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L'organisation internationale de la francophonie et la démocratie en Afrique noire francophone.


par Abdou-Ramane MAMA
Université d'Abomey-Calavi (UAC) - Master 2 Droit international et organisations internationales 0000
  

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CHAPITRE I : DES DIFFICULTES A UN

DOUBLE NIVEAU

L'engagement politique de la Francophonie amorcée véritablement à partir de 1997, notamment par la création d'un poste de Secrétariat Général est d'une noblesse indiscutable. Il est en effet tourné vers une problématique contemporaine cruciale qu'est la démocratie africaine caractérisée de tous les maux166. Cependant, l'atteinte de cet objectif qu'elle s'est assignée n'est pas sans entraves notamment en Afrique noire francophone.

On le sait très bien, la démocratie ne saurait rimer avec les conflits. Or l'espace africain noir francophone est un espace constamment secoué par les convulsions politiques qui débouchent fréquemment sur des conflits. Il en résulte que l'Afrique noire francophone n'offre pas un contexte favorable à l'instauration ou à l'accompagnement démocratique (Section 1).

En outre, l'analyse de l'organisation interne de l'OIF laisse transparaitre une faiblesse structurelle manifeste qui ne favorise pas un accompagnement démocratique optimal (Section 2).

Section 1 : Les difficultés intrinsèques à l'espace noir francophone

L'ambition politique de la Francophonie qui est de jouer un rôle primordial dans le rayonnement de la démocratie dans l'espace noir francophone est corsetée par, d'une part, l'instabilité politique qui secoue les Etats de cet espace (paragraphe 1) et d'autre part, par la difficulté de concilier la souveraineté étatique et l'accompagnement démocratique (paragraphe 2).

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166 En effet bon nombre d'observateurs internationaux voient en la démocratie africaine une démocratie imparfaite faite d'instabilité politique, de coups d'Etat caractérisés par des tentatives des militaires à reverser les gouvernements civils élus démocratiquement, la violation des droits de l'Homme, la confiscation du pouvoir, l'instrumentalisation des constitutions par les autorités gouvernementales à des fins politiques ainsi que des élections peu crédibles.

Paragraphe 1 : L'OIF face à un espace constamment instable

L'Afrique noire francophone reste un espace très miné par des conflits ethniques et politiques qui engendrent des violations massives des droits humains (A). Dans ce contexte, les actions de médiation entreprises par l'OIF en vue de la résolution desdites crises n'aboutissent toujours pas à des issues favorables (B).

A- Une recrudescence des conflits

«Alors que le développement est un processus long et endogène, l'Afrique est le continent des conflits et des tsunamis silencieux»167. C'est malheureusement le tableau sombre que l'on dresse de l'Afrique qui apparemment n'a pas pris la mesure du développement. Depuis les années 1970, le continent africain a connu plus de trente guerres qui, dans leur vaste majorité, sont d'origine interne. Pour la seule année 1996, quatorze des cinquante-trois pays africains - soit plus du quart - étaient touchés par des conflits armés qui avaient provoqué plus de la moitié de tous les décès liés à la guerre dans le monde entier et qui avaient de même expliqué le sort de huit millions de réfugiés et de personnes déplacées168.

Avec l'écroulement du bloc soviétique et l'adoption dans le monde et en Afrique de la démocratie comme mode d'organisation des sociétés humaines, l'on pouvait raisonnablement s'attendre à l'atténuation considérable des conflits armés au profit de l'accélération du processus conduisant à la pacification des Etats. Au contraire, c'est surtout après 1989, donc avec le changement démocratique que les conflits ont redoublé d'intensité. Au lieu d'en assurer la prospérité des pays africains, l'avènement de la démocratie semble donner un coup d'accélérateur à des conflits particulièrement internes, violents, lesquels ont entamé la vie socio-politico-économique de la majorité des Etats. Et pour preuve, «depuis 1990, 19 conflits majeurs africains ont été localisés dans 17 pays, dont un seul « classique », c'est-à-dire opposant deux États (Éthiopie-Érythrée). La

167 HUGON Philipe, « Conflits armés, insécurité et trappes à pauvreté en Afrique», Afrique contemporaine : Afrique et Développement, n°218, Bruxelles, éd. De Boeck, 2006, p. 33.

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168 ANNAN Koffi, Les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durable en Afrique, rapport au conseil de sécurité, New-York, Nations Unies, Avril 1998, paragraphe 4. Disponible sur www.un.org.

