Afrique noire francophone reste très affectée par une prolifération exponentielle des conflits ces dernières années. En Afrique de l'ouest, deux conflits majeurs retiennent les attentions. Il s'agit d'abord de la Côte d'Ivoire qui a connu doublement la guerre civile dont celle ayant débuté en 2002 et la crise postélectorale de 2010. Ces deux crises ont non seulement généré des hécatombes mais, aussi appauvri le pays en annihilant tous les efforts de construction démocratique déployés jusque-là par les autorités nationales et les partenaires sociaux. Il s'agit ensuite de la Guinée où la mort du Président Lansana Conté le 22 décembre 2008, a entrainé le pays dans une nouvelle ère de turbulence qui a conduit jusqu'au massacre de 2009 par le putschiste Moussa Daddis Camara.

    Dans la même optique, l'Afrique centrale n'est pas épargnée de cette instabilité généralisée. En effet, une violente guerre civile170 a ravagé la République centrafricaine à partir de l'année 2013. Elle a opposé notamment les milices de la Seleka, à majorité musulmane et fidèle au président Michel Djotodia, à des groupes d'auto-défense chrétiens

    169 HUGON Philippe, « Conflits armés, insécurité et trappes à pauvreté en Afrique», article précité, p.42.

    170 Selon un communiqué d'Amnesty International publié le 19 décembre 2013, environ 1000 chrétiens sont massacrés par la Seleka rien que pour les journées du 5 au 8 décembre 2013 lors de la bataille de Bangui et des centaines de civils sont massacrés par les deux camps lors du mois de janvier. À la fin du mois de janvier 2014, l'ONU estime que les violences ont fait 2000 morts et un million de déplacés depuis décembre. Dans un rapport publié le 1er novembre 2014, l'ONU estime que les violences ont fait 3000 morts entre le 5 décembre 2013 et le 14 août 2014. Sur cette période les anti-balaka seraient responsables de la mort de 854 civils et de 7 travailleurs humanitaires tandis que la Séléka aurait tué 610 civils et 7 travailleurs humanitaires. Human Rights Watch affirme avoir recensé la mort de 146 personnes dans les environs de Bambari, Bakala, Mbres et Dékoa entre juin et début septembre. En janvier 2015, un rapport d'une commission d'enquête de l'ONU affirme que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ont été commis par la Seleka et les anti-balaka mais qu'il n'y a pas de preuve de génocide. Selon la commission, le conflit en République centrafricaine a fait 3 000 à 6 000 morts en deux ans. Voir www. https://wikivisually.com/lang-fr/wiki/Troisiéme guerre civile centrafricaine.

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    et animistes, les anti-balaka, fidèles à l'ancien président François Bozizé et accusés d'être soutenus par des anciens militaires des Forces armées centrafricaines. Le conflit se caractérise par de nombreuses exactions contre les civils, musulmans ou chrétiens. Un grand nombre d'entre eux fuient les villages pour se réfugier dans la brousse. La situation débouche sur une crise humanitaire importante, aggravée par le chaos sécuritaire.

    Face à ces crises, plusieurs missions de paix ont été établies par l'ONU en vue de les maîtriser et les enrayer171. Dans la même logique sur le plan régional et sous régional, l'UA aussi a multiplié l'Etablissement des OMP sur le terrain des hostilités. Les causes de ces conflits sont multiples: centralisation excessive du pouvoir politique et économique engendrant corruption et népotisme; refus de certains dirigeants de rendre des comptes et d'accepter l'alternance politique, mépris des minorités, monopolisation du pouvoir par des groupes (ethniques, régionaux, militaires), absence de système de représentation efficace, coopération insuffisante de part et d'autre de frontières héritées de la colonisation séparant artificiellement une même communauté, disputes sur les tracés territoriaux(...), insuffisance du contrôle de la circulation des armes liée à la déficience de l'Etat.

    Le point essentiel qui constitue un enjeu de taille pour l'Afrique est la conséquence de ces crises car en effet les conflits armés internes ont la particularité de plonger les institutions étatiques dans une crise systémique qui aboutit non seulement à l'effondrement de l'Etat mais aussi au démantèlement du processus démocratique. L'effondrement de l'Etat du fait des conflits se remarque aussi bien sur le plan politique que sur le plan juridique.

    Sur le plan politique, l'effondrement de l'Etat, «c'est une situation où la structure, l'autorité, le droit et l'ordre politique se sont émiettés et ont besoin d'être recomposés»172.

    171 Il s'agit du BINUCA (Bureau Intégré des Nations Unies pour la Consolidation de la paix en RCA) envoyé en Janvier 2010, de la MISCA (Mission internationale de soutien à la RCA) sous conduite Africaine et l'opération Sangaris sous conduite de la France. Et enfin la MINUSCA (Mission Internationale des Nations Unies pour la stabilisation en Centrafrique) mise en place en 2014.

    171ZARTMAN William cité par POULIGNY Béatrice : Ils nous avaient promis la paix : Opérations de l'ONU et populations locales, Paris, Presses de sciences po, 2004, p.50. Cité par KIMARARUNGA Jean Désiré, L'organisation des Nations Unies face aux conflits en Afrique : contribution à une culture de prévention, mémoire de DEA en relations internationales et intégration européenne, Université de Liège, 2007.

    .

    D'un point de vue juridique, c'est l'existence même de l'Etat qui est compromise du fait de l'écroulement de l'édifice institutionnel servant d'assise au pouvoir politique.

    L'effondrement de l'Etat conduit aussi inéluctablement à l'éclatement de la nation - du moins celle qui est en construction. Il en résulte une certaine remise en cause du sentiment collectif du vouloir vivre ensemble. La société en tant que groupe se fragmente. C'est bien la triste réalité qu'a connue la Centrafrique avec la guerre civile opposant musulmans et chrétiens. Ainsi, « (...) Non seulement l'Etat est absent dans sa fonction d'ordre et de légitimité, mais la société a volé en éclats, la nation est fragmentée, la population dispersée et l'économie en ruine. De plus, alors que l'Etat est vacant, ni ordre, ni pouvoir, ni légitimité ne sont transmis à des groupes (même si plusieurs organisations existantes pourraient évoluer dans ce sens). La réalité et le symbole du pouvoir sont tous deux à qui veut les prendre parmi les factions armées qui se combattent»173.

    Par ailleurs, la démocratie qui déjà est très fragile en période normale subit de grandes convulsions avec l'éclatement d'une crise politique.

    Sans remettre en cause le caractère précoce de la démocratie dans les pays africains, il convient de faire remarquer que les guerres ont tendance à porter un coup dur au processus démocratique.

    Cette situation est le corollaire de l'effondrement de l'Etat. En effet, « l'Etat n'est plus le seul détenteur du pouvoir de répression légale. Il peut à tout moment se trouver en compétition avec d'autres centres de pouvoir, en détenant les mêmes moyens. L'apparition d'un tel phénomène dans le paysage politique africain est un facteur de grande vulnérabilité, d'instabilité chronique et même de délégitimation des pouvoirs légalement mis en place, qui hypothèque les fragiles processus démocratiques amorcés ici et là »174.

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    173 LOWENKOPF Martin, cité par AHANHANZO GLELE Victor et HOUEDJISSIN Modeste, L'intégration régionale comme instrument de prévention des conflits : cas de la CEDEAO, mémoire de fin de 1er cycle DRI, UAC : ENAM, 2000, p.17, cité par KIMARARUNGA Jean Désiré, L'organisation des Nations Unies face aux conflits en Afrique : contribution à une culture de prévention, op.cit.

    174 KONARE Omar Alpha, cité par EDUI MOKA Abdoul, La prévention des conflits en Afrique, Mémoire de DEA Droit de la personne humaine et Démocratie, UAC, 2002, p.31, cité par KIMARARUNGA Jean Désiré, op.cit.

    C'est bien cela qu'a vécu la République de Côte d'Ivoire. A l'issue des élections présidentielles de 2000, le gouvernement mis sur pied est obligé de partager le pouvoir avec des groupes rebelles à travers la signature d'un accord inclusif dénommé les accords de Marcoussis175 en 2003 afin de mettre fin à la guerre civile qui sévissait dans le pays. Le constat à ce niveau est que l'on remarque avec amertume que les armes ont tendance à prendre le pas sur les urnes.

    Ce phénomène constitue un défi pour la démocratie et pour les partenaires de l'Afrique. Des accommodements de toutes sortes sont consentis à l'égard des rebelles désormais sur le même pied d'égalité avec le pouvoir légal. Sous prétexte de "réconciliation nationale", des criminels de guerre sont intégrés dans des processus de reconstruction de l'Etat de droit, ce qui contredit les idéaux de justice et de démocratie. Le système démocratique reste donc très éprouvé avec ces conflits.

    Le système de réaction mis en place par l'OIF en vue de la résorption de ces crises et conflits n'assure pas toujours le retour à la paix et à la normalité constitutionnelle.

    B- Une intervention étriquée de l'OIF

    L'OIF n'est pas une organisation de maintien de la paix. Par conséquent, elle ne dispose pas d'une force de maintien de la paix. Du reste, son intervention dans les crises repose essentiellement sur la médiation. En effet, en tant que processus de plus en plus structuré, « la médiation offre à tous les acteurs d'un conflit un cadre souple, neutre et impartial d'échange et de prise de décision, propice à la résolution des conflits»176. «Le développement récent des crises et des conflits dans l'espace francophone a permis à la Francophonie de confirmer le caractère complexe de leurs nouvelles dynamiques et lui donne l'occasion de rappeler, dans ce contexte évolutif, l'importance de la médiation internationale dans la prévention et le règlement pacifique des différends»177. L'OIF qui

    175 Les accords de Marcoussis ou accords Kléber se sont tenus du 15 au 26 janvier 2003 en France à Linas-Marcoussis et visaient à mettre un terme à la guerre civile de Cote d'Ivoire qui s'y déroulait depuis 2002. Autour de la table de négociations, les forces nouvelles rebelles du nord et les différents partis politiques du pays étaient invités par le Président français, Jacques Chirac, pour négocier à huit clos les conditions de retour à la paix. Les accords furent signés au centre des conférences internationales, avenue Kléber à Paris.

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    176 OIF, 2é Retraite sur la médiation de la Francophonie, 2012, p.31. 177Ibidem, p.6

    en fait son instrument diplomatique principal n'arrive pas à réellement s'imposer dans le cadre du règlement des conflits en Afrique noire francophone. Cette situation s'explique d'abord par la multiplicité des acteurs intervenant dans le règlement des conflits et ensuite par leur difficile coopération et complémentarité.

    Tout d'abord il faut reconnaitre que «l'OIF participe aux processus de règlement des conflits affectant les pays de l'Afrique francophone non pas en tant qu'acteur isolé, mais dans le cadre des concertations multilatérales mises en place»178. C'est justement à ce niveau que le problème se pose dans le règlement du conflit car chaque médiateur est mandaté par une institution spécifique et doit mener aussi sa diplomatie d'une manière aussi spécifique.

    Autrement dit, «En pratique, le médiateur désigné par la communauté internationale se trouve confronté à l'intervention d'autres médiateurs, envoyés spéciaux, représentants de diverses institutions internationales, acteurs étatiques ou non étatiques, de nombreux observateurs, situation qui fragilise sa mission auprès des parties»179. On assiste en la matière bien souvent à une véritable « cacophonie », et la coordination des acteurs pour la plupart concurrents autour d'un chef de file est difficile à organiser180. La dimension externe de la crise tchadienne caractérisée par une pluralité d'intervenants externes illustre bien les défis généraux des médiations. Selon Ngarlem Toldé, «ce qui semble caractériser la plupart d'entre elles est l'absence d'un centre (formel ou informel) de synchronisation et d'harmonisation»181.

    De façon générale, la présence sur place de plusieurs médiateurs, envoyés spéciaux et d'importantes organisations internationales et non- gouvernementales est susceptible de créer une grande confusion quant aux responsabilités du médiateur principal. L'harmonisation et la coordination des initiatives des feuilles de routes des médiateurs restent donc une problématique cruciale pour le succès des initiatives de médiation dans

    178 GUICHERD Catherine, « Profondeur stratégique de la Francophonie en Afrique », 2013, p.38, in BAGAYOKO Niagalé et RAMEL Frédéric, Francophonie et profondeur stratégique, IRSEM.

    179 OIF, 2é Retraite sur la médiation de la Francophonie, ouvrage précité., p.31.

    180Ibidem, p.31.

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    181 NGARLEM Toldé, La Francophonie et la résolution des conflits : réflexion sur la notion de tiers, Lyon, Université Jean Moulin (Lyon 3), Thèse de doctorat soutenue le 20 décembre 2012, p. 159.

    les conflits. Dans le cas spécifique de la médiation francophone, son action parait subordonnée à l'action d'autres organisations disposant d'une envergure politique et financière plus grande182. Ainsi dans son rapport de 2006-2008, le Secrétaire Général de la Francophonie a souligné que dans la crise tchadienne de 2007-2008183, c'est l'action politico-militaire de la France et de l'Union Européenne qui a réellement permis de dépasser la crise interne. De la même façon en Côte d'Ivoire, malgré son dévouement à s'impliquer dans la résolution de la crise électorale de 2005-2011, c'est l'utilisation de la force militaire associée aux pressions politiques entreprises par d'abord l'ONU et ensuite la France qui a permis d'apaiser les esprits.

    Hormis l'instabilité politique, c'est le respect du principe sacrosaint de la souveraineté qui constitue l'autre obstacle à une meilleure implication de l'OIF dans la démocratie en Afrique noire francophone.

    Paragraphe 2 : L'OIF face à la souveraineté des Etats

    La souveraineté étatique constitue un principe notoirement connu en droit international. Elle est considérée comme une qualité de l'Etat (A). Toutefois sa conception et son respect au sens strict constitue un obstacle à l'offensive démocratique de l'OIF au sein des Etats (B)

    A- La souveraineté comme qualité de l'Etat

    La souveraineté est le droit exclusif qu'exerce un Etat sur son territoire ou sur son peuple. Selon Louis Le Fur, la souveraineté est la qualité de l'Etat de n'être obligé ou déterminé que par sa propre volonté, dans les limites du principe supérieur du droit, et conformément au but collectif qu'il est appelé à réaliser184. La conséquence directe de la souveraineté de l'Etat est le principe de l'égalité de tous les Etats et la non-ingérence définie par la Charte des Nations Unies dans l'article 2.7 du Chapitre I : « Aucune

    182 GUICHERD Catherine, « Profondeur stratégique de la Francophonie en Afrique », op.cit., p.38.

    183 En février 2008 des rebelles tchadiens venant du Soudan s'introduisent dans la capitale tchadienne et tentent un coup de force pour s'approprier le pouvoir. Le président Idriss Déby mobilise alors ses troupes pour la riposte afin de préserver son pouvoir. Leur action n'étant pas suffisante pour contenir ces rebelles, la France a été sollicitée pour intervenir militairement contre les rebelles.

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    184 LE FUR Louis, Etat fédéral et confédération d'Etats, 1896, p.443.

    disposition dans la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ». La souveraineté étatique donne la compétence personnelle à l'Etat quant à la question liée à l'organisation du pouvoir politique, à son statut politique, la forme de son régime et les modalités d'exercice du pouvoir politique c'est-à-dire que l'Etat a le droit de « choisir son système politique, économique, social et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part d'un autre État »185 ou organisation internationale. Ainsi, s'agissant du chapitre de l'organisation des scrutins électoraux, la souveraineté conduit à considérer que l'Etat est le seul qui en détermine les modalités sans aucune influence extérieure tel que le notifie Hector Gros Espiell lorsqu'il affirme: «à l'organisation constitutionnelle de l'État, à la forme de gouvernement et au système d'intégration des pouvoirs de l'État [...] les élections, en tant que procédé d'intégration des organes législatif et exécutif prévus par la constitution, relevaient du seul domaine du droit interne. Le droit de participer aux élections, d'être électeur et d'être élu, était une question que chaque pays résolvait exclusivement au moyen de son système constitutionnel et juridique. Que les élections aient lieu ou non, qu'elles aient été ajournées ou non, qu'elles aient été authentiques et libres, frauduleuses et viciées, voilà qui laissait le droit international indifférent»186.

    Le principe de la non-ingérence, fleuron même de la souveraineté de l'Etat a été hautement défendu par une résolution de l'Assemblée Générale des Nations Unies et un arrêt de la Cour Internationale de Justice. L'Assemblée Générale de l'ONU au paragraphe 5 de sa résolution 2131 du 21 décembre 1965 portant «Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures des États » affirmait que « tout État a le

    185 Il suffit de procéder à une lecture presque notariale de la Déclaration relative aux principes de droit International touchant les relations amicales et à la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, Rés. AG 2625(XXV), Doc. Off. AG NU, 25e session. Sup. no13, Doc. NU, A/8018 (1970). Aussi, peut-on consulter avec profit l'arrêt Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, supra note 1 aux pp. 133 et s.

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    186 GROS-ESPIELL Hector, « Liberté des élections et observation internationale des élections. Rapport Général», dans Colloque de la Laguna, Liberté des élections et observation internationale des élections, Bruylant, Bruxelles, 1994, pp.79 et s. Toutefois, on peut signaler des interventions unilatérales de certaines puissances occidentales dans les affaires intérieures d'un autre État. De telles interventions peuvent se fonder sur des irrégularités électorales ; SCHACHTER Oscar, « Is There a Right to Overthrow an Illegitimate Régime», dans Mélanges Michel Virally, Le droit international au service de la paix, de la justice et du développement, Paris, Pedone, 1991, 423 aux pp. 423 et s. ; SCHACHTER Oscar, « International Law in Theory and Practice », 1982, 178 Rec. des cours 9 aux pp.140-149 ; GORDON Edward, « International Law and the United States Action in Grenada », 1984. Cité par KOKOROKO Dodzi, « Souveraineté étatique et légitimité démocratique », Revue Québécoise de droit international, 2003, p. 23.

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    droit de choisir son système politique, économique, social et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part de n'importe quel État »187. Quant à la Cour Internationale de Justice, dans son arrêt du 27 juin 1986 sur l'« Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua », elle a reconnu une valeur coutumière à un tel principe et considéré que « l'intervention interdite doit donc porter sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté des États permet à chacun de se décider librement»188, et la Cour d'ajouter qu'il en est ainsi du «choix du système politique, économique, social et culturel : Les orientations politiques internes d'un État relèvent de la compétence exclusive de celui-ci [...] Chaque État possède le droit fondamental de choisir et de mettre en oeuvre comme il l'entend son système politique, économique et social [...] La Cour ne découvre aucun instrument ayant une valeur juridique, unilatérale ou synallagmatique, par lequel le Nicaragua se serait engagé quant au principe et aux modalités de la tenue d'élections [...]. L'adhésion d'un État à une doctrine particulière ne constitue pas une violation du droit international coutumier. Conclure autrement reviendrait à priver de son sens le principe fondamental de la souveraineté des États sur lequel repose tout le droit international et la liberté qu'un État a de choisir son système politique, social et culturel»189. La valorisation de ce principe de souveraineté a abouti à une tendance très poussée de fétichisation de l'autonomie constitutionnelle et autorise l'Etat à accepter ou rejeter toute initiative qu'il considère comme étant une menace à son intégrité territoriale ou une immixtion dans ses affaires intérieures. C'est ainsi au nom de

    187 Dans le prolongement de cette résolution, on peut citer la Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures des États et de l'ingérence dans les affaires intérieures des États, Rés. AG 36/103, Doc. Off. AG NU, 36e sess. Doc. NU A/RES/36/103, (1981), sans passer sous silence l'Affaire du Détroit de Corfour (Albanie c. Royaume-Uni), arrêt 9 avril 1949, [1949] C.I.J. Rec. 4. à la p. 35 : « le prétendu droit d'intervention ne peut être envisagé par elle [la Cour] que comme une manifestation d'une politique de force, politique qui, dans le passé, a donné lieu aux abus les plus graves et qui ne saurait, quelles que soient les déficiences présentes de l'organisation internationale, trouver aucune place dans le droit international ». Pour d'amples explications, voir VINCINEAU Michel, « Quelques commentaires à propos de la « Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires intérieures des États », dans Mélanges Charles Chaumont, 555, supra note 8 aux pp. 555-577. Cité par KOKOROKO Dodzi, op.cit., p.5.

