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Le droit international humanitaire et les défis des conflits internes en RDC. Cas du conflit Kamuina Nsapu.


par Kabienakuluila Tshibuabua
Université Notre-Dame du Kasayi - Licence en droit 2019
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE NOTRE-DAME DU KASAYI

« U.KA. »

Faculté de droit B.P.70 KANANGA

Département de Droit public

LE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE ET LES DEFIS DES
CONFLITS INTERNES EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU
CONGO, CAS DU CONFLIT KAMUINA NSAPU

Mémoire présenté et défendu en vue de l'obtention du grade de Licencié en Droit

Par TSHIBUABUA KABIENAKULUILA

Gradué en Droit

Directeur : René KANDE KATANKU

Professeur Associé

Juillet 2019

I

TSHIBUABUA KABIENAKULUILA

EPIGRAPHE

«Dans la mesure où le DIH s'applique dans des périodes de violence extrême, son respect posera toujours des graves difficultés. Néanmoins, il est plus important que jamais de veiller à sa mise en oeuvre effective.»

CICR, Services consultatifs en droit international humanitaire, 07-2007.

II

TSHIBUABUA KABIENAKULUILA

DEDICACE

A TSHIBUABUA KABIENAKULUILA Hippolyte, le Serviteur des pauvres dont je porte le nom. Pour tout l'inimaginable que tu as été pour moi.

A toutes les victimes innocentes du conflit Kamuina Nsapu. A toutes ces personnes qui ont subi des actes de violences et des abus de tout genre et dont le cri de détresse est resté dans l'amnésie judiciare.

TSHIBUABUA KABIENAKULUILA

III

REMERCIEMENTS

S'il est vrai que la rédaction de ce travail nous donne la qualité de l'auteur, il demeure d'équité que nous avons dès l'instant même le droit de remercier toute personne qui a concouru, de près ou de loin, à l'achèvement de celui-ci, car de manière objective, sans coup de main extérieure, son achèvement serait difficile.

«Si Le Seigneur ne bâtit pas la maison, les ouvriers peinent en vain», clame le psalmiste (Psaume 126). C'est dans la gratitude à Dieu, Lui qui nous donne la vie, le mouvement et l'être, Lui qui nous précède toujours dans tout ce que nous entreprenons1, que nous sommes parvenu à présenter ce travail.

De prime abord, qu'il nous soit permis de remercier le Directeur de ce mémoire et notre encadreur , respectivement le Professeur René KANDE et le Chef de Travaux Médard MULENGA pour s'être acquittés de leur honorable devoir en toute sérénité, eux dont les orientations ont éclairé notre lanterne à cet effet. C'est une marque de serviabilité que nous apprécions à sa juste valeur.

Nous remercions tout également ceux qui ont orienté nos pas et notre marche vers le chemin de l'école et par le fait, voient ce travail couronner leurs efforts, KAPULA BUKU Edmond et MUENYI MUAMBA Régine, ces parents forts et combattants, qui se sont déployés dans la mesure de leurs possibilités afin de nous voir arriver à ce jour. Nous n'oublions pas ceux qui nous ont toujours porté à coeur, ceux avec qui nous sommes liés par le sang. Nous citons : MAYI Bertin, LUPETU Félicité, MULENGEJA Joël, TSHIALEMBA Exaucée et KAPULA Pater.

Nos remerciements s'adressent également à la Soeur Bertine MAYI et au Révérend Abbé Victor BIDUAYA, dont le soutien moral et parfois matériel nous a fortifié dès les premiers instants de notre arrivée à l'Université.

La vie ne nous fait pas rencontrer les personnes au hasard ; les amis sont des richesses que nous devons conserver. Ils sont nombreux ceux qui nous ont tenu compagnie, les citer serait s'exposer à oublier certains, parfois ceux qui nous ont été de grande importance. Mais toutefois, il serait ingrat de de penser à SAKAJI MANIKA, NGWAPITSHI NYAMI, SANDEKE MAKANDA, Judith KAMUANGA et KITENGE KABANGE Rebecca.

1 KABASELE MUKENGE A., Discours de fermeture, in Revue de l'U.KA., Editions universitaires du Kasayi, année académique 2018-2019.

TSHIBUABUA KABIENAKULUILA

IV

Que tous ceux qui nous ont aidé à atteindre nos objectifs se sentent tous remerciés.

TSHIBUABUA KABIENAKULUILA

TSHIBUABUA KABIENAKULUILA

1

INTRODUCTION

L'on s'accorde qu'« Il ne fait pas de doute que la guerre est une relation humaine et en tant que telle, elle est forcément codifiable. Au même titre que l'on règlemente la relation entre deux personnes qui s'aiment à travers le mariage par exemple, pourquoi ne codifierait-on pas la relation entre deux personnes qui combattent ? »2 Cette affirmation prouve combien, au fil des années, les Etats ont trouvé nécessaire et même plus utile de réglementer le domaine de la guerre à l'instar des autres domaines de la vie humaine afin de limiter les effets néfastes qui en sont toujours les conséquences logiques.

En effet, la guerre faisant partie des relations entre les Etats, il fallait aussi la règlementer : il y a eu tout d'abord des règles non écrites, fondées sur la coutume qui ont règlementé les conflits armés. Puis, progressivement sont apparus des traités bilatéraux plus ou moins élaborés, les Cartels,3 que les belligérants ratifiaient parfois après la bataille ; il y'avait également des règlements que les Etats édictaient pour leurs troupes. Le droit alors applicable dans la guerre fut limité dans le temps et dans l'espace en ce sens qu'il ne pouvait régir parfois qu'une bataille ou un conflit déterminé. Signalons que ces règles variaient aussi suivant les époques, les lieux, la morale, les civilisations, etc.

Quincy Wright avait raison quand il écrivait dans A study of war que « dans l'ensemble, on peut trouver dans les méthodes de guerre des peuples primitifs l'illustration des divers genres des lois internationales de la guerre actuellement connues : lois qui distinguent différentes catégories d'ennemis ; règles définissant les circonstances, les formalités et le droit de commencer et de terminer la guerre ; règles prescrivant des limites aux personnes, aux saisons, aux lieux, ainsi qu'à la conduite de la guerre ; et même des règles qui mettent la guerre hors la loi.» Cela démontre avec exactitude qu'il y a eu des règles qui ont préexisté au Droit international humanitaire (DIH) actuel.

Deux hommes, parmi les pionniers du DIH, inventèrent le DIH actuel : Henry DUNANT et Guillaume-Henri DUFOUR. Le premier dans son ouvrage intitulé « lin souvenir de Solferino » et le second, avec ses expériences

2 NOUWEZEM S.S., L'application des règles du Droit international humanitaire dans les conflits en Afrique : étude des cas ivoirien et congolais (RDC), Mémoire de recherche pour l'obtention du diplôme d'université de 3ème cycle, Université de Nantes, Université Paris II Panthéon Assas, Université Paris X Nanterre, Université Paris XII Val-de-Marne, 2003-2004, p.7.

3 Historiquement, écrit par lequel on défiait quelqu'un pour un combat singulier ou un défi par écrit pour un combat dans une fête comme au tournoi.

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d'homme de guerre, a apporté trop vite son soutien moral et actif au premier, notamment en présidant la conférence diplomatique de 1864.

Le DIH fait partie du droit international ou droit des gens. L'expression « droit des gens »4 est synonyme du droit international public ou droit international qui se définit comme l'ensemble des règles juridiques régissant les relations entre les Etats ainsi qu'avec les autres membres de la société internationale ou communauté internationale.

Le DIH est une branche du droit en constante évolution. Les modes de conduite de la guerre ne cessent de changer, si bien que son corpus juridique est tenu de s'adapter constamment à cette évolution pour éviter que des failles n'apparaissent dans la protection qu'il offre.

Les changements juridiques s'adaptent essentiellement aux faits juridiques. Aujourd'hui, le DIH qui jadis était créé pour réglementer les conflits armés entre Etats au niveau international ou les conflits armés internationaux, s'est tourné aussi vers les conflits non internationaux partant de ce que ces derniers sont devenus de plus en plus importants et ont un impact certain sur la scène internationale.

Le DIH s'est développé ainsi par étapes pour répondre, trop souvent a postériori, à des besoins humanitaires toujours croissants résultant de l'évolution des armements et des types de conflits. Certains conflits ont influencé plus ou moins immédiatement l'évolution du DIH par leur gravité (Ex : 1ère guerre mondiale, 2nde guerre mondiale, ...). C'est dans ce sens qu'en 1949, la communauté internationale réagit au bilan de la seconde guerre mondiale tout particulièrement aux persécutions effroyables dont les civils ont été victimes, notamment par la révision des conventions en vigueur alors et par l'adoption d'un nouvel instrument : la 4ème Convention de Genève protégeant les civils, et venant comme pour compléter les 3 autres préexistantes.

En 1874, une conférence diplomatique convoquée à Bruxelles à l'initiative du Tsar Alexandre II de Russie, adopte un projet d'une déclaration internationale concernant les lois et coutumes de la guerre. Certains gouvernements présents ne souhaitant pas être liés par une quelconque convention, refusent la ratification de ce texte. Malgré ce geste, ce texte marqua une étape très importante dans la codification des lois de la guerre. Dans le

4 Grotius (Hugo de Groot, 1585-1645) juriste et diplomate néerlandais, a exercé une influence considérable sur la théorie du droit et de l'Etat en général et sur celle du droit international en particulier. Il est le père du « droit des gens ». A la suite de la réforme qui divisait la chrétienté en Europe, il a estimé que le droit n'était plus désormais l'expression de la justice divine, qu'il ne précédait plus l'action mais en découlait. D'où la nécessité de trouver un autre principe d'unité pour les relations internationales. Le « droit des gens » fournira ce principe. Dans son ouvrage intitulé Droit de la guerre et de la paix, Grotius énumère des règles qui sont les bases les plus solides du droit de la guerre.

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même ordre d'idée, la XVème Conférence internationale de la Croix Rouge à Tokyo approuve un autre texte relatif aux civils de nationalité ennemie se trouvant sur le territoire du belligérant [...]5, texte qui reste à son tour lettre morte. S'en est suivi par après la célèbre seconde guerre mondiale en 1945 avec toutes les conséquences connues. C'est alors qu'en 1949 l'on connut l'adoption des Conventions de Genève, qui sont toujours complétées par des Protocoles dits additionnels de 1977 ; ceux-ci restant des textes juridiques qui viennent pour compléter les premiers.

L'apparition des Protocoles additionnels est due notamment au refus des pays décolonisés de vouloir adhérer à des conventions auxquelles ils n'étaient pas parties au moment de leur adoption (la plupart des pays étaient encore colonisés en 1949) ; et, considérant qu'il serait dangereux le fait de réviser les conventions existantes au risque de remettre en question certains acquis de 1949 juste pour besoin d'adhésion de ces Etats, on imagina dans l'idée de renforcer la protection des victimes des conflits armés, l'adoption des nouveaux textes sous la forme de Protocoles additionnels aux Conventions de Genève.

La jurisprudence des instances judiciaires, mais aussi des organes conventionnels, demeure une source importante d'interprétation de ces textes juridiques et joue un rôle fondamental dans l'évolution du système du DIH.

Mais pour appliquer les règles convenablement et, surtout, assurer une protection adéquate aux populations exposées, il faut bien comprendre les relations réciproques entre les différentes normes et la manière dont elles se complètent et se conjuguent pour offrir la protection la plus rigoureuse possible.

Malheureusement, les conflits armés s'accompagnent toujours des terribles souffrances humaines, qui sont bien trop souvent dues à des violations du DIH.

Elles affectent non seulement les belligérants, mais aussi les civils qui sont de plus en plus souvent les premières victimes des conflits à l'interne comme à l'international. Il arrive même parfois que des civils soient pris pour cible et soumis à d'horribles atrocités en violation flagrante des Conventions de Genève, qui sont destinées à protéger ceux qui ne prennent pas ou plus part aux hostilités.

Voilà pourquoi, « Dans un monde de plus en plus complexe, les conflits sont non seulement plus répandus et susceptibles de déborder des frontières nationales, mais ils présentent également des formes de violence plus

5 CICR, Droit international humanitaire. Guide à l'usage du parlementaire n°25, Genève, 2016, p.3.

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inhabituelles. Alors que le visage et la pratique des guerres modernes se transforment profondément, la nécessité de respecter et de protéger les civils est plus urgente que jamais. »6

Or, la souffrance n'est en aucun cas inévitable : nous avons la capacité et les moyens de l'empêcher. Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels sont des puissants mécanismes qui ont été conçus pour protéger ceux qui ne participent pas aux combats ou ont cessé d'y participer ; ceci n'étant pas toujours évident car les conventions de Genève ont connu un début plutôt difficile.

Les conflits armés non internationaux sont actuellement intenses et complexes ; ils sont à la base d'abominables souffrances et sont particulièrement fréquents en RDC, le cas du Kasaï étant récemment parlant.

Dans un pays comme le nôtre, où une complaisance dangereuse se développe à l'égard du respect des lois, la pertinence et l'importance de cette branche du droit n'ont peut-être jamais préoccupé ceux qui sont censés être considérés comme bouches et garants de la loi, alors qu'en réalité il s'agit d'une question qui prend la dimension des Droits de l'homme et de facto une préoccupation à portée universelle.

Cela étant, nous nous sommes posé la question suivante : « Comment assurer la protection effective des droits des personnes pendant les conflits armés internes à l'instar des règles du DIH, étant donné que parler d'une protection effective sous-entend normalement que la protection n'est pas efficace ou tout simplement que la protection est de façade. La loi est là, mais l'application est inexistante, bien qu'il reste à le démontrer au cours de ce travail dans le cadre du DIH.

Entendu que le DIH reste lié aux Droits de l'homme, il est donc important de faire montre du contenu de chacun de ces droits (DIH et DIDH) qui doivent être considérés comme des règles impératives de Droit, surtout en temps où l'ordre public est bouleversé : la guerre.

Par ailleurs, il s'agit d'un domaine hautement politisé dans lequel les responsables politiques et représentants des peuples doivent être à l'avant-garde des efforts visant à s'assurer que le DIH est appliqué scrupuleusement. Cela pose encore d'énormes problèmes à cause des intérêts politiques multiformes qui motivent les acteurs politiques congolais à autre chose qu'à l'effectivité législative. D'où l'impérieux souci d'informer et de former la classe politique quant à ce.

6CICR, Op.cit., p.3.

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Alors que les victimes des conflits dans toutes les régions du monde nous rappellent chaque jour que la responsabilité de protéger les personnes les plus vulnérables et de mettre fin à la souffrance humaine est une responsabilité collective, le pouvoir qu'ont les dirigeants de notre pays (République démocratique du Congo) de changer la vision des choses en prenant des dispositions au plan national à cette fin est immense.

Parler du DIH et des défis des conflits du Kasaï, le cas des conflits Kamuina Nsapu en République démocratique du Congo (RDC) revient à adapter le profil des règles humanitaires aux réalités courantes des conflits internes en vue d'en dégager les mérites et les limites. Ceci dans le but de vérifier si la protection valable des droits humains a été assurée dans différents conflits internes en RDC prenant pour référence les conflits Kamuina Nsapu au Kasaï.

« Si tous les pays ont ratifié les Conventions de Genève de 1949, bon nombre d'entre eux n'ont pas encore ratifié les Protocoles additionnels de 1977 et les traités de DIH ou n'y ont pas adhéré. La ratification universelle des instruments du DIH est un premier pas essentiel pour s'assurer que les personnes ayant droit à une protection prévue en droit en bénéficient effectivement. »7 Avant de proposer d'autres voies de sortie pour ce faire.

Pour qu'il y ait application du DIH, il faut une condition objective qui est une situation de guerre. Ainsi, l'application ne dépendra ni de la nature du conflit ni de la genèse du conflit, mais uniquement elle vient régenter le cadre du conflit, limite les moyens de la guerre, protège des personnes s'étant rendues ou n'ayant pas participé au conflit, les civils non impliqués dans les conflits, etc.