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baisse du nombre des conflits majeurs en Afrique entre 1990 et 1997 a fait place à une reprise entre 1998 et 2000 (11 conflits par an), puis à une réduction depuis 2001 (cinq conflits par an en moyenne). En 2006, le spectre des conflits continue de hanter la République démocratique du Congo (RDC), la Côte d'Ivoire, la Somalie, l'Érythrée et l'Éthiopie ainsi que le Darfour, avec une extension au Tchad voisin. S'expliquant largement par le sous-développement et par l'exclusion, les conflits sont, à leur tour, des facteurs d'insécurité et de sous-développement traduisant l'existence de cercles vicieux et de trappes à sous-développement et à conflits»169.

A cet effet, l'Afrique noire francophone reste très affectée par une prolifération exponentielle des conflits ces dernières années. En Afrique de l'ouest, deux conflits majeurs retiennent les attentions. Il s'agit d'abord de la Côte d'Ivoire qui a connu doublement la guerre civile dont celle ayant débuté en 2002 et la crise postélectorale de 2010. Ces deux crises ont non seulement généré des hécatombes mais, aussi appauvri le pays en annihilant tous les efforts de construction démocratique déployés jusque-là par les autorités nationales et les partenaires sociaux. Il s'agit ensuite de la Guinée où la mort du Président Lansana Conté le 22 décembre 2008, a entrainé le pays dans une nouvelle ère de turbulence qui a conduit jusqu'au massacre de 2009 par le putschiste Moussa Daddis Camara.

Dans la même optique, l'Afrique centrale n'est pas épargnée de cette instabilité généralisée. En effet, une violente guerre civile170 a ravagé la République centrafricaine à partir de l'année 2013. Elle a opposé notamment les milices de la Seleka, à majorité musulmane et fidèle au président Michel Djotodia, à des groupes d'auto-défense chrétiens

169 HUGON Philippe, « Conflits armés, insécurité et trappes à pauvreté en Afrique», article précité, p.42.

170 Selon un communiqué d'Amnesty International publié le 19 décembre 2013, environ 1000 chrétiens sont massacrés par la Seleka rien que pour les journées du 5 au 8 décembre 2013 lors de la bataille de Bangui et des centaines de civils sont massacrés par les deux camps lors du mois de janvier. À la fin du mois de janvier 2014, l'ONU estime que les violences ont fait 2000 morts et un million de déplacés depuis décembre. Dans un rapport publié le 1er novembre 2014, l'ONU estime que les violences ont fait 3000 morts entre le 5 décembre 2013 et le 14 août 2014. Sur cette période les anti-balaka seraient responsables de la mort de 854 civils et de 7 travailleurs humanitaires tandis que la Séléka aurait tué 610 civils et 7 travailleurs humanitaires. Human Rights Watch affirme avoir recensé la mort de 146 personnes dans les environs de Bambari, Bakala, Mbres et Dékoa entre juin et début septembre. En janvier 2015, un rapport d'une commission d'enquête de l'ONU affirme que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ont été commis par la Seleka et les anti-balaka mais qu'il n'y a pas de preuve de génocide. Selon la commission, le conflit en République centrafricaine a fait 3 000 à 6 000 morts en deux ans. Voir www. https://wikivisually.com/lang-fr/wiki/Troisiéme guerre civile centrafricaine.

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et animistes, les anti-balaka, fidèles à l'ancien président François Bozizé et accusés d'être soutenus par des anciens militaires des Forces armées centrafricaines. Le conflit se caractérise par de nombreuses exactions contre les civils, musulmans ou chrétiens. Un grand nombre d'entre eux fuient les villages pour se réfugier dans la brousse. La situation débouche sur une crise humanitaire importante, aggravée par le chaos sécuritaire.

Face à ces crises, plusieurs missions de paix ont été établies par l'ONU en vue de les maîtriser et les enrayer171. Dans la même logique sur le plan régional et sous régional, l'UA aussi a multiplié l'Etablissement des OMP sur le terrain des hostilités. Les causes de ces conflits sont multiples: centralisation excessive du pouvoir politique et économique engendrant corruption et népotisme; refus de certains dirigeants de rendre des comptes et d'accepter l'alternance politique, mépris des minorités, monopolisation du pouvoir par des groupes (ethniques, régionaux, militaires), absence de système de représentation efficace, coopération insuffisante de part et d'autre de frontières héritées de la colonisation séparant artificiellement une même communauté, disputes sur les tracés territoriaux(...), insuffisance du contrôle de la circulation des armes liée à la déficience de l'Etat.

Le point essentiel qui constitue un enjeu de taille pour l'Afrique est la conséquence de ces crises car en effet les conflits armés internes ont la particularité de plonger les institutions étatiques dans une crise systémique qui aboutit non seulement à l'effondrement de l'Etat mais aussi au démantèlement du processus démocratique. L'effondrement de l'Etat du fait des conflits se remarque aussi bien sur le plan politique que sur le plan juridique.