    188 Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, supra note 1 à la p. 133 : « la seule dérogation reconnue à la règle concerne les régimes nazis et racistes, autrement dit, « toutes les idéologies et pratiques totalitaires ou autres, en particulier, nazies, fascistes, néo-fascistes fondées sur l'exclusivisme ou l'intolérance raciale ou ethnique, la haine, la terreur, le déni systématique des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ; LANG Caroline, L'affaire Nicaragua c. États-Unis devant la CIJ, Paris, Librairie générale de droit et jurisprudence, 1990 ; EISEN MANN Pierre-Michel, « L'arrêt de la CIJ du 27 juin 1986 dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci », 1986, A.F.D.I., 153 aux pp. 153 et s. Cité par KOKOROKO Dodzi, « Souveraineté étatique et légitimité démocratique », article précité, p.5.

    189Ibidem.

    la souveraineté, qu'au Togo et au Zimbabwe lors des élections présidentielles de 1993 et de 2002, plusieurs organisations non-gouvernementales telles le Groupe d'Études et de Recherches sur la Démocratie et le Développement Économique et Social(GERDDES), l'Union Interafricaine des Droits de l'homme (UIDH) ou l'UE ont été exclues, parce que supposées proches des oppositions politiques aux pouvoirs en place190. En définitive, la souveraineté peut être utilisée comme un alibi par les autorités politiques afin de manipuler leur peuple et leur nation à leur guise sans pour autant craindre une remise en cause de leur légitimité de la part de quelque Etat ou organisation internationale que ce soit. Même si ce principe a beaucoup évolué aujourd'hui en droit international191, les Etats en restent toujours très attachés dans leur rapport entre eux ou avec les acteurs dérivés du droit international. Dans le cadre de l'OIF, l'attachement des Etats à leur souveraineté est une entrave à une meilleure implication démocratique.

    B- La souveraineté comme obstacle à l'implication démocratique

    Le respect de la souveraineté constitue un principe central qui gouverne les actions de la Francophonie en matière d'accompagnement démocratique. A l'article 1er de la charte adoptée à Antananarivo, on peut lire au paragraphe 2 :« La Francophonie respecte la souveraineté des Etats, leurs langues, leurs cultures. Elle observe la plus stricte neutralité dans les questions de politique intérieure». C'est à la base de cette énonciation de la Charte, que l'OIF a décrété la diversité démocratique en faveur des Etats. En d'autres

    190 DIAMOND Larry, Promoting Democracy in the 1990's, Carnegie Foundation of New-York, Washington, 1995 aux pp. 17 et s. L'exemple zimbabwéen mérite de façon exceptionnelle d'être souligné. En effet, le gouvernement de Robert Mugabe a refusé d'accorder des accréditations à certains observateurs de l'Union européenne, en invoquant l'immixtion pure et simple de ces derniers dans les affaires intérieures de son pays. Voir KPATINDE Francis, « Mugabe fait front » Jeune Afrique/ L'Intelligent (25 fév. au 3 mars 2002) ; Laasko, supra note 35 aux pp. 437-464. Pour le cas du Togo, voir PILON Marc, « L'observation des processus électoraux : enseignements de l'élection présidentielle au Togo », Politique africaine, n°56,, 137 aux pp. 139 et s, 1994. Cité par KOKOROKO Dodzi, op.cit.

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    191 Le professeur VIRALLY Michel expliquait comment le développement progressif du droit international avait remodelé le visage de la souveraineté. C'est durant ces dernières années que les règles fondamentales du droit international ont été codifiées dès lors que l'on s'attache à celles qui, tout en ayant une portée morale ou politique sont limitatives de la souveraineté. La souveraineté des États n'est plus perçue comme un pouvoir absolu et inconditionné, mais comme un faisceau de compétences exercées dans l'intérêt de l'État, mais aussi dans le sens des intérêts généraux de la Communauté internationale. Selon l'ancien Secrétaire Général des Nations Unies, M. Perez de Cuellar, «La souveraineté dépend de l'attitude d'un État par rapport aux droits de l'Homme puisque la protection des droits de l'Homme constitue la clé de voûte du système international, donc de la paix ». Il ajoute que le « principe de la non-intervention dans les affaires intérieures d'un État ne saurait servir de barrière protectrice derrière laquelle, les droits de l'Homme pourraient être massivement et systématiquement violés en toute impunité ». Voir VIRALLY Michel, le « Droit International en devenir », Essais écrits au fil des ans, in Politique étrangère, n°2, 1990, 55ème année, pp.424-426.

    termes, les Etats sont libres d'organiser leur système démocratique comme ils l'entendent et le conçoivent en liaison avec leurs cultures ou les legs de leur histoire. Ainsi, on peut lire dans la déclaration de Bamako au chapitre 3, article 2 :«pour la Francophonie, il n'y a pas de mode d'organisation unique de la démocratie et que, dans le respect des principes universels, des formes d'expression de la démocratie doivent s'inscrire dans les réalités et spécificités historiques, culturelles et sociales de chaque peuple». Si la consécration de ce principe de diversité démocratique tient à la nécessité de respecter l'autonomie constitutionnelle de chaque Etat, il faut cependant comprendre qu'elle porte un coup à la légitimité des actions et aux prises de position192 de l'OIF en cas de dérive des dirigeants politiques. La consécration de la diversité démocratique contribue en effet pour les Etats sur la base de l'autonomie constitutionnelle à entretenir une diversité des situations politiques dans l'espace francophone. Ainsi, «l'espace noir francophone comprend une mosaïque de situations politiques»193 qualifiées tout azimut de système démocratique. En Afrique noire francophone, cette situation est de nature à favoriser la prolifération des démocraties dites de façade ou de prestige qui pourtant ne suscite pas la préoccupation des instances de la Francophonie qui affichent leur quasi passiveté. L'affaiblissement de la potentialité d'apport de l'OIF dans l'affermissement des démocraties en Afrique noire francophone en raison de la souveraineté étatique se remarque également sur le plan des élections. En effet sur ce plan, «tout est mis en oeuvre pour saboter la pratique de l'observation internationale des élections sur le fondement de la souveraineté étatique»194. En conséquence, les rapports finaux des observations électorales établis par les observateurs de l'OIF manquent d'audace pour dénoncer les dysfonctionnements réels qui ont entaché le bon déroulement des élections195. Ainsi, dans ce chapitre éminemment

    192 L'OIF affirme à travers ses textes son attachement aux valeurs notoirement connues de la gouvernance démocratique dont la condamnation des coups d'Etat, l'organisation à date régulière des échéances électorales, le respect des droits humains....

    193 SY Malick, DJISTERA Lahana Corine, ROBEYE Rirangar Aimé, La promotion de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits de l'Homme dans l'espace francophone, mémoire de Master 2 en sciences politiques et relations internationales, Université Jean Moulin Lyon 3, 2008.

    194 KOKOROKO Dodzi, « Souveraineté étatique et légitimité démocratique », article précité., p.49.

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    195 A titre d'exemple, la mission électorale au Togo lors des élections présidentielles de 2010 a constaté au cours d'une visite au centre de traitement des résultats que «des problèmes concernant la réception des données par VSAT ont été signalés en raison de la panne des postes de réception qui sont au nombre de 5. Ces difficultés de réception de données par VSAT considéré comme plus sécurisé et leur interruption à la suite de la panne des ordinateurs n'a pas permis une configuration de l'intégralité des données reçues par les trois procédés initialement prévus ( Rapport de mission d'information et de contacts de la Francophonie, Elections

    important de la vie démocratique, on remarque que l'observation électorale mise en oeuvre par l'OIF fait l'objet de bien des critiques et son application révèle une bien plus pénible réalité196 car elle opte pour une conception purement formaliste du droit à des élections libres et honnêtes, occultant ainsi les déviances affectant un choix authentique par les êtres humains197. De ce point de vue, le respect de l'autonomie constitutionnelle, est de nature à tempérer et à émietter la détermination de l'OIF à s'investir raisonnablement dans la construction démocratique. L'OIF est presque impuissante face aux dirigeants politiques qui brandissant leur autonomie constitutionnelle s'accrochant inlassablement au pouvoir198 en livrant leur peuple à l'asservissement. On comprend alors aisément la posture mitigée de l'OIF face à la prolifération de certaines «démocratures» en Afrique noire francophone199

    présidentielles du 4 mars 2010 au Togo, www.démocratie.francophonie.org/, p.8.). Dans ce cas, l'élection a été validée alors que ces pannes d'ordinateurs paraissent comme des sabotages en vue de truquer les élections. En conséquence l'OIF s'aligne derrière cette phraséologie qui est devenue un rite de l'observation internationale des élections : «malgré les quelques insuffisances constatées, l'élection s'est déroulée dans le calme et la sincérité sur toute l'étendue du territoire».

    196 SALMON Jean, « Démocratisation et souveraineté : l'impossible conciliation ? », dans Rostane Mehdi (dir), La Contribution des Nations Unies à la démocratisation de l'État, Dixième Rencontre internationale d'Aix-en-Provence, Colloque des 14 et 15 décembre 2001, Pedone, Paris, 2002, 191 aux pp. 191 et S. Cité par KOKOROKO Dodzi, « Souveraineté étatique et légitimité démocratique », article précité, p.13.

    197 KOKOROKO Dodzi, « Souveraineté étatique et légitimité démocratique », article précité, p.13.

    198 Sur l'espace noir francophone, plusieurs chefs d'Etat sont au pouvoir depuis plus de 30 ans et d'autres un peu moins. Le Président Teodoro Obiang Nguema de la Guinée Equatoriale arrivé au pouvoir à la suite du coup d'Etat du 3 aout 1979 est le plus ancien au poste. Paul Biya du Cameroun a bouclé ses 34 ans de pouvoir. Quant à Nguesso Denis Sassou du Congo, il cumule 32 ans de pouvoir. Président de 1979 à 1992, puis de 1997 à l'heure actuelle grâce à une nouvelle constitution qui lui permet de briguer un autre mandat. Au Tchad, Idriss Déby Itno est au pouvoir depuis 26 ans. Le Gabonais Omar Bongo est décédé en 2009 après plus de 41 ans au pouvoir. Il faut ajouter à cette liste le régime de Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005. Le référendum constitutionnel mis en oeuvre par lui et auquel le peuple a motivé son approbation lui permettrait de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2034 puisque la durée du mandat est passée désormais de 5 à 7 ans. L'autonomie constitutionnelle est instrumentalisée par certains chefs d'Etat africain pour légitimer leur maintien au pouvoir. «En effet, en Afrique, la vie politique a été dominée, et dans certains Etats continue par être dominé par des chefs d'Etats inamovibles, qui ont confisqué le pouvoir d'Etat, en profitant du manque de culture démocratique des populations. Voir A. Loada, «La limitation du nombre des mandat ...», p.144. Cité par TCHANGA KEUTCHA Célestin, «Droit constitutionnel et conflits politiques dans les Etats francophones d'Afrique noire», Revue Française de Droit Constitutionnel, vol 3, n 63, p. 451- 491. « Depuis l'indépendance, la plupart des Présidents ont considéré qu'une fois en fonction, ils avaient vocation à le conserver indéfiniment. Sous le régime des partis uniques ou largement dominants, il leur était facile de se faire réélire indéfiniment, le plus souvent d'ailleurs comme candidat unique». Voir G. Conac, « Quelques réflexions sur le nouveau constitutionnalisme africain», in Organisation Internationale de la Francophonie, Paris, Pedone et Bruxelles, Bruylant, 2001, p.14. Il est aisé de constater que le passage, sur le plan formel, d'un ordre constitutionnel autoritaire à un autre, libéral et démocratique, n'a pas remis en cause cette personnalisation du pouvoir politique. Bon nombre de Présidents sortant n'acceptent l'ouverture démocratique que dans la mesure où elle ne remet pas en cause leur maintien à la tête du pays, excluant ainsi en fait la possibilité d'une alternance au sommet de l'Etat. Le poids de cette tradition autoritaire reste encore vivace au Gabon, au Tchad, au Cameroun, au Togo, au Burundi où les dirigeants n'ont pas encore pris conscience qu'ils ont intérêt à respecter les règles du jeu démocratique.

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    199 Selon le professeur KOKOROKO, par « démocrature », «nous entendons certaines caricatures démocratiques en trompe l'oeil qui sont pourtant acceptées dans le concert des Nations telles le Togo, la Birmanie, le Zimbabwe et le Tchad». Il faut ajouter aussi, le Congo Brazzaville, le Burundi. Voir KOKOROKO Dodzi, « souveraineté étatique et principe de légitimité démocratique », op.cit. Rappelons aussi à cet effet que certains présidents citant leurs pays comme étant démocratiques en Afrique noire francophone se maintiennent au pouvoir depuis des années et sont auteurs de violations graves des droits de l'homme sous la passiveté de la communauté internationale et plus particulièrement de l'OIF.

    Ceci étant, si la souveraineté, qualité intrinsèque de l'Etat, ne saurait s'effacer devant la légitimité démocratique, elle doit cesser d'être un instrument utilisé par les politiques pour nourrir leurs appétits dictatoriaux ou mettre un frein aux initiatives de la Francophonie dans son investissement pour la démocratie. En d'autres termes, il faudrait que l'alibi de l'autonomie constitutionnelle maquillée en défense de la souveraineté étatique n'assure plus la violation des droits de l'homme en l'occurrence celui d'être élu et d'élire ses dirigeants politiques démocratiquement. En un mot, il faut que disparaisse sous la pression des Etats véritablement démocratiques, de l'ONU, des Organisations internationales et régionales, des ONG, des médias, de l'opinion publique nationale et internationale en collaboration avec l'OIF, une conception exacerbée de la souveraineté étatique200.

    Section 2 : Les difficultés intrinsèques à l'OIF

    L'ambition politique de l'OIF de faire de l'espace noir francophone un bastion de la démocratie contraste malheureusement avec le caractère limité des moyens d'action (paragraphe 1) et une flexibilité dans son fonctionnement interne (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Un appui limité

    L'OIF est confrontée à la difficulté de la mobilisation des moyens financiers pour faire face à la réalisation des activités liées à ses objectifs. Aux difficultés financières (A) s'ajoutent une souplesse excessive des textes qui organisent son action politique en faveur

    de la démocratie (B). Si cette souplesse textuelle est liée à sa vision d'accompagnement démocratique, une vision modérée et idéaliste des relations internationales, il n'en demeure pas moins vrai qu'elle ralentit ou tempère considérablement ses potentialités d'action.

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    200 KOKOROKO Dodzi, « Souveraineté étatique et légitimité démocratique », article précité, p.50.

    A- Une insuffisance évidente des moyens d'action

    Selon le site web de l'OIF, en décembre 2017, elle regroupe quatre-vingt Etats ou gouvernements repartis sur les cinq continents représentant 14% de la population mondiale201.

    Si une telle extension vertigineuse de l'OIF est un avantage stratégique notamment du côté de sa visibilité et de son poids dans les relations internationales, elle nécessite cependant de lourds moyens à même de répondre aux multiples besoins et sollicitations des Etats dans tous les domaines notamment « la promotion de «la paix, de la démocratie et des droits de l'Homme». Or, «durant les années quatre-vingt-dix, l'élargissement ne s'est pas accompagné d'aucun financement supplémentaire et s'est donc traduit par un saupoudrage qui déçoit autant les anciens que les nouveaux adhérents.» 202 . «La Francophonie a été marquée par le passé par des difficultés financières majeures, en grande partie liées au fait que pendant de nombreuses années, près d'un tiers des membres de la Francophonie n'avaient pas versé leurs contributions volontaires au budget de l'OIF, les arriérés ayant atteint un montant cumulé d'environ 11 millions d'Euros .Cet important manque à gagner a longtemps déséquilibré le budget de l'organisation»203. La conséquence directe de cette situation est que l'OIF en raison de ses moyens limités n'arrive pas à couvrir les besoins exprimés par les Etats. A titre d'exemple, pour la période de 2010-2013, l'OIF consacre à la mise en oeuvre de son programme 180 millions d'Euros dont environ 10,5 millions à sa mission B: « Promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l'Homme» au titre de l'année 2011204. De ce point de vue, quand l'on est conscient de ce que la vie politique des Etats d'Afrique noire francophone est particulièrement jonchée de crises et de conflits et que la démocratie est soumise à de vives convulsions, de lourds moyens restent à mobiliser pour répondre aux diverses sollicitations des Etats de l'espace.

    201www.oif.org. Consulté le 20 septembre 2017.

    202AUF, ouvrage collectif, Francophonie et relations internationales, ouvrage précité., p.75 203www.oif.org.

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    204OIF, Rapport du contrôleur financier, Année financière 2011, p.12.

    Du reste, «l'élargissement de l'OIF nécessite des moyens financiers notamment dans la promotion de la démocratie: l'élargissement suppose des moyens supplémentaires et une institutionnalisation plus poussée, car ce qui existe est notoirement insuffisant: des moyens financiers et techniques supplémentaires permettraient, notamment de développer l'enseignement de la langue française dans les pays peu francophones et de soutenir les initiatives nationales pour atteindre les objectifs de la Francophonie»205.

    Par ailleurs, la mise en oeuvre des actions de médiation, la mobilisation des personnalités et experts à même de mener à bien les missions n'est pas encore à la hauteur des attentes. Les équipes d'accompagnement, d'assistance ou de soutien aux médiateurs ou aux facilitateurs n'existent pas pour la plupart du temps206. Les exigences de la lourdeur inhérente aux tâches de préparation et de mise en oeuvre des missions de médiation ou de facilitation annihilent souvent les efforts des experts et consultations de la Délégation, à la Paix, à la Démocratie et aux Droits de l'Homme bien que depuis 2003, cet organe a connu un accroissement non moins important de ses effectifs. Ainsi, dans la plupart des cas, ce sont les mêmes personnes qui assurent les différentes tâches.

    Travailler en synergie avec les Nations Unies, l'Union Africaine, l'Union Européenne (UE) ou les organisations sous régionales comme la CEDEAO ou la CEEAC, organiser une mission de médiation , envoyer des missions d'information, d'observation et d'évaluation dans des pays appartenant à des zones géographiques très diversifiées sont autant d'actions qui supposent bien évidemment de disposer d'un réseau diplomatique solide, d'experts qualifiés et de budget consistant. A ce jour, en dépit des différents appels au renforcement du budget, (en témoignent les fécondes et pertinentes recommandations contenues dans les Actes du retraite sur la médiation francophone de 2007 et de 2012, organisé sous l'égide de l'OIF) la Francophonie peine à mobiliser de tels moyens (en 2012, son budget s'élevait à 85 millions d'euros, montant stable sur un an).

    En plus de ces moyens humains et financiers insuffisants qui freinent l'action de l'OIF, l'inexistence des mesures coercitives due à la souplesse des textes de l'OIF

    205 AUF, ouvrage collectif, Francophonie et relations internationales, ouvrage précité, p.75.

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    206 OIF, Retraite sur la médiation de la Francophonie, article précité, p.19.

    représente une autre entrave à une meilleure implication de l'OIF dans l'approfondissement démocratique en Afrique noire francophone.

    B- Une souplesse défavorable des textes

    L'OIF repose sur des textes essentiellement déclaratoires. La Charte de la Francophonie, principal texte de l'organisation n'a pas valeur contraignante. Dans la même logique, la Déclaration de Bamako et la Déclaration de Saint Boniface sont des textes de la soft law et par voie conséquence, les obligations qui y découlent ne lient pas les Etats membres de l'institution. Ceci fait de l'OIF une organisation atypique207. Car une Organisation internationale est fondée sur un traité liant tous les membres. Cet acte constitutif est un acte mixte car «il est à la fois un accord de volonté conclu entre les Etats souverains et aux sens à la fois formel et matériel ou l'on l'entend en droit public interne, une constitution, déterminant les droits et obligations des Etats liés entre eux de même qu'aux organes institués dont ils précisent les pouvoirs»208.

    Le caractère non contraignant des textes de l'OIF entraine dans la plupart des cas, le non-respect de certains principes liés à la démocratie et à l'Etat de droit. La rupture de la démocratie en Guinée, en Côte d'Ivoire, en Centrafrique et même en RDC est très illustrative du non appropriation par les Etats des valeurs démocratiques promues par l'OIF. Il en est de même des révisions opportunistes mises en oeuvre par les chefs d'Etats de certains pays d'Afrique noire francophone; révisions qui sont enclenchées au grand mépris des valeurs contenues dans la Déclaration de Bamako et sous la presque inaction des instances de l'OIF. C'est pourquoi, «il est souhaitable d'avoir un véritable traité ratifié par les parlements des Etats membres et définissant les droits et les devoirs de chaque signataire. Ainsi les membres prendraient-ils au sérieux leur adhésion»209 . Par ailleurs, la souplesse des textes de l'OIF a pour conséquence d'empêcher l'OIF de prendre des mesures coercitives ou non coercitives telles les sanctions économiques à l'égard des Etats en cas de

    207 CABANIS André, CROUZATIER Jean Marie, IVAN Ruxandra, SOPPELSA Jacques, Méthodologie de la recherche en droit international, géopolitique et relations internationales, op.cit., p.70.

    208 DUPUIY Pierre Marie, op.cit., p.158.

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    209 AUF, ouvrage collectif, Francophonie et relations internationales, ouvrage précité, p.70.

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    violation de la démocratie. En effet, deux principes cardinaux régissent les activités de l'OIF en matière de médiation et de conciliation. Le premier qui prend en compte le principe sacro-saint de la souveraineté consiste pour les institutions de l'OIF à n'intervenir qu'après obtention de l'autorisation de l'Etat concerné.

    Le second principe qui est celui de la complémentarité des actions de l'OIF à celles des autres organisations internationales et régionales a pour philosophie d'éviter une cacophonie entre les acteurs de la médiation ; ce qui pourrait complexifier le conflit ou corseter le dénouement de la crise.

    Du reste, l'intervention de la Francophonie dans les conflits repose sur la médiation ; mode privilégié de résolution des conflits qui trouve son explication dans le fait que les textes qui organisent la démocratie dans l'espace francophone ont un caractère souple. En cas de rupture de la démocratie, la sanction privilégiée est soit la suspension de l'Etat concerné des rencontres des instances de l'organisation ou l'exclusion pure et simple de ce dernier de l'organisation. Mais malheureusement, on remarque que l'OIF est plutôt encline à jouer le rôle d'un leader moral auprès des Etats ; une action qui jusque-là n'empêche pas les dirigeants politiques de l'espace noir francophone à s'adonner à des violations des droits humains et à réviser opportunément les constitutions. Face à une telle situation, il est important que l'OIF renforce la déclaration de Bamako afin de la rendre contraignante vis-à-vis de ses Etats membres. Cette démarche doit s'inscrire dans le sillage du Commonwealth qui s'est doté d'outils lui permettant d'imposer des sanctions à l'encontre des pays ne respectant pas les règles établies.

    Par ailleurs, la faiblesse des textes de l'OIF rend son fonctionnement mitigé. Paragraphe 2 : Un fonctionnement mitigé.

    Le fonctionnement interne de l'OIF fait constamment l'objet de polémiques. Il est d'abord dénoncé en raison de la présence stratégique de la France qui laisse penser que l'OIF est une émanation de la géopolitique française dans le monde et plus particulièrement dans les Etats de l'Afrique francophone (A). Cette influence française

    91

    entraine une perte de confiance manifestée par les Etats membres en particulier ceux de l'Afrique noire francophone (B).

    A- Une prédominance excessive de la France

    L'OIF est victime du caractère dérisoire de son budget. Ce budget reste essentiellement tributaire de la contribution de la France qui reste le premier Etat contributeur au FMU. La conséquence de cet état de chose est que la partie française en raison de cette forte contribution à tendance à utiliser l'organisation comme un outil ou une variante de sa politique étrangère.

    «La France reste le premier contributeur de l'OIF. Sur un budget total de 85millions d'Euros par an, la France contribue à hauteur de 26 millions, juste devant le Canada, ce qui lui confère une certaine influence»210.

    Le budget de la Francophonie est en grande partie sustenté par la France, première donatrice suivie du Canada211. Selon Drezet Paul, en 2012, la part de la France dans le budget de l'OIF s'élevait à 44%, celle du Canada à 25%, celle de la Belgique à 14%, celle de la Suisse à 6,8% et celle du Québec à 6,3%212. A l'image de l'Organisation des Nations Unies où les Etats Unis en raison de leur forte contribution au budget pèsent sur les décisions prises par l'institution, la forte contribution de la France dans le budget de la Francophonie lui donne indubitablement une position stratégique que le pays utilise pour influer en sa faveur sur les actions entreprises. Cette situation fait que nombreux croit que la Francophonie est une institution créée pour servir les intérêts de la France et perpétuer les intérêts français dans les pays membres et en occurrence dans les Etats d'Afrique. La conséquence d'une telle situation est qu'elle décrédibilise l'OIF par rapport aux objectifs prioritaires qu'elle s'est fixée d'atteindre et en occurrence ses objectifs politiques. «D'ailleurs certains observateurs en Côte d'Ivoire et au Tchad voient en l'action de la Francophonie dans les crises qu'ont connues ces Etats, une sorte d'expression de la

    210 www.google.bj/amp/s/amp.rfi.fr/afrique/201411276quelle-place-france-francophonie, consulté le 18 juillet 2017.

    211 DREZET Paul, Les enjeux de la Francophonie: d'une communauté de langue à une communauté de destin, www.francophonie.org, p.13, cité par CHABI Basile, op.cit., p.13.

    212 DREZET Paul, Les enjeux de la Francophonie: d'une communauté de langue à une communauté de destin, op.cit.

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    volonté française»213 . Par ailleurs, sur le plan idéologique, la Francophonie donne l'impression d'être portée par la France comme le démontre ces mots du Président Nicolas Sarkozy « l'OIF doit porter également des combats politiques au vrai sens du terme... A quoi cela servirait- il, mes chers amis, d'avoir des valeurs communes si nous ne transformions pas cette adhésion en prises de position politiques?»214. En effet, «la France qui n'a plus ses colonies sent qu'elle perd de son lustre d'antan»215. Ainsi, « la Francophonie devient le cadre idéal pour restaurer cette influence»216. Si l'on peut se réjouir que la France soit le partenariat privilégié de l'Afrique, il est tout aussi indéniable de nier que la politique étrangère de la France est essoufflée et en quête perpétuelle de ses lettres de noblesse.

    Face aux défis de la globalisation économique et eu égard à la montée en puissance des Etats anglo-saxons dans le champ de l'acquisition de la puissance, la France, très affaiblie, compte en grande partie sur la Francophonie pour espérer peser sur les relations internationales. De ce point de vue, «la Francophonie est devenue un instrument politique au service de la France qui profite du poids des pays membres pour rayonner à l'extérieur.»217. Ainsi, «au-delà du simple aspect linguistique, l'influence et la puissance de la France sont donc là»218. «On le sent lors des grandes messes rituelles. Paris dissimule à peine qu'elle se trouve au centre des prises de décisions. L'illustration en a été donnée avec l'entrée négociée au sein du monde francophone, de pays dont ceux de l'Europe de l'Est»219. Donc, dans une certaine mesure, «la Francophonie est un axe

    213 www.courrier international.com/article/2010/3/25/un-instrument-.politique-au-service-de-la-france. Consulté le 15 juillet 2017. Le pouvoir d'Idriss Deby a été conforté en Février 2008 grâce à l'action militaire de la France mise en oeuvre par le président Sarkozy. Lors de l'entrée à Ndjamena des rebelles tchadiens dont l'objectif était de déstabiliser le pouvoir, une légion française a été envoyée au Tchad afin de sauver le pouvoir d'Idriss Déby pourtant déjà dénoncé par l'opinion publique tchadienne. Bien que cette action s'inscrit dans le cadre de la responsabilité de protéger, elle traduit aussi l'acharnement de Paris de conforter le régime controversé de Idriss Déby. De la même manière, en Côte d'Ivoire l'initiative en 2003 de signature des accords de Marcoussis voulue et dirigée par Jacques Chirac a permis de maintenir Laurent Gbagbo au pouvoir en dépit des irrégularités qui ont entaché l'organisation de cette élection dont l'élimination de Alassane Ouattara de la course à la présidentielle à cause du principe antidémocratique de l'ivoiriété et qui a été institué par Henri Konan Bédié.

    214 Allocution prononcée au palais de l'Elysée à l'occasion de la journée Internationale de la Francophonie le 20 mars 2010, p.4. www.elysee.fr. cité par CHABI Basile, L'OIF et la résolution des conflits en Afrique noire francophone, op.cit. p.69. 215www.courrierinternational.com/article/ 2010/3/25/un-instrument-politique-au-service-de-la-france. Consulté le 15 juillet 2017. 216Ibidem.

    217Ibidem.

    218 MAGNENET HUBSCHWERLIN Christophe, « Vers une défense francophone en Afrique? », Revue Défense Nationale, n°333, p.3. Disponible sur www.defnat.fr, cité par CHABI Basile, op.cit., p.70.

    219 www.courrierinternationale.com/*article/2010/3/25/un instrument-politique-au-service-de la France.

    majeur de la politique française»220 et cela a pour conséquence de la désorienter du moment où «elle se trouve apparentée à une mosaïque de peuples et de cultures au sein de laquelle s'exprime la politique (de puissance douce) d'un Etat qui en est le pôle de

    référence (en raison de son investissement actuel sans être l'initiateur)

    »221.

    93

    B- Une crédibilité érodée

    L'engagement de l'OIF en faveur de la démocratie souffre d'un réel enthousiasme de la part des Etats dès lors que cette organisation est considérée par l'opinion publique comme étant une puissante arme au service de l'hégémonie française ou encore «le dernier avatar de l'empire colonial français»222. Cette situation amène « plusieurs à s'interroger sur les finalités et la nature de l'Organisation »223.

    En effet, «pour l'opinion politique africaine, la Francophonie sert à asseoir et pérenniser des dictatures, donc à assurer le recul des démocraties. L'organisation profiterait davantage aux acteurs politiques mais se soucierait très peu du sort des jeunes»224. Une approche explicative de cette opinion serait dans une moindre mesure le maintien au pouvoir de dirigeants politiques au terme de leur ultime mandat et ceci sous la coupole des instances de la Francophonie qui dans la plupart des cas s'effacent ou restent impuissantes face à la détermination des «assoiffés du pouvoir» dans ces genres de situation. Les exemples du Burkina Faso sous le Président Compaoré, ou de la RDC sous Joseph Kabila en disent long sur ce phénomène. L'OIF est ainsi «accusée de faire plus la politique qu'autre chose».225

    Par ailleurs, l'espace francophone est un espace où le déséquilibre entre pays du sud et pays du nord est très accru et cette inégalité est mise à profit par les plus puissants

    220 MASSART-PIERARD Françoise, La Francophonie: complexité, ambivalence et jeu de position, in BEAUDOUIN Louise et PAQUIN Stéphane (dir.), Pourquoi la Francophonie?, Québec, VLB éditeur, 2008, p. 54.

    221Ibid.

    222 WOLTON Dominique, L'identité francophone dans la mondialisation, Paris, CRSF, 2008, p.11. Cité par CHABI Basile, L'OIF et la résolution des conflits en Afrique noire francophone mémoire précité., p.71.

    223Ibidem. La crédibilité de l'OIF constitue davantage une problématique dans la mesure où les modalités d'adhésion sont assez troubles, subjectives et élastiques. L'on assiste alors à un élargissement spectaculaire des membres de l'organisation avec une prise en compte très critique des critères de promotion de la langue française et des valeurs de démocratie et des droits de l'Homme.

    224 http://www.courrierinternational.com/article/2010/03/25/un-instrument-politique-au-service-de-la-france.

    225Ibidem.

    pour affaiblir les faibles car ce sont les premiers qui assurent les financements du développement des derniers avec toutes les contraintes que l'on connait très bien. «Ce déséquilibre s'est accentué au fil du temps du fait du poids de la France en rapport avec les visées géostratégiques de l'Elysée»226. Cette situation entraine au niveau des Etats un certain désenchantement qui débouche sur une tendance à sortir de ce milieu assujetti aux seuls intérêts français. Tel fut le cas du Rwanda qui a fini par rejoindre le Commonwealth anglo-saxon étant membre de l'OIF.

    Selon le quotidien Courrier International, «la Francophonie est devenue un instrument politique au service de la France qui profite du poids des pays membres pour rayonner à l'extérieur (....). Le rayonnement culturel étant sous-jacent à l'influence économique, la France qui n'a plus ses colonies, sent qu'elle perd de son lustre d'antan; la Francophonie devient alors le cadre idéal pour restaurer cette influence (...) Paris dissimule à peine qu'elle se trouve au centre des prises de décision»227. La remise en cause de la crédibilité de l'OIF est d'autant plus juste dans la mesure où cet espace est devenu un terrain où s'observent «de véritables luttes d'influence et de leadership qui opposent de temps à autre Français, Belges, Canadiens, Québécois et Suisses, entre autres»228 consumant ainsi les pays faibles constitués en partie par les pays d'Afrique francophone. L'on ne saurait blâmer les pays d'Afrique francophone du moment où la Francophonie est devenue «une arène de compétition ouverte et déclarée entre grandes puissances, en particulier la France qui tente de préserver sa sphère d'influence et des intérêts économiques vis-à-vis d'autres puissances présentes géographiquement sur le continent, telles que les Etats Unis ou la Chine. A la francophonie et à la Francophonie s'ajoute une troisième conception du monde francophone : une franco sphère où l'OIF est ici considérée comme instrument à la solde des intérêts nationaux de ses membres les plus puissants, en particulier la France et dans une moindre mesure le Canada»229

    226Ibidem

    227 Ibidem.

    228 Ibidem.

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    229 MASSIE Jean, MORIN David, « Francophonie et opérations de paix. Vers une appropriation géoculturelle », Revues Etudes internationales, vol 42, n°3, 2011, pp.315- 316.

    Par ailleurs, notons qu'en dépit du fait que l'OIF fait de la diversité culturelle et la valorisation des langues africaines une priorité, les efforts sont beaucoup plus tournés vers le rehaussement de la langue française dans les pays africains francophones où résident d'ailleurs cinquante-cinq pour cent des francophones du monde entier. Cet engagement de l'OIF à l'égard de la langue française au mépris des langues africaines s'explique par le fait que la langue est en perte de vitesse comparativement à l'anglais anglo-saxon en pleine propagation. Comme le fait remarquer Courrier international, «le français est devenu une langue fragile qui emprunte de plus en plus aux autres. Naguère langue de la diplomatie internationale, le français a progressivement cédé le terrain face à l'influence grandissante de l'anglais anglo-américain (...). Cela force l'admiration et donne davantage de poids à la langue, instrument d'une belle coopération»230.

    Toutes ces insuffisances relevées dans l'engagement de l'OIF en faveur de la démocratie, montrent que des défis restent à relever pour une meilleure implication de l'organisation dans ce domaine

    95

    230 http://www.courrierinternational.com/article/2010/03/25/un-instrument-politique-au-service-de-la-france.

    CHAPITRE II :

    DES PERSPECTIVES A UNE MEILLEURE IMPLICATION DEMOCRATIQUE

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    L'optimisation de l'accompagnement démocratique de la Francophonie ne saurait être une réalité si de profondes réformes ne sont pas engagées dans le fonctionnement interne de ladite organisation. Ainsi, c'est la conduite de toute la démarche politique de l'OIF qui doit être revue et amplifiée (Section 2). Mais avant tout, l'organisation doit s'engager à inciter les Etats à opérer des réformes dans l'ordre interne (Section 1).

    Section 1 : Les réformes à soutenir au niveau des Etats

    La préservation de la démocratie repose pour l'essentiel sur le respect aussi bien par les gouvernés que les gouvernants des textes et donc de la constitution ; instrument fondamental qui organise les pouvoirs dans un Etat. Mais à l'heure actuelle le constitutionnalisme adopté par les Etats d'Afrique noire dans les années 1990 est soumise de façon générale à de vives convulsions qui maintiennent la démocratie africaine dans une sorte de léthargie. La conséquence est la désintégration des principes cardinaux qui ont caractérisé le constitutionnalisme africain à son avènement. Il urge alors de redonner au constitutionnalisme africain ces lettres de noblesse en la revalorisant (paragraphe 1). Au-delà, l'OIF doit inciter les Etats à accompagner les acteurs alternatifs internes du maintien démocratique que sont l'armée et la société civile (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : La revalorisation du constitutionnalisme.

    Le nouveau constitutionnalisme africain instauré dans les années 90 était caractérisé par une préoccupation fondamentale : permettre aux démocraties africaines en gestation de décongestionner la fonction présidentielle en établissant l'équilibre des pouvoirs.

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    L'objectif était donc de mettre en place des contrepoids politiques et juridiques afin de rationaliser le pouvoir politique231 et que « le pouvoir puisse arrêter le pouvoir et que l'homme soit le remède à l'homme »232. Cette innovation que l'on peut retrouver dans la majorité des constitutions africaines n'a cependant qu'une existence théorique.

    En effet, il n'est pas rare d'enregistrer une immixtion du pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire ou que par l'effet du phénomène partisan, le parlement finisse par prêter allégeance au Président de la République s'écartant ainsi du rôle de contrepoids politique que lui confère la Loi Fondamentale.

    De ce point de vue, la séparation des pouvoirs ne reste qu'une pétition de principe233 et la constitution exposée à toute sorte de manipulation politique.

    Il faudra alors tout d'abord revitaliser le principe de la séparation des pouvoirs; principe cardinal des démocraties contemporaines (A). Cet effort permettra à coup sûr à la justice constitutionnelle de rétablir son autorité d'antan afin de préserver la constitution de l'effet dégradant de la fraude à la constitution (B).

    A- Une nécessaire revitalisation de la séparation des pouvoirs.

    « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a pas de constitution »234. Cette disposition met en exergue la sacralité du principe de la séparation des pouvoirs dans toute démocratie qui favorise la construction de l'Etat de droit.

    On le sait très bien que depuis le célèbre de l'esprit des lois235, « la séparation des pouvoirs est considérée comme le crédo de la démocratie et un instrument de mesure de la bonne disposition des pouvoirs au sein de l'Etat »236. Sur ce point, s'il est vrai qu'en

    231 AÏVO Frédéric Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », Revue Française de Droit Constitutionnel, n°104, 2015, p.777.

    232 AHANHANZO GLELE Maurice, « La constitution ou Loi Fondamentale », in Encyclopédie juridique de l'Afrique, Tome 1, l'Etat et le droit, Abidjan, N.E.A. Cité par AÏVO Fréderic Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article précité, p.777.

    233 AÏVO Frédéric Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article précité, p.783.

    234 Article 16 de la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen du 26/08/1789.

    235 MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, Paris classiques Garnier, éd Garnier, 1973.

    236 AÏVO Frédéric Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article précité, p.781.

    Afrique en général et en Afrique noire francophone en particulier, l'érection des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire est une réalité237 l'effectivité de leur séparation en est tout autre.

