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Les déterminants géopolitiques des difficultés de la gestion communautaire des conflits en Afrique de l'Ouest. La CEDEAO face au règlement de la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte-d'Ivoire.


par Christophe C. H DAVAKAN
Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Paris - Master 2 en stratégie internationale 2018
  

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I - Cadre théorique

1. Problématique et objectifs du travail

Longtemps maintenu à l'abri des soubresauts politiques qui ont marqué les premières décennies de l'indépendance de plusieurs pays francophones d'Afrique noire, la Côte d'Ivoire a basculé dans une profonde et longue crise politique en 2002. La fin de la menace communiste en Afrique à la fin des années 1980 qui a favorisé une mutation des relations franco-africaines pour les faire évoluer vers une "normalisation"4 a ouvert la voie au sein des Etats à l'expression, bien souvent dans la violence, de contradictions et d'antagonismes longtemps étouffés par l'activisme de la Françafrique. La France en effet, « considérée après la colonisation comme le gendarme de l'Afrique, a choisi de rompre avec les modes traditionnelles de gestion des crises dans le pré carré africain, où pendant longtemps la règle était de porter secours aux régimes en place contre les rebelles. ». 5 De plus, désormais orpheline en décembre 1993 du père tutélaire, le président Félix Houphouët-Boigny connu pour son habileté à arrondir les angles et trouver des compromis dynamiques, la Côte d'Ivoire n'a pas pu échapper aux tourments auxquels nombre de pays ont été en proie en Afrique dès le début des années 1990 pour les raisons indiquées ci-dessus.

Ainsi, en décembre 1999, le pays est secoué par un coup d'état militaire qui permet au Général à la retraite Robert Guéï de prendre le pouvoir en renversant Henri Konan Bédié qui avait pris la succession du défunt président Houphouët-Boigny six ans plus tôt. On pourrait penser que l'armée qui disait vouloir "faire une oeuvre de salubrité publique", allait réussir « après la lente dérive xénophobe des derniers mois, orchestrée par l'ex président Bédié »6, à rassembler à nouveau la population ivoirienne dans une perspective pluriethnique, mais très tôt, les intrigues politiques nourries par les appétits du pouvoir, des uns et des autres ont ravivé les clivages socio-politiques. Laurent Gbagbo, élu président de la République à la suite d'une élection que lui même a jugée "calamiteuse" sera confronté dès 2002 à une rébellion

4

BAT, (Jean-Pierre), Le syndrome Foccart. La politique française en Afrique de 1959 à nos jours, in La Revue Internationale et Stratégique, N° 91, automne 2013, p203

5

DUBLIN, (Antoine), La gestion par la France de la crise en Côte d'Ivoire, de

septembre 2002 à avril 2005, Séminaire de relations internationales, institut d'Etudes Politiques de Lyon, 2004-2005, p6

6

GANTIN, (Karine), Que devient le modèle ivoirien ? in L'Humanité, Paris, 27 décembre

1999, p.11

10

qui se soldera par une partition du pays qui ne prît fin qu'en avril 2007, après les accords de Ouagadougou signés entre Guillaume Soro, le chef de la rébellion et le président Laurent Gbagbo. L'élection présidentielle prévue par les accords successifs et maintes fois reportée a fini par avoir lieu à la fin de l'année 2010. Mais envisagée comme une élection de sortie crise, elle va plutôt en ouvrir la plus sanglante après le refus du président sortant de reconnaître la victoire de son challenger, Alassane D. Ouattara, pourtant reconnu vainqueur par la communauté internationale. Après l'annonce par la Commission électorale, de Alassane Ouattara vainqueur de l'élection, résultat validé comme le prévoit les accords politiques par l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), et la proclamation par le Conseil Constitutionnel de la victoire de Laurent Gbagbo, l'imbroglio s'installe à Abidjan.

Confrontée à l'urgence d'agir pour éviter que ces élections laborieusement organisées sous l'égide de la communauté internationale ne se soldent par un nouvel affrontement entre les protagonistes de la crise, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) ne tarde pas à engager une action diplomatique tout comme elle s'était vue obligée de le faire dès le début de la rébellion le 19 septembre 2002. La crise ivoirienne étant apparue à ses yeux « comme un défi pour sa crédibilité ». 7 Mais les missions de bons offices initiées par l'institution régionale sont toutes restées infructueuses.