Le DIH s'applique dans deux situations, ou même connait deux régimes dans lesquels il s'applique :

? Le conflit armé international est régi par la Convention
de Genève de 1949 et le Protocole additionnel I de 1977. Le DIH s'adresse aux parties impliquées dans un conflit armé et protège tout individu ne participant pas ou ne participant plus activement au conflit ; qu'il s'agisse des militaires blessés, des prisonniers de guerre ou de la population civile qui peut être constituée des étrangers ou des nationaux, personnels sanitaires, religieux, etc.

Il faut aussi ajouter à la catégorie de conflits armés internationaux la guerre de libération nationale, telle que définie à l'article 1er du Protocole additionnel I.8

7CICR, Op.cit., p.4.

8 Article 1er du Protocole additionnel I de 1977.

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? Le conflit armé non international est régi par l'application de l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève et le Protocole additionnel II. Les règles qui régissent les conflits internes sont moins élaborées que celles couvrant le conflit international. Cette difficulté est due au fait que l'on se heurte au principe capital de la souveraineté des Etats, car ce sont des conflits qui se déroulent en général sur un territoire d'un Etat donné.

Au début du DIH, la Convention de Genève de 1864 posait déjà les bases du Droit humanitaire contemporain, avec comme caractéristiques :

- Des règles permanentes, écrites, universelles qui tendent à protéger les victimes des conflits ;

- Un traité ouvert à tous les Etats du monde ;

- L'obligation de donner les soins sans discrimination aux militaires blessés et malades ;

- Le respect de signalisation par un emblème (croix rouge sur un fond blanc) du personnel sanitaire et du matériel et des équipements sanitaires.

Le DIH est un domaine très important qui nécessite une attention et un respect particuliers car, comportant des aspects humanitaires universellement reconnus.

« Ainsi, les États doivent assurer à leurs forces armées une formation au droit international humanitaire afin d'éviter les violations éventuelles ; ils doivent en encourager l'enseignement à la population civile ; il faut que soit adoptée une législation interne qui donne effet à ses dispositions, et qui traite notamment des crimes de guerre ; les États doivent poursuivre les personnes qui ont commis de tels crimes. Les poursuites consécutives des crimes de guerre qui constituent des violations graves des Conventions de Genève et du Protocole I doivent être menées conformément au principe de la compétence universelle, c'est-à-dire indépendamment du lieu où le crime a été commis et de la nationalité tant de l'auteur que des victimes. Ainsi, certaines infractions au DIH peuvent être constatées et leurs auteurs sanctionnés hors du cadre temporel et géographique des hostilités elles-mêmes. »9

Il importe toutefois, avant de traiter de notre sujet dont la problématique de mise en oeuvre reste pertinente, de définir certaines étapes constitutives de notre travail.

9Nations Unies, la protection juridique internationale des droits de l'homme dans les conflits armés, New York et Genève, 2011, p.126.

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A. PROBLEMATIQUE

La problématique est définie selon Georgetta CISLARU, Camille CLAUDEL et VLAD comme « l'introduction du travail de recherche car elle permet de poser des jalons, de fixer des objectifs et d'attirer l'attention du lecteur »10. Pour cela, entendons que c'est la problématique qui identifie ou définit le type de travail, son objet et ses objectifs et même oriente le travail.

Qui plus est, ils ajoutent que la problématique identifie un secteur « incomplet » dans les recherches antérieures faites dans le même domaine et se positionnent, donc, à l'intérieur de ce secteur.11

Notre problématique se posant, nous ferons une constatation avant de l'étaler. Cela constitue en ce que « les conflits armés en Afrique restent une réalité tristement actuelle ».12 La RDC, Etat situé au coeur de l'Afrique, n'en est pas épargnée pourtant.

Les règles humanitaires prévues dans les Conventions de Genève et dans les protocoles additionnels n'étaient pas au début conçues pour couvrir les conflits internes, mais plutôt ceux internationaux, alors que les premiers sont devenus de plus en plus recrudescents.

Ainsi, la problématique étant définie de plus comme un ensemble de questions qu'une science ou une philosophie se pose dans un domaine particulier par certains auteurs; dans le domaine des conflits armés internes où nous avons constaté plusieurs abus de droits de la part de ceux qui participent aux conflits internes en RDC et particulièrement dans le Kasaï, nous devrions répondre à la question : «quelles sont les règles applicables dans les conflits armés internes ?», et bien évidemment autour de cette question gravitent d'autres à savoir : « les conflits du Kasaï sur lesquels se basent nos recherches constituent-ils des conflits armés non internationaux ?», « comment arriver à sauvegarder et assurer le respect spontané des règles du DIH pendant les conflits armés internes et éviter les violations du DIH à l'avenir ? ». Cela implique logiquement le problème de la mise en oeuvre du DIH, du moins de manière efficace au plan interne, et des mesures de répression, de réparations, des actes attentatoires au DIH.

Le problème de la protection des personnes pendant les conflits armés étant considéré à l'heure actuelle comme un problème majeur du

10CISLARU G., CLAUDEL C., et VLAD M., cités par SHOMBA KINYAMBA S., Méthodologie et épistémologie de la recherche scientifique, Kinshasa, Presse de l'Université de Kinshasa, 2016, p.38.

11Idem, p. 40.

12 NOUWEZEM S.S., Op.cit., p.6.

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Droit des droits de l'homme, notre travail devra contribuer ainsi à aider à connaitre les droits garantis par les instruments juridiques internationaux en vue de les sauvegarder au mieux.

Si l'on affirme par ailleurs que les mécanismes de protection des personnes pendant les conflits armés internes sont mis en place quant à ce, au-delà de toutes les conventions internationales (en la matière) que la RDC a ratifiées, quelque chose nous donne toujours l'impression qu'il y a lieu de se préoccuper de l'effectivité de la mise en oeuvre de ces règles car l'expérience des conséquences fâcheuses est très triste à ce sujet.

B. HYPOTHESE

L'hypothèse, nous pouvons la définir d'une part comme «une réponse supposée valide que la recherche doit confirmer ou infirmer»'3 et d'autre part, «comme une proposition à partir de laquelle on raisonne pour résoudre un problème, ou même pour démontrer un théorème»'4. En mathématique par exemple, une hypothèse est une proposition prise comme point de départ d'une démonstration logique'5.

A qui incombe la protection ? Nous pouvons l'affirmer sans risque d'être contredit, que la protection des personnes et de leurs biens incombe tout d'abord à l'Etat, les autres institutions comme par exemple celles du système des Nations unies, les Organisations non-gouvernementales de protection de l'homme, etc., viennent en second plan, soit pour appuyer l'Etat, soit pour suppléer à la faiblesse de l'Etat, mais ne le remplacent pas.

De ce point de vue, quand un pays ratifie une convention internationale en quelque matière que ce soit, elle est supposée être dans l'intérêt de la nation, et dès lors l'Etat et ses agents à tous les niveaux, sont obligés de pouvoir respecter les règles contenues dans ladite convention étant entendu que les conventions et traités internationaux dûment ratifiés surplombent les lois nationales sur la scène nationale en RDC.16 Cette disposition constitutionnelle de la RDC subordonne l'application des traités à une approbation régulière ainsi qu'à leur publication (système moniste). On

13NDAMA G. et MASILA P., Rédaction et présentation d'un travail scientifique, Ed. Enfance et paix, Kinshasa, 1993, P.18.

14 Le Larousse illustré, édition spéciale 2010 RDC, Paris, 2010, sub verbo « hypothèse » P.524.

15DELNOY P., Eléments de méthodologie juridique, cité par KALINDYE BYANJIRA D. et KAMBALE BIRA'MBOVOTE D., Précis de la méthodologie en droits de l'homme et droit international humanitaire, Harmattan, Paris, 2018, p.150.

16 Lire l'article 215 de la Constitution de la RDC, J.O., 5ème année, n° spécial, Kinshasa, 5 février 2011.

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devra donc distinguer la régularité de l'approbation ou de ratification au regard du droit interne et l'existence de la publication dudit traité au Journal Officiel.

En effet, une fois entrés en vigueur, les traités lient les parties et doivent être exécutés par elles de bonne foi. La formulation du Pacta sunt servanda opérée à l'article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 précise et limite la portée des traités.

En revanche, en règle générale, il ne se crée ni droits, ni obligations pour un Etat tiers sans son consentement. Le principe de l'effet relatif étant prévu à l'article 34 de ladite Convention. La convention n'a d'effet qu'entre parties, comme en droit civil.

Par ailleurs, l'article 27 de la même Convention dispose qu'une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité. Dans le cas où un Etat aurait déjà ratifié le traité en question. Il en va de soi pour les règles humanitaires surtout que celles-ci entrent dans le domaine des droits de l'homme. Elles doivent être d'application non seulement intégrale, mais aussi surtout d'une application urgente en vue de garantir les droits fondamentaux des citoyens victimes des conflits armés.

Ainsi, au plan international, les Etats ont reconnu le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), organisation impartiale, comme le garant du Droit humanitaire à compétence universelle, pouvant intervenir en cas de conflits armés partout où il en sera besoin.

Les belligérants sont concernés par cette obligation du respect des règles humanitaires considérant que ces dernières sont impératives dans la conduite d'un conflit armé, notamment par l'emploi des moyens pouvant nuire à l'ennemi et par la différence à faire entre l'ennemi et le non-ennemi, etc.

Qui doit-on protéger ? La protection concerne une catégorie des personnes bien limitativement énumérées en DIH, cela entrant même dans la définition du DIH. Il s'agit notamment de celles qui ne participent plus ou qui ne participent pas aux conflits armés, quel que soit leur statut (civils, militaires, combattants, prisonniers, mineurs, majeurs, hommes, femmes, ...), il s'agit pour expliciter des personnes qui n'ont jamais participé aux conflits, des personnes qui avaient participé et ont abandonné le combat peu importe le motif et leur statut.

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Comment doit-on protéger ? La protection se fait notamment par la mise en oeuvre des mécanismes juridiques ou des instruments juridiques appropriés qui sont les lois. Les lois ainsi mises en oeuvre, la question qui reste est celle de leur application ou tout simplement leur respect en vue de l'effectivité desdites règles.

Bref, de tout ce qui est de la mise en oeuvre des règles applicables dans les conflits armés internes, l'hypothèse provisoire de notre travail est celle consistant à affirmer avant toute analyse au fond que le manque d'une réglementation spécifique des conflits internes, le manque de volonté politique de la part des dirigeants et la méconnaissance parfois volontaire des règles du DIH et l'impunité des auteurs des violations du DIH rendent difficile la mise en oeuvre des règles du DIH dans les conflits internes dans notre pays (RDC).

De manière provisoire, avant de démontrer la mise en oeuvre, proposer des solutions en cas de violations, la question majeure reste aussi de déterminer la nature juridique des conflits du Kasaï (Conflits Kamuina Nsapu), et nous l'allons provisoirement démontrer au cours de ce travail en les qualifiant, sans se hasarder de le faire, des conflits armés non internationaux, en démontrant pourquoi cette qualification tout en donnant quelques indicateurs pour ce faire.

Le respect des règles en temps de conflit armé étant toujours difficile à assurer, l'expérience de notre pays nous le témoigne, notre travail se donnera de le démontrer tout au courant.

C. INTERET DU SUJET

« Dans le domaine de sciences sociales, nous devons nous contenter d'améliorer indéfiniment nos approximations »17. L'intérêt accordé au choix de ce sujet est double. C'est ainsi que, comme pour toute branche du droit, cet intérêt est d'abord théorique, ensuite pratique.

Théoriquement, l'intérêt de cette étude est culturel ou scientifique. Parler du DIH dans un cadre étatique comme le nôtre voudrait contribuer aux connaissances en la matière, surtout dans un espace en conflit comme la RDC en vue créer une culture humanitaire particulièrement dans la province du Kasaï. Ainsi, l'opinion se forgera une considération générale sur la notion du DIH, entendu que celui-ci est une branche du Droit international public, un droit plus ou moins vaste et complexe. Il est alors nécessaire de connaitre les normes impératives fondamentales du DIH en vue d'en faire

17 FRAGNIERE J.-P., Comment réussir un mémoire, 4ème éd., Dunod, Paris, 2009, p.23.

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application chaque fois qu'il y a éclatement d'un conflit. C'est une mesure nécessaire à suggérer en amont de toute situation conflictuelle même si, dans le cadre du présent travail il intervient en aval, mieux vaut tard que jamais dit-on.

L'intérêt pratique étant la solution apportée au problème qui se pose dans la société, pour en parler ici, nous devons prendre en considération deux éléments : Les acteurs dans un conflit armé et les actes qu'ils posent.

Il sied de rappeler aux acteurs directs et indirects dans un conflit armé la portée des règles du DIH, la conduite à tenir pendant un conflit armé à chaque fois qu'on y est impliqué, et cela tendant à la protection des Droits fondamentaux des personnes pendant la période de conflit armé, si jamais ils y sont impliqués, mais aussi faire de façon à éviter dans le futur ces genres de conflits au Kasaï, car ayant plongé la province dans d'indicibles souffrances et pertes considérables en vies humaines. Il s'agit aussi de d'inculquer le respect des règles aux acteurs des conflits armés. Les parties aux conflits doivent pratiquer le DIH, doivent le mettre en pratique.

La méconnaissance de ces règles constitue par ailleurs un danger dans la société qui se veut de droit. Et donc par conséquent, les actes qu'ils posent doivent être conformes au DIH et au respect des Droits de l'homme, au cas contraire, engagent leurs responsabilités, civile et pénale en faveur des lois et des victimes.

En outre, nous pensons apporter notre pierre à la protection et à la réduction de la souffrance tant soit peu des victimes et des personnes participant aux conflits internes par nos propositions au courant de cet exercice de longue haleine. Car, nous inspirant des leçons tirées des situations de guerre les plus complexes de l'humanité en vue de les adapter aux conflits du Kasaï, qui se sont révélés, on peut s'en douter, plus meurtrières depuis plus de 50 ans dans l'espace kasaïen.

Traiter les parties au conflit avec humanité et avec strict respect des normes en la matière serait aussi pour nous un souhait le plus ardent dans le cadre de cette recherche. De ce fait, l'intérêt de ce travail demeurant pertinent, question reste de traiter des voies et moyens qui vont nous y faire arriver, à entendre les méthodes et techniques.

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D. METHODES ET TECHNIQUES

CORTEN affirme : « la méthodologie est une subdivision de la logique, ayant pour objet l'étude a posteriori des méthodes et plus spécialement, d'ordinaire, celle des méthodes scientifiques ».18 Et dès lors, « des principes scientifiques bien établis, basés sur une recherche rigoureuse, sont normalement une condition nécessaire pour une action sociale intelligente, mais ils ne sont pas suffisants en eux-mêmes. Cela signifie que le seul fait de détenir le savoir nécessaire ne garantit pas que nous ayons la capacité ou la volonté en fonction de ce savoir. Par contre, sans lui nous serons obligés de continuer à nous servir des méthodes du type essais et erreurs qui ont longtemps fait la preuve de leur inefficacité... ».19 Et donc l'importance de recourir à des méthodes et techniques appropriées en vue de la rédaction du présent travail s'impose de facto.

« En droit, la méthode revêt plusieurs aspects. L'objectif du juriste étant de démontrer une solution juridique, la méthode qu'il utilise doit être entendue comme « la manière dont les juristes organisent leur raisonnement pour parvenir à ce résultat ». Mais il faut également entendre, outre la méthode au sens noble du terme, les différentes techniques permettant de travailler efficacement. C'est ainsi que Cohendet estime qu'une méthode de travail en droit public n'existe pas, qu'il existe des méthodes multiples, variant selon la personnalité et les conceptions de chaque juriste et selon le type d'exercice. »20

« Chaque discipline a ses impératifs méthodologiques. Les méthodes de recherche sont liées à la discipline dans laquelle l'étude a lieu et à la catégorie des chercheurs concernés par la démarche : les juristes, les politologues, les sociologues, les historiens.... Utilisent les méthodes liées à leur domaine. Les chercheurs en sciences sociales utilisent traditionnellement dans des recherches similaires à la nôtre deux principales méthodes d'approche : les méthodes juridiques, s'ils sont juristes, les méthodes empiriques pour les politologues, sociologues, anthropologues, psychologues et autres historiens ».21

18CORTEN O., Méthodologie du droit international public, édition de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 2009, P.12.

19 BLALOCK H., Introduction à la recherche sociale, Duculot, Gembloux, 1973, p.21.

20 KAMUKUNY MUKINAY, Droit constitutionnel congolais, cours polycopié à l'usage des étudiants de deuxième graduat, U.KA., 2014-2015, inédit.

21KAMUKUNY MUKINAY, Op. cit., p.6.

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La référence aux textes juridiques étant le réflexe de tout juriste avisé, notre méthode, du moins la principale sera normative et cela en accordant une place de choix, aux Conventions de Genève et aux Protocoles additionnels, à la Constitution, à la loi lato sensu ainsi que toutes les règles juridiques qui organisent le domaine du DIH.

Selon que l'on se sert du langage dans lequel est exprimé le texte, du contexte de sa création, de l'objectif poursuivi par son auteur, de la fonction que doit objectivement remplir le texte ou de l'ensemble des dispositions d'un texte, l'interprétation peut être sémiotique ou exégétique, téléologique ou contextuelle, génétique, [...].22

Nous recourons aussi à l'analyse historique ou génétique, entendu comme recours à l'histoire en vue de comprendre les origines du DIH et ainsi en expliquer les faits générateurs. L'exégèse ou la sémiologie nous aide à faire une interprétation littérale de la règle de droit, des dispositions des textes juridiques.

Par analyse contextuelle ou téléologique, nous nous plaçons dans le contexte de l'élaboration, l'adoption, de la fin d'une disposition légale en vue d'en saisir la portée.

« Toute recherche ou application de caractère scientifique en science sociales comme dans les sciences en général, doit comporter l'utilisation des procédés opératoires rigoureux, bien définis, transmissibles, susceptibles d'être appliqués à nouveau dans les mêmes conditions adaptées au genre des problèmes et de phénomènes en cause »23.

Parlant des techniques utilisées dans notre travail, nous avons fait recours à la technique d'interview qui consiste à faire une enquête avec questionnement à l'appui auprès des victimes et témoins des atrocités pendant les conflits armés en vue de recueillir des informations sur terrain.

La technique documentaire restant donc le fait de recourir à la documentation, nous l'avons utilisée essentiellement dans le présent travail.

22 COHENDET M.A., Droit public. Méthodes de travail, 3ème édition, Montchrestien, Paris, 1998, p. 13. 23GRAWITZ, Méthodes de sciences sociales, septième édition, Dalloz, Paris, 1986, P.361.

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E. DELIMITATION DU SUJET

Le DIH étant un domaine trop vaste, partout où il y a des conflits on assiste à des manquements graves qui entrent en controverse avec les normes humanitaires ; la RDC durant cette dernière décennie compte parmi les pays les plus touchés par les conflits armés internes et internationaux récemment le Kasaï. Nous avons voulu donc délimiter nos recherches car, qui trop embrasse mal étreint, dit-on.

Matériellement parlant, nous nous intéresserons qu'aux règles applicables en situation de conflits internes en lisant de façon combinée l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et l'article 1 du Protocole additionnel II de 1977, après avoir fait, dans un premier temps, survolé sur les règles générales et principes basiques du Droit humanitaire et la législation interne en matière de crimes de guerre, de génocide, crime contre l'humanité, etc. toujours dans le souci de faire une corrélation entre le Droit humanitaire général et celui applicable en matière de conflits internes.

Temporellement , nous allons nous focaliser sur un temps bien précis, à partir de l'adhésion de la RDC aux Conventions de Genève de 1949 et ses Protocoles additionnels de 1977, soit du 28 août 1963, date à laquelle la Croix Rouge de la RDC a été admise comme membre de Fédération Internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant rouge (FICR), mais nous serons plus intéressé par les années 2016-2017 et mi 2018, une période particulièrement marquée par la barbarie des conflits armés en RDC et tout précisément dans la partie Centre-Sud.

En termes d'espace, nous avons voulu délimiter notre travail en le bornant sur le territoire de la RDC tout en déduisant de la situation du Kasaï Central à toute la République, car les limites de mon monde sont aussi celles de ma langue, disait Wittgenstein.

F. ANNONCE DU PLAN

Le plan reste nécessaire car, il est en quelque sorte une ligne de conduite visant un raisonnement cohérent sur la base de la mise en commun des données de la recherche. C'est ainsi que KALINDYE dit qu' «il fonde et annonce la cohérence de la réflexion.»24

Dans le cadre de nos recherches, nous avons subdivisé notre travail en deux chapitres, chaque chapitre comportant des sections, des paragraphes et des points y afférents au besoin. Pour ce faire, nous parlerons d'une part Du cadre juridique du DIH (Chapitre I). Ici, nous ferons une vue

24KALINDYE BYANJIRA D. et KAMBALE BIRA'MBOVOTE J., Op.cit., p.52.

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panoramique du Droit humanitaire tout en esquissant sa couverture, ses approches terminologiques, sa condition d'application, son importance, ..., nous présenterons l'ensemble des normes juridiques applicables en temps de conflits internes. Et d'autre part, de la mise en oeuvre du DIH dans les conflits internes en RDC (Chapitre II), tout en démontrant ses difficultés et ses limites, mais aussi en proposant quelques pistes de solutions pour la RDC dans la crise humanitaire qui sévit au Kasaï de suites des conflits armées Kamuina Nsapu.

G. PLAN

CHAPITRE I. CADRE JURIDIQUE DU DIH

Section I. Le droit régissant les Conflits armés Section II. La situation des conflits du Kasaï

CHAPITRE II. MISE EN OEUVRE DU DIH DANS LES CONFLITS DU KASAI Section I. Violations du DIH dans les conflits du Kasaï

Section II. Suggestions à la mise en oeuvre du DIH dans les conflits internes.

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CHAPITRE I. LE CADRE JURIDIQUE DU DIH

Avant d'aborder l'ensemble des règles qui régissent le droit humanitaire, ou le cadre du DIH, nous nous proposons tout d'abord d'esquisser son approche terminologique du DIH.

En Droit international, « les expressions droit international humanitaire, droit humanitaire, droit des conflits armés et droit de la guerre peuvent être considérées comme équivalentes et le choix de l'une ou de l'autre dépendra essentiellement des habitudes et du public. Ainsi, les organisations internationales, les universités ou encore les États utiliseront plutôt celle de «droit international humanitaire» (ou «droit humanitaire»), tandis qu'au sein des forces armées les deux autres expressions sont plus couramment en usage.»25 Pour notre part, l'on remarquera l'utilisation, parfois trop récurrente de l'expression Droit international humanitaire au détriment des autres acceptions.

Section I. Le droit régissant les Conflits armés

Le DIH est, comme nous l'avions souligné plus haut, « une branche du droit international public ; il se compose de règles destinées à protéger les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités et limites les moyens et méthodes de la guerre. »26

Comme toute règle de droit écrit, les règles du DIH sont contenues dans des instruments juridiques d'envergure universelle qui constituent le cadre juridique du DIH.

En effet, lesdites règles sont inscrites dans des traités internationaux (les Conventions de Genève de 1949 et les protocoles additionnels de 1977) pour l'essentiel. Ces règles sont conventionnelles et coutumières. Elles ont toutes pour vocation de régler les questions d'ordre humanitaire directement liées aux conflits armés, qu'ils soient internationaux ou non internationaux.

Les règles conventionnelles relèvent des traités et conventions en la matière. En revanche, « la coutume s'instaure lorsque la pratique des Etats est suffisamment dense (répandue, représentative, fréquente et uniforme) et s'accompagne de la conviction des Etats qu'ils sont juridiquement tenus d'agir ou de s'abstenir d'agir d'une certaine manière. »27 Cette coutume est contraignante pour les Etats. Pas de règle sans exception dit-on, à l'exception de

25 CICR, Droit international humanitaire, réponses à vos questions, Genève, 2003, p.10.

26 Idem, p.7.

27 Idem, p.17.

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ceux qui se sont opposés de manière remarquablement constante à une pratique ou à une règle donnée depuis sa mise en place ; ce qui peut nous ramener, comme en matière civile, au principe de relativité des conventions, mais qui impose aux parties le strict respect du principe sacro-saint du pacta sunt servanda.

Signalons tout de même que les règles dites conventionnelles et celles coutumières sont intimement liées. Voilà pourquoi « les liens entre le droit conventionnel et le droit coutumier sont nombreux et complexes.»28 Nous pouvons constater sans complaisance que « nombre de dispositions des traités du DIH sont issues du droit coutumier et à l'inverse, certaines dispositions du DIH qui ont évoluées dans le temps, alors qu'au début elles étaient adoptées comme dispositions conventionnelles, ont progressivement acquis une valeur de coutume. »29

Dans ce même ordre d'idée, nombre des dispositions au départ s'appliquant uniquement aux conflits armés internationaux sont actuellement considérées comme applicables à tous les types de conflits armés, ceci à « titre du droit coutumier. »30

Il est impérieux de distinguer en DIH les types de conflits armés. Même s'il est souvent difficile de déterminer si un conflit est international(CAI) ou non international(CANI)31, aussi, nécessitera-t-il de les analyser.

La classification de ces différents types de conflits n'est pas l'apanage ou l'appréciation des parties au conflit armé, mais c'est une classification qui relève de l'observation des éléments objectifs, observables et universellement connus. La survenance d'un conflit armé est directement l'application du DIH, et donc objectivement parlant, un conflit armé, une situation de guerre, appelle automatiquement l'application du DIH, cette application des règles en la matière dépend de ce qui se produit sur le terrain du conflit.

Les CAI «sont des conflits dans lesquels un ou plusieurs Etats recourent à l'emploi de la force armée contre un ou plusieurs autres Etats. Les règles applicables aux CAI s'appliquent également durant : un conflit armé entre un ou plusieurs Etats et une organisation internationale (c'est-à-dire une

28 Idem, p.17.

29 Ibid., p.18.

30 Ibid., p.19.

31 Ibid., p.20.

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force multinationale), une guerre de libération nationale (à certaines conditions) et une situation d'occupation. »32

Les CANT par contre se déroulent sur le territoire d'un seul Etat, entre les forces armées gouvernementales et un ou plusieurs groupes armés non étatiques, ou seulement entre ces groupes seulement. D'ailleurs, à l'heure actuelle, plusieurs conflits sont de cette catégorie en RDC.

Mais pour que les hostilités soient considérées comme un CANI, elles doivent atteindre un certain degré d'intensité et les groupes qui y participent doivent être suffisamment organisés.

En effet, « à la fin de la conférence diplomatique de 1977, furent adoptés deux protocoles additionnels aux conventions de Genève de 1949 parmi lesquels figure le deuxième Protocole additionnel relatif aux CANI. Ce dernier a fait l'objet de nombreuses discussions avant son adoption et est par la suite considéré comme le premier texte conventionnel entièrement consacré aux CANI. »

Aux termes de l'article premier du Protocole additionnel TT, nous noterons cette définition : « Tous les conflits armés qui ne sont pas couvert par l'article premier du protocole additionnel 1 relatif aux conflit armés internationaux et qui se déroulent sur le territoire d'une haute partie contractante entre ses forces armées et des forces dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le présent protocole ».

Pour ainsi qualifier un CANI, il faut la réunion de certaines

conditions :

L'Opposition des forces armées (gouvernementales et dissidentes) entre elles ou des forces armées et des groupes organisés sous la conduite d'un commandement responsable ;

Le Contrôle par ces groupes d'une partie du territoire de manière à pouvoir mener des opérations militaires continues et d'appliquer le protocole.

Par ailleurs, la guerre étant la condition nécessaire de l'application du DIH, les dispositions de l'article premier du Protocole additionnel TT écarte, d'une part, expressément, de la qualification des conflits armés certaines situations de violences qui sont notamment « les tensions

32 Ibidem, p.22.

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internes et les troubles intérieurs comme les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence et d'autres actes analogues. »

D'autre part, « implicitement, les conflits armés internes opposant des groupes armés organisés entre eux dont aucun ne représente le gouvernement en place. »33

Certes, « les troubles et tensions internes (les émeutes et les actes de violence isolés et sporadiques) sont des perturbations de l'ordre public qui ne vont pas jusqu'à constituer un conflit armé ; ils ne peuvent être considérés comme tels, parce que le niveau de violence n'est pas suffisamment élevé, ou parce que les personnes qui recourent à la violence ne sont pas organisées en groupe armé. »34C'est parfois des situations éphémères dans ce sens qu'ils (troubles et tensions internes) ne durent pas dans le temps ; une intervention policière suffit d'y mettre fin toutefois.

Signalons tout de même que les règles du DIH s'appliquent aussi dans les « conflits nouveaux ». L'expression recouvre en fait deux types de conflits distincts : ceux qui sont dits «déstructurés» et ceux qui sont qualifiés d'«identitaires» ou «ethniques».

Le contour terminologique de cette expression reste encore flou dans son usage. En effet, « les conflits déstructurés, certainement la conséquence de la fin de la guerre froide, se caractérisent souvent par l'affaiblissement ou la disparition - partielle et parfois même totale - des structures étatiques.»35

Dans ces situations, des groupes armés profitent du vide politique pour chercher à s'emparer du pouvoir. Mais « ce type de conflit se caractérise surtout par l'affaiblissement, voire la dislocation de la chaîne de commandement au sein de ces mêmes groupes armés.»36

Les conflits identitaires par contre sont ceux qui visent l'exclusion de l'autre par la «purification ethnique». Ce qui consiste à déplacer de force des populations, voire à les exterminer. « Sous l'effet d'une spirale de propagande, de peur, de violence et de haine, ce type de conflit renforce la notion de groupe au détriment de l'identité nationale existante, et exclut toute possibilité de cohabitation avec d'autres groupes.»37

33 NOUWEZEM S.S., Op.cit., p.10.

34 CICR, Op.cit., p.17.

35 CICR, Droit international humanitaire, réponses à vos questions, 2003, p.18.

36 Idem, p.18.

37 Idem, p.20.

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Toutefois, dans ces conflits qu'ils soient «déstructurés» ou «identitaires», la population civile est particulièrement exposée à la violence. L'article 3 commun aux quatre conventions de Genève impose en effet à tous les groupes armés, rebelles ou non, le respect de ceux qui se sont rendus et ceux qui ne participent pas aux hostilités, les militaires ou combattants, à plus forte raison.

« Ce n'est donc pas parce que les structures étatiques sont affaiblies ou inexistantes qu'il y a un vide juridique au regard du droit international.»38 Ceci voudrait, à bien le comprendre que, c'est dans les situations des conflits armés précisément et particulièrement que le DIH prend sa juste valeur.

« Il est vrai, cependant, que l'application des règles humanitaires se révèle plus difficile dans ces types de conflits. Le manque de discipline chez certains belligérants, l'armement de la population civile, qui fait suite à la prolifération des armes, et la distinction de plus en plus floue entre combattants et civils font souvent prendre une tournure extrêmement brutale aux affrontements, où les règles de droit n'ont que peu de place. »39

Voilà pourquoi il est nécessaire que dans ce type de situation, des efforts particuliers soient conjugués en vue de sensibiliser les gens au droit humanitaire. Une simple connaissance des règles du droit, aiguë soit-elle, ne va pas résoudre les causes qui conduisent souvent aux conflits, ni même donner solution aux conséquences qui en résultent, mais seulement, elle peut atténuer, tant soit peu, les conséquences meurtrières pendant les conflits armés. C'est une solution nécessaire en DIH.

« Les règles qui s'appliquent à un conflit particulier dépendent de son caractère qui peut être international ou non international. Les conflits armés internationaux sont soumis à une large gamme de règles, notamment celles énoncées dans les quatre Conventions de Genève et le Protocole additionnel I »40.

Les conflits armés non internationaux par contre font l'objet d'un ensemble de règles plus restreint, qui sont énoncées dans l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève et dans le Protocole additionnel II. Mais à côté de cette classification classique des conflits figurent aussi d'autres, qui ne méritent pas

38 Idem, p.18.

39 CICR, idem, p.20.

40 CICR, guide du parlementaire, 2016, p.178.

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de classification étanche et que l'on peut appeler dans le cadre de ce travail Conflits sui generis de par leur difficile situation en DIH. Nous citons :

? Le contrôle d'un territoire sans présence militaire sur place

« Malgré les précisions apportées par le Règlement de La Haye de 1907 et la Convention de Genève de 1949 à la notion d'occupation, il n'est pas toujours facile d'identifier en pratique les situations relevant de cette notion.»41

Illustrons cette situation par un exemple plausible, celui de la Bande de Gaza suite au désengagement israélien.