    En effet, selon Montesquieu, toute personne qui détient des pouvoirs, aura tendance à en abuser c'est-à-dire outrepasser les limites de ses prérogatives. La séparation des pouvoirs garantie dans le nouveau constitutionnalisme africain vise à éviter une telle confusion des pouvoirs et permet de cantonner chaque pouvoir dans son secteur. Pourtant, en Afrique noire francophone, le principe peine à s'enraciner et la pratique la plus récurrente est celle d'une mainmise du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire et même sur l'organe législatif réputé contrôler l'action gouvernementale 238 . Sur ce point, MANANGOU Vivien Romain, enseignant à la faculté de droit de l'université de la Rochelle nous explique comment en Afrique, par l'effet récurrent du phénomène majoritaire, l'exécutif parvient à neutraliser l'Assemblée Nationale dans son rôle de contrepoids politique en étouffant les ardeurs de la minorité parlementaire. Dans ce cas, l'Assemblée se transforme en une caisse de résonnance de l'exécutif en facilitant ses initiatives y compris les plus hostiles à la démocratie239.

    Le Professeur AÏVO, faisant une analyse de l'effectivité de ce principe dans les démocraties africaines, écrit que « dans la plupart des Etats, la séparation des pouvoirs est devenue une pétition de principe et l'action attendue des institutions de contrepoids presque un mythe. Au lieu de la séparation des pouvoirs l'observation des systèmes politiques africains laisse apparaître un alignement des pouvoirs. A l'exception de quelques rares Etats où la culture institutionnelle semble progressivement s'implanter cet alignement se traduit par l'abaissement volontaire ou conditionné du parlement, la mise

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    237 Selon le Professeur GUEYE Babacar, « La séparation des pouvoirs est solennellement consacrée par toutes les constitutions ». L'objectif étant de « conjurer les démons de la confusion des pouvoirs qui avait caractérisé la période autoritaire des régimes africains ». Voir GUEYE Babacar, « La démocratie en Afrique : succès et résistances », Pouvoirs, n° 129, 2009, p.526.

    238 Par exemple, selon l'art 79 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990, « Le parlement est constitué par une assemblée unique dite Assemblée Nationale dont les membres portent le titre de député. Il exerce le pouvoir législatif et contrôle l'action du gouvernement ».

    239 MANANGOU Vivien Romain, « Contre-pouvoirs, tiers pouvoirs et démocratie en Afrique », in 8é congrès de l'Association Française de Droit Constitutionnel, Lyon, 26 au 28 Juin 2014, p.6.

    au pas de la justice au service du pouvoir exécutif, l'impuissance du juge constatée face à la majorité présidentielle »240.

    Et pour preuve, l'actualité africaine de ces dernières années est émaillée de tristes évènements dans lesquels la juridiction constitutionnelle ou encore le parlement se sont révélés incapables de s'émanciper du pouvoir politique241. Dans ce rapport de force entre les institutions, le parlement est neutralisé dans son rôle de contrepoids politique242.

    Si le parlement est constitutionnellement reconnu comme étant la représentation du peuple et de surcroît un contrepoids politique243, il est important que, pour la vitalité de la démocratie, il puisse jouer le rôle constitutionnel qui lui est dévolu. Sur ce plan, la Francophonie doit, en collaboration avec ses réseaux institutionnels, intensifier la coopération entre les parlements d'Afrique noire francophone en vue du partage des expériences sur les techniques appropriées pour jouer efficacement leur rôle de contrepoids politique. L'Assemblée Parlementaire de la Francophonie, actrice principale de la coopération interparlementaire au sein de la Francophonie doit intensifier ses

    240 AÏVO Frédéric Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article précité., p.783.

    241 D'abord, En Côte d'Ivoire en 2010, à la suite du deuxième tour de l'élection présidentielle, les résultats ont été diversement voire contradictoirement appréciés par les deux institutions chargées de rendre les résultats. Le verdict donné par la CENI et validé par la communauté internationale donnait Alassane Ouattara vainqueur de l'élection. Mais la Cour Constitutionnelle conteste ce résultat en donnant la victoire à Laurent Gbagbo bien que les résultats qui lui sont transmis par la CENI donnaient la victoire à Ouattara. Cette même Cour constitutionnelle après capture de Gbagbo par la force Licorn et les forces pro Ouattara revient sur sa décision en estimant que le vrai vainqueur de l'élection est Alassane Ouattara. Cette divergence entre les institutions a fait plonger le pays dans une crise civile généralisée. En 2005, à la suite de la mort du Président Eyadema, son fils s'était emparé du fauteuil présidentiel avec l'aval des députés togolais qui procéderont à la modification de deux dispositions fondamentales de la Constitution empêchant ainsi le dauphin présidentiel légitime, M. Fambaré Natchaba Ouattara d'assurer l'intérim qui lui revient de droit (ce sont les articles 65 et 144 de la constitution du 27 septembre 1992 modifiée le 31 décembre 2002. Le premier organise la vacance du pouvoir. Le second portait sur l'interdiction de procéder à une révision de la constitution en période d'intérim, de vacance ou d'atteinte à l'intégrité du territoire). Ensuite, on peut citer Sénégal où la Cour Constitutionnelle a validé la candidature de Maître A. Wade dans le cadre des élections présidentielles de 2012. Tous ces faits prouvent que le cordon ombilical entre les juridictions constitutionnelles et le pouvoir politique n'est pas rompu. Enfin, dans un autre registre, la Cour Constitutionnelle congolaise s'évertue à rejeter systématiquement les requêtes de l'opposition congolaise sur des éléments de forme sans prendre soin de répondre au fond alors même que souvent les atteintes à la constitution sont avérées. Voir sur ce point Décision n°005/Déc./PR/09/ du 25 juillet 2009 sur les recours en annulation du scrutin du 12 Juillet 2009.

    242 En Afrique, le système représentatif n'apparait pas, comme un organe de représentation fidèle du peuple. Une fois élus, les hommes politiques se coalisent autour de leurs intérêts corporatifs plutôt que de privilégier ceux du peuple. Or l'objectif du constitutionnalisme des années 90 en accordant le pouvoir aux parlementaires de se prononcer par exemple sur les projets de révision constitutionnelle, est d'aménager un moyen de prise de décision, ou, d'amendement de la constitution dans les conditions plus maitrisables que la voie référendaire qui s'est révélée beaucoup plus plausible pour les Présidents révisionnistes surtout lorsque le peuple est suffisamment instrumentalisé. Voir à propos de l'implication des parlements dans la procédure de révision constitutionnelle : Constitution du Burkina Faso du 2 juin 1991 Art 164, Constitution de la République du Benin du 11 décembre 1990, art. 155 pour ne citer que ces deux cas.

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    243 MANANGOU Vivien Romain, « Contrepouvoir, tiers pouvoirs et démocratie en Afrique », article précité. p.6.

    activités afin d'accompagner les parlements d'Afrique noire francophone dans les dynamiques démocratiques qu'ils sont appelés à assurer.

    Par ailleurs, la séparation des pouvoirs implique également que la justice et plus particulièrement la justice constitutionnelle ne soit pas saisie par le politique. Mais la réalité reste que l'action des juridictions constitutionnelles dans le dispositif institutionnel n'est pas sans reproches. Ainsi, « L'effectivité de la justice constitutionnelle peine à se développer et traduit indéniablement les hésitations à l'avènement de la constitutionnalité des lois »244.

    Il est vrai que la Francophonie dans son désir de faire éclore les valeurs démocratiques au sein de ses Etats membres n'est pas restée insensible à la problématique de l'indépendance de la justice constitutionnelle. Elle bénéficie d'une attention particulière dans le cadre de la coopération juridique à travers les réseaux institutionnels tels que l'Association des Cours et Conseils Constitutionnels des Pays ayant en partage l'Usage du Français (ACCPUF) et de l'Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AAHJF).

    Toutefois, son apport plus accru est souhaité afin d'exorciser le constitutionnalisme africain245 de la confusion des pouvoirs ou du phénomène notoirement connu en Afrique noire francophone de la présidence à vie et du régime viaget246. Ainsi le juge constitutionnel pourra-t-il s'afficher comme un véritable rempart de la démocratie.

    B- Une restauration indispensable du rôle du juge constitutionnel

    «La justice est l'une des pièces maitresses de l'Etat de droit. Elle représente dans les démocraties contemporaines le moule dans lequel la science du droit se concrétise et se perfectionne. Il n'y a pas démocratie sans Etat de droit. Il n'y a pas d'Etat de droit qui ne s'appuie sur le socle d'une justice indépendante et crédible, dotée de moyens à la

    244 KANE Mamadou « Les obstacles structurels et culturels à l'épanouissement de la justice constitutionnelle en Afrique » Communication, CMAP, p.11.

    245AÏVO Frédéric Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article précité, p.777.

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    246 FALL Madior Ismaël, Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des Etats d'Afrique, Paris, l'Harmattan, 2008, p.275. Cité par AÏVO Frédéric Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article précité, p.777.

    hauteur de sa mission»247. Malheureusement le fonctionnement de la justice dans les Etats africains demeure toujours problématique. En effet ce problème touche aussi bien l'institution elle-même que le personnel destiné à l'animer.

    Tout d'abord en considérant le seul cas du juge constitutionnel, Georges Burdeau laisse entendre que « lorsqu'il existe un juge constitutionnel ; il doit lui être aussi être considéré comme un organe législatif partiel. Même s'il n'est pas guidé par des considérations d'opportunité, comme des responsables parlementaires, il peut néanmoins interpréter la constitution de telle manière qu'une loi apparaisse conforme ou contraire et il est ainsi en mesure de s'opposer à son application»248.

    En effet le rôle du juge constitutionnel est majeur dans le nouveau constitutionnalisme africain. « Ce rôle joué par les Cours et Conseils constitutionnels autonomes est une innovation majeure récente dans l'histoire politique et institutionnelle des Etats francophones d'Afrique noire. Ces juridictions constitutionnelles naguère ineffectives ou inefficaces, sont désormais considérées comme la condition nécessaire de l'existence d'un véritable Etat de droit»249. Et ceci, d'une part en raison du rôle qui leur est dévolu de faire respecter la séparation des pouvoirs, de veiller à la résolution du contentieux électoral250 et d'autre part à cause de l'impérium qui leur est concédé d'interpréter la Loi Fondamentale et donc de créer du droit constitutionnel dans la mesure où « les règles constitutionnelles ne comprennent pas seulement la Constitution formelle. Elles incluent également la jurisprudence constitutionnelle, c'est-à- dire les décisions par lesquelles les juges appliquent et interprètent la Constitution formelle,

    247 KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et justice: contribution de l'OIF à la construction de l'Etat de droit, thèse de doctorat, Université de Bordeaux, 2015, p.54.

    248 BURDEAU Georges ; HAMON Francis ; TROPPER Michel, Droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 24è éd, p.137.

    249 Lire à cet effet, OULD BOUBOUTT Ahmed Salem, « Les juridictions constitutionnelles en Afrique: évolutions et enjeux», in KANTE Babacar et PIERTEMAAT-KROS (dir.), Vers la renaissance du constitutionnalisme en Afrique, Gorée Institute, 1998, p. 91-108. Cité par TCHAPNGA KEUTCHA Célestin, « Droit constitutionnel et conflits politiques dans les Etats francophones d'Afrique noire», Revue Française de Droit Constitutionnel, n°63, vol.3, pp. 451-491. Disponible sur https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2005-3-page-451.htm#re77n°76

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    250 « C'est en qualité de juges du contentieux électoral que les juridictions constitutionnelles africaines se sont faites remarquer dans la résolution de conflits politiques. (...) Les contestations politiques font désormais partie du paysage politique et créent des tensions qui se cristallisent parfois sur les juridictions constitutionnelles». Voir TCHAPNGA KEUTCHA Célestin, « Droit constitutionnel et conflits politiques dans les Etats francophones d'Afrique noire », article précité.

    amplifient ou réduisent les intentions originelles du pouvoir constituant»251. Et à ce titre, le juge constitutionnel peut sur la base de son pouvoir d'interprétation faire obstacle à un texte de révision constitutionnelle (quand bien même légal) qui de par sa nature toucherait à la forme républicaine ou certains principes liés à cette forme républicaine comme le caractère démocratique ou l'Etat de droit252. Sur ce plan, c'est le juge constitutionnel béninois, et dans une moindre mesure les juges maliens et sénégalais qui font preuve de création et d'indépendance. A titre illustratif, par la décision du 8 juillet 2006 le juge constitutionnel béninois interdit une révision constitutionnelle dont l'objectif est de porter de 4 à 5ans le mandat des députés et ce, au nom du consensus national. Dans cette décision, il déclare : « que même si la Constitution a prévu les modalités de sa propre révision, la détermination du peuple béninois à créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, la sauvegarde de la sécurité juridique et de la cohésion nationale commandent que toute révision tienne compte des idéaux qui ont présidé à l'adoption de la Constitution du 11 décembre 1990, notamment le consensus national, principe à valeur constitutionnelle...».

    Par ailleurs, le même juge béninois a fait preuve de créativité en 1996 lorsqu'il s'agit de savoir si le Président de la République pouvait nommer un « Premier ministre» bien qu'un tel poste n'est pas prévu dans le système présidentiel béninois à moins d'une révision constitutionnelle. Pour trancher cette question, le juge s'est écarté de la lettre de la constitution en innovant tout en estimant que le Président de la République pouvait parfaitement créer un tel poste sans que la Loi Fondamentale subisse une modification quelconque, l'essentiel étant qu'il conserve son attribution de « chef du gouvernement» et que le Premier ministre ne soit que le coordonnateur de l'action gouvernementale. Il se révèle à travers cette décision que pour préserver la démocratie, le juge « ne s'est pas au final contenté de regarder la Constitution comme une relique à laquelle il convenait de marquer une déférence excessive. Il l'a transformée en un corps vivant dans le cadre

    251 Rapport du centre pour la gouvernance démocratique Burkina Faso, Constitutionnalisme et révisions constitutionnelles en Afrique de l'Ouest: le cas du Benin, du Burkina Faso, du Sénégal, op.cit., p.3.

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    252 ATANGANA AMOUGOU Jean-Louis, « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain », Politeia, n°7, Printemps 2007, www.afrilex-ubordeau4.fr, note 157, p.23.

    d'une politique jurisprudentielle volontariste appelé à connaitre d'autres développements»253. Ainsi, le juge a évité ici une certaine instrumentalisation de la constitution par les pouvoirs exécutifs ou législatifs pour atteindre des objectifs politiques en transformant les «prescriptions contenues dans la norme constitutionnelle, aussi solennelles soient- elles, en de simples barrières de papier»254.

    Si cette décision démontre de la vitalité de la justice constitutionnelle béninoise notamment par la censure d'une loi constitutionnelle sur les bases autres que celle des limites traditionnellement assignées au pouvoir constituant dérivé, ce exemple est malheureusement quasiment singulier en Afrique noire francophone. Autrement dit, à quelques exceptions près, les juridictions constitutionnelles africaines ne jouent pas encore pleinement leur rôle255. Ainsi « en dehors du Benin256, du Niger et, dans une moindre mesure, du Mali et de Madagascar, les Cours constitutionnelles africaines ou ce qui en tient lieu, demeurent dans une attitude timorée»257. La preuve en est que dans la pratique constitutionnelle africaine francophone, soit elles prêtent allégeance au pouvoir tout en s'écartant du rôle de contrepoids juridique qu'elles sont appelées à assurer, soit elles sont purement et simplement fragilisées ou banalisées par le pouvoir politique258. Si l'existence textuelle des juridictions constitutionnelles apparait indéniable au sein du

    253 KOKOROKO Dodzi, « L'apport de la justice constitutionnelle africaine à la consolidation des acquis démocratiques », Cotonou, Revue Béninoise de Sciences Juridiques et Administratif, n° 18, p. 90.

    254 TROPPER Michel, « La Constitution de 1791 aujourd'hui », Revue Française de Droit Constitutionnel, 1992, n°9, p.6. Cité par ATANGANA AMOUGOU Jean Louis, article précité, p.23.

    255 Lire à cet effet AHADZI Koffi, « les nouvelles tendances du Constitutionnalisme africain noir francophone », Afrique Juridique et politique, Juin-décembre, 2002, p.35.

    256 Au Benin de 1993 à 1998, la Cour a rendu 468 décisions dont de nombreuses annulèrent des ordonnances des lois des décrets et des arrêtés. De même de 1991 à 2001, elle a rendu 257 décisions relatives au droit de l'Homme. Par la décision n°2-144 du 23 décembre 2002, elle s'est rendue célèbre en rendant une décision dont la conséquence n'est rien moins que l'interdiction de la polygamie. Au Niger, la cour constitutionnelle a rendu une décision en 1992 relative à la cohabitation entre le Président Mahamane Ousmane et son premier ministre Hama Hamadou. Elle a été saisie par plusieurs décisions émanant du président ou du premier ministre relatives à l'interprétation des dispositions constitutionnelles organisant la cohabitation au sein de l'exécutif. Dans ces décisions sur cette affaire, la Cour a tranché tantôt en faveur de l'un tantôt en faveur de l'autre en se conformant ainsi à la lettre et à l'esprit de la Constitution. Voir à cet effet ATANGANA AMOUGOU Jean Louis, « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain », article précité, p. 24.

    257 Ibidem.

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    258 Par exemple au Niger en 2009, malgré le rejet de projet de révision du nombre de mandat présidentiel, le Président Tandja a tout simplement dissous le conseil constitutionnel en raison de son opposition au projet de révision. Dans ce Etat de l'Afrique noire francophone par exemple, la Cour constitutionnelle a été dissoute par le Président de la République le 29 juin 2009 pour avoir donné un avis négatif à un projet de révision de la Constitution de la Ve République (CC du Niger, avis n° 02/CC du 25 mai 2009), et pour avoir ensuite déclaré le projet de révision adopté contraire à la Constitution (CC du Niger, arrêt n°4 /CC/ME du 12 juin 2009). Le contexte de rupture de l'ordre constitutionnel fait très souvent le lit de la dissolution des institutions de l'Etat de droit et notamment de la juridiction constitutionnelle.

    nouveau constitutionnalisme africain et qu'il est aussi vrai qu'elles sont pourvues des pouvoirs classiques qui leur sont reconnus dans les démocraties contemporaines, il faut faire remarquer cependant qu'un nombre considérable d'Etats tentent à ignorer leur position éminente au sein de l'architecture institutionnelle. La conséquence est que leur influence dans le système juridique demeure assez marginale259. La réalité est que très souvent, les juges des juridictions ne se sont eux-mêmes pas montrés irréprochables, au contraire. Que ce soit au Togo en Guinée, au Gabon ou en Centrafrique260, « les juges constitutionnels se sont souvent déconsidérés en validant des résultats électoraux truqués ou tronqués »261 ou tout simplement la justice constitutionnelle est ignorée ou contredit lors de l'établissement des arrangements politiques.

    Cette situation ne concerne pas singulièrement la justice constitutionnelle mais tout l'appareil judiciaire et se justifie le plus souvent par le fait que la séparation des pouvoirs n'est pas encore une réalité dans les Etats d'Afrique francophone et l'on assiste à une situation où l'organe judicaire est saisi par le pouvoir exécutif qui dicte à ce dernier ses lois. C'est aussi le cas quand on assiste à un scénario où le régime en place et l'Assemblée Nationale du même bord politique s'allient pour commettre des dérives politiques262. C'est pourquoi, le juge constitutionnel, puisque c'est à lui qu'il est constitutionnellement reconnu la responsabilité d'assurer la séparation des pouvoirs doit jouer pleinement son rôle en censurant les intrusions du pouvoir exécutif dans le judiciaire ou contrecarrer les manoeuvres entre le régime en place et le parlement. Dans ce domaine, l'OIF doit

    259 ATANGANA AMOUGOU Jean Louis, « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain », article précité, p.24

    260A l'occasion de la sélection des candidats à l'élection présidentielle de 2005, la Cour Constitutionnelle avait éliminé un certain nombre de candidats notamment ceux de l'opposition. Non contents de la décision de la haute juridiction, ces derniers saisissent le Président de la République en lui demandant d'user de son pouvoir de garant de la paix sociale et l'unité nationale afin de réformer la décision pourtant insusceptible de recours selon la Constitution. Le conflit sera résolu par un accord politique conclu à Libreville avec la médiation du Président Bongo. Cette médiation a pour conséquence de réformer la décision de la cour constitutionnelle en autorisant un certain nombre de candidats initialement exclus de la course aux présidentielles. Cet arrangement vise certes à préserver la paix sociale, mais n'oeuvre pas à crédibiliser la tache de cette jeune Cour qui doit pourtant par la suite valider ou non les résultats des élections présidentielles.