Après quatre mois de crise où deux présidents "proclamés élus" se disputent la légitimité de la direction du pays, les Forces Nouvelles (ex rebelles) lancent une grande offensive militaire le 28 mars 2011 et parviennent à Abidjan où ils se heurtent à la résistance des partisans de Laurent Gbagbo. La situation humanitaire devient chaotique à Abidjan. La France, s'appuyant sur le mandat de l'ONU exige la reddition de Laurent Gbagbo en brandissant la menace d'une action militaire. La crise ne trouve son dénouement dans le sang que le 4 avril 2011, après l'offensive menée par les Forces Nouvelles appuyées par les forces de l'ONUCI et surtout celles de l'opération française Licorne contre la résidence de Laurent Gbagbo qui, à son corps défendant finit par baisser l'échine.

Si on peut louer la célérité de la mobilisation politique de la CEDEAO pour endiguer la crise, son incapacité à parvenir à un accord entre les protagonistes, ou à défaut, à user de la force pour faire triompher la légitimité populaire a laissé perplexe bien d'observateurs. En dépit de sa détermination à montrer sur le champ ivoirien, sa capacité à rétablir la paix dans

7 SADA, (Hugo), Op. Cit., P327

11

la sous-région, son mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits laborieusement mis en place pendant plus de deux décennies a une fois encore déçu les espoirs, à l'épreuve. Tant et si bien que la crise post-électorale n'a connu son dénouement que grâce à une action diplomatique et militaire décisive de la France, mais malheureusement après des affrontements qui avaient déjà fait plus de trois mille morts à travers le pays. Comme on le voit, le salut une fois encore vient de l'ex puissance coloniale qui déjà, dès le lendemain du 19 septembre 2002, et à la demande du gouvernement ivoirien,8 avait mobilisé ses soldats de la base militaire française de Port-Bouët9, pour s'interposer entre les belligérants et éviter le chaos. Cette difficulté, voire cette incapacité de la CEDEAO à faire aboutir le processus de règlement du conflit en faisant triompher l'approche régionale, ajouté aux résultats très mitigés qu'elle a enregistrés dans ses interventions sur des champs de conflit précédents dans la région peut justifier des questionnements sur sa capacité intrinsèque à conduire et réussir les missions de paix dont les orientations diplomatiques et stratégiques

ont du mal a faire l'unanimité au sein même de l'instance suprême de décision de
l'organisation régionale. Au vu de cet ultime échec de l'action de la CEDEAO dans la crise post-électorale en Côte d'Ivoire, en dépit des moyens diplomatiques et militaires à sa portée, On peut se demander si dans les approches de solutions dans la gestion des crises, l'opérationnalisation du mécanisme de règlement des conflits de la CEDEAO n'est pas souvent trop influencé, voire compromis par des considérations géopolitiques internes des Etats membres. Autrement dit, l'efficacité des missions de règlement des conflits par la CEDEAO, n'est-elle pas trop souvent prisonnière des enjeux géopolitiques internes des Etats par rapport aux ambitions pacifistes régionales? C'est à cette préoccupation majeure que nous voulons tenter de répondre au travers du décryptage de l'implication de la CEDEAO dans le règlement de la crise post-électorale en Côte d'Ivoire en nous fondant sur les hypothèses de travail ci-après:

8

Se référant aux accords de défense existant entre la Côte d'Ivoire et la France, le gouvernement Ivoirien excipe de ce que son pays est victime d'une agression extérieure et demande l'appui militaire de la France. Mais la France a préféré s'interposer entre les deux parties en conflit pour des raisons officiellement qualifiées d'humanitaires.

9

Base militaire française installée à Port-Bouët, au sud d'Abidjan dans le cadre des accords

de défense du 24 avril 1961 entre la France et la Côte d'Ivoire

12

- Malgré les menaces évidentes de déstabilisation de la région que comporte chaque conflit armé, les calculs stratégiques nationaux ne priment-ils pas le plus souvent sur les réponses communautaires aux crises?

- Les rivalités politiques et parfois personnelles entre les Chefs d'Etat dans la mise en oeuvre des approches diplomatiques et militaires de la CEDEAO dans la résolution des conflits n'ont-elles pas souvent un effet plus inhibiteur que l'on puisse imaginer?

- la grande disparité de l'ancrage de la démocratie dans les différents pays de la sous-région ouest africaine et les élans totalitaires qui caractérisent encore bon nombre de régimes politiques ne peuvent-ils pas compromettre la convergence des positions, nécessaire à toute action communautaire efficace dans le cadre de la résolution des conflits internes dont les causes sont essentiellement liées à un déficit démocratique?

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