Pour la petite histoire, Le 12 septembre 2005, les dernières troupes israéliennes achevèrent de se retirer de cette région dans laquelle elles avaient maintenu une présence continue depuis la guerre des six jours en 1967. Ce faisant, elles contribuaient à mettre en oeuvre un «Plan de désengagement» adopté le 6 juin 2004 par le gouvernement israélien et endossé le 25 octobre de la même année par le parlement. En vertu de ce plan, les autorités entendaient mettre un terme à leurs responsabilités vis-à-vis des populations vivant dans ce territoire.42

Question : « Faut-il en conclure que l'aboutissement de ces démarches a marqué la fin de l'occupation dans la région en question ? En d'autres termes, le retrait physique des forces israéliennes suffit-il pour admettre que l'exercice du contrôle territorial effectif caractérisant l'occupation n'est plus réalisé en l'espèce ? »43

Pour répondre à cette question, certains auteurs pensent négativement. C'est ainsi qu' «Il a ainsi été rappelé qu'Israël a gardé un degré substantiel de contrôle sur la Bande de Gaza, même si ses troupes ne sont plus déployées physiquement dans cette zone.»44

Et à conclure, «le Plan de désengagement exprime clairement que cet État continue d'exercer le contrôle des frontières de ce territoire, ainsi que de son espace aérien et de sa zone côtière.»45 Il reste par ailleurs à affirmer

41 VITE S., Op.cit., p.12.

42 VITE S., Op.cit., p.13.

43 Idem.

44 Voir la note du Secrétaire général des Nations Unies : Situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, UN Doc. A/61/470, 27 septembre 2006, p.6.

45 http://www.gisha.org/UserFiles/File/Report%20for%20the%20website.pdf, consulté le 09 mars 2019 à 22h02.

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qu'Israël bénéficie du pouvoir de pénétrer en tout temps dans le territoire palestinien en vue d'y exercer des fonctions de maintien de l'ordre public.46

En outre, l'article 42 du Règlement de La Haye de 1907 renforce cette interprétation. Il précise qu'il y a occupation lorsque l'autorité de l'armée ennemie «est établie et en mesure de s'exercer. Alors l'occupation de la bande de Gaza n'a pas cessé avec le retrait des troupes en 2005, «puisqu'Israël continuerait d'exercer à distance un pouvoir équivalant au contrôle effectif requis par le droit de l'occupation.»47

D'autres observateurs estiment en revanche qu'«un examen plus attentif des textes conventionnels montre que la capacité d'un occupant d'imposer son autorité ne peut être dissociée de sa présence physique dans le territoire soumis à son contrôle.»48

Notre position à ce sujet reste de combiner les deux points de vue, car, avec l'évolution de la technologie, l'on peut toujours occuper un territoire, le contrôler sans présence physique.

? L'intervention étrangère dans un conflit armé non international

Cette notion fait intervenir deux cas de figure : lorsqu'un ou plusieurs États tiers interviennent dans un CANI pour soutenir l'une ou l'autre des parties au conflit ; et lorsque des forces multinationales interviennent dans un conflit armé non international au cours d'une opération de maintien de la paix.

En effet, lorsqu'un ou plusieurs Etats interviennent dans un CANI pour soutenir l'une ou l'autre partie au conflit, nous assistons à un conflit armé dit conflit mixte, sa mixité relève du fait qu'il combine des caractéristiques qui sont à la fois des conflits armés internationaux et des conflits armés non internationaux.

Certes, «en fonction de la configuration des parties impliquées, les affrontements sur le terrain peuvent se dérouler entre les forces de l'État territorial et celles d'un État intervenant, entre des États intervenant d'une part et d'autre part de la ligne de front, entre des forces gouvernementales (de l'État

46 Idem.

47 UN, Situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, UN Doc. A/61/470, 27 septembre 2006, p.7.

48 GASSER H.-P., Belligerent Occupation, The Handbook of Humanitarian Law in Armed Conflicts, éd. D.Fleck, Oxford, Oxford University, 1995, p. 243.

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territorial ou d'un État tiers) et des groupes armés non gouvernementaux ou encore entre des groupes armés uniquement.»49

Il va se poser naturellement un problème sérieux de qualification juridique de ces situations sui generis en DIH. La solution à ce problème étant difficile à trouver, le CICR tente, tant soit peu de donner une solution. Il estime que le droit applicable dans les conflits mixtes varie en fonction des parties qui s'affrontent de cas en cas.

Les relations d'État à État sont couvertes par le droit des conflits armés internationaux, alors que les autres cas de figure sont soumis au droit des conflits armés non internationaux.

Ainsi, l'intervention d'un État tiers en soutien d'un groupe non gouvernemental opposé aux forces armées étatiques aboutit à l'internationalisation du conflit interne en cours.50 Il faut donc que le DIH soit mis à jour en vue de s'adapter à ces genres de conflits qui suscitent plusieurs controverses doctrinales.

Quant aux forces multinationales qui interviennent dans des CANI en vue du maintien de la paix, il faut préciser que leur présence dans ce contexte ne fait pas d'elles forcément des parties au conflit.

En fait, ces troupes ne viennent pas participer au conflit comme tel, mais viennent juste pour maintenir la paix. Elles sont déployées moyennant un mandat qui ne les autorise nullement à soutenir l'une ou l'autre partie au conflit, mais qui se limite à l'interposition ou l'observation.

Par ailleurs, ils peuvent recourir aussi à la force armée, mais ce, dans une situation extrême de légitime défense.

Parfois, les forces multinationales peuvent être parties au conflit dans deux cas suivants : Il peut arriver qu'elles prennent part directement aux hostilités en cours en soutenant l'une des parties qui s'affrontent. Il est par exemple arrivé que la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) qui est devenue la MONUSCO51 par après, appuie militairement le gouvernement de la République Démocratique du Congo pour repousser des offensives lancées par les groupes armées et les rebelles, notamment du côté de Beni à l'est du pays.

49 GASSER H.-P., Op.cit., p. 252.

50SCHINDLER D., International Humanitarian Law and Internationalized Internal Armed Conflicts, International Review of the Red Cross, 1982, pp. 255-264.

51 Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilité au Congo.

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Mais il peut arriver aussi que, lorsque des troupes multinationales sont déployées, qu'elles soient considérées comme parties au conflit. Cela se fera si «leur niveau d'implication atteint le niveau d'intensité requis.»52 Tel ne peut pas être le cas si le recours à la force se limite au cadre de la légitime défense.

De nature aussi controversée, cette catégorie de conflit suscite beaucoup de tensions doctrinales aussi. Certains auteurs pensent que, comme une partie au conflit est une organisation internationale qui définit et conduit les opérations, cela entre de droit par nature dans la catégorie des CAI.

Mais d'autres par contre pensent en revanche que, si les troupes multinationales combattent les groupes armés non gouvernementaux, c'est le droit des CANI qui doit s'appliquer.

? Les conflits armés non internationaux se déroulant sur le territoire de plusieurs États

L'article 3 commun aux Conventions de Genève et le Protocole additionnel II détermine chacun son domaine d'application avec une mention particulière sur les affrontements qui ont lieu sur le territoire d'un État qui a ratifié les Conventions et les protocoles selon le cas.

«Or, de nombreux conflits opposant un gouvernement à un groupe armé se déroulent en pratique sur le territoire de deux, voire plusieurs États.»53 C'est alors que certains auteurs soutiennent qu'il s'agit dans ce cas d'un nouveau type de conflit dont les textes en vigueur du DIH ne tiennent pas compte. Ils vont jusqu'à qualifier ces conflits de transnationaux ou de conflits extra-étatiques54 et plaident pour l'application d'un DIH spécifique dans ce type de conflits.

Notons d'ailleurs que ce type de conflit comporte deux sous-catégories qui sont les conflits armés non internationaux exportés et des conflits armés non internationaux transfrontaliers.

Il peut arriver que les parties à un conflit armé (international ou non international) classique55, sans se vaincre, continuent leurs combats sur le territoire d'un autre Etat avec le consentement exprès ou tacite du gouvernement concerné ou même sans son consentement. Illustrons par le cas

52 SCHINDLER D., Op.cit., p.300.

53 VITE S., Op.cit., p.17.

54 SCHÖNDORF R.S., Extra-State Armed Conflicts : Is there a Need for a New Legal Regime ?, New York University Journal of International Law and Politics, Vol. 37, N° 1, 2004, pp. 61-75.

55 Voire article 3 commun aux Conventions de Genève.

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de la guerre de 6 jours entre le Rwanda et l'Ouganda en 2000 sur le sol de la RDC, dans la ville de Kinsangani. Hélas, il est d'emblée question ici des conflits exportés ou délocalisés ou encore des conflits armés non internationaux extraterritoriaux. Tl s'agit en fait d'un conflit en translocation.

Le droit applicable ici est difficile à déterminer clairement. Certains auteurs pensent qu'il faut créer un DIH nouveau applicable à ce nouveau type de conflit. Ce qui, en fait ramènerait à un troisième régime juridique à côté de ceux régissant les CAI et les CANI.

D'autres par contre estiment que le droit à appliquer est à trouver dans la combinaison des deux régimes juridiques précédents, à rappeler, les deux régimes juridiques des CAI et les CANI.

S'agissant des conflits transfrontaliers, il est envisageable le cas d'un Etat qui entre en confrontation armée contre un groupe armé non gouvernemental qui peut être situé sur le sol d'un État voisin.

« Dans ce cas, il n'y a donc pas débordement ou exportation d'un conflit préexistant. Les hostilités se déroulent au travers d'une frontière.»56 Dans l'hypothèse où le groupe armé agit sous le contrôle de son État de résidence, ce conflit est naturellement un conflit armé international, puisqu'il oppose deux Etats.

En revanche, dans l'hypothèse où le groupe agirait seul, sans être au contrôle d'un Etat, il devient alors difficile de le classer classiquement, ce qui va avec l'idée d'une création d'un DIH nouveau pour ce faire.

Dans cette liste nous pouvons aussi mentionner le cas de la lutte contre le terrorisme qui peut engendrer plusieurs situations désastreuses, le cas de l'armée américaine par exemple qui lutte contre le terrorisme dans plusieurs pays d'Asie, genre de situation provoquant des conflits armés de grande taille occasionnant l'application du DIH.

Nous nous donnons à proposer l'actualisation du DIH à tous ces types de conflits armés pour éviter le cas d'un vide juridique au point de laisser certains crimes impunis, ce qui renforcerait le respect des droits de l'homme dans un temps de guerre. Pour rappel, les droits de l'homme et le DIH sont des domaines complémentaires en droit international, l'on doit les appliquer concomitamment.

56 VITE S., Typologie des conflits armés en droit international humanitaire : concepts juridiques et réalités, 2016, p.18.

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§1. Régime juridique des CAI

«L'histoire du droit des conflits armés internationaux montre que le champ d'application de ce régime juridique a été progressivement élargi au fur et à mesure de son développement conventionnel.»57

Avant, c'est la conception étroite et formaliste de la guerre qui prévalait, mais la réforme du système avec la révision des Conventions de Genève en 1949 est venue consacrer une approche plus large, fondée sur une notion plus objective, celle de conflit armé.

En effet, le concept guerre apparaît déjà dans «les traités les plus anciens du DIH».58 Les Conventions de 1949 sont venues introduire, pour la première fois dans l'histoire du DIH, la notion de conflit armé dans son régime juridique.

L'on peut, par une étude minutieuse de l'esprit, comprendre que les rédacteurs desdites Conventions voulaient faire montre du besoin de voir l'application du DIH désormais ne plus se subordonner à la volonté des gouvernements, de pouvoir qualifier une situation de « guerre» ou non et même de la déclarer ou non, pour voir le DIH s'y appliquer. C'est à en croire la conséquence de l'adoption du Protocole additionnel I de 1977, un instrument qui innova dans le cercle des conflits armés internationaux avec un nouveau type de conflit : Les guerres de libération nationales.

Les Conventions de Genève de 1949, dans les dispositions de l'article 2 commun aux quatre conventions de Genève de 1949 s'appliquent «en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties contractantes, même si l'état de guerre n'est pas reconnu par l'une d'elles.»59

Cette situation concerne uniquement deux ou plusieurs Etats. Disons que ce ne sont que des Etats qui sont ici visés. Et selon l'esprit de la lettre, quand on parle de «Hautes Parties contractantes » dans le cadre du DIH, on fait allusion à des Etats, à des entités souveraines.

Ainsi, il peut y avoir confrontation directe entre États (Etat contre Etat) soit une intervention d'un Etat dans un conflit interne d'un autre Etat. Ici, il y a ce qu'on appelle en DIH internationalisation du conflit.

57 VITE S., Op.cit., 2016, p.2.

58 Lire les articles 4, 5 et 6 de la Convention de Genève du 22 août 1864 pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne.

59 Lire article 2 commun aux quatre conventions de Genève de 1949.

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Illustrons-le par l'exemple d'un Etat étranger qui envoie ses troupes sur le sol d'un autre Etat à l'appui d'un mouvement d'opposition contre le gouvernement de cet Etat.

Rappelons tout de même qu'il y a CAI, selon la définition tirée du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, « chaque fois qu'il y a recours à la force armée entre États.»60

§2. Le régime juridique des CANI

Le régime juridique des CANI est dominé essentiellement et spécifiquement par un ensemble de règles plus restreint énoncées d'une part à l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève (A) et d'autre part dans le Protocole additionnel II de 1977(B).

A. L'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949

Les dispositions de cet article s'appliquent, selon la lettre de la convention aux Conflits armés ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes parties contractantes.61

Cette disposition s'exprime négativement [ne...pas] sur les conflits auxquels doit s'appliquer l'article précité, car, en effet, il est question des conflits «ne présentant pas» un caractère international.

C'est donc indirectement que cette disposition nous renvoie à l'article 2 commun aux conventions de Genève62 qui traite des conflits qui présentent un caractère international ou des conflits entre les Etats.

L'on peut comprendre par conflits armés ne présentant pas un caractère international ceux dans lesquels « l'une au moins des parties impliquées n'est pas gouvernementale.»63

A y voir clair, il est question-là des conflits armés auxquels participent un ou plusieurs groupes armés non étatiques, c'est-à-dire ces conflits qui peuvent opposer les forces armées d'un État et des groupes armés non étatiques organisés ou pas. Il est question des situations d'affrontements armés entre l'armée régulière et les groupes insurgés, ou même entre ces groupes

60 TPIY, Affaire Tadic, Arrêt relatif à l'appel de la défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence, 2 octobre 1995, para. 70.

61 Lire art. 3, paragraphe 1 des Conventions de Genève de 1949.

62 Lire article 2 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949.

63 VITE S., Op.cit., p.6.

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organisés entre eux se déroulant sur le territoire d'une Haute Partie Contractante, ou d'un Etat donné.

La prise en compte de la définition des CANI nous fait remarquer que l'article 3 a pour vocation de régir les relations conflictuelles qui se créent entre les forces armées et les groupes armés ou ces groupes armés entre eux peu importe le temps que ces conflits peuvent durer dans les frontières d'un Etat. « Toutefois, cette disposition s'applique indépendamment au concept de frontières étatiques64

L'on doit se fixer sur le fait que pour qu'il y ait application de cet article, il doit y avoir la guerre, c'est-à-dire une situation des violences qui ont atteint un seuil considérable le distinguant des autres situations comme les cas des tensions internes, les troubles intérieurs, les actes sporadiques et isolés à l'intérieur d'un Etat qui relèvent en principe du droit pénal étatique.

Il est alors préoccupant de se demander comment déterminer ce seuil, alors qu'en cas des situations de conflits, les violences sont toujours en nombre plus ou moins considérable. Pour déterminer le seuil, on doit tenir compte de deux critères fondamentaux qui sont notamment :

? L'intensité des violences et ? L'organisation des parties.65

En ce qui concerne le critère d'intensité, les éléments caractéristiques du conflit peuvent être :

Le caractère collectif de la lutte ou le fait que l'État soit contraint de recourir à

son armée, ses forces de police n'étant plus en mesure de faire face seules à la

situation ;

La durée du conflit ;

la fréquence des actes de violence et des opérations militaires ;

la nature des armes utilisées ;

le déplacement des populations civiles ;

le contrôle territorial exercé par les forces d'opposition ;

le nombre de victimes (morts, blessés, déplacés, etc.) sont aussi des éléments

qui peuvent être pris en compte. 66

Rassurons toutefois qu'il s'agit ici de facteurs d'appréciation, des

éléments objectifs observables qui permettent de déterminer si oui ou non le

64 Idem.

65TPIR, Affaire Rutaganda, Jugement du 6 décembre 1999, paragraphe 93. 66 VITE S., Op.cit., p.9.

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seuil d'intensité est atteint pour une situation particulière. Ce sont des conditions translatives et non cumulatives.

Pour ce qui est du critère d'organisation des parties, il doit se constater que les parties aux violences armées ont atteint un niveau d'organisation minimal. C'est-à-dire une structuration de leur organisation.

Du côté de l'Etat, les forces gouvernementales sont présumées être organisées. L'organisation est un facteur ontologique à leur existence. Ici ne peut plus se poser la question du degré de leur structuration ou organisation.

Mais quant aux groupes armés non gouvernementaux, les indicateurs déterminants sont par exemple « l'existence d'un organigramme exprimant une structure de commandement, le pouvoir de lancer des opérations coordonnant différentes unités, la capacité de recruter et de former de nouveaux combattants ou l'existence d'un règlement interne.»67 A cela nous pouvons ajouter le recrutement des combattants par une personne considérée comme chef.

C'est à conclure que lorsqu'une situation de violences n'a pas atteint l'une ou l'autre condition, translativement, elle est tout simplement qualifiée de tension interne ou trouble intérieur.

Le trouble intérieur est une notion dont le contour est difficile à cerner en droit, mais pour laquelle le CICR estime qu'il y en a l'existence, lorsqu'il y a des situations dans lesquelles : «sans qu'il y ait à proprement parler de conflit armé non international, il existe cependant, sur le plan interne, un affrontement qui présente un certain caractère de gravité ou de durée et comporte des actes de violence.»68 Cette situation oblige à l'Etat d'employer les moyens et mécanismes nationaux de protection notamment la police voire l'armée en vue de rétablir l'ordre public et garantir la protection des personnes et de leurs biens.

Pour ce qui est des tensions internes, «elles couvrent des circonstances de moindre violence impliquant, par exemple des arrestations massives, un nombre élevé de détenus politiques, la pratique de la torture ou d'autres formes de mauvais traitements, des disparitions forcées et/ou la suspension des garanties judiciaires fondamentales.»69

67 VITE, Idem. p.9.

68 Id.

69 Ibid., p.11.

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Pour catégoriser les CANI, certains auteurs pensent qu'il faut prendre aussi en compte un autre critère, celui de la motivation ou du mobile des groupes non gouvernementaux impliqués dans les violences ou dans les conflits.

C'est alors qu'il faut prendre en compte pour ce faire le mobile politique ou l'objectif qui doit exclusivement être politique.

Cela étant, une association des malfaiteurs, une bande des gangs ou une organisation à but purement criminel au sein d'un Etat ne doivent pas être considérées comme des parties aux CANI.

Ce critère, en DIH n'est pas de droit mais de fait. Cela parce que la plupart des conflits au sein des Etats ont un mobile politique. C'est un critère qui n'est pas déterminant dans la mesure où les objectifs et les motivations des groupes non gouvernementaux sont divers. D'ailleurs, nombre d'entre les groupes non gouvernementaux exercent des activités criminelles diverses tout en ayant à l'esprit un but politique.

B. L'article 1er du Protocole additionnel II

Le Protocole additionnel II s'applique aux conflits armés « qui se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le présent Protocole.»70

Comme pour le cas de l'article 3 commun, la situation conflit armé doit répondre aux critères cités précédemment, à rappeler l'intensité des violences, le niveau d'organisation des parties et le mobile des parties.

En effet, à y voir de près, la définition des CANI donnée par le protocole additionnel est plus restreinte que celle proposée par l'article 3 commun. Car, cette disposition (PA) pose des exigences telles qu'il faut que les forces non gouvernementales atteignent un niveau d'organisation plus ou moins très élevé, qu'elles doivent être placées sous l'autorité d'un commandement responsable et doivent exercer un contrôle territorial de manière perpétuelle pouvant leur permettre de mener des opérations militaires pendant un temps plus ou moins long et de manière concertée.

En effet, l'article 3 prévoit que les groupes armés doivent avoir un degré d'organisation quelconque, mais le protocole additionnel lui, a ajouté

70 Lire article 1er du Protocole additionnel II.

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et précisé que le groupe doit aussi avoir une partie du territoire sous son contrôle et doit agir sous l'impulsion d'un commandement responsable.

Qu'en est-il alors si un conflit armé entre en ligne de compte de l'article 3 et ne remplit pas les conditions posées par le Protocole additionnel ou vice-versa ?

De toutes manières, l'on peut remarquer qu'un conflit répondant aux critères du Protocole additionnel l'est aussi pour l'article 3 même si le contraire n'est pas si évident.

La situation de contrôle d'une partie du territoire doit revêtir un caractère relatif : c'est la position du CICR qui, adoptant une position intermédiaire, admet tout de même que la maîtrise territoriale puisse revêtir parfois un caractère relatif. C'est le cas par exemple pour les « centres urbains qui restent en mains gouvernementales tandis que les zones rurales échappent à leur autorité.»71 Il ajoute par ailleurs que «la nature même des obligations formulées dans le Protocole II suppose une certaine stabilité dans le contrôle d'une portion, même modeste, du territoire72

Comme nous pouvons le relever, le protocole additionnel II se borne à régir les situations des conflits armés entre les forces armées gouvernementales et les forces armées dissidentes ou les groupes armés, c'est dire qu'il ne régit pas expressément les conflits entre les groupes armés contre eux-mêmes comme c'est le cas de l'article 3 commun.

Quelle serait alors la valeur ajoutée de cet instrument juridique

aux CANI ?

« Quant à la portée des innovations introduites par le Protocole additionnel II dans le régime juridique des CANI, il convient de rappeler que cet instrument développe et complète l'article 3 commun, mais qu'il n'en modifie pas les conditions d'application. Les restrictions supplémentaires prévues à l'article 1er ne valent donc que pour délimiter le champ d'application du Protocole, mais ne s'étendent pas à l'ensemble du droit des conflits armés non internationaux. L'article 3 commun préserve ainsi son autonomie et couvre un plus grand nombre de situations.»73

71 MOIR L., The Law of Internal Armed Conflict, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p.106.

72 MOIR L., Op.cit., p.109.

73EIDE A., Troubles et tensions intérieurs, les dimensions internationales du droit humanitaire, Paris, Unesco, 1986, pp. 279-295.

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Après avoir catégorisé et analysé les types des conflits armés et leurs régimes juridiques chacun, la question qui mérite à présent d'être posée est celle touchant à la nature des autres conflits armés qui présente des caractéristiques controversés tel qu'il est possible d'envisager un vide juridique si ces situations n'ont pas un régime juridique propre, car ces situations ne correspondent à aucune des catégories énoncée en DIH classique. Nous nous donnons de les nommer les Conflits sui generis.

C'est pourquoi, « Sans viser l'exhaustivité [...] nous avons ici illustré certains dilemmes rencontrés en pratique en mentionnant trois types de situations dont la qualification prête à controverse : le contrôle d'un territoire sans présence militaire sur place, l'intervention étrangère dans un conflit armé non international et les conflits armés non internationaux se déroulant sur le territoire de plusieurs États.»74

Tout compte fait, toutes ces situations mettent en péril les vies humaines ; il faut s'en occuper en vue de la protection des droits humains.

C. Le Droit international des droits de l'homme et le droit International humanitaire, quel lien ?

Le DIH étant déjà défini, le Droit international des droits de l'homme (DIDH) reste à définir également.

En effet, il est «un système de normes internationales destinées à défendre et promouvoir les droits de l'homme de chacun.»75 Ces normes sont inhérentes, indissociables de la personne humaine sans aucune distinction qui pourrait être de nationalité, de race, d'origine nationale ou ethnique, de couleur, de religion, de langue ou même de toutes autres situations similaires. Les droits de l'homme sont interdépendants, ils sont garantis du principe d'indivisibilité.

Ces différents droits sont proclamés dans divers instruments juridiques internationaux (Déclaration universelle des droits de l'homme, Charte des Nations Unies, Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,...), ils reposent sur les principes généraux de droit international, sur le droit international coutumier, la conscience universelle, ...

Précisons que «le droit international des droits de l'homme énonce les obligations qu'ont les États d'agir de certaines manières ou de

74 VITE S., Op.cit., p.12.

75 Nations Unies, Op.cit., p.5.

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s'abstenir de certains actes afin de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales des personnes ou de groupes.»76

Toutefois, le DIH et le DIDH relèvent de la branche du droit international, et sont des domaines distincts l'un de l'autre, mais qui se complètent aussi.

Leur différence n'est pas à démontrer car, «elles ont été constituées au fil du temps, indépendamment l'une de l'autre, et reposent sur des sources différentes»77 mais néanmoins, leurs domaines d'intervention parfois se rencontrent, étant entendu que tous visent à protéger la vie humaine, et ce, selon les périodes données.

Parlant ainsi de périodes, «le DIH ne s'applique qu'en période de conflit armé, international ou non, et vise, pour des raisons humanitaires, à limiter les effets de la guerre sur les individus et les biens. Le DIDH, lui, s'applique en tout temps, en situation de conflit armé comme en temps de paix»78, un postulat qui n'était pas évident au départ, pour la raison que l'on liait l'application du DIDH au temps de paix.

Mais au fil du temps, cette position fut rejetée, pour considérer que le DIDH doit s'appliquer en tout temps, c'est un droit qui protège les droits fondamentaux de la personne humaine qui peuvent connaitre des violations en tout temps, de paix ou de guerre. D'ailleurs, aucune disposition au monde, de n'importe quel instrument juridique relatif aux droits de l'homme n'interdit au DIDH de s'appliquer en temps de conflits.

Est-il en outre impérieux de rappeler que le DIH lie toutes les parties à un conflit armé, y compris les forces armées des États et les groupes armés non étatiques alors que, le DIDH ne lie que les États, dans leurs rapports avec les individus.

Le DIH et le DIDH ont chacun ses propres sources distinctes de celles de l'autre.

Le DIDH tire sa source de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de différents traités internationaux et du droit international coutumier. Les instruments universels fondamentaux relatifs aux droits de l'homme sont :

76 Nations Unies, Op.cit., p.5.

77 CICR, Op.cit., p.39.

78 Ibidem, p.40.

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Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et son Protocole facultatif ;

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ses deux Protocoles facultatifs ;

La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale ;

La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et son Protocole facultatif ;

La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et son Protocole facultatif ;

La Convention relative aux droits de l'enfant et ses deux Protocoles facultatifs ; La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ;

La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ;

La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif.79

Au plan régional, il existe plusieurs traités et protocoles relatifs

aux DIDH, on y ajoute aussi «les résolutions adoptées par l'Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Conseil des droits de l'homme, la jurisprudence des organes conventionnels et les rapports issus des procédures spéciales relatives aux droits de l'homme, les déclarations, les principes directeurs et autres instruments du droit souple qui contribuent à clarifier les normes relatives aux droits de l'homme, à leur donner corps et à fournir à leur sujet des orientations dûment fondées, même s'ils ne comportent pas d'obligations juridiquement contraignantes en tant que telles.»80

Le DIDH ne se borne pas seulement aux droits énumérés dans ses instruments juridiques ; il va jusqu'à prendre en compte le droit international coutumier, qui s'imposent à tous les États, y compris ceux qui ne sont pas parties à telle ou telle convention relative aux droits de l'homme. Le cas par exemple de plusieurs droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme qui sont pour une large part considérés comme faisant partie du droit international coutumier.

En fait, certains droits sont reconnus comme ayant le statut particulier de règles impératives du droit international coutumier (jus cogens), ce qui exclut toute dérogation à ces droits malgré les circonstances et leur donne une force supérieure à tout autre devoir des Etats. Nous pouvons citer pour ce

79 Nations Unies, Op.cit., p.14.

80 Ibidem, p.15.

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faire l'interdiction de la torture, de l'esclavage, du génocide, de la discrimination raciale et des crimes contre l'humanité ainsi que le droit à l'autodétermination qui sont reconnus internationalement comme étant des règles impératives du jus cogens.

Le DIH tire aussi ses sources des instruments juridiques et du droit coutumier. Ses principaux instruments juridiques à l'heure actuelle sont :

Le Règlement de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre

;

La Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne (première Convention de Genève) ;

La Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer (deuxième Convention de Genève); La Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre (troisième Convention de Genève) ;

La Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (quatrième Convention de Genève) ;

Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) ;

Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II).

S'agissant de la place du droit coutumier en DIH, «Le Règlement

de La Haye est généralement considéré comme correspondant au droit international coutumier et s'imposant à tous les États, qu'ils y aient adhéré ou non. Les Conventions de Genève ont été universellement ratifiées. Bon nombre des dispositions qui figurent dans ces instruments ainsi que dans les Protocoles qui s'y rapportent sont tenues pour faire partie intégrante du droit international coutumier et être applicables lors de tout conflit armé.»81

Il existe également plusieurs autres instruments juridiques en DIH qui ont pour vocation de régenter la conduite des hostilités, ils sont à placer dans l'arsenal juridique du DIH.

Terminons ce chapitre par démontrer que «le CICR joue un rôle tout particulier dans le cadre du droit international humanitaire. Les Conventions de Genève le chargent de rendre visite aux prisonniers, d'organiser des opérations de secours, de contribuer à la réunion des familles et de mener toute une série d'activités humanitaires pendant les conflits armés

81CICR, Droit international humanitaire coutumier, par Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck, Les éditions juridiques Bruylant, 2006, p.20.

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internationaux. Elles l'autorisent aussi à offrir ces mêmes services lors des conflits armés non internationaux. Le CICR joue un rôle reconnu dans l'interprétation du droit international humanitaire, et a pour mission de travailler à son application fidèle dans les conflits armés, de recevoir les plaintes pour violations alléguées de ce droit, et de contribuer à sa connaissance, sa diffusion et son développement»82 et même de contribuer à sa mise en oeuvre effective sur le plan international.

Section 2. Situation des conflits du Kasaï ou conflit Kamuina

Nsapu en DIH

De par la situation géographique que ces conflits ont couvert, l'on peut, d'emblée, dire qu'il s'agit d'un CANT. La situation de ces conflits renvoie à se questionner sur leur qualification ou leur nature juridique en vue de faire une étude sur la mise en oeuvre du DIH pendant leur déroulement.

Avant toute chose, rappelons que les célèbres conflits du Kasaï sont aussi connus sous l'appellation du conflit KAMUTNA NSAPU, un nom donné à la milice du chef traditionnel, ce nom qui est aussi le titre traditionnel du chef des Bajila Kasanga, un des grands groupements de la province du Kasaï Central.

La base de ces conflits réside dans le refus, en 2016, de l'Etat congolais, par l'entremise du ministère provincial de l'intérieur, de reconnaitre la nomination de Jean-Pierre Mpandi comme Chef coutumier Kamuina Nsapu. Selon les dires, la raison de ce refus tient du fait que celui-ci (Jean-Pierre MPANDI) est un opposant du pouvoir de Joseph KABILA, à cette époque où le mandat constitutionnel de ce dernier avait déjà pris fin et qu'il continuait à se maintenir au pouvoir.

Suite à ce refus, le Chef coutumier mobilise les jeunes, les femmes et adultes, enrôle les enfants, forment sans délai une milice qui va opérer de manière mystérieuse [...], tous, mus par une volonté de révolution, ils vont entreprendre «de défendre le sol congolais»83après que les policiers soient partis chez lui toucher à ses Symboles du pouvoir, en avril 2016, disait-il.

A partir de ce moment, le conflit qui n'était qu'en gestation devient de plus en plus ample, des centaines des personnes dont militaires, civils, enfants, fonctionnaires de l'Etat, etc. ont perdu la vie et, le conflit qui avait commencé à Tshimbulu, une ville du Kasaï central, s'étend à toute la province

82 Art. 5.2 c et g des Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

83 www.radiookapi.net, consulté le 10 mars 2019, à 7h12.

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et plus loin à d'autres provinces du Grand Kasaï à savoir la province du Kasaï et celle du Kasaï Oriental.

Ces conflits commencés en 2016 en avril se sont achevés en novembre et jusqu'à ces jours l'on assiste encore, de manière sporadique, à des résidus des violences dans certains coins ruraux.

Après avoir fait des milliers des morts et des dizaines des fosses communes ; les civils et les enfants sont pris pour cible par les militaires, les jeunes sont recherchés et exécutés sans aucun critère de distinction objectif... les bâtiments de l'Etat sont pris d'assaut par les miliciens, autant de descriptions qui ont rendu la vie anormale dans cette zone. Toute personne ayant porté un habit de couleur rouge était confondue à un milicien et pouvait de ce fait perdre la vie, même par simple soupçon.

La réalité de ces conflits étant connue, les victimes sont présentes, les dégâts sont visibles, leur gravité est remarquable... qu'en-est-il en DIH ?

Cette question nous ramène à classer ces conflits en DIH. Concrètement, il s'agira de les ranger soit dans les CAT, soit dans les CANT soit encore dans les conflits que nous avons qualifiés de sui generis si jamais les deux précédentes catégories ne sont pas leur pointure.

Le fait pour ce conflit de se dérouler à l'intérieur du territoire de la RDC entre un groupe des miliciens et les forces loyalistes, sans implication extérieur, l'écarte sans tergiverser de la qualification des CAT, même si ces conflits ont occasionné des déplacements énormes vers d'autres pays voisins. Alors, nous tenterons donc de leur appliquer la qualification des CANI.

Pour pouvoir situer ces conflits en DIH et nous en rassurer, il nous faudra prendre en compte un certain nombre de critères que revêtent un CANI, à savoir l'intensité du conflit, le niveau d'organisation des parties et éventuellement le mobile (politique) du groupe s'opposant à l'armée étatique.

§1. L'intensité du conflit

Partant de ce que l'intensité doit être comprise comme la gravité qu'ont revêtue ces conflits, cette intensité ne serait plus à démontrer.

En effet, les conflits ont revêtu un caractère collectif, le nombre des miliciens devenant de plus en plus croissant du jour au jour à tel point que l'Etat, ayant constaté la faiblesse des forces de la police, a recouru aux forces armées de la République (FARDC) pour pouvoir rétablir l'ordre public. Les conflits ont duré plusieurs mois, depuis 2016 en avril jusqu'en 2018.

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Il s'est constaté des actes de violences à grande échelle, des viols des femmes et d'enfants mineurs, des massacres... qui ont demandé des implications des organisations internationales en vue de mettre fin à la crise provoquée par ces conflits.

S'agissant de la nature des armes utilisées pendant ces conflits, notons la particularité des armes dites «bâtons magiques» utilisés par les miliciens et qui ont fait perdre la vie à plusieurs centaines des militaires ; alors que ces derniers utilisaient des armes classiques comme les mitrailleuses, les armes d'assaut, ... face à cette situation incontrôlée, les violations se sont commises à grande échelle, ce fut une époque de la raison du plus fort.

Selon un rapport donné par le Bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l'homme, ces conflits ont provoqué plusieurs déplacements internes notamment vers les provinces de Bandundu, du Katanga et Kinshasa, les régions concernées par ces conflits étaient quasi-inaccessibles par les forces militaires. Ce qui a, en effet, favorisé la perpétration de plusieurs infractions contre les Droits de l'homme et le DIH.84

§2. Le niveau d'organisation des parties

L'organisation est un élément essentiel dans chaque association, chaque société ou collectivité car il permet d'assurer l'ordre. Les parties aux conflits (la milice Kamuina Nsapu et les FARDC) avaient toutes un niveau d'organisation afférente. Du côté de l'armée régulière, il ne peut se faire de doute sur son organisation.

Il s'est aussi constaté un niveau d'organisation du côté de la milice sous le commandement du Chef Kamuina Nsapu, dont le bastion était à Tshimbulu.

En outre, cette milice était structurée en petits groupes des miliciens appelés «Tshioto» ou «Bioto» et ayant à leur tête un commandant ou chef. Toutefois, il n'y avait pas une hiérarchisation des rôles de manière responsable, il y'avait à la tête le chef qui commandait la milice, les apôtres qui était ses représentants auprès de la troupe et un corps des miliciens obéissant au mot d'ordre du chef. Cette organisation fut éphémère, l'anéantissement du Chef créa donc en son sein une situation de sauve-qui-peut malgré le fait d'avoir opéré pendant un temps relativement long après la disparition du chef.

84 www.radiookapi.net-conflits-du-kasai

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§3. Le mobile des parties

Le mobile qui animait cette milice était de déstabiliser le pouvoir en place qui était devenu illégitime. Voilà pourquoi ils s'attaquaient aux symboles de l'Etat comme le drapeau, la monnaie, les bâtiments abritant la fonction publique, l'armée et la police nationales.

La mauvaise pratique de notre pays nous montre que les forces loyalistes, au lieu d'être au service de la nation, sont plutôt au service de ceux qui dirigent, et ceux-ci, avec des objectifs politiques variés les utilisent à leur fin. La police et l'armée sont donc intervenues avec une motivation politique, poursuivant la protection des individus bien déterminés.

Et donc, comme nous pouvons bien analyser la situation, le mobile politique fut au centre de toute intervention : policière, militaire et milicienne.

Ces conflits ont donc, au vu de notre intime conviction, rempli tous les critères de classification dans l'une des catégories des conflits, et ont alors appelé d'urgence l'application du DIH de manière objective, ce qui fut toutefois méconnu de toutes les parties aux conflits et qui, du reste, n'a été nullement appliqué. Il reste de le démontrer. Ces conflits ont acquis la qualification des CANI, qui du reste nous le savons, sont les plus meurtrières et dévastatrices durant ces dernières décennies avec des conséquences très fâcheuses.

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CHAPITRE II. LA MISE EN OEUVRE DU DIH DANS LES
CONFLITS DU KASAI

« Lorsque les militaires ont réussi à reprendre à la milice le contrôle de ces localités, ils ont commis des graves atteintes aux droits humains. Des témoins ont décrit à International Refugee Rights Initiative (IRRI)85 qu'au lieu de protéger les civils qui avaient souffert de la présence de la milice, les soldats se sont mis à violer des femmes, tuer des civils et piller leurs biens. Ils ont également fait usage d'une violence disproportionnée lors de leurs opérations contre les miliciens mal armés et composés de beaucoup d'enfants. »86

La mise en oeuvre du DIH est l'apanage, au premier chef, des Etats. C'est ce qui ressort de l'article premier commun aux Conventions de Genève.

Dans cette disposition, les Etats s'engagent à respecter et à faire respecter les Conventions en toutes circonstances.87 Autrement dit, les Etats sont les premiers responsables de la protection des personnes et de leurs biens ; et à ce titre, ils doivent prendre diverses mesures législatives et pratiques pour assurer le respect des règles du DIH, que ce soit en temps de paix ou de guerre.

Le DIH, nous pouvons toujours le rappeler, s'applique en période de conflits armés. Cela ne signifie pas que les dispositions importantes de son application ne peuvent pas être adoptées en temps de paix comme en temps de guerre ; autant nous savons que les mesures de prévention, en particulier, doivent être mises en place en temps de paix. C'est le meilleur moyen de faire respecter pleinement les règles du DIH en cas de survenance d'un conflit armé.

Qu'en-est-il alors quand ces mesures ne sont pas prises en vue de prévenir les conflits ? Forcement nous serons en face d'un conflit né et qu'il faille le régenter, à tout le moins et en cas de violations des règles du DIH, punir les auteurs et organiser la réparation pour les victimes.

85 International Refugee Rights Initiative. Fondée en 2004, cette organisation internationale a pour but d'éclairer et d'améliorer les mesures qui sont prises en réponse aux cycles de violences et de déplacements qui sont au coeur des violations des droits humains à grande échelle.

86 International Refugee Rights Initiative, Conflit et déplacement au Kasaï, janvier 2018.

87 Lire avec intérêt l'article 1er commun aux quatre Conventions de Genève de 1949.

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La répression des infractions relatives au DIH doit en tout temps, en période des CAI ou des CANI une manière efficace de lutter contre les abus de la guerre.

Cette répression ne doit toujours pas dépendre de la volonté des Etats seuls comme ce fut le cas dans un passé récent, au risque de fragiliser la répression elle-même car la pratique a toujours démontré que ce sont des autorités, les personnes investies d'une autorité publique qui commettent le plus des violations des droits de l'homme, soit par leur commandement qu'elles donnent à leurs subalternes (police et armée) soit de leur propre chef.

»88

En effet, bien avant 1994, « la pratique des Etats tout comme la jurisprudence internationale montraient que la répression des infractions du DIH relevait de la compétence exclusive de l'Etat qui avait le pouvoir et/ou le devoir de punir lui-même ou d'extrader les auteurs présumés desdites infractions.

La note présentée en mars 1994 par le gouvernement Suisse en vue de la réunion d'experts intergouvernementaux pour la protection des victimes de guerre est explicite sur ce point : «Depuis l'adoption des conventions de Genève, la répression pénale des violations du DIH a exclusivement dépendu de la volonté de chaque Etat de poursuivre ou d'extrader les personnes suspectées d'être des criminels de guerre et arrêtées sur le territoire. Pour diverses raisons, ce système de dissuasion et de répression n'a pas toujours fonctionné de manière satisfaisante».89

Ainsi, la création du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal Pénal International pour les crimes du Rwanda (TPIR) respectivement par les résolutions 827 du 23 mai 1993 et 955 du 8 novembre 1994 du Conseil de Sécurité des Nations Unies marque un tournant dans le développement du DIH en matière de répression des infractions commises.

Il faut souligner que, comme au Kasaï, le conflit en Ex-Yougoslavie avait un double aspect : un aspect international et un aspect interne. C'est ce qui le différencie du conflit armé rwandais qui est essentiellement interne.

88 NOUWEZEM S.S., Op.cit., p.59.

89 TIPR, Chambre de première instance I, 2 septembre 1998, Procureur C/J.P. Akayesu, affaire N° ICTR964T.

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L'aspect international du conflit Kamuina Nsapu réside dans le fait que ce conflit, sans concerner les autres pays voisins, a par ailleurs laissé des retombées, a créé des situations dans lesquelles ces pays furent concernés (déplacements massifs des populations vers l'Angola par exemple fuyant les conflits, etc.).

En effet, la compétence ratione materiae des deux tribunaux englobait respectivement tous les crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda.

Ainsi, dans leurs statuts figurent le génocide et les crimes contre l'humanité. Quant aux crimes de guerre, le statut du TPIY envisage deux catégories : les infractions graves aux conventions de Genève de 1949 (article 2) et les violations des lois et coutumes de guerre.

Dans le présent chapitre, nous allons essayer de démontrer le non-respect du DIH pendant les conflits du Kasaï dans un premier temps (section 1) et deuxièmement nous tenterons de donner quelques solutions pratiques en vue d'éviter ce genre de situations dans l'avenir (section 2).

Section 1. Une mise en oeuvre pathologique du DIH pendant les

conflits du Kasaï

Précisons avant toute chose que le Kasaï, dans l'entendement de cette présente étude fait allusion à l'espace dit du «grand Kasaï», cette zone touchée par les conflits Kamuina Nsapu, comprenant les provinces du Kasaï central, du Kasaï et du Kasaï oriental.

Le phénomène des conflits internes en RDC n'est pas nouveau. «C'est depuis août 1998 que ce phénomène a commencé à prendre de l'ampleur en RDC. En effet, enlisée dans un cycle de violence et de guerres civiles aux conséquences politiques, socio-économiques incalculables, le Congo a été victime de l'appétit des seigneurs de guerres qui ont fait du conflit congolais le conflit le plus meurtrier depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.»90

Entendu que le conflit est un moment de prédilection pour les ennemis de la loi, «les parties au conflit ont profité de cet état d'impunité pour commettre toutes formes d'exactions, de violations aux droits humains fondamentaux et au DIH sans faire l'objet d'aucune enquête, d'aucune réparation sur le plan juridique et d'aucune compensation pour les victimes. L'impunité dont jouissent les auteurs de violations des droits de l'homme et

90 NOUWEZEM S.S., Op.cit., p.100.

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notamment les officiers supérieurs de l'armée gouvernementale et les commandants des diverses forces rebelles est un obstacle majeur à une paix durable en RDC.

Cette culture de l'impunité, a alimenté encore davantage des cycles de violence et a fait du Congo une jungle ; un « Etat de guerre de tous contre tous et où seule la raison du plus fort est la meilleure91

En effet, les situations de conflits internes sont fondamentalement distinctes de celles des CAI. Mais il est à noter que ces conflits perdurent dans le temps et sont plus atroces que les CAI.

Il ne fait aucun doute que dès l'ouverture des hostilités, les règles du DIH sont d'application automatique qu'ils s'agissent des CAI ou des CANI, ceci dans l'optique de réglementer le conflit et assurer, tant soit peu, une meilleure protection de la personne humaine contre les passions qu'entraine la guerre.

Ainsi, il s'agira ici pour nous de confronter les règles du DIH relatives aux conflits internes à la réalité des conflits Kamuina Nsapu, démontrer que la mise en oeuvre de ces règles par le truchement du mécanisme de protection humaine et la répression des infractions commises n'a pas été pourtant aisée.

Les événements engendrés par les conflits armés depuis août 2016 sont les prototypes des crises qui menacent la RDC depuis 1997, surtout dans sa partie est. La particularité de ce conflit est d'être de haute intensité et de s'écouler sur une période de temps plus ou moins longue. Il s'est alors posé le problème d'application des règles du DIH relatives à la protection des personnes, des biens, d'assistance humanitaire et du traitement humain des personnes victimes des effets de ces conflits.

Certes, pendant plus de deux ans, la personne humaine dans les conflits Kamuina Nsapu a été, et est même jusqu'à ces jours affectée de manière préoccupante, comme c'est aussi le cas partout dans les CANT en RDC.

Ainsi, en vue d'assurer la protection des droits de la personne humaine et sa dignité contre les atrocités qu'entraînent les CANI en général et le conflit Kamuina Nsapu en particulier, le DIH a prévu, à l'article 3 commun aux quatre conventions de 1949, alinéa 2, le principe d'assistance humanitaire. Ce principe permet d'aider et d'assister toutes les personnes

91 Idem, p.101.

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humaines, sans discrimination aucune, dans des situations d'urgence par des organismes humanitaires à l'instar du CICR.

Voilà pourquoi, pour ce qui est du conflit sous examen qui a occasionné plusieurs actes de barbaries, l'action des organismes humanitaires est importante. En fait, le conflit qui commence en 2016 a fait imposition d'une nécessité humanitaire urgente des organismes internationaux. Ainsi, assiste-t-on, à la présence de plusieurs organismes de ce genre sur terrain. Il s'agit à titre d'exemple des institutions de l'Organisation des Nations-Unies telles que le PAM, l'UNHCR, l'OCHA, l'UNICEF, etc.

Signalons, par ailleurs, que malgré cette assistance humanitaire octroyée, elle ne l'est pas de manière complète ; ceci à cause de l'insécurité dans la région.

Vu cette situation, on déplore sérieusement les conditions de vie dans lesquelles vivent les victimes de ces conflits. La dignité de la personne humaine étant précieuse et sacrée, elle n'a pas de limite, chaque personne l'a malgré son état ou sa situation ; elle mérite pour ce faire une protection en tout temps et en tout lieu sans discrimination aucune.

En réalité, l'abandon de ces victimes sans assistance humanitaire représente une menace à la vie humaine et une atteinte à la dignité de l'homme. C'est d'ailleurs une violation des droits fondamentaux de la personne humaine. Le respect du DIH doit être de mise.

Mais, il existe aussi un seuil d'insécurité où il est impossible de se hasarder à effectuer une mission d'assistance humanitaire. L'Etat devrait donc assurer la protection du personnel humanitaire dans l'exercice de leur mission, car en tant qu'êtres humains, ils doivent s'assurer de leur protection avant de protéger les autres.

Il faut donc, en tout temps, associer les forces de l'ordre ou les forces multinationales de l'ONU dans des missions humanitaires. L'on ne cessera de regretter l'assassinat des deux experts de l'ONU dans le territoire de Dibaya au Kasaï central.

Rassurons, toutefois, qu'en parlant de l'assistance humanitaire dans le conflit Kamuina Nsapu, on assiste à une assistance humanitaire restreinte de la personne humaine. Beaucoup d'efforts devront donc être fournis pour une assistance complète. Nous faisons donc appel à l'ONU en vue de mobiliser ses forces de maintien de la paix pour assurer et

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protéger l'acheminement de l'assistance humanitaire dans les zones d'insécurité afin de secourir les personnes en situation de détresse.

Toutefois, la souffrance humaine n'a pas de couleur ou de race. L'action de l'ONU est très nécessaire.

Faire remarquer une restreinte assistance humanitaire dans les crises du Kasaï montre à plusieurs égards que l'application du DIH a été timide ou difficile dans ces conflits.

Dans ces conflits, s'est posé plusieurs fois le problème du traitement humain, qui du reste n'a été qu'illusoire. En effet, «dans le but de protéger la personne humaine face aux conséquences des conflits armés, le DIH, impose non seulement aux parties aux conflits, mais aussi à la population civile une obligation relevant du bon sens ; un principe fondamental d'humanité. L'homme étant en tout temps et en tout lieu le même, doit être traité avec humanité en toutes circonstances.»92

En période de conflit armé et plus spécifiquement ceux du Kasaï, l'on devrait donc épargner, en tout état de cause, l'homme des actes et comportements inhumains et dégradants, du meurtre, torture, supplices et des prises d'otage, les pillages ; en somme, autant d'actes qui choquent la conscience humaine. Autrement dit, les belligérants doivent traiter avec humanité, en toutes circonstances, les personnes qui ne participent pas aux hostilités, plus encore celles qui se sont rendues, et celles blessés, malades ou naufragés. Même si nous savons que dans le cas du conflit Kamuina Nsapu la réalité n'est pas celle-là, l'armée déclare ne s'intéresser qu'aux miliciens alors que plusieurs jeunes non impliqués dans les conflits ont perdu gratuitement la vie, plusieurs maisons ont été pillées et même certaines personnes forcées à se déplacer.

Encore appelées forces loyalistes, il incombe en premier chef à celles-ci de respecter et faire respecter la personne humaine et ses droits en toutes circonstances, de traiter humainement celle-ci sans aucune discrimination.

Ainsi, est-il à noter que ces forces gouvernementales ont jeté par-dessus bord l'obligation qui leur incombait : le traitement humain de la personne humaine en tout temps et en tout lieu.

92 OLINGA D., Intervention humanitaire et souveraineté des Etats : Les enjeux d'un débat ; in Revue Africaine de Défense n°001, p.86.

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Aussi, parlant des conflits Kamuina Nsapu, et dans le souci d'avoir une idée claire du respect de ce principe de traitement humain, il serait utile pour nous de démontrer ce respect par les forces gouvernementales d'une part et par les miliciens d'autre part.

§1. Par les miliciens

De par leur multiplicité et leurs intérêts poursuivis, les miliciens, en majorité des enfants et des jeunes analphabètes n'ont pas une culture du DIH.

C'est ainsi qu'au cours de ce conflit, il y'a eu plusieurs morts, des biens pillés, des maisons incendiées, ... en matière de respect du principe de traitement humain par exemple, celles-ci ont été souvent les premières à remettre en cause ces règles du DIH, inconsciemment. Même si, au début du conflit, ils ne semblaient que poursuivre leur seul objectif de déstabilisation du pouvoir politique.

En effet, dans les conflits Kamuina Nsapu, les miliciens ont fait recours, très fréquemment et parfois de façon systématique aux viols, tortures, mutilations des populations civiles, incendies des maisons, etc. Ces miliciens ont outre, commis, sur une vaste échelle, des meurtres délibérés de civils non armés, ils ont effectué des meurtres sommaires des militaires captifs, des arrestations arbitraires et autres attaques directes ; tout ceci en violation de l'article 3 commun aux quatre conventions de 1949.

En plus, les miliciens ont dans la plupart des cas, d'une part infligés des traitements horribles à certaines femmes sous prétexte d'avoir apporté du soutien aux militaires ou d'être de leurs ; et d'autre part, ils ont enlevé certaines femmes et filles, et les ont forcés à fournir des faveurs sexuelles et travaux domestiques. Le conflit avait donc perdu ses horizons initiaux.

Aussi assiste-t-on à des actes de représailles contre les civils, de la part de ces miliciens, se traduisant par la destruction, des infrastructures de santé, des écoles, églises et maisons sans oublier les stocks de réserves.

De tels actes effroyables, commis en violation du DIH en période de conflit armé, sont restés par ailleurs impunis.

Le problème de l'impunité ou de la répression des infractions traduit toute la pathologie du DIH en RDC, et s'insurge à certains égards contre l'efficacité du DIH car, la beauté du droit réside dans la sanction, dit-on.

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Après les atrocités survenues entre l'armée et la milice, nous avons essayé de contacter certains témoins, certaines victimes de la scène malheureuse qui, jusqu'à ces jours a laissé des horreurs et plusieurs dégâts, dus à un conflit coutumier qui a paru simple au départ.

Visiblement, le non-respect du DIH aux Kasaïs (l'espace grand Kasaï) est très préoccupant. Pour parler de ces violations, nous nous sommes plus servi de la méthode d'interview et des constats sur terrain, en recourant aussi avec intérêt à plusieurs rapports des certains organisations non-gouvernementales (ONG) et internationales afin d'asseoir nos affirmations, qui du reste restent réfragables pour qui le pourrait.

Un de nos témoins interrogé à propos des violations se confie à nous décrivant qu'il y a eu des violations graves commises pas toutes les parties impliquées dans ledit conflit. Ce qui laisse transparaitre en filigrane la méconnaissance ou carrément l'ignorance par les troupes impliquées dans les conflits du Kasaï du DIH.

En effet, il raconte à propos des miliciens : « Ils ont provoqué un grand désordre. Ils ont commencé à tuer des gens, ils les décapitaient avant de brûler les têtes dans leur Tshota [leur camp, qui est aussi un lieu de culte]. Ils ciblaient la population tout entière, n'importe qui pouvait être tué. Ils sont arrivés avec un discours qui disait : Nous sommes ici pour protéger la population, restez calmes. Mais leurs actes ont montré tout le contraire.»

Certes, les miliciens, au début de ces atrocités, donnaient l'impression d'avoir pour cibles les militaires et les policiers, mais au fur et à mesure que la situation s'empirait, ils sont allés jusqu'à viser tout le monde, plusieurs personnes ont succombé sur base d'un simple soupçon.

Cette triste réalité a vu périr les militaires s'étant rendus, les membres des familles des militaires connus, les civils, les enfants de tout genre à partir de 8 ans qui refusaient d'adhérer au mouvement insurrectionnel ; plusieurs autres personnes ont déclaré que les miliciens décapitaient des voleurs et des gens accusés de posséder des fétiches, connus pour être la cible de la milice.

Du côté de la province du Kasaï par exemple, plusieurs témoins déplacés et venus chercher asile à Kananga ont rapporté avoir entendu les membres de la milice chanter « La terre est à nous» ou encore « Nous avons riposté contre les Tchokwe qui ont pris les armes pour tuer les Luba », ce que nous avons pu interpréter comme une menace contre les autres groupes ethniques.

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Cependant les avis différaient sur la question de savoir si la milice ciblait aussi les civils. Si beaucoup pensaient qu'ils ne ciblaient que les fonctionnaires, d'autres ont fait savoir par exemple que les miliciens ne tuaient pas que les agents de l'État (fonctionnaires, agents, militaires, policiers, etc.) ils tuaient aussi des civils. Un jeune homme, avec amertume a dit : « Ils ont décapité mon oncle en ma présence.»

Certains autres témoins ont déclaré même que des habitants Luba de Kamako avaient demandé à la milice de venir dans la localité et l'avaient assistée en leur indiquant qui appartenait aux autres groupes ethniques, et d'après un jeune homme, c'est ce qui explique pourquoi les miliciens ciblaient certains civils. Les Kamuina Nsapu ciblaient les représentants de l'État et les militaires.

Signalons tout de même que les miliciens ont rendu l'espace kasaïen incontrôlable par l'armée régulière, ils y ont fait la loi ; de plus, certaines personnes en ont profité pour se régler les comptes, car il suffisait juste d'une simple indexation pour se voir décapité ou brûlé vif sans raison valable.

§2. Par les FARDC

Après des multiples tentatives de restauration de l'autorité de l'Etat dans cette zone, l'armée est finalement parvenue à battre la milice en avril 2017. C'est là que des violations graves des règles du DIH et des droits de l'homme93 ont commencé de se commettre par l'armée. Plusieurs rapports ont fait état de l'utilisation d'armes lourdes et d'exécutions aveugles d'adultes et d'enfants.

Ces violations ont inclus des attaques systématiques et non sélectives contre des civils, des exécutions sommaires des civils et d'autres non combattants, des arrestations et détentions arbitraires, des disparitions, des viols, des destructions d'objets indispensables à la survie de la population civile et des pillages.

En effet, les FARDC, dans la grande majorité des situations, remis en cause le principe de traitement humain en perpétrant des actes effroyables à l'encontre de la personne humaine des exécutions des civils portant parfois la couleur rouge , des violences sexuelles, etc.

Elles ont commis des atteintes systématiques aux droits de la personne humaine notamment le viol des femmes, les pillages et destruction des petits stocks de vivre, abandon des combattants malades ou blessés ; autant

93 HCDH, août 2017, p.15.

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d'actes qui n'ont jamais fait progresser le DIH en matière de protection de la personne humaine.

Le principe du traitement humain n'a pas été respecté véritablement par les forces gouvernementales ; reléguant ipso facto la protection de la personne humaine à l'arrière-plan ; ceci au profit des intérêts politiques car celles-ci ont été déterminées à ne pas céder à la pression grandissante des forces miliciennes.

Au moment de ces attaques, pas de travail, pas de nourriture, les populations en pleine fuite vers les zones les moins touchées. Selon IRRI, un aide-maçon qui avait quitté la province du Kasaï, interrogé, a expliqué pourquoi il a fui : Ce qui m'a convaincu de partir, c'est que les militaires ont dit : « Nous tuerons les Luba, un après l'autre. Nous commencerons par cette province, nous vous tuerons tous. » Ce discours m'a vraiment inquiété. [...] Ils pouvaient accuser à tort n'importe quel Luba resté à Kamako et le tuer.

Il faut aussi signaler que les militaires qui utilisaient les armes lourdes contre les miliciens, les utilisaient aussi contre les citoyens paisibles qui, selon eux, étaient complices de la milice; la particularité était portée sur les jeunes.

D'ailleurs, dans certaines localités et communes de la ville de Kananga, la commune de Nganza, la localité Cilumba par exemple, les militaires, toujours selon le même rapport, sont entrés pour un recrutement forcé des jeunes, filles et garçons, qu'ils ont utilisés à leur merci. Mais ils les ont tués, tout comme plusieurs autres qui avaient porté la couleur rouge étaient visés et tués. Ce qui a, par ailleurs, expliqué le dénombrement de plusieurs fosses communes, environ 80 selon le rapport du bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l'homme et de l'ONG Humans rights watch.94

Par ailleurs, hormis les tueries, les militaires ont commis des actes de violence sexuelle contre les femmes et les enfants. Plusieurs témoins interrogés à propos par IRRI ont décrit et affirmé cette triste réalité.95

Dans un entretien leur accordé par cette organisation internationale (IRRI), un d'eux rapporte : « Les militaires sont venus pour nous protéger. Mais à peine arrivés, ils ont changé de mission et se sont mis à violer des femmes. Je l'ai vu de mes propres yeux. Les militaires ont frappé à la porte de mon ami. Ils sont entrés et l'ont menotté. Puis ils ont violé son épouse. Il ne pouvait rien faire. J'ai assisté à la scène. Ils étaient douze. Après l'avoir violée, ils lui ont inséré un bout de

94 www.radiokapi.net-onflits?du-kasaï?, consulté le 16 avril 2019, à 19h03. 95UNICEF, Children, Victims of the Crisis in Kasai, July 2017.

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bois. Heureusement, elle a survécu. Ces militaires, ils étaient fous furieux parce que la milice leur avait tenu tête. Ils ont pillé et commis beaucoup de violences. »

A Sumbula, une cité de la province du Kasaï par exemple, selon les Nations unies96 dans leur rapport sur les violations des droits de l'homme au Kasaï : « les miliciens, arrivés dans la localité bien armés et en grand nombre, ont égorgé cinq agents de police ainsi que le chef de la Direction Générale de Migration (DGM). La situation a dégénéré lorsque l'armée congolaise, qui au départ avait reculé devant la milice, a attaqué Sumbula. Plusieurs témoignages ont confirmé qu'elle avait utilisé des armes lourdes et tiré sans discernement.

Selon toujours cette source, un père de deux enfants a déclaré : « Les Kamuina Nsapu ne ciblaient que les agents de l'État et ne détruisaient rien. Mais les soldats des FARDC, quand ils sont entrés dans le village, ils tiraient sur tout le monde. Ils ont détruit des biens et tué beaucoup de gens. Ils ont tué un prêtre car ils l'accusaient d'être membre de Kamuina Nsapu. C'était une boucherie. [. .] Ils ciblaient des civils parce qu'ils avaient besoin d'argent. Ils ont même tiré sur des gens qui enterraient des cadavres. » De même, une jeune femme a décrit comment elle s'est enfuie après que les militaires aient tué son voisin : « il avait donné sa moto à la milice - et violé une femme qu'elle connaissait sous la menace d'une arme. » Une autre a déclaré que ses deux frères avaient été tués par l'armée : « Ils ont tué mes frères, qui avaient 16 et 18 ans. Ils les ont tués devant moi, je l'ai vu. Ils les ont trouvés dans une hutte et les ont abattus. Même quand ils ont tué mes frères, je n'ai pas eu le droit de pleurer. Ils ont brûlé les corps à l'aide d'un pneu. [. .] La raison de leur comportement, c'est que la population avait bien accueilli les Kamuina Nsapu. » Donc, à bien comprendre, il s'agissait des représailles, les militaires manifestaient leur colère contre la population. Ils tuaient des gens chaque jour.

Cette situation, nous pouvons aussi le relever, fut une occasion pour que des ethnies s'affrontent, c'est ainsi que, d'après une jeune mère, l'opération militaire a aussi été l'occasion, pour certaines milices d'autres groupes ethniques, de représailles contre la population Luba en réponse aux agissements des Kamuina Nsapu : Les Tchokwe ont déclaré aux militaires que certains d'entre eux avaient été tués par les Kamuina Nsapu. Par conséquent, les militaires se sont mis à massacrer les Luba. J'ai vu les Tchokwe tuer des gens, mais nous ne pouvions pas rester, nous avons dû prendre la fuite. Ils avaient des fusils de chasse et des pistolets, tandis que l'armée utilisait des armes lourdes.

Une femme a déclaré à IRRI que tout le monde avait quitté la localité suite à l'assaut de l'armée : « Personne n'est restée là-bas, il fallait que

96 Jeune Afrique, RDC : l'ONU évoque 38 nouvelles fosses communes dans le Kasaï, 16 juillet 2017.

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tout le monde parte. Il y a toujours des problèmes là-bas. Certains y sont retournés pour chercher des proches, mais ils sont repartis à nouveau. »

Ce tableau sombre des violations des droits de l'homme et du DIH n'est pas exhaustif. Pour ce qui nous concerne, nous pouvons nous limiter à ces quelques descriptions des violations car nous ne saurions répertorier tous les actes de violations.