    261AHADZI Koffi, « Les nouvelles tendances du Constitutionnalisme africain noir francophone », article précité, p.50.

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    262Il s'agit du phénomène majoritaire dont le danger potentiel est la remise en cause du rôle de contrepoids politique de l'Assemblée par rapport au pouvoir exécutif. La révision des articles 65 et 144 de la constitution togolaise par les députés a permis à Faure Yassingbé de briguer le fauteuil présidentiel à la mort de son père alors que ces articles prévoient qu'en cas de vacance de pouvoir l'intérim est assuré par le Président de l'Assemblée Nationale.

    davantage s'impliquer dans son appui aux réseaux institutionnels en vue de concrétiser l'indépendance du pouvoir judiciaire263.

    Par ailleurs, notons que l'assurance de l'indépendance de la justice dépend aussi du détachement des activités de son personnel de tout contrôle de l'exécutif. Or, dans la plupart des pays d'Afrique noire francophone, la nomination ou le recrutement des magistrats, la gestion administrative et budgétaire des juridictions sont assurés par l'exécutif qui à travers ses différents services, contrôle l'action gouvernementale264 . « Le rôle de l'OIF pourrait être ici de plaider auprès des Etats pour un renforcement de l'autonomie administrative et budgétaire des juridictions»265.

    Cette question d'indépendance de la justice se pose encore avec plus d'acuité en ce qui concerne la justice constitutionnelle.

    En effet, l'indépendance de la justice constitutionnelle est plus que cruciale pour la réalisation de l'Etat de droit, et ceci, d'une part parce qu'elle est gardienne de la promesse constitutionnelle d'indépendance de la justice et d'autre part parce qu'elle est garante du respect de la Constitution. Plus que toute autre juridiction, l'indépendance de la juridiction constitutionnelle tient pour l'essentiel à l'indépendance de ses membres266. En tout état de cause, quelque soit leur mode de nomination267, les critères de compétence juridique des juges doivent être privilégiés dans le processus de nomination car, « s'il est nécessaire de nommer des personnalités aux qualités reconnues et incontestables, il paraît pertinent que celles-ci soient majoritairement des juristes. La Francophonie doit

    263L'OIF joue déjà un rôle important dans ce domine à travers les rencontres thématiques organisées autour de l'indépendance de la justice, par l'Association Africaine des Hautes Juridictions francophone (AAHJF), l'Association des institutions Supérieures de contrôle (AISCCUF), l'Association des Hautes Juridictions de Cassation des pays ayant en partage l'usage du Français (ACCPUF). Ces rencontres ont permis en tant que besoin de rappeler l'importance de l'indépendance institutionnelle des juridictions

    264 KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et justice: contribution de l'OIF à la construction de l'Etat de droit, thèse précitée, p.75. Dans certains Etats comme le Sénégal, c'est au Ministère Public que revient les prérogatives de fixer tous les ans, par arrêté, le début des vacations des Cours et tribunaux, d'accorder aux magistrats leur autonomie d'absence. Voir à cet effet les articles 27 et 28 du statut des magistrats.

    265 KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et justice: contribution de l'OIF à la construction de l'Etat de droit, thèse précitée, p.77.

    266 CC du Benin, décision 15 DC du 16 mars 1993, Rec. 1993, p.83.

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    267 Il existe plusieurs modes de nomination des membres de l'institution constitutionnelle en Afrique francophone. En général, selon le modèle européen, les membres de ces institutions sont plutôt nommés par les autorités politiques pour un mandat déterminé et limité. Leur nombre varie selon les pays et ils sont nommés soit exclusivement par le Président de la République après approbation par le parlement soit exclusivement par le parlement ou encore proportionnellement par le Président de la République et les Présidents des Assemblées parlementaires.

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    donc inviter les Etats qu'elle rassemble à objectiver les modes de désignation des juges constitutionnels, afin de renforcer, dans l'opinion collective l'indépendance objective qui doit s'attacher à l'exercice de son pouvoir juridictionnel»268.

    Au total, quel que soit le mode de désignation et la durée de son mandat, qu'il soit reconductible ou pas, le juge constitutionnel, lorsqu'il est saisi par sa fonction, a un « devoir d'ingratitude »269 à l'égard de l'autorité de nomination. Ce devoir l'oblige à ne servir que la constitution et les droits qu'elle garantit270.

    En dehors de la justice, l'OIF doit accompagner les réformes au sein de l'armée et de la société civile compte tenu du rôle important qu'elles jouent dans toute démocratie.

    Paragraphe 2 : Le recadrage du rôle de l'armée et de la société civile

    La bonne marche du système démocratique passe par le bon fonctionnement des institutions et leur participation chacune à leur niveau à l'éclosion des valeurs démocratiques. Dans cette perspective, le rôle de l'armée ne doit pas être négligé dans la mesure où elle est considérée comme une actrice de la démocratie271. Le rôle de l'armée doit être alors redéfini (A) car l'actualité africaine depuis l'avènement de la démocratie fait état de ce que sa place reste encore léthargique au sein des Etats africains. Cette redéfinition du rôle de l'armée doit être couplée par le réveil de la société civile (B) qui doit assurer à son tour une véritable veuille citoyenne.

    A- Un apport primordial de l'armée.

    La fin de la guerre froide a sonné le glas des conflits interétatiques et renforcé la paix dans les frontières étatiques. La création de l'ONU, investie de la mission du maintien de la paix et de la sécurité internationale avec l'action d'avant-garde du Conseil

    268 KASSI BROU Olivier Saint Omer, Francophonie et justice: contribution de l'OIF à la construction de l'Etat de droit, thèse précitée, p.88.

    269 C'est à l'occasion d'une interview accordée au quotidien « Le Monde» en 1982 que Robert Badinter évoque au sujet de l'indépendance des membres du Conseil constitutionnel, leur « devoir d'ingratitude » à l'égard de leur autorité de nomination. La formule a ensuite été reprise par FAVOREU Louis dans « La notion de Cour constitutionnelle », in De la Constitution : Etudes en l'honneur de Jean-François Aubert, Bâle, Helbing et Lichtenhahn, 1996, p. 25.

    270 KASSI BROU Saint-Omer, Francophonie et justice: contribution de l'OIF à la construction de l'Etat de droit, thèse précitée., p.89.

    271 ESSONO Evono Alexis, « Armée et démocratie en Afrique, une relation ambivalente à normaliser », Afrique Contemporaine, n° 242, 2012

    de sécurité a permis de réduire les menaces externes génératrices de conflits et d'affrontements entre les nations. Mais dans leur ordre interne, les Etats sont dans une constante menace. Les déchirements ethniques, les guerres civiles, les coups d'Etat militaire, les exactions contre les populations civiles commises le plus souvent par les forces de l'ordre272, ainsi que les divisions ethniques au sein de l'armée exacerbent les affres d'anarchie, de violence de famine et de viol devant une action étriquée de l'armée273. Ainsi, dans nombre de pays d'Afrique noire francophone, l'armée est loin de jouer son rôle d'actrice de la démocratie. Au contraire elle contribue à la mettre à l'épreuve.

    Une simple explication à cette situation est la politisation et l'instrumentalisation de l'armée, vouée exclusivement à des missions extramilitaires, ce qui a pour conséquence l'éloignement de l'armée de son objectif véritable, à travers la négligence voire l'abandon de la formation, de la discipline, du patriotisme, de l'éthique. De façon pratique, cette déchéance se manifeste par le vol, les pillages, le viol, les assassinats, la trahison et les massacres durant les périodes troubles de contestation du régime prédateur en place. En temps normal de terreur, ce sont les brutalités, le racket, le tribalisme, les violations massives des droits humains. En Guinée par exemple selon Amnesty International en 2009, «l'armée est en pleine déliquescence, c'est le corps malade du pays... C'est un lent périssement. Les troupes d'élite se sont livrées depuis des années à des pillages et des exactions. En toute impunité»274. L'exemple du massacre sanglant des populations civiles en 2009 en Guinée par le putschiste Daddis Camara aidée par sa troupe amène à s'interroger sur le rôle de l'armée en Afrique.

    L'instrumentalisation de l'armée à des fins politiques est très notable en Afrique noire francophone. Ainsi, lors de la crise postélectorale de 2010-2011, « en Côte d'Ivoire,

    272 Par exemple, lors de la crise postélectorale de 2010, des attaques incessantes ont été commises par les forces de l'ordre du Président Gbagbo et ses miliciens contre tout partisan supposé ou réel d'Alassane Ouattara, reconnu par la communauté internationale comme étant le Président élu à l'issu du second tour des élections présidentielles de novembre 2010. De même, les forces fidèles à Ouattara ont été responsables des exactions sur des bases ethniques ou politiques à l'égard des populations civiles selon Human Right Watch. Voir www.hrw.org/fr/news/2011/03/15/cote-divoire-les-forces-de-laurent-gbagbo-ont-commis-des-crimes-contre-l'humanite.

    273 SODOKIN Koffigan Atsou, Contribution de l'OIF au droit international de la démocratie, mémoire précité, p. 81.

    107

    274 La Chronique, Le Mensuel d'Amnesty international France, « l'Age des questions », n° 276, novembre 2009, p.21.

    les deux camps ennemis qui s'affrontaient, lors de la course sanglante au pouvoir, ont, à tour de rôle, tribalisé l'armée pour arriver à leurs fins. (...) Au Congo Kinshasa, de Mobutu au Kabila père et fils, l'armée prend toujours la couleur ethnique du détenteur du pouvoir. Au Congo Brazzaville, la tribalisation de l'armée a débouché sur une guerre civile, tout comme au Tchad, ou le vainqueur fait massacrer l'ethnie de l'opposant vaincu. (...) La victoire d'Alpha Condé, très contestée, n'a été possible que grâce à la composition ethnique de l'armée qui a penché en sa faveur en réprimant sauvagement les manifestants du camp adverse, majoritairement des Peulh»275.

    La remarque générale faite de l'armée en Afrique est qu'elle reste une armée prétorienne dont la structure est en pleine crise identitaire. « Ce sont souvent des armées prétoriennes au service d'un homme et non constituées pour la défense nationale. Elles sont fondées sur des bases ethniques car constituées majoritairement d'une ethnie, celle du chef de l'Etat»276. C'est l'exemple de l'armée togolaise composée majoritairement de Kabyés, l'ethnie de l'ancien président Eyadema. Selon Ayayi Togoata Apedo-Amah, « l'armée africaine a une triste réalité au sein des peuples qu'elle est censée protéger et défendre contre les ennemis extérieurs et intérieurs (...). Triste héritage de l'armée coloniale, l'armée néocoloniale est une armée d'occupation au service de la dictature ; elle n'est pas au service du peuple, elle sert à le réprimer, à le terroriser. Elle est parfois tribalisée et tribaliste quand le dictateur est un tribaliste compulsif»277. Or, la démocratie ne peut en aucun cas s'accommoder d'une armée prétorienne conçue pour la tyrannie et l'impunité.

    Face à cette situation et eu égard à la menace contemporaine de la secte islamiste Boko Haram, l'aide à une réforme de l'armée est un enjeu de taille pour la Francophonie en vue de la vitalité des démocraties africaines.

    275 AYAYI TAGOATA Apedo-Amah, « Togo : Réflexion sur le rôle de l'armée en Afrique à l'ère de la démocratisation et de

    Boko Haram », 2016, www.togo-online.co.uk/opinions/togo-reflexion-sur-le-role-de-l'armée-en-afrique-lere-de-la-
    democratisation-et-de-boko-haram.

    276 ESSONO Evono Alexis, « Armée et démocratie en Afrique, une relation ambivalente à normaliser », Afrique Contemporaine, n° 242, 2012, p. 10. Disponible sur www.cairn.info/revue-afrique contemporaine-201-2-page-120.htm.

    108

    277AYAYI TAGOATA Apedo-Amah, « Togo : Réflexion sur le rôle de l'armée en Afrique à l'ère de la démocratisation et de Boko Haram », article précité.

    D'entrée de jeu, faisons remarquer que la construction d'une armée républicaine, au service de la démocratie « passe forcément par la professionnalisation des armées africaines (...) mais aussi par une amélioration des conditions de travail et de vie des militaires, sans laquelle on assistera aux mutineries et aux scènes de pillages qu'on a connu il y'a pas si longtemps au Burkina Faso en 2011»278. Cette exigence se pose avec plus d'acuité dans la mesure où « dans une démocratie digne de ce nom, l'armée ne peut être un acteur politique. Elle est soumise au pouvoir civil. Elle doit assumer la fonction que lui assigne la Constitution, c'est à dire la défense de la souveraineté nationale»279. De ce point de vue, si l'on est obligé de légitimer dans certaines circonstances l'intervention de l'armée dans la vie politique notamment en période de dérapage du pouvoir en place280, il faudrait faire remarquer, et ceci, à quelques exceptions près que «l'exercice du pouvoir politique par les militaires s'est traduit le plus souvent par la concentration des pouvoirs au profit des dirigeants, la violation massive des droits de l'homme et in fine le sous-développement»281. Alors qu'ils expliquent souvent leur intrusion dans la vie politique par la nécessité de préserver l'ordre constitutionnel ou défendre la démocratie, les militaires se sont révélés pire que le mal qu'ils dénonçaient282. Dès lors, cette intrusion de l'armée dans le pouvoir politique ne saurait être légitimée. D'ailleurs le système démocratique ne s'accommode pas de la violence. C'est pourquoi la Déclaration de Bamako condamne à l'alinéa 5 du chapitre 3 «les coups d'Etat et toute autre prise de pouvoir par la violence, les armes ou quelque autre moyen illégal». Il en ressort que pour éviter ces intrusions de l'armée dans le politique, conséquence du désamour ressenti par cette dernière de la gestion antidémocratique, il faut, à la prime abord, consolider la

    278 ESSONO Evono Alexis, « Armée et démocratie en Afrique, une relation ambivalente à normaliser », article précité, p.18. Par rapport à la professionnalisation des armées en Afrique, soulignons que les recrutements dans l'armée sont souvent faits sans tenir compte de la vocation. Des critères de patriotisme et de vocation ne sont pas pris en compte dans le processus de recrutement des forces de l'ordre. Ce qui expliquerait en partir un manque d'engagement à servir avec dévouement la République.

    279Ibidem.

    280 Devant le refus des dirigeants politiques d'obtempérer aux revendications démocratiques du peuple ou face à des régimes dictatoriaux prédateurs des libertés publiques, l'armée est apparue comme le dernier bouclier ou rempart pour sortir le pays de l'impasse politique. Ainsi, c'est le cas au Mali, où l'armée dirigée par le Général Amadou Toumani Touré est intervenue en 1991 pour renverser le président Moussa Traoré et instaurer la démocratie. Elle a permis également de remettre sur les rails le processus démocratique. Ce fut le cas également au Niger en février 2010 où elle est intervenue pour mettre fin à une crise née de la volonté du président Tandja de se maintenir au pouvoir à tout prix.

    281 AYAYI TAGOATA Apedo-Amah, article précité,

    109

    282 Le coup d'Etat de Moussa Daddis Camara en Guinée et la crise qui en a suivi en sont une illustration parfaite.

    110

    culture démocratique à l'endroit des dirigeants politiques. Car, affirme le Professeur EVONO Essono Alexis, « les crises politiques récurrentes en Afrique subsaharienne francophone s'expliquent, en grande partie, par l'absence d'une culture démocratique»283. La consolidation de la culture démocratique se traduira par le respect de la Constitution par tous et en premier, le chef de l'Etat, garant de la paix sociale et de l'unité nationale. Ainsi le respect des dispositions constitutionnelles conduirait à maintenir la stabilité constitutionnelle et ainsi à garder l'armée en retrait face au pouvoir politique c'est à dire à rendre anachroniques les interventions de l'armée dans la vie politique284. La construction d'une armée républicaine est en fin de compte une responsabilité du pouvoir civil (les autorités politiques) qui doit instaurer un climat de confiance avec les forces républicaines par le respect de la constitution, l'organisation de formations régulières pour leur permettre de décupler les nouvelles menaces contemporaines qui déstabilisent les Etats et se mettre ainsi résolument au service de la nation . A cet effet, Francopol qui est un réseau institutionnel francophone chargé de veiller à l'amélioration des conditions de travail des forces armées doit veiller particulièrement à cette préoccupation de la modernisation des outils de travail mis à la disposition des forces armées à l'échelle nationale.

    En dehors de l'armée, la Francophonie doit également soutenir les actions d'un autre rempart de la démocratie qu'est la société civile nationale.

    B- Un apport supplétif de la société civile

    L'un des aspects importants que l'OIF se doit de prendre en compte dans son action politique pour l'éclosion démocratique au sein des Etats d'Afrique noire francophone, serait non seulement de collaborer avec les organisations internationales et régionales oeuvrant pour le rayonnement démocratique, mais aussi d'agir dans l'ordre interne. Ceci dans l'objectif de créer une synergie d'action avec les acteurs internes investis expressément ou implicitement de missions de promotion des valeurs démocratiques. Parmi ces acteurs internes, la société civile occupe une place de choix eu égard à son

    283 ESSONO Evono Alexis, « Armée et démocratie en Afrique, une relation ambivalente à normaliser », article précité.

    284 Ibidem.

    111

    112

    engagement à s'ériger en une sorte de veuille citoyenne face aux dérives récurrentes des régimes en place en Afrique noire francophone.

    En effet, la société civile est définie comme étant, « la sphère sociale distincte de celle de l'Etat et des partis politiques formée de l'ensemble des organisations et personnalités dont l'action concourt à l'émergence ou à l'affirmation d'une identité sociale collective, à la défense des droits de la personne humaine ainsi que des droits spécifiques attachés à la citoyenneté» 285 . Cette sphère sociale est composée des Organisations Non Gouvernementales, des Organisations confessionnelles et religieuses, des chefferies traditionnelles, des organisations socioprofessionnelles, des associations, des organisations de Médias, des organisations syndicales 286 . Les actions de ces organisations touchent la quasi-totalité des secteurs de la vie nationale tels que l'éducation formelle et informelle, la santé, l'environnement, la promotion agricole, l'artisanat, l'intermédiation sociale, le renforcement de capacités (la formation), la défense des intérêts des consommateurs, la gestion des conflits, l'aide juridique, la défense des droits humains, la bonne gouvernance, etc. De ce point de vue, l'apport de la société civile pour la construction démocratique est sans ambages.

    Selon l'ancien secrétaire Général des Nations unies Koffi Annan, la présence d'une société civile forte et libre d'agir est la marque de fabrique d'une démocratie stable et accomplie- où l'Etat et la société civile travaillent ensemble au service d'objectifs communs pour un avenir meilleur et où dans le même temps, la société civile concourt à rappeler aux pouvoirs publics leurs responsabilités. L'on comprend aisément cette affirmation de l'ex SG/ONU dans la mesure où le concept moderne de démocratie, en tant que pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple, ne se limite ni aux élections libres, permettant de définir une majorité, ni au règne sans partage de cette majorité. La démocratie comme projet sans cesse à construire, implique la liberté d'opinion, le respect des droits des minorités, la confrontation pacifique des intérêts et donc la liberté

    285KAMTO Maurice, « Les rapports Etat- société civile en Afrique », Afrique 2000, 1994, p.47.

    286Les organisations de la société civile et le renforcement démocratique : le cas du Benin, p.2. Disponible sur www.google.bj. les osc et le renforcement de la d mocratie le cas du b nin2.pdf.

    d'organisation et l'Etat de droit, la responsabilité des gouvernants, etc. Cela suppose pouvoirs et contrepouvoirs et donc un espace libre, celui de la société civile forte, indépendante du pouvoir de l'Etat, de celui de l'économie (de l'argent), de la tradition (clan, etc.). Ainsi la société civile joue un rôle d'éducateur, de contrôle de l'action publique et institutionnelle. Par exemple, la participation des citoyens aux consultations électorales est facilitée par la société civile qui intervient pour éduquer les électeurs (en majorité analphabètes en Afrique noire francophone) au droit électoral287. C'est ainsi que la mobilisation des organisations de la société civile béninoise a permis l'organisation à bonne date au Benin de l'élection présidentielle de mars 2006288. Il en est de même toujours au Benin de la fin de non-recevoir populaire opposée à la loi portant règles particulières pour l'élection du Président de la République entérinée par la Cour Constitutionnelle. A cet effet la juridiction constitutionnelle béninoise reconnait le rôle joué par la société civile dans l'épanouissement de la démocratie. Pour elle, elle joue le rôle d'interface et de médiation et sa présence au sein des organes électoraux est indispensable289.

    Il en ressort de tous ces développements que le rôle joué par la société civile dans le système démocratique n'est pas anodin. Certains penseurs lui reconnaissent même le rôle de contrepouvoir 290 . Mais malheureusement, les contingences politiques ne permettent pas encore que les organisations de la société civile jouent pleinement leur rôle en Afrique noire francophone. En effet, leur efficacité dans la lutte démocratique dépend intimement de l'indépendance dont elles jouissent vis à vis de la société politique. Selon Bentahar, « lorsque les acteurs de la société civile sont soumis aux conditionnalités des acteurs politiques, ils perdent leur représentativité et peuvent être ainsi déséquilibrés,

    287 Face à la crise économique et sociale profonde, les critiques au sein des populations se multiplient à l'encontre des pouvoirs publics. En conséquence, ces dernières expriment leur lassitude à prendre part aux consultations électorales. La plupart des couches démunies considèrent les élections comme une occasion de gaspillage de ressources publiques et d'illicites enrichissements de certains dirigeants. Alors les organisations de la société se chargent de galvaniser le moral des populations pour les inciter à exprimer leur droit citoyen et donner ainsi de l'éclat à la démocratie électorale.

    288 Les organisations de la société civile et le renforcement démocratique : le cas du Benin, p.2. Disponible www.google.bj. les osc et le renforcement de la d mocratie le cas du b nin2.pdf.

    289 Ibidem, p.6.

    290 BENTAHAR Mohamed, « Quelques rappels sur la société civile, sa place, son rôle et son lien avec la démocratie », Médiapart, novembre 2014. Disponible sur blog. mediapart.fr/m sbentahar/blog/141114/quelques-rappels-sur-la-société-civile-sa-place-son-role-et-son-lien-avec-la-démocratie.

    basculés du côté de l'Etat et détruire la condition d'existence de la société civile voire de la démocratie. La confusion entre société politique et société civile jette les jalons d'un totalitarisme dans la mesure où, (...) les partis d'opposition sont réduits au silence du fait de la répression qu'ils subissent de la part de la puissance étatique. Dans un régime où les organisations de la société civile ne gardent pas leur indépendance vis à vis de la classe politique, le champ d'action des tenants du pouvoir s'agrandit et surgissent avec lui les prémisses d'une toute puissance étatique. La société civile cesse d'être dans ce cas un contrepouvoir. En perdant son indépendance, la société civile se fragilise et fragilise la démocratie quand ses observations ne sont plus liées à l'intérêt général des citoyens mais plutôt à une coloration politique »291.

    L'engagement politique de l'OIF pour la démocratie doit donner une importance cardinale au développement de la société civile dans les Etats d'Afrique noire francophone. Il s'agit d'impulser le réveil et l'indépendance de ces organisations afin qu'elle puisse participer à l'animation de la vie politique surtout dans les pays où les droits de l'homme sont constamment violés et où le pouvoir politique règne en dictature292. S'il est vrai que l'OIF reconnait la place des organisations de la société civile dans l'épanouissement de la démocratie notamment à l'alinéa 17 du chapitre 4C de la déclaration de Bamako293, son soutien effectif à ces dernières est encore à intensifier. Il s'agira alors de veiller au renforcement effectif de leur capacité par l'organisation le cas échéant de formation ainsi que leur financement afin qu'elles puissent véritablement jouer leur partition à l'éclosion des valeurs démocratiques en influençant les autorités politiques à travers des dénonciations et des appels à l'ordre . Ceci permettra indubitablement de faire obstacle aux dérives du pouvoir politique. Au demeurant, La participation de la société civile à la rationalisation du pouvoir politique doit aboutir à ce qu'au-delà des

    291 BENTAHAR Mohamed, « Quelques rappels sur la société civile, sa place, son rôle et son lien avec la démocratie », article précité.

    292 Nous voulons citer dans ce cas les pays comme le Tchad, le Congo Brazzaville, la RDC où les présidents sont restés inamovibles depuis des années au pouvoir tout en annihilant les ardeurs des partis d'opposition et en livrant leurs populations des privations arbitraires des libertés publiques.

    113

    293 La déclaration dispose: « Reconnaitre la place et faciliter l'implication constante de la société civile, y compris les ONG, les médias, les autorités morales traditionnelles, pour leur permettre d'exercer, dans l'intérêt collectif, leur rôle d'acteurs d'une vie politique équilibrée ».

    dénonciations, qu'elle s'affiche comme un véritable partenaire de l'Etat qui favorise le dialogue social dans les périodes de crises politiques.

    En dehors des Etats, les réformes doivent être engagées également au sein de l'OIF ; ce qui permettra de mettre en place un système rénové d'accompagnement démocratique.

    Section 2 : Les réformes à impulser au sein de l'OIF.

    La volonté politique affichée par la Francophonie dès 1986 et qui a connu son point d'orgue à partir de 1997 s'est manifestée par des innovations importantes en l'occurrence sur le plan institutionnel.

    Pourtant, et en dépit de cette avancée significative, son action en faveur de la démocratie est plus que jamais perfectible. En effet, les difficultés auxquelles fait face l'organisation réside tout d'abord dans sa vision politique d'appui à la démocratie ; une vision francophone très modérée et volontariste dont la légitimité politique trouve son fondement dans la morale et surtout la bonne foi des Etats294. Cette vision idéaliste des relations internationales sur laquelle l'OIF construit son action politique affaiblit non seulement son autorité auprès des Etats membres mais elle affecte aussi l'effet que peut produire ses décisions auprès des Etats membres car ils ne redoutent aucune menace à l'inapplication des textes auxquels ils ont souscrits.

    Ceci étant, proposer des réformes au fonctionnement interne de l'OIF (pour un meilleur accompagnement démocratique) passe d'abord par une rénovation de sa vision d'accompagnement démocratique, une vision qui, jusque-là, a montré ses limites (paragraphe 1). Cette rénovation permettra de rendre son action politique plus cohérente et efficace (paragraphe 2).

    114

    294MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale», Revue Internationale de Politique Comparée, vol.14, no1, 2007, p.18.

    Paragraphe 1 : Une vision francophone d'accompagnement démocratique à rénover.

    Elle passe par le renforcement de l'autorité de l'organisation auprès des Etats (A). Ce renforcement ne pourra être une réalité sans une rénovation de la valeur normative des textes (B) qui en raison de leur caractère déclaratoire ne lient pas les Etats membres qui adhérent à l'organisation et ne créent à leur égard aucune obligation contractuelle.

    A- Une présence plus énergique auprès des Etats.

    L'action politique de l'organisation internationale de la Francophonie est régie par le courant idéaliste des relations internationales295. « Ce dernier, peut en effet être saisi sous quatre angles différents : « téléologique, volontariste, rationnel et utopique»296. Selon cette idéologie qui gouverne l'action politique de l'OIF, les problèmes auxquels sont confrontés les Etats peuvent être réglés par leur soumission volontaire à des principes moraux et universels ou par la collaboration de la société dans sa globalité c'est-à-dire le multilatéralisme. Par conséquent, «elle appuie sa quête de relations internationales sur des constituants connus pour être aussi ceux du référentiel global selon Pierre Muller : les normes (ou principes d'action) et les valeurs (ou les représentations les plus fondamentales sur ce qu'il convient de proscrire ou d'adopter). Aussi va-t-elle favoriser le passage des idées à l'action par différentes mesures conformes au paradigme qui l'anime et devrait commander son attitude. Ainsi toutes les actions politiques de la Francophonie ne peuvent être qu'incitatives et donc indirectes, car son exécution dépend de la bonne volonté des Etats membres auxquels elle ne peut que «recommander» d'adhérer aux traités internationaux relatif aux droits de l'Homme ou tout autre domaine en relation avec la démocratie»297. C'est sur ce point que se pose fondamentalement la problématique de l'autorité de la Francophonie aux yeux des Etats afin que les principes démocratiques qu'elle défend avec véhémence soient observés par les Etats membres ou que les décisions qui sont prises par elle dans le cadre de son activité politique soient respectées. Or, les

    295MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale», op.cit., p.18. 296Ibidem. p.4.

    115

    297Ibidem. p.4.

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    Etats sont généralement enclins à défendre leurs propres intérêts, et ceci, très souvent au grand dam des obligations qui résultent des engagements internationaux auxquels ils ont souscrits.

    Dans le cas spécifique de la Francophonie, les textes qui régissent sa démarche politique n'ont aucune force normative et leur respect ne dépend que de la détermination subjective des Etats membres qui ne se voient pas du tout menacer par une quelconque épée de Damoclès en cas du non-respect. Il en résulte par conséquent une banalisation des obligations auxquelles ils ont souscrit par leur adhésion à l'OIF et par ricochet une sous-estimation de l'autorité de l'organisation.

    Pour la réussite de ses missions politiques, la Francophonie doit redorer son blason auprès des Etats.

    La démarche primordiale qu'il convient d'entreprendre dans ce sens, est que sur le plan normatif, l'OIF se dote d'un traité constitutif qui définit clairement «les droits et obligations des Etats liés entre eux de même qu'aux organes institués dont ils précisent les pouvoirs»298. Selon Michel Guillou dans la Gazette de la presse francophone de novembre 2004, « un traité est nécessaire. Il faut travailler à le rendre possible dans un avenir proche. La Francophonie politique a besoin d'un traité qui la fonde. L'importance pour le monde de son mandat le justifie simplement »299.

    D'ailleurs Michel Guillou a mené une réflexion pour savoir quel type de traité il faut avoir pour la Francophonie300 c'est-à-dire un nouveau traité ou une modification du traité de Niamey.

    Pour Michel Guillou une modification « présenterait l'énorme avantage de donner à la Francophonie, par métamorphose du traité de Niamey le point de départ emblématique de la Francophonie intergouvernementale, les instances dont elle aurait dû se doter 35 ans plus tôt»301. « Dans le cas contraire, il faudra se résoudre à faire un

    298 DUPUY Pierre Marie, op.cit., p. 158

    299 GUILLOU Michel, La gazette de la presse francophone, novembre-décembre 2004, p.5-6.

    300 GUILLOU Michel, Francophonie-Puissance : l'équilibre multipolaire, éd. Ellipses, Paris, 2005, p.81.

    301 Ibidem.

    nouveau traité pour donner une personnalité juridique internationale à l'Organisation internationale de la Francophonie, le traité de Niamey étant abrogé ou tout le moins modifié.»302.

    Dans l'état actuel, la nature non contraignante de la Charte amène les Etats membres à ne pas respecter leurs obligations. C'est pourquoi la stratégie d'accompagnement démocratique de l'OIF doit être beaucoup plus formalisée à travers l'adoption « d'un véritable traité ratifié par les parlements des Etats membres et définissant les droits et devoirs de chaque signataire. Ainsi les membres prendraient-ils au sérieux leur adhésion»303. La conséquence de la flexibilité excessive de la Charte est quel l'OIF ne peut que se constituer qu'en une simple prédicatrice des valeurs démocratiques au lieu d'en être le véritable artisan 304 . Elle doit aller au-delà des sollicitations, ou dépasser le cadre strict d'un leadership moral auprès des Etats pour devenir plus exigeante en termes de pratique démocratique. D'ailleurs, les avantages qu'elle présente dans ce domaine doit l'amener à être plus percutante : elle « confère un caractère permanent à la concertation qui se concrétise à plusieurs niveaux: celui des chefs d'Etats et de gouvernement au moment des Sommets et lors de l'ouverture de la session générale des Nations Unies; celui des ministres à l'occasion des conférences ministérielles: celui des diplomates dans le cadre des représentations permanentes: celui enfin des experts dans les conférences internationales»305.

    Par ailleurs, pour être plus efficace dans son action politique en faveur de l'expansion de la démocratie, l'OIF ne doit pas, même si elle est une puissance douce306, être trop permissive à l'égard des Etats en matière de pratique démocratique. A ce titre, les exemples de pays de l'Afrique noire francophone comme le Congo Brazzaville, le Tchad ou encore le Congo Kinshasa où on assiste à des régimes présidentiels immortels depuis

    117

    302 Ibidem.

    303AUF, (ouvrage collectif), Francophonie et relations internationales, op.cit., p.70.

    304 MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale », article précité, p.6993.

    305 AUF, (ouvrage collectif), Francophonie et relations internationales, article précité, p.73.

    306 MASSART-PIERARD Françoise, op.cit., p.17. L'auteur nous renseigne ici sur la nature de l'OIF. Elle est une puissance douce c'est-à dire une organisation qui est surtout encline à attirer et non à contraindre. Elle est prédicatrice des valeurs démocratiques et s'efforce d'exhorter les Etats à les promouvoir. Il ne s'agit pas pour elle d'imposer ou d'user de la contrainte pour convaincre.

    des décennies ne doivent pas laisser l'OIF apathique alors que sa charte fait de l'alternance au pouvoir un critère primordial du jeu démocratique. Il s'agit d'aller au-delà de simples déclarations ou condamnations sans envergure qui n'ont aucune influence sur les dirigeants politiques africains déterminés à bafouer les valeurs démocratiques. Par exemple, la stratégie américaine d'imposition de la démocratie est plus percutante. A propos du projet américain de la "Communauté des démocraties307, Condoleeza Rice 308, lors de son audition par la Commission sénatoriale chargée d'approuver sa nomination déclarait «premièrement nous devons unir la communauté des démocraties dans la construction d'un système international fondé sur nos valeurs communes et la règle de droit. Deuxièmement nous renforcerons la communauté des démocraties afin de contrer les menaces qui pèsent sur notre sécurité collective et d'apaiser le désespoir qui alimente le terrorisme ; Et troisièmement nous répandrons la liberté et la démocratie dans le monde entier. Telle est la mission que le Président Bush a assigné à l'Amérique dans le monde... et telle est aujourd'hui la grande mission de la diplomatie américaine»309. A travers cet engagement, l'on peut remarquer la détermination dont fait montre la machine américaine en matière d'expansion de la démocratie ; une stratégie qui peut aller jusqu'à un droit d'ingérence démocratique dans des régimes où règnent la dictature et la violation des droits humains. Cette idéologie s'appuie sur le principe de la légitimité démocratique.

    Toutefois, il ne s'agit pas pour l'OIF de mettre en oeuvre des mécanismes en contradiction avec les règles du droit international pour répandre la démocratie mais il s'agit pour elle d'arrêter de faire du clientélisme en banalisant des dérives démocratiques qui ont cours dans certains pays de l'Afrique noire francophone. Car, «c'est la progression de la démocratie de façon uniforme dans son espace qui fera son poids sur la scène

    307 L'initiative est intitulée "vers une communauté de démocraties" et fut lancée par le ministre polonais des affaires étrangères Bronislaw Geremek et la secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright, ainsi que six autres cofondateurs : les gouvernements du Chili, de la République tchèque, de l'Inde, du Mali, du Portugal et de la République de Corée. Au terme de la conférence, les gouvernements participants signèrent la "Déclaration de Varsovie", acceptant de "respecter et de faire respecter (...) les principes d'élections libres et équitables, la liberté de parole et d'expression, l'égalité, d'accès à l'éducation, le pouvoir de la loi, et la liberté de rassemblement pacifique. En conclusion, le Secrétaire General des Nations Unies Koffi Annan fit l'éloge de la communauté des démocraties en tant que organisation dévouée au développement d'une démocratie globale.

    308 CONDOLEEZA Rice est une femme politique américaine et secrétaire d'Etat des Etats Unis entre janvier 2005 et janvier 2009 dans l'administration du président G. Bush.

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    309 LABARIQUE Paul, la démocratie forcée, www. voltairenet.org/, cité par SODOKIN Koffigan, Contribution de l'OIF au droit international de la démocratie, article précité. p.72.

    119

    internationale»310. Ceci étant, l'OIF se doit de jouer un rôle de premier plan le cas échéant avec la collaboration des organisations internationales et régionales et rompre avec une lourdeur qui la relègue malheureusement au second plan de l'offensive démocratique.

    Une analyse des actions de la Francophonie a fait dire à cet effet à Françoise Massart-Pierrard que « la spécificité de la Francophonie se marque dans le rôle subsidiaire qu'elle accepte de jouer : l'humilité et le réalisme nous obligent à admettre que la Francophonie ne peut être présente sur tous les fronts, et quelle est d'abord là pour faire ce que les autres ne feront jamais à sa place. Son rôle demeure donc accessoire»311.

    Enfin, s'agissant de tout Etat désirant être membre de l'organisation, il s'agira d'objectiver les conditions d'adhésion en faisant de la conditionnalité démocratique non seulement un critère d'adhésion mais aussi un élément de maintien au sein de l'institution et de bénéfice des programmes d'aide au développement culturel et économique.

    Pour que tous ces projets se concrétisent, la Francophonie doit rendre contraignant

    les textes qui régissent ses actions.

    B- Une révision objective de la valeur normative des textes

    L'Organisation Internationale de la Francophonie est essentiellement fondée sur le droit mou, autrement dit des normes assez flexibles et dont la valeur normative est très faible. En d'autres termes, ces normes donnent à l'Etat une plus grande marge d'action.

    En droit international, elles sont désignées sous le terme de soft law 312 par opposition au hard law313 et se retrouvent aussi bien dans les résolutions des organisations

    310 SODOKIN Koffigan, Contribution de l'OIF au droit international de la démocratie, article précité., p.73.

    311 MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale », op.cit., p.26.

    312 C'est «au début des années 1980, l'intérêt pour le soft law devient plus général et change un peu d'orientation. Entre 1974 - 1984, la pratique étatique à savoir le recours aux instruments internationaux qui n'ont pas la forme de traités mais qui disposent d'une portée politique et, peut-être juridique devient objet d'étude». Voir P.M. EISEMANN, «The gentleman's agreements comme source du droit international», Journal du droit international, 1979, p. 329. Cité par Fillipa CHATZISTAVROU, « L'usage du soft law dans le système juridique international et ses implications sémantiques et pratiques sur la notion de règle de droit», Le Portique, 2005. http//:journals.openedition.org/leportique/591

    313 Selon WEIL Prosper, A côté d'une hard law, « constituée par des normes créatrices de droit et d'obligations juridiques précises, le système normatif du droit international comporte de plus en plus de normes dont la substance est tellement peu contraignante que l'obligation de l'un et le droit de l'autre en deviennent presque insaisissables». Voir www.superprof.fr/ressources/droit/droit-europeen-et-communautaire/droit-internationnal/force-juridique-non-contraignante.html.

    internationales que dans les textes conventionnels des organisations internationales. Selon CHEVALLIER Jacques, «Ce droit doux (soft law), parce que dépourvu de dimension contraignante, est aussi inévitablement un droit flou: formulé en termes d'objectifs, directives ou de recommandations, le droit perd de sa précision; non seulement se multiplient les termes vagues, tels que «charte» ou «partenariat», mais encore la formulation sous forme de principes ou de standards crée une zone d'incertitude et d'indétermination. Faute de prédétermination, la signification des énoncés juridiques dépendra dans une large mesure de l'interprétation qui en sera donnée, notamment par le juge... »314.

    Dans le cas spécifique de l'OIF, l'instrument central de l'organisation qu'est la Charte rénovée de 2005 ainsi que les textes organisant la démocratie au sein de l'espace francophone n'ont aucune force contraignante. Par conséquent ces textes essentiellement incitatifs et programmatoires ne créent aucune obligation pour les Etats membres315. La conséquence d'une telle souplesse est la banalisation par les Etats des recommandations démocratiques contenues dans ces textes. Ainsi les révisions arbitraires des constitutions à des fins personnelles, le non-respect des échéances électorales, la violation de la limitation du nombre de mandats qui sont des actes prohibés dans l'espace francophone et qui pourtant sont entrepris sans aucune crainte de sanctions sont en partie dus de la faiblesse normative des textes fondateurs de l'OIF et l'inexistence de véritables sanctions à l'endroit des dirigeants politiques. Du reste, s'il n'est pas possible que l'OIF s'identifie à l'ONU ou à L'UA comme une organisation capable d'utiliser des moyens coercitifs pour le retour démocratique, il faut à tout le moins pour un meilleur accompagnement de la démocratie, qu'elle pense à rendre contraignante la déclaration de Bamako en la transformant en une convention qui pourra être signée et ratifiée par les Etats qui

    Le soft law se trouverait dans une situation intermédiaire entre les textes n'ayant aucune force juridique et ceux qui sont revêtus de force contraignante. « Elle comprend les actes à faible caractère contraignant à savoir les déclarations protocolaires, les résolutions, les communications, les recommandations, les chartes, les programmes, les déclarations d'intentions, les guidelines, les principes et autres positions prises en commun ou encore des accords adoptés par les Etats. Cette liste peut être aussi étendue aux communiqués aux déclarations, aux conclusions, aux accords informels, aux opinions, aux actes, aux accords interinstitutionnels, aux concertations et aux accords de nature purement politique (gentlemen's agreement)». Voir Fillipa CHATZISTAVROU, « L'usage du soft law dans le système juridique international et ses implications sémantiques et pratiques sur la notion de règle de droit», op.cit., http//:journals.openedition.org/leportique/591

    314 CHEVALLIER Jacques, L'Etat postmoderne, LGDI, 2004, 2e éd., p.123.

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    315 «Aux cotés des actes conventionnels à caractère contraignant du droit international qui produisent des droits et des obligations pour les parties, ce type d'actes n'a pas nécessairement ni immédiatement un caractère juridique et, par conséquent, n'est pas forcément contraignant». Voir Fillipa CHATZISTAVROU, « L'usage du soft law dans le système juridique international et ses implications sémantiques et pratiques sur la notion de règle de droit», op.cit.

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    manifestent leur désir d'adhérer à l'Organisation. L'avantage de ce projet est que la déclaration une fois transformée en convention devra être ratifiée par les Etats membres et entrainer ainsi des obligations contractuelles à leur égard. .

    Par ailleurs, en rendant la déclaration de Bamako contraignante, la Francophonie doit élargir le concept de rupture de la démocratie. Autrement dit, elle ne doit plus réduire la rupture démocratique au simple coup d'Etat contre un régime démocratiquement élu mais plutôt étendre ce critère à celui du non-respect des échéances électorales et de la violation du principe de limitation du nombre de mandat qui est le noeud gordien de plusieurs crises politiques en Afrique noire francophone. Par ces actions, la Francophonie pourra ainsi empêcher voire prévenir plusieurs crises dans ses Etats et gouvernements membres.

    Bref, la révision de la normativité des textes de la Francophonie doit pouvoir aboutir à une véritable sanction à l'égard des Etats qui ne respecteraient pas les obligations qui naissent de leur adhésion à l'organisation. Toutefois il ne s'agit pas d'appliquer des sanctions qui porteraient atteinte à la quiétude des populations. Il s'agira plutôt de mettre en oeuvre des sanctions à l'égard des dirigeants politiques qui se rendraient coupables de violations des règles démocratiques contenues dans les instruments de l'OIF. Il peut s'agir par exemple de l'interdiction de voyager de l'autorité politique coupable d'actes antidémocratiques, (violations des droits de l'Homme et des libertés publiques par exemple) ou le soutien à la comparution desdites autorités devant les juridictions pénales nationales, régionales ou la Cour Pénale Internationale. De ce point de vue, s'il est vrai que l'OIF dans son projet d'appui à la construction de l'Etat de droit apporte déjà son soutien à la justice internationale en oeuvrant à la comparution des autorités politiques responsables de crimes de guerre, crimes contre l'humanité ou crimes de génocide dans l'espace noir francophone, son implication plus accrue est souhaitée. Ceci constitue sans doute un moyen de dissuasion et de pression en vue de la poursuite normale du processus de démocratisation.

    Somme toute, si la doctrine démocratique de l'OIF doit être rénovée, son action politique ne doit pas non plus être du reste.

    Paragraphe 2 : Une action politique à redynamiser.

    La rénovation institutionnelle de la Francophonie constitue un événement marquant de l'histoire de l'institution qui fait suite à son engagement politique en faveur de la démocratie. Dans toute la panoplie d'organes appelés à jouer un rôle politique pour l'approfondissement démocratique, le Secrétariat Général occupe une place importante pour avoir été consacré par la Charte comme « clé de voûte du système institutionnel de la Francophonie ». Mais cet organe ne pourra jouer efficacement sa fonction s'il agit de façon solitaire dans une totale indifférence des Etats. Par ailleurs, L'OIF étant surtout un acteur subsidiaire 316 en matière d'accompagnement démocratique, elle doit pouvoir compter sur une synergie d'actions entre ses institutions et les acteurs externes et internes engagés dans le combat pour la démocratie.

    Ainsi, la redynamisation de l'action de la Francophonie en faveur de la démocratie passe par un appui renforcé aux actions du Secrétaire Général (A) et l'intensification de la collaboration multidimensionnelle (B).

    A- Un appui renforcé aux initiatives du Secrétaire Général

    L'importance, l'immensité et la sensibilité de la tâche confiée au Secrétaire général de la Francophonie sur le plan politique nécessite qu'elle soit appuyée non seulement par les instances de l'organisation mais qu'elle reçoive aussi l'apport bénéfique des Etats. En effet, leur enthousiasme et leur collaboration sont primordiaux pour la réussite des missions politiques mises en oeuvre dans leur ordre interne.

    Dans l'état actuel des choses, les Etats restent encore peu collaborateurs s'agissant de leur accompagnement au Secrétaire Général pour l'éclosion des valeurs démocratiques dans leur ordre interne. La tendance générale est de se soustraire des actions multilatérales

    122

    316 MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale », article précité, p.26. A cet effet, soulignons que l'ONU reste la première organisation qui déploie ses actions dans le domaine de la démocratie sur le plan international. Les organisations régionales et sous régionales s'efforcent à leur tour de mettre en place des actions destinées à assurer l'éclosion des valeurs démocratiques au profit de leurs membres. L'OIF ne met en oeuvre ses actions que lorsque ces dernières ne le font pas ou lorsque son expertise est sollicitée. Ceci justifie l'opinion de Abdou Diouf selon qui : «l'humilité et le réalisme nous obligent à admettre que la Francophonie ne peut pas être sur tous les fronts, et qu'elle est d'abord là pour faire ce que d'autres ne feront jamais à sa place». Voir MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale », article précité., p.26.

    123

    de l'organisation en mettant en avant l'autonomie constitutionnelle. En prenant le seul cas des missions d'observation électorale dépêchées par le Secrétaire Général lors des scrutins électoraux, on remarque que les autorités politiques ont tendance à complexifier la mission des observateurs en dissimulant par exemple des informations importantes qui pourraient entamer la transparence ou la crédibilité de l'élection.

    Par ailleurs, la remarque est également la même dans le domaine de la médiation dans les périodes de crises politiques quand les Etats n'affichent pas leur croyance en les atouts dont dispose l'organisation pour la résolution pacifique des tensions politiques. L'apport des Etats membres à la réussite de la mission du médiateur envoyé par le secrétaire Général est primordial pour le dénouement de la crise. Ainsi, « la médiation francophone ne sera consolidée que dans un contexte d'adhésion des Etats membres bien plus qu'aujourd'hui à l'idée que la Francophonie peut occuper une place de choix dans ce secteur. Cela passe d'abord par la conviction des Etats membres que l'OIF dispose pour ce faire d'atouts crédibles. Ces Etats doivent se sentir impliqués ou être amenés à se sentir impliqués. Le secrétaire Général verrait son action considérablement renforcée s'il pouvait s'appuyer sur eux»317.

    En effet, compte tenu de la subtilité que requiert le processus de médiation, il faut reconnaitre que le médiateur envoyé par le Secrétaire Général ne peut à lui seul faire la paix. Il a forcément besoin de la bonne foi non seulement des protagonistes au conflit mais aussi de l'apport des acteurs internes (les démembrements de la société civile) et la confiance de l'ensemble de la communauté francophone pour la réussite des différentes étapes de la médiation. «La question de l'appropriation des solutions par les parties à l'échelle nationale est déterminante en médiation et le travail du médiateur sur l'inclusion des acteurs est décisif»318 car, «le médiateur seul ne construit pas la paix. Les parties au conflit et la société dans son ensemble doivent adhérer au processus de paix et s'employer à mettre en oeuvre les accords qui en découlent»319.

    317 CHABI Basile, L'OIF et la résolution des conflits en Afrique noire francophone, article précité, p.78.

    318 OIF, 2é Retraite sur la médiation de la Francophonie, 2012, Centre de politique de sécurité de Genève, 21-22 novembre 2012, p.47.

    319 Ibidem.

    Pour mettre en exergue l'importance du soutien de la communauté francophone aux initiatives du Secrétaire Général, l'ambassadeur Jean Pierre Vettovaglia pense qu'une façon d'obtenir cet engagement « serait le recours bien plus fréquent à l'adoption de résolutions politiques sur les situations de conflit par le Conseil Permanent de la Francophonie (CPF)». Les résolutions, selon lui « sont essentielles pour l'affirmation de l'OIF en tant qu'acteur dans le règlement des conflits parce qu'elles conféreront à l'action du SG la légitimité d'un mandat confié par les Représentants des Etats membres... Elles sont un instrument central de dialogue entre les SG et les Représentants étatiques. Et la Francophonie sera d'autant plus forte que son action se fonde sur une résolution des instances et donc sur un mandat confié par l'ensemble de ses Etats membres»320. Sur le plan pratique, une telle solution peut paraitre complexe mais ne doit pas conduire à accepter une fatalité quant au comportement ambivalent des Etats les conduisant à adopter des positions à l'antipode des obligations auxquelles ils ont souscrit.

    Enfin, pour la réussite et la facilitation de ses missions politiques, le Secrétaire Général doit pouvoir compter sur la franche collaboration des instances de la Francophonie en vue de la prise de solutions adéquates pour la prévention et la gestion des crises politiques.

    Toutefois, pour une meilleure promotion de la démocratie dans l'espace noir francophone, l'OIF doit intensifier et perfectionner sa collaboration avec les organisations internationales et régionales africaines puis engager une synergie d'actions avec les dynamiques internes à l'échelle nationale.

    B- Une intensification du multilatéralisme

    «La paix, le renforcement de la démocratie et des droits de l'Homme constituent une oeuvre quotidienne qui requiert une appropriation des solutions par les acteurs politiques et de la société civile à l'échelon national»321 ainsi que des actions collectives multilatérales qui s'inscrivent dans la durée. C'est convaincu de cette réalité que la

    320 VETTOVAGLIA Jean Pierre, « Inventaire et pistes pour le renforcement des instruments (processus et ressources) à disposition des médiateurs de la Francophonie », in OIF, 2é retraite sur la médiation de la Francophonie, 2007, op.cit., p.18.

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    321 OIF, Retraite sur la médiation de la Francophonie, article précité, p.47.

    Francophonie a décidé de ne pas oeuvrer de façon isolée ou solitaire mais d'inscrire son action dans un cadre multilatéral par une franche collaboration avec les organisations internationales oeuvrant pour la paix et la démocratie de même qu'un partenariat avec les acteurs endogènes. Ainsi la déclaration de Bamako souligne cette collaboration au Chapitre 4d « A ces fins, et dans un souci de partenariat rénové, nous entendons : intensifier la coopération entre l'OIF et les organisations internationales et régionales, développer la concertation en vue de la démocratisation des relations internationales, et soutenir dans ce cadre, les initiatives qui visent à promouvoir la démocratie».

    En effet, la promotion de la paix et de la démocratie en Afrique noire francophone fait intervenir une multiplicité d'organisations aussi bien internationales que régionales qui mènent des actions au même titre que l'OIF. Il s'agit entre autres de l'ONU, de la CEDEAO, l'UA, la SADC, l'UE, la CEEAC. La résolution des crises politiques connait également l'intervention des personnalités étatiques322 jouissant d'une audience reconnue aussi bien sur le plan africain qu'international. La variété de ces acteurs constitue un riche potentiel que l'OIF doit capitaliser afin de donner un grand élan et un enthousiasme pour le moins régional au processus de médiation et aux actions de renforcement de la démocratie en Afrique noire francophone. Car de façon générale, l'aspect qui amenuise les efforts des partenaires internationaux et rend les médiations peu fructueuses est l'absence d'une homogénéité dans les processus de médiation ; chaque organisation proposant des modèles qui leur sont spécifiques. En plus, « avec la complexité des situations et la multiplicité des intérêts aussi bien au niveau des Etats qu'au niveau des organisations régionales et internationales, il n'est pas toujours évident de réaliser une concertation solide et fructueuse entre ces dernières»323. Aussi fait-il ajouter qu' « il n'existe pas de mécanisme universel univoque et clairement établi qui harmoniserait les réactions internationales et imposerait le même traitement aux mêmes situations»324. Face à cet état de chose, «l'action concertée et coordonnée des Etats et des organisations

    322 Par exemple l'ancien Président du Burkina Faso, Blaise Compaoré a été sollicité plusieurs fois par l'OIF pour conduire la médiation dans les crises dans le continent africain.

    323 CHABI Basile, L'OIF et la résolution des conflits en Afrique noire francophone, memoire précité, p.74.

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    324 CHABI Basile, memoire précité, p.74

    régionales et universelles est sans doute la moins mauvaise des approches»325. Le rôle de l'OIF dans cette dynamique serait de parvenir à intensifier la concertation et la coordination avec les autres organisations partenaires en mettant en exergue les potentialités spécifiques de chaque organisation dans le domaine de la paix et de la démocratie. Le privilège particulier dont jouit l'OIF auprès des Nations Unies comme au niveau des organisations régionales africaines doit lui permettre de jouer le rôle de lobbying afin que les intérêts partisans des organisations ne priment pas sur la capitalisation des valeurs démocratiques et la paix en Afrique noire francophone326.

    L'abandon des intérêts partisans doit amener logiquement les organisations internationales et régionales, visant désormais la promotion des valeurs démocratiques à dénoncer à l'unisson toute dérive démocratique de dirigeants politiques déterminés à faire un usage abusif des prérogatives constitutionnelles qui leur sont reconnues ou à instrumentaliser la constitution à des fins politiques. La démarche consensuelle entérinée aura l'avantage d'affaiblir et de délégitimer tout pouvoir désuet qui ne tire désormais sa légitimité que des privations arbitraires des libertés publiques, et l'instrumentalisation de l'armée327. Cette action de collaboration entre l'OIF et les autres organisations doit s'étendre également à l'organisation et au déroulement des élections en Afrique noire francophone. S'il est vrai que les élections constituent un domaine de prédilection où l'OIF développe ses actions en faveur de la démocratie, il faut cependant reconnaitre que ses actions ne sont pas encore à la hauteur des attentes. Il urge pour cela des actions multidimensionnelles. La collaboration permettra de prendre en compte lors de l'observation électorale un plus grand terrain de supervision ; gage d'une supervision crédible et d'une crédibilité des élections. Car, en effet « l'observation des élections par un seul observateur ou par une équipe restreinte, qui dresse un rapport interne (...) s'est révélé d'une utilité réduite»328

    325 Ibidem.

    326 Très souvent, la volonté politique fait défaut du fait de l'enjeu des conflits. Les processus de paix lors des crises en Guinée et en Côte d'Ivoire se sont heurtés à cette carence.

    327 Nous voulons sur ce plan indexer les régimes où la démocratie reste en berne comme le régime d'Idriss Déby au Tchad, de Denis Sassou N'guesso au Congo, ou de Joseph Nkurunziza au Burundi.

    126

    328 SICILIANOS LINOS Alexandre, op.cit., p.179.

    Par ailleurs, l'OIF doit tenir compte des dynamiques endogènes dans son engagement en faveur de la démocratie en Afrique noire francophone. Nous entendons par dynamiques endogènes, la société civile dans sa généralité. La construction de la démocratie est une oeuvre quotidienne qui requiert l'implication de tous les acteurs internes à divers niveaux car la conception francophone de la construction démocratique basée sur des actions parachutées par le haut en Afrique noire francophone ne fera qu'aboutir à une «application mimétique des principes d'organisation et de gouvernance importés»329. Il ne fait aucun doute qu'à l'heure actuelle l'OIF entretient une réciprocité avec la société civile et les ONG 330 . Le caractère particulièrement continu de la construction démocratique doit amener l'OIF à perfectionner son partenariat avec ces dynamiques endogènes dans la mesure où elles peuvent influer énergiquement sur le processus démocratique dans un pays. A cet effet, l'exemple du réveil de la société civile burkinabaise en 2011 pour faire obstacle à la dictature instaurée depuis des années par le Président Compaoré331 témoigne de ce qu'elle constitue, à en croire Mohamed Bentahar,« un ressourcement de la démocratie»332. La variété des domaines où la société civile ainsi que les OING peuvent intervenir constitue des potentialités que l'OIF doit veiller à préserver et à mettre en valeur au niveau des Etats de l'Afrique noire francophone333.

    Enfin, l'implication des dynamiques endogènes dans les processus de médiation est cruciale pour la conclusion de la paix dans les pays plongés dans des crises politiques.

    329 OIF, Rapport DDHDP 2012, op.cit., p.111.

    330A ce propos, signalons que l'OIF dispose d'une conférence des OING et des organisations de la société civile convoquée tous les deux ans par le Secrétaire Général. S'agissant des OING, certaines sont accréditées auprès de l'OIF: l'Association Francophone d'Amitié et de liaison ( Afal), engagée dans la défense de la diversité linguistique, l'Association francophone internationale des Directeurs d'établissements scolaires ( 22 sections nationales) chargée d'une mission de formation de ces derniers, environnement et développement du tiers-monde qui lutte contre la pauvreté pour la diversité culturelle et le développement durable ( 33 entités présentes dans 14 pays), la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (141 organisations dans une centaine de pays ), le Groupe d'étude et de recherche sur la démocratie et le développement économique et social en Afrique ( présent dans 32 pays d'Afrique ) , Reporters sans Frontières , l'Union de la presse francophone (3000 journalistes répartis dans 110 pays et régions du monde), l'Organisation mondiale contre la torture (282 ONG dans cinq continents).

    331 La société civile burkinabaise s'est levée en 2011 comme un seul homme pour mettre fin à 27 ans de règne sans partage du Président Compaoré. Cet apport de la société civile qui sera repris après par l'armée a permis au pays des hommes intègres d'organiser des élections démocratiques après quelques périodes de résistance finalement maitrisées.

    332 BENTAHAR Mohamed, « Quelques rappels sur la société civile, sa place, son rôle et son lien avec la démocratie », article précité, 2014.

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    333 En effet les organisations de la société civile veillent à sensibiliser les populations à l'approche des scrutins électoraux sur l'importance d'exercer leur devoir citoyen et dénoncent les manipulations politiques des dirigeants. Les ONG opérant dans divers niveaux dont celui des droits de l'Homme s'opposent à la violation des droits de l'homme en appelant l'attention de la communauté internationale. Ainsi elles contribuent à décrédibiliser la « démocratie de prestige » qui se développe en Afrique noire francophone.

    Dans la 2é retraite sur la médiation de la Francophonie en 2012, il a été relevé que l'échec de beaucoup de médiations mises en oeuvre par les organisations internationales est dû à un défaut d'inclusion de tous les acteurs dont principalement la société civile. Le diagnostic ayant été fait, il est recommandé que le médiateur francophone s'attèle, en dehors des parties identifiées au conflit, à « inclure et traiter équitablement tous les acteurs décisifs de la société civile, y compris les victimes et les femmes, mais également les jeunes qu'il convient d'inclure dans le dialogue politique et le processus de paix et doivent être incluses dans la médiation»334. En outre, «les chefferies traditionnelles et les autorités religieuses constituent également une arme lourde à même d'apaiser les tensions de façon durable grâce à l'autorité morale dont elles jouissent aussi bien auprès des hommes politiques que des populations»335. Au regard de leur poids incontestable, leur prise en compte par l'OIF dans le processus de démocratisation n'est pas anodin336.

    Au total, le défi de l'OIF serait de parvenir à travailler en synergie avec ces dynamiques locales en les libérant de toute politisation par une mobilisation conséquente de ressources en leur faveur, gage de leur opérationnalisation et de leur indépendance.

    334 OIF, Retraite sur la médiation de la Francophonie, ouvrage précité, p.48.

    335 CHABI Basile, L'OIF et la résolution des conflits en Afrique noire francophone, article précité, p.79. Nous pouvons rappeler ici le rôle important que joue la religion chrétienne (la Cenco) dans les tentatives de reprise du dialogue dans la crise au Congo Kinsasha. A propos du rôle et de l'action des autorités religieuses dans le processus de pacification et démocratisation du Congo Brazaville, Joseph Tonda, soutient qu'il s'agit de : « toutes les pratiques ou tous les discours qui participent d'un positionnement des hommes de Dieu ou des Églises par rapport au pouvoir, à l'État, aux acteurs politiques et à la « démocratisation » en tant que nouveau contexte de fondation et de construction d'un ordre ». Voir TONDA Joseph : « De l'exorcisme comme mode de démocratisation. Églises et mouvements religieux au Congo de 1990 à 1994 » in Constantin François et Coulon Christian (dir), Religion et transition démocratique en Afrique noire, Paris, Éditions Karthala, 1997, pp. 259-260. Par ailleurs, pour DIOP Omar, « la participation des Églises dans la période de transition démocratique traduit un véritable renouveau démocratique qui sera marqué à la suite par la rédaction et l'approbation d'une nouvelle Constitution, l'adoption du multipartisme, l'organisation des élections compétitives, la mise en place d'un nouveau régime constitutionnel», DIOP EL HADJI Omar, Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire. Recherche sur les enjeux juridiques et sociologiques du multipartisme dans quelques pays de l'espace francophone, Paris, Éditions Publibook, 2006, p. 67.

    128

    336 A cet effet rappelons le rôle décisif joué par Monseigneur Isidore de SOUZA lors de la conférence nationale des forces vives de la Nation en 1990 au Bénin en oeuvrant à la conciliation des points de vue contradictoires des politiques en vue de l'adoption de l'ère démocratique. Ajoutons aussi la dynamique de la Conférence Episcopale du Congo (Cenco) tout au long de la crise politique jusqu'aux élections de décembre 2018.

    Conclusion de la deuxième partie

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    L'OIF, en dépit de son enthousiasme de se constituer en un véritable creuset pour la construction démocratique en Afrique noire francophone affiche des faiblesses indéniables qui réduisent considérablement ses potentialités. De nombreuses difficultés qui peuvent être recherchées aussi bien dans l'environnement politique des Etats objet de notre étude qu'au niveau du fonctionnement interne de l'organisation elle-même, complexifient la réalisation effective de ses engagements pour l'approfondissement de la démocratie dans les Etats de Afrique noire francophone. Il s'agit entre autre (du côté des Etats) du caractère particulièrement instable de l'espace africain noir francophone, du manque de la culture démocratique des dirigeants politiques africains, du non-respect des engagements démocratiques pris par les Etats. De surcroît, le dispositif normatif et opérationnel particulièrement flexible de l'OIF en rendant son action peu dynamique, ne favorise pas non plus une meilleure réaction de la part des Etats qui à leur tour s'enlisent davantage dans l'inobservance des engagements auxquels ils ont souscrits. A ceci, il faut ajouter le manque de moyens du fait de l'élargissement de l'organisation sur les cinq continents du globe.

    Il urge alors de réformer la politique de démocratisation de l'OIF afin de la rendre plus efficace.

    CONCLUSION GENERALE

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    La conscience presque collective affichée dans les années 1990 par la majorité des Etats africains en général et ceux de l'Afrique noire francophone en particulier à travers l'adoption de l'ère démocratique n'a pas trouvé un appui suffisant des dirigeants politiques. C'est dans ce contexte que l'ONU, l'UA et les organisations sous régionales se sont résolument engagées à accompagner les Etats en vue de la concrétisation de cette nouvelle donne politique. Mais la réalité demeure tout de même, «l'incapacité des Etats africains, des organisations régionales et l'ONU»337 d'atteindre les objectifs escomptés.

    C'est fort de ce constat que « l'OIF fit son entrée sur la scène internationale, non pour se substituer ou entrer en concurrence avec quelque acteur que ce soit, mais pour apporter à cette oeuvre collective»338, une touche francophone.

    Parvenu au terme de ce travail, il s'agissait d'évaluer l'effort d'accompagnement de l'OIF à la réalisation de la démocratie en Afrique noire francophone. Retenons pour l'essentiel que la réforme institutionnelle et normative qu'elle a mise en oeuvre a permis de faire asseoir les bases de cet engagement et fait montre de l'existence de la volonté politique. Sur le terrain du concret, elle a su apporter sa contribution à l'enracinement de la démocratie en Afrique noire francophone au travers de l'accompagnement des scrutins électoraux, étant donné que ce sont les «élections qui créent la base du pluralisme et de l'alternance sans lesquels, (...) la démocratie ne peut fleurir»339. Son engagement a été aussi sans faille dans le renforcement des institutions démocratiques et la préservation de la paix par la mise en oeuvre des médiations, la pratique de l'alerte précoce, et donc de la diplomatie préventive.

    Ainsi, grâce à son effort, et au soutien apporté à ses partenaires internationaux dont l'ONU, l'UE, l'UA et les organisations sous régionales, les actions multilatérales entreprises dans le cadre de la crise post-électorale de 2011 en Côte d'Ivoire, de la guerre ethnique Centrafricaine de 2013, de la crise guinéenne de 2009, pour ne mentionner que ces cas ont pu donner des résultats probants. Les quatre engagements pris dans la

    337 TEDOM Fogué, Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire, Paris, l'Harmattan, 2008, p.10, cité par CHABI Basile, L'OIF et la résolution des conflitsen Afrique nore francophone,article précité, p.92.

    338 CHABI Basile, l'OIF et la résolution des conflits en Afrique noire francophone, mémoire précité, p.92.

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    339 LY TALL Madina, conclusion générale, www.democratie.francophonie.org IMG pdf, Consulté le 17/ 08/17.

    132

    Déclaration de Bamako en 2000340 ainsi que la stratégie de sécurisation de la personne humaine consacrée par la déclaration de Saint Boniface en 2006 ont connu une impulsion et une mise en oeuvre effective de la part de l'OIF ; ce qui est de nature à crédibiliser son engagement politique aux côtés de ses Etats membres et valoriser ses textes en évitant qu'ils soient « lettres mortes ».

    Consciente de ce que la démocratie ne saurait rimer avec la violence, la Francophonie a fait de la stabilité politique son cheval de bataille non pas en mettant en place une force d'intervention mais plutôt par la stratégie de négociation et de médiation dirigée par des experts qui servent de facilitateurs dans la recherche de solutions consensuelles aux crises politiques. Pour être plus efficace dans son soutien aux transitions démocratiques et compte tenu de la fragilité de l'environnement politique de l'espace africain noir francophone, l'OIF s'implique de façon croissante dans la résolution des crises. Ainsi de l'ouverture des hostilités jusqu'à la période post-conflictuelle, elle se maintient au chevet des Etats soit de façon solitaire soit par son soutien aux actions des partenaires régionaux et internationaux. Ainsi, elle a oeuvré à la conclusion des accords de Marcoussis puis de Ouagadougou sur le conflit ivoirien, de Kinshasa sur la RDC et la nomination du malien Siaka Toumani Sangaré à la tête de la Commission Electorale Indépendante de la Guinée en 2010. Elle s'est impliquée également dans le processus de retour de la stabilité démocratique en Centrafrique. Son engagement en faveur de la paix se réalise au moyen de la médiation, de l'accompagnement des transitions et du soutien aux Omp. Toutefois, en dépit de ces succès evidents, des inquiétudes demeurent.

    Il faut reconnaitre que l'OIF est victime de sa propre stratégie d'accompagnement de la démocratie en raison de sa flexibilité normative qui l'oblige à user de moins de rugosité dans son action politique. L'OIF est en effet une organisation internationale atypique, différente des autres organisations internationales, « car elle ne repose pas sur un traité (sauf à considérer comme le font certains membres) que le traité de Niamey est

    340Faut-il le rappeler il s'agit de la consolidation de l'Etat de droit, de la tenue d'élections libres, fiables et transparentes, du maintien d'une vie politique apaisée et la promotion d'une culture démocratique intériorisée et le plein respect des droits de l'Homme.

    toujours valide, ce qui est juridiquement contestable»341. En effet, «les gouvernements des 21 Etats signent en 1970 à Niamey le traité fondant l'Agence de coopération culturelle et non une organisation internationale».342. Toute la faiblesse normative dont souffre l'OIF doit être recherchée dans l'inexistence d'un traité constitutif qui établirait les droits et devoirs des Etats de façon formelle.

    Cette faiblesse normative entraîne une double conséquence pour une éclosion effective de la démocratie. D'une part, elle entraine le manque de considération des Etats à l'égard des obligations qui découlent des textes. D'autre part, elle limite considérablement le pouvoir quant à l'OIF de contraindre un Etat pour le respect des obligations qui découlent de son adhésion à l'organisation ou à lui administrer de véritables sanctions à la hauteur des déviances commises.

    Somme toute, même si des voix s'élèvent aujourd'hui pour dénoncer sa flexibilité relative et son manque de crédibilité, soulignons que son apport est incontestable dans l'éclosion de la démocratie en Afrique noire francophone.

    341 CABANIS André, CROUZATIER Jean Marie, IVAN Ruxandra, SOPPELSA Jacques, Méthodologie de la recherche en droit international, géopolitique et relations internationales, Paris, AUF, 2010, p.23.

    133

    342CABANIS André, CROUZATIER Jean Marie, IVAN Ruxandra, SOPPELSA Jacques, Méthodologie de la recherche en droit international, géopolitique et relations internationales, ouvrage précité, p.22.

    BIBLIOGRAPHIE

    134

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    II- OUVRAGES SPECIALISES

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    1' ABOU Sélim et CATALA Pierre (sous dir), La Francophonie aux défis de l'économie et du droit aujourd'hui, Paris, Presses de l'Université Saint Joseph, coll. Economie, 2002, 206 p

    1' ABOU Sélim, CROUZATIER Jean-Marie, Ivan Ruxandra, Soppelsa Jacques, Solidarité en (fF)rancophonie : réalité ou faux semblant ?, Paris/ Montréal, AUF, 184 p.

    1' ABOU Sélim, HADDAD Katia, Une Francophonie différentielle, Paris, l'Harmattan, Beyrouth, Presse de l'Université Saint Joseph (PUSJ), 1994, 560 p.

    1' ALLAIRE Gratien, Gilbert Anne, Francophonie plurielle, Sudbury, Institut franco-ontarien, coll. Fleur de trille, 1998, 316 p.

    1' ARNAUD Serge, GUILLOU Michel, SALON Albert, Les défis de la francophonie. Pour une mondialisation humaniste, Paris Alpharès, coll. Planéte francophone, 2005, 260 p.

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    V' DIOUF Abdou, Passion francophonie : Discours et intervention 20032010, Bruxelles, Bruylant, 2010,310 p.

    V' DREZET Paul, Les enjeux de la Francophonie : d'une communauté de langue à une communauté de destin, www. francophonie.org, 67 p.

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    V' AÏVO Frédéric Joël, « La question de la personnalité juridique des associations d'Etats », Revue de la Recherche Juridique Droit Prospectif, Vol.4, n°134, 2010, 34 p.

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    V' BAUDAIS Virginie, CHALIZAL Grégory, « Les partis politiques et l'indépendance partisane « d'Amadou Toumani Touré, » Politique

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    IV- THESES ET MEMOIRES : 1- MEMOIRES

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    1' MWIMBA Tambwe Beevens, Processus électoraux et contestation de résultats en Afrique subsaharienne, Cas de la RDC, mémoire de maitrise, Université de Kalemie, 2012.

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    2- THESES

    1' ETEKOU Bédi Yves Stanislas, l'alternance démocratique dans les Etats d'Afrique francophone, thèse de doctorat, Université de Paris-Est, 2013, 449 p.

    1' GOUNOU KORA Ahmzat, Contribution de l'Union Africaine au droit international de la démocratie, thèse de doctorat de droit public, UAC, 2017, 632 p.

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    1' NGARLEM Toldé Evariste Beelndum, La Francophonie et la résolution des conflits : réflexion sur la notion de tiers, Thèse de doctorat, Université Jean Moulin (Lyon 3), 2012, 395 p.

    V-

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    CONTRIBUTIONS ET RAPPORTS

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    V' Assemblée Parlementaire de la Francophonie, XXVIIIe session, Suisse, juillet 2002, in Revue de l'APF, n°113, 159 p.

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    V' OIF, Rapport du Secrétaire Général de la Francophonie, 2008-2010, 119 p.

    V' OIF, XIVe Sommet des Chefs d'Etats et de Gouvernement de la Francophonie, octobre 2012, 53 p.

    V' Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophones Francophonie et démocratie, Paris, Ed. Pedone, 2003, 948 p.

    VI- JURISPRUDENCE INTERNATIONALE

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    1' CIJ., Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Avis OMS du 8 Juillet 1996, Rec., 1996, pp.75-79.

    VII-TEXTES DE REFERENCE

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    1' OIF, Statut et modalités d'adhésion à la Conférence des chefs d'Etats et de Gouvernements des pays ayant le français en partage, Beyrouth, 20 octobre 2002, Bucarest, 28-29 Septembre 2006, 7 p.

    1' ONU, Charte des Nations Unies, San Francisco, 26 juin 1945, 28p.

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    VIII- SITES INTERNET

    1' www.cameroonvoice.com/news/article-news-24796.html

    1' www.courrierinternational.com/article/2010/03/25/un-instrument-politique-au-service-de-la-france

    1' www.francophonie.org/Chronologie.html

    1' apf.francophonie.org/Discours-de-M-jacques-LEGENDRE.html 1' www.google.bj/amp/s/amp.rfi.fr/fr/afrique20141127-quelle-place-france-francophonie

    1' www.libreafrique.org/ZAKRI-Blé-armée-et-politique-021115

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    1' blog.mediapart.fr/m-bentahar/bloog/1114/quelques-rappel-sur-la-societe-civile-sa-place-son-role-et-son-lien-avec-la-democratie 1' www.un.org/french/millenaire/areas552f.htm

    1' www.un.org

    ANNEXE

    145

    LE SCHEMA INSTITUTIONNEL DE L'OIF

    146

    Source : Direction de la communication et des instances de la Francophonie. http://www.francophonie.org

    TABLE DES MATIERES

    DEDICACE

    147

    i

    REMERCIEMENTS ii

    SIGLES ET ABREVIATIONS : iii

    INTRODUCTION 1

    PREMIERE PARTIE : 11

    UN ACCOMPAGNEMENT AVERE 11

    CHAPITRE I : 12

    LES BASES DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE 12

    Section I : Une incitation au plan universel 13

    Paragraphe 1 : Une prise de conscience générale 13

    A- Un rôle pionnier des Nations Unies 13

    B- Une réaction solennelle des organisations régionales 18

    Paragraphe 2 : Une irréversible rénovation des objectifs 22

    A- Une longue marche vers l'engagement politique 22

    B- Un aboutissement décisif 25

    Section 2 : La conception d'un dispositif institutionnel en matière de démocratie 28

    Paragraphe 1 : L'adoption de textes ambitieux. 28

    A- Une Charte rénovée 29

    B- Une Charte confortée par deux déclarations laborieuses 31

    Paragraphe 2 : L'érection d'institutions aux dimensions politiques affirmées 34

    A- Un Secrétaire Général investi de missions politiques 34

    B- Un Secrétariat Général suppléé par l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie 36

    CHAPITRE II : 40

    L'EFFECTIVITE DE L'ENGAGEMENT POLITIQUE 40

    Section 1 : Une mise en oeuvre dynamique des engagements démocratiques 40

    Paragraphe 1 : Une expertise électorale proactive 40

    A - L'assistance électorale 41

    B- L'observation électorale 43

    148

    Paragraphe 2 : Un renforcement avéré des institutions judiciaires 46

    A-Un soutien général à la justice ordinaire. 47

    B- Un appui spécial à la justice constitutionnelle 52

    Section 2 : Un maintien effectif de la stabilité démocratique. 55

    Paragraphe 1 : La politique de prévention 56

    A- Une approche anticipatrice des crises 56

    B- Une implication croissante 59

    Paragraphe 2 : La politique de gestion 63

    A- Une démarche coordonnée par le tandem Secrétariat Général et CPF 63

    B- Une démarche extensive 67

    Conclusion de la première partie 71

    DEUXIEME PARTIE : 72

    UN ACCOMPAGNEMENT PERFECTIBLE 72

    CHAPITRE I : DES DIFFICULTES A UN DOUBLE NIVEAU 73

    Section 1 : Les difficultés intrinsèques à l'espace noir francophone 73

    Paragraphe 1 : L'OIF face à un espace constamment instable 74

    A- Une recrudescence des conflits 74

    B- Une intervention étriquée de l'OIF 78

    Paragraphe 2 : L'OIF face à la souveraineté des Etats 80

    A- La souveraineté comme qualité de l'Etat 80

    B- La souveraineté comme obstacle à l'implication démocratique 83

    Section 2 : Les difficultés intrinsèques à l'OIF 86

    Paragraphe 1 : Un appui limité 86

    A- Une insuffisance évidente des moyens d'action 87

    B- Une souplesse défavorable des textes 89

    Paragraphe 2 : Un fonctionnement mitigé. 90

    A- Une prédominance excessive de la France 91

    B- Une crédibilité érodée 93

    CHAPITRE II : 96

    149

    DES PERSPECTIVES A UNE MEILLEURE IMPLICATION DEMOCRATIQUE 96

    Section 1 : Les réformes à soutenir au niveau des Etats 96

    Paragraphe 1 : La revalorisation du constitutionnalisme. 96

    A- Une nécessaire revitalisation de la séparation des pouvoirs. 97

    B- Une restauration indispensable du rôle du juge constitutionnel 100

    Paragraphe 2 : Le recadrage du rôle de l'armée et de la société civile 106

    A- Un apport primordial de l'armée. 106

    B- Un apport supplétif de la société civile 110

    Section 2 : Les réformes à impulser au sein de l'OIF. 114

    Paragraphe 1 : Une vision francophone d'accompagnement démocratique à rénover. 115

    A- Une présence plus énergique auprès des Etats. 115

    B- Une révision objective de la valeur normative des textes 119

    Paragraphe 2 : Une action politique à redynamiser. 122

    A- Un appui renforcé aux initiatives du Secrétaire Général 122

    B- Une intensification du multilatéralisme 124

    Conclusion de la deuxième partie 129

    CONCLUSION GENERALE 130

    BIBLIOGRAPHIE 134

    ANNEXE 145






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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984