Sur le plan politique, l'effondrement de l'Etat, «c'est une situation où la structure, l'autorité, le droit et l'ordre politique se sont émiettés et ont besoin d'être recomposés»172.

171 Il s'agit du BINUCA (Bureau Intégré des Nations Unies pour la Consolidation de la paix en RCA) envoyé en Janvier 2010, de la MISCA (Mission internationale de soutien à la RCA) sous conduite Africaine et l'opération Sangaris sous conduite de la France. Et enfin la MINUSCA (Mission Internationale des Nations Unies pour la stabilisation en Centrafrique) mise en place en 2014.

171ZARTMAN William cité par POULIGNY Béatrice : Ils nous avaient promis la paix : Opérations de l'ONU et populations locales, Paris, Presses de sciences po, 2004, p.50. Cité par KIMARARUNGA Jean Désiré, L'organisation des Nations Unies face aux conflits en Afrique : contribution à une culture de prévention, mémoire de DEA en relations internationales et intégration européenne, Université de Liège, 2007.

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D'un point de vue juridique, c'est l'existence même de l'Etat qui est compromise du fait de l'écroulement de l'édifice institutionnel servant d'assise au pouvoir politique.

L'effondrement de l'Etat conduit aussi inéluctablement à l'éclatement de la nation - du moins celle qui est en construction. Il en résulte une certaine remise en cause du sentiment collectif du vouloir vivre ensemble. La société en tant que groupe se fragmente. C'est bien la triste réalité qu'a connue la Centrafrique avec la guerre civile opposant musulmans et chrétiens. Ainsi, « (...) Non seulement l'Etat est absent dans sa fonction d'ordre et de légitimité, mais la société a volé en éclats, la nation est fragmentée, la population dispersée et l'économie en ruine. De plus, alors que l'Etat est vacant, ni ordre, ni pouvoir, ni légitimité ne sont transmis à des groupes (même si plusieurs organisations existantes pourraient évoluer dans ce sens). La réalité et le symbole du pouvoir sont tous deux à qui veut les prendre parmi les factions armées qui se combattent»173.

Par ailleurs, la démocratie qui déjà est très fragile en période normale subit de grandes convulsions avec l'éclatement d'une crise politique.

Sans remettre en cause le caractère précoce de la démocratie dans les pays africains, il convient de faire remarquer que les guerres ont tendance à porter un coup dur au processus démocratique.

Cette situation est le corollaire de l'effondrement de l'Etat. En effet, « l'Etat n'est plus le seul détenteur du pouvoir de répression légale. Il peut à tout moment se trouver en compétition avec d'autres centres de pouvoir, en détenant les mêmes moyens. L'apparition d'un tel phénomène dans le paysage politique africain est un facteur de grande vulnérabilité, d'instabilité chronique et même de délégitimation des pouvoirs légalement mis en place, qui hypothèque les fragiles processus démocratiques amorcés ici et là »174.

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173 LOWENKOPF Martin, cité par AHANHANZO GLELE Victor et HOUEDJISSIN Modeste, L'intégration régionale comme instrument de prévention des conflits : cas de la CEDEAO, mémoire de fin de 1er cycle DRI, UAC : ENAM, 2000, p.17, cité par KIMARARUNGA Jean Désiré, L'organisation des Nations Unies face aux conflits en Afrique : contribution à une culture de prévention, op.cit.

174 KONARE Omar Alpha, cité par EDUI MOKA Abdoul, La prévention des conflits en Afrique, Mémoire de DEA Droit de la personne humaine et Démocratie, UAC, 2002, p.31, cité par KIMARARUNGA Jean Désiré, op.cit.

C'est bien cela qu'a vécu la République de Côte d'Ivoire. A l'issue des élections présidentielles de 2000, le gouvernement mis sur pied est obligé de partager le pouvoir avec des groupes rebelles à travers la signature d'un accord inclusif dénommé les accords de Marcoussis175 en 2003 afin de mettre fin à la guerre civile qui sévissait dans le pays. Le constat à ce niveau est que l'on remarque avec amertume que les armes ont tendance à prendre le pas sur les urnes.

Ce phénomène constitue un défi pour la démocratie et pour les partenaires de l'Afrique. Des accommodements de toutes sortes sont consentis à l'égard des rebelles désormais sur le même pied d'égalité avec le pouvoir légal. Sous prétexte de "réconciliation nationale", des criminels de guerre sont intégrés dans des processus de reconstruction de l'Etat de droit, ce qui contredit les idéaux de justice et de démocratie. Le système démocratique reste donc très éprouvé avec ces conflits.

Le système de réaction mis en place par l'OIF en vue de la résorption de ces crises et conflits n'assure pas toujours le retour à la paix et à la normalité constitutionnelle.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams