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L'organisation internationale de la francophonie et la démocratie en Afrique noire francophone.


par Abdou-Ramane MAMA
Université d'Abomey-Calavi (UAC) - Master 2 Droit international et organisations internationales 0000
  

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Paragraphe 2 : Une irréversible rénovation des objectifs

L'insertion des objectifs politiques dans l'agenda de l'OIF n'est pas une génération spontanée. S'il est vrai que les chefs d'Etat et de Gouvernement manifestaient depuis fort longtemps le désir de voir l'organisation s'intéresser aux questions préoccupantes des Etats (en occurrence la technique, l'économie l'éducation mais aussi la gouvernance politique), il faut cependant reconnaitre que sa métamorphose politique dans un cadre purement formel s'est construite dans le temps. Il convient alors de s'intéresser aux péripéties qui ont conduit à son engagement politique (A) avant de se pencher sur son véritable envol vers l'édification d'une doctrine en matière de démocratie (B).

A- Une longue marche vers l'engagement politique

Les efforts du Président Léopold Sédar Senghor et de ses pairs62 visant à mettre en place un regroupement commun francophone a d'abord pris corps avec la création d'une organisation restreinte : l'organisation Commune Africaine et Malgache (OCAM).

60 La déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA de 1990 sur la situation politique et socio-économique en Afrique et les changements fondamentaux intervenus dans le monde ainsi que la déclaration de Lomé de 2000 sur une réaction de l'OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernements jettent les bases d'un engagement démocratique de l'OUA.

61 Article 3.g de l'acte constitutif de l'UA.

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62 Le projet francophone a été l'oeuvre de quatre chefs d'Etat : Léopold Sédar Senghor du Sénégal, Hamani Diori du Niger, Habib Bourguiba de la Tunisie et le Prince Norodom Shinahouk du Cambodge.

Ensuite, l'idée de création d'une organisation de promotion de la langue française va davantage se concrétiser par la mise en place de l'ACCT.

Dans sa Charte constitutive, on peut lire à l'article 1er relatif aux objectifs : « l'Agence a pour fin essentielle l'affirmation et le développement entre ses membres d'une coopération multilatérale dans les domaines ressortissant à l'éducation, à la culture, aux sciences et aux techniques, et par là au rapprochement des peuples. Elle exerce son action dans le respect absolu de la souveraineté des Etats, des langues et des cultures, et observe la plus stricte neutralité dans les questions d'ordre idéologique et politique ». Il ressort de cette disposition que l'ACCT n'affiche aucun objectif politique ni idéologique et qu'elle ne s'occupe que des questions linguistiques, culturelles et techniques 63 . Pourtant, la pratique interne de l'organisation elle-même démentit l'étroitesse des objectifs prioritaires affichés dans sa Charte constitutive.

En effet, les rivalités politiques à fondement linguistiques et culturels internes entre certains de ses membres64, les dynamiques des relations internationales déjà à partir des années 80, ainsi que des problèmes de gouvernance politique remarquables dans les Etats d'Afrique francophone ont conduit l'Agence à introduire implicitement des questions idéologiques et politiques dans sa feuille de route. L'organisation internationale intergouvernementale est passée alors du principalement technique et culturel à l'essentiellement politique et idéologique.

A cet effet, l'orientation et le contenu des « actes des conférences des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage », notamment à partir de 1990, exprime sans aucune ambigüité l'ambition d'affirmer une opinion politique francophone

63 Les premiers Sommets organisés sous l'égide de l'ACCT le témoignent. Au premier Sommet de l'ACCT en 1986, les domaines essentiels de la coopération multilatérale concernaient : le développement (agriculture et énergie), les industries de la culture et de la communication, les industries de la langue, l'information scientifique, le développement technologique, y compris la recherche. Au Sommet de Québec de 1987, il s'agissait de l'agriculture, l'énergie, la culture et les communications, l'information scientifique et le développement : les industries de langue. Le 3e Sommet de 1989 consacre son agenda aux questions liées à l'éducation et à la formation, qualifiée de « domaine stratégique d'intervention ».

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64 Il s'agit des rivalités entre le Canada et sa province du Québec, persistantes tout au long du processus de création et de fonctionnement des organisations intergouvernementales francophones qui n'ont jamais trouvé de solutions satisfaisantes. Ces rivalités ont continué après la création de la première institution intergouvernementale francophone (ACCT) et cette fois ci entre la France et le Canada. Voir TOLDE Ngarlem, La Francophonie et la résolution des conflits : réflexion sur la notion de tiers, thèse de doctorat, Université Jean Moulin (Lyon 3), 2012, p.52.

sur la scène internationale. Aussi, indiquent-ils la volonté de donner une nouvelle orientation à la jeune organisation créée. Sur ce point, si les trois premiers sommets organisés sous la coupole de l'ACCT ont traité essentiellement des questions culturelles et techniques, il faut reconnaitre qu'à partir de 1991, la dimension politique a commencé par s'affirmer clairement. Ainsi, déjà au sommet de Dakar en 1989, une résolution portant sur les droits fondamentaux dans l'espace francophone sera adoptée, ainsi que la décision portant création d'un nouveau champ de coopération, la coopération juridique et judiciaire.

Avec cet élargissement tacite des missions de l'organisation, les organes de l'ACCT vont s'investir à partir de 1990 dans l'accompagnement des processus de retour au pluralisme et de l'Etat de droit dans l'ensemble des Etats membres et plus particulièrement ceux de l'Afrique avec l'action du nouveau Secrétaire de l'ACCT Monsieur Jean Louis Roy65. Cet accompagnement concerne principalement la tenue des consultations électorales pluralistes66 qui ont symbolisé la rupture avec les systèmes mono-partisans, la mise en place des institutions de l'Etat de droit, judiciaires, mais aussi celles de contrôle, de régulation et de médiation, la promotion et la défense des droits de l'Homme67.

Toutefois, ces efforts quand bien même louables n'ont pas pu empêcher certains blocages institutionnels et politiques au niveau de certains Etats de l'Afrique noire francophone. Il s'agit par exemple des élections contestées au Togo en 1993, ayant entrainé la suspension de la coopération entre ce pays et l'Union Européenne, le coup d'Etat orchestré au Mali en 1991 par Amadou Toumani Touré contre le président Moussa

65 A la tête de l'ACCT plusieurs secrétaires se sont succédés avant que l'on assiste à un élargissement exprès des missions du secrétariat général. Il s'agit par exemple de Jean Marc Léger, secrétaire général de 1970 à 1981, François Owono Nguema (19861989), Paul Okwatsegue, Jean Louis Roy (1990- 1997).

66 Sous l'égide de l'ACCT, des textes ont été adoptés pour régir les nouvelles missions de l'organisation : il s'agit de Principes Directeurs régissant l'observation des élections adoptés en 1992, puis révisés en 1996, Déclaration et plan d'action du Caire adopté par les ministres francophones en 1999 etc. L'agence s'est dotée aussi de mécanismes appropriés pour répondre à ses objectifs (plan d'action pour la justice, mission d'observation des élections, concertation entre francophones à l'occasion des conférences internationales comme la conférence mondiale sur les droits de l'Homme, à Viennes en 1993 ou comme la conférence mondiale sur les femmes, à Pékin, en 1995).

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67 DESSOUCHES Christine, « Médiation et Francophonie », in Vettovaglia Jean Pierre (sous-dir), Médiation et facilitation dans l'espace francophone, éd Bruylant, Bruxelles, 2010, p.280. Cité par TOLDE Ngarlem, La Francophonie et la résolution des conflits : réflexion sur la notion de tiers, op.cit., p.56.

Traoré, le coup de force perpétré en 1996 par M. Baré Mainassara au Niger, pour ne citer que ces exemples. Ces situations ont incité davantage les représentants des chefs d'Etat et de Gouvernement à réfléchir dès 1995 sur la possibilité de la mise en place d'un comité de réflexion sur le renforcement de la Francophonie. Les travaux de ce comité devraient aboutir à la mise en place d'un nouveau dispositif de la Francophonie structuré autour du changement de l'appellation ACCT devenant « agence de la Francophonie » et de la création d'un poste de Secrétariat Général de la Francophonie68.

L'enthousiasme des hauts responsables présents à ce sommet de 199569 de donner une réelle orientation politique à la Francophonie est symptomatique de la qualité des discours tenus par eux. L'occasion de ce Sommet a été saisie pour condamner le terrorisme sous toutes ses formes ainsi que « toute tentative de remise en cause des processus de démocratisation, de déstabilisation des régimes légalement constitués et toute occupation du territoire par la force ».

On voit très bien que la marche de la Francophonie vers l'affirmation de sa dimension politique se dessine au fil des Sommets. Mais il s'agit jusqu'à présent d'une volonté politique non traduite dans les textes. C'est pourquoi les prochains sommets vont servi de creuset pour une véritable métamorphose de la Francophonie politique dans son engagement en faveur de la démocratie et la paix.

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