Bref, il convient de retenir que cette situation des conflits a provoqué plusieurs déplacements, plusieurs réfugiés vers l'Angola, plusieurs tueries, plusieurs situations de violences sexuelles, etc. En somme, plusieurs civils ont été des cibles dans ces conflits, parfois avec disproportionnalité d'armes contre les miliciens, les attaques contre les personnes qui avaient abandonné les atrocités, ... et tout ceci a constitué des violations du DIH.

Dans ces violations, aucune des parties engagées ne peut rejeter la responsabilité sur une autre car, aux termes de l'article 13 de la première Convention de Genève, toutes les parties en présence sont tenues au respect du DIH, et selon la lettre : « La présente Convention s'appliquera aux blessés et malades appartenant aux catégories suivantes :

1) les membres des forces armées d'une Partie au conflit, de même que les membres des milices et des corps de volontaires faisant partie de ces forces armées ;

2) les membres des autres milices et les membres des autres corps de volontaires, y compris ceux des mouvements de résistance organisés, appartenant à une Partie au conflit et agissant en dehors ou à l'intérieur de leur propre territoire, même si ce territoire est occupé, pourvu que ces milices ou corps de volontaires, y compris ces mouvements de résistance organisés, remplissent les conditions suivantes :

a) d'avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés ;

b) d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à

distance ;

c) de porter ouvertement les armes ;

d) de se conformer, dans leurs opérations, aux lois et coutumes de la guerre.

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3) les membres des forces armées régulières qui se réclament d'un Gouvernement ou d'une autorité non reconnus par la Puissance détentrice ;

4) les personnes qui suivent les forces armées sans en faire directement partie, telles que les membres civils d'équipages d'avions militaires, correspondants de guerre, fournisseurs, membres d'unités de travail ou de services chargés du bien être des militaires, à condition qu'elles en aient reçu l'autorisation des forces armées qu'elles accompagnent ;

5) les membres des équipages, y compris les commandants, pilotes et apprentis, de la marine marchande et les équipages de l'aviation civile des Parties au conflit qui ne bénéficient pas d'un traitement plus favorable en vertu d'autres dispositions du droit international ;

6) la population d'un territoire non occupé qui, à l'approche de l'ennemi, prend spontanément les armes pour combattre les troupes d'invasion sans avoir eu le temps de se constituer en forces armées régulières, si elle porte ouvertement les armes et si elle respecte les lois et coutumes de la guerre. »

En vue de punir ces actes de violences, il sera donc juste de recourir aux textes en la matière, car il n'y a pas eu de protections envers les catégories des personnes protégées en DIH.

Toutefois, l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève dispose qu'« en cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes, chacune des Parties au conflit sera tenue d'appliquer au moins les dispositions suivantes :

1) Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue. A cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l'égard des personnes mentionnées ci-dessus :

a) les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices ;

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b) les prises d'otages ;

c) les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants ;

d) les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés.

2) Les blessés, les malades et les naufragés seront recueillis et soignés. Un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, pourra offrir ses services aux Parties au conflit. Les Parties au conflit s'efforceront, d'autre part, de mettre en vigueur par voie d'accords spéciaux tout ou partie des autres dispositions de la présente Convention. L'application des dispositions qui précèdent n'aura pas d'effet sur le statut juridique des Parties au conflit. »

Voilà pourquoi, hormis le fait que les auteurs et les commanditaires de ces violations doivent être punis, il faut toujours envisager quelques solutions en termes de suggestions pour le futur, en vue d'éviter ce genre de situation.97

En effet, Tous ces manquements ont conduit à des possibles crimes contre l'humanité dans la région du Kasaï. Il est indispensable que les responsabilités de ces crimes internationaux soient établies afin de prévenir que des tels crimes ne soient commis à nouveau, aussi bien dans ces localités que partout ailleurs dans la région ; de dissuader les acteurs politiques et militaires de ne plus provoquer des conflits similaires dans d'autres parties du pays et de permettre aux citoyens, surtout ceux qui envisagent de retourner chez eux, de retrouver un niveau de confiance minimal aux institutions de leur pays. A ce jour, malheureusement, ce point n'a connu presqu'aucune avancée.

Section 2. Suggestions en vue de la mise oeuvre du DIH au Kasaï Comme nous l'avons dit tantôt, les solutions en amont sont d'une grande importance dans la prévention d'un conflit, tels les conflits de Kamuina Nsapu.

En effet, « cette situation aurait pu être évitée si les autorités avaient mieux géré leur litige avec un chef coutumier. Si elles avaient opté pour le dialogue plutôt que pour une action militaire disproportionnée, la mobilisation de ses partisans, devenue la milice Kamuina Nsapu, n'aurait pas

97 IRRI, idem, p.30.

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eu l'effet dévastateur que l'on sait. Si l'armée congolaise avait choisi des opérations ciblées au lieu d'user d'une force brutale et sans discernement, aussi bien contre la milice mal armée que contre les civils, de nombreux morts auraient été évités ; si les fonctionnaires locaux et provinciaux avaient protégé leurs citoyens au lieu d'ignorer les assauts de la milice Bana Mura sous prétexte qu'il s'agissait d'un conflit local et tribal, et pire encore, s'ils n'avaient pas soutenu activement la milice, aucun des crimes supposés contre l'humanité n'aurait pu être commis. Si la MONUSCO avait pu maintenir sa présence dans la région, elle aurait sans doute été capable de réagir plus vite et plus efficacement, afin de mettre en oeuvre son mandat de protection des civils. »98

Cette situation prouve à suffisance qu'il y a eu des nombreuses violations du DIH, et face à cet état de fait, quelques mesures doivent s'imposer.

Nous avons regroupé ces mesures en deux groupes : les mesures juridiques telles que la ratification des instruments internationaux relatifs au DIH et la mise en place d'une réglementation spéciale(A), et comme le travail de mise en oeuvre ne saurait suffire seulement à une mesure juridique, nous avons aussi pensé à une action politique tendant à vulgariser les instruments du DIH (B).

§1. Mesures juridiques et mise en place d'une réglementation

spéciale

La plupart des mesures juridiques étant connues et même déjà appliquées pour une large part, il n'est pas toujours mal de le rappeler, car cela aiderait aussi à y prêter attention.

Les mesures juridiques que nous pensons conseiller sinon proposer dans le cadre de la décrispation de la crise humanitaire au Kasaï, ce qui pourrait valoir pour toute la RDC sont :

a. Devenir partie aux traités de DIH

En devenant partie aux traités du DIH, les Etats prennent l'engagement, selon les dispositions de l'article 1er commun aux quatre conventions de Genève, de « respecter et faire respecter » le DIH, chaque Etat doit être sûr que celui-ci est respecté par tous les autres Etats.

Cela veut dire qu'en cas de violations des règles du DIH, les Etats n'ont pas seulement le droit mais aussi le devoir d'intervenir pour faire

98 Idem.

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cesser ces violations en rappelant à l'Etat fautif ses obligations et en lui montrant que les violations dont il se rend responsable ne sont pas tolérables99.

Rappelons qu'on ne parlera pas d'ingérence ici, il s'agit des prérogatives reconnues à chaque Etat partie aux conventions du DIH d'intervenir en vue de mettre fin aux violations de celui-ci.

En pratique, en droit international, dans certaines circonstances, il n'est pas exclu que les Etats, au moment de ratifier un traité, limitent l'applicabilité d'une de ses dispositions en formulant une réserve. Aux termes de la Convention de Vienne sur le droit des traités, la réserve est une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat au moment où il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou même y adhère, et par laquelle il tend à exclure ou veut modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat.100

Le fait de formuler des réserves à des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ou en l'occurrence au droit humanitaire est légitime comme pour toute autre matière en droit international. Mais ces réserves doivent respecter les dispositions de l'article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Cet instrument indique que des réserves peuvent être formulées si le traité lui-même l'autorise ou, en cas de silence du texte sur ce point, si la réserve n'est pas incompatible avec le but et l'objet du traité.

Qui plus est, pour que les réserves soient valides, le droit international exige qu'une série de conditions soient remplies. Les réserves aux instruments du DIH sont très rares. Toutefois, dans son Observation générale n° 24(1994), le CICR a souligné qu'«un Etat ne peut se réserver le droit de pratiquer l'esclavage ou la torture, de soumettre des personnes à des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, de les priver arbitrairement de la vie, de les arrêter et de les détenir arbitrairement, de dénier le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, de présumer une personne coupable tant que son innocence n'a pas été établie, d'exécuter des femmes enceintes ou des enfants, d'autoriser l'incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse, de dénier à des personnes nubiles le droit de se marier, ou de dénier aux minorités le droit d'avoir leur propre vie culturelle, de professer leur propre religion ou d'employer leur propre langue».101

99 Lire avec intérêt l'article 2 commun aux quatre conventions de Genève de 1949.

100 Lire article 2.1 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.

101 Observation générale n° 24(1994) sur les questions touchant les réserves formulées au moment de la ratification du Pacte ou des Protocoles facultatifs y relatifs ou de l'adhésion à des instruments, ou en rapport avec des déclarations formulées.

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Il n'y a point de doute que la RDC a signé et ratifié les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels102. Mais, seul le fait d'être membre ne suffit pas, il faut au plan interne des mécanismes pouvant rendre cette adhésion solide et mettre en application les règles auxquelles on a adhéré. C'est ce qu'il faut à l'heure actuelle, car cela entre en ligne de compte avec la bonne gouvernance et l'Etat de droit, où la loi est en avant-plan de toute action.

b. La création d'un Tribunal Spécial pour les crimes du Kasaï Ceci peut s'avérer une mesure nécessaire en vue de réprimer les violations des crimes commis pendant les conflits Kamuina Nsapu. S'inspirant de la situation TPIR et TPY.

Ainsi, ce tribunal aura pour compétence de connaitre de toutes les violations survenues au cours de ce conflit et de juger toute personne qui serait impliquée ou supposée impliquée dans ces conflits. Le législateur devra donc lui donner une compétence territoriale sur toute la province du Grand Kasaï, définir les infractions dans les conflits du Kasaï telles que prévues dans les Conventions de Genève et les protocoles additionnels.

Partant de l'idée que la sanction fait partie intégrante de toute logique juridique cohérente et que, la menace de sanctionner est un élément dissuasif, le DIH a consacré une grande place à la répression des infractions aux droits humains en situation de conflit armé qui, depuis l'adoption des conventions de Genève, relevait de la compétence exclusive de l'Etat. Alors que celle-ci s'est avérée par la suite insatisfaisante pour la communauté internationale, il fallut l'institution des juridictions pénales internationales pour juger les crimes de guerre, tels les TPIY et TPIR.

La création de cette institution pourrait découler d'un accord entre Etats sous forme de traité international à vocation universelle ou d'une décision du Conseil de Sécurité comme cela a été notamment le cas pour le Tribunal pénal international pour juger des personnes sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991 par sa résolution 827 de 1993 et pour la création du TPIR par sa résolution 955 en 1994.

Faudra-t-il rassurer que la création d'un tribunal du genre sera d'une grande importance dans la mise en oeuvre réelle de l'obligation de

102 28 août 1963, date à laquelle la Croix Rouge de la RDC a été admise comme membre de Fédération Internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant rouge (FICR)

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l'Etat de punir les crimes commis contre ses sujets, et par ricochet pour le respect du DIH.

C'est ainsi que, par la création de deux tribunaux (TPIR et TPY), suivis de la création d'une cour pénale internationale en 1998, la communauté internationale a manifesté une réelle détermination dans la répression des crimes et a contribué, du moins par sa volonté manifeste de le faire, à mettre fin à l'impunité des criminels de guerre.

En effet, notons tout de même que depuis 2016, le Kasaï sombre dans des conflits et crises humanitaires multiformes caractérisés par des graves atrocités et violations humanitaires commises en toute impunité.

Alors, face à des telles violations et tels actes effroyables menaçant la paix et la sécurité nationale et internationale, et en dépit du besoin de répression et de justice, l'impunité règne et des auteurs sont libres. Voilà pourquoi l'institution d'un tribunal spécialisé au Kasaï est plus que nécessaire.

Pour pouvoir réprimer un comportement criminel, il faut que ce dernier soit défini en droit, c'est d'ailleurs un principe sacro-saint en droit criminel ou droit pénal qui dit qu'il n'existe aucune infraction ni aucune peine sans loi. Ajoutons à ce principe les dispositions du code pénal congolais qui dit que nul ne peut être arrêté ni condamné pour un comportement qui ne constituait pas une infraction au moment de sa commission.103

C'est ainsi que, nous fondant sur ces principes nous pouvons à titre d'exemple citer comme infractionnels certains actes précis qui sont énumérés dans les conventions de Genève et dans le protocole additionnel I.

Constituent des infractions graves aux Conventions de

Genève :

L'homicide intentionnel ;

la torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques ;

le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou porter des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé ;

la destruction et l'appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ;

103Lire article 1er du Code pénal congolais, décret du 30 janvier 1940 tel que modifié et complété à ce jour, J.O., 45ème année, numéro spécial, 3O novembre 2004.

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le fait de contraindre un prisonnier de guerre à servir dans les forces armées de la Puissance ennemie ; le fait de priver un prisonnier de guerre de son droit d'être jugé régulièrement et impartialement ; la déportation ou les transferts illégaux ; la détention illégale ;

la prise d'otages etc.

Constituent des infractions graves au Protocole I de 1977 les actes suivants quand ils sont commis intentionnellement, en violation des dispositions pertinentes du Protocole, et qu'ils entrainent la mort ou causent des atteintes graves a` l'intégrité physique ou à la santé, il s'agit de :

soumettre la population civile ou des personnes civiles à une attaque ;

lancer une attaque sans discrimination atteignant la population civile ou des biens de caractère civil, en sachant que cette attaque causera des pertes en vies humaines, des blessures aux personnes civiles ou des dommages aux biens de caractère civil ;

lancer une attaque contre des ouvrages ou installations contenant des forces dangereuses, en sachant que cette attaque causera des perte sen vies humaines, des blessures aux personnes civiles ou des dommages aux biens de caractère civil ;

soumettre à une attaque des localités non défendues et des zones démilitarisées ;

soumettre une personne à une attaque en la sachant hors de combat ;

utiliser perfidement le signe distinctif de la Croix-Rouge ou du croissant-rouge ou d'autres signes protecteurs reconnus par les Conventions ou par le Protocole.

Sont aussi considérées comme des infractions graves au Protocole I de 1977 :

le transfert par la Puissance occupante d'une partie de sa population civile dans le territoire qu'elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l'intérieur ou hors territoire occupé de la totalité ou d'une partie de la population de ce territoire, en violation de l'article 49 de la IVème Convention ;

tout retard injustifié dans le rapatriement des prisonniers de guerre ou des civils ;

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les pratiques de l'apartheid et les autres pratiques inhumaines et dégradantes, fondées sur la discrimination raciale, qui donnent lieu à des outrages à la dignité personnelle ;

le fait de diriger des attaques contre les monuments historiques, les oeuvres d'art ou les lieux de culte clairement reconnus qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples et auxquels une protection spéciale a été accordée en vertu d'un arrangement particulier ;

le fait de priver une personne protégée par les Conventions ou visée au paragraphe 2 de l'article 85 du Protocole I de son droit d'être jugée régulièrement et impartialement.

Les atteintes à la santé et l'intégrité physiques ou mentales des personnes au pouvoir de la Partie adverse ou internées, détenues ou d'une autre manière privées de liberté en raison d'une situation visée à l'article premier ; celles-ci ne doivent être compromises par aucun acte ni aucune omission injustifiés.

Il est en particulier interdit de pratiquer sur les personnes citées ci-haut, même avec leur consentement :

des mutilations physiques

des expériences médicales ou scientifiques des prélèvements de tissus ou d'organes pour des transplantations, sauf si ces actes sont justifiés dans les conditions prévues par le Protocole I.

Nous pouvons aussi ajouter à cette brève énumération les faits infractionnels de la compétence de la Cour Pénale Internationale (CPI).104 Il s'agit des :

Crime de génocide ;

Crimes contre l'humanité ;

Crimes de guerre ; Actes d'agression.

104 Il s'agit d'un tribunal permanent avec une compétence globale pour juger les individus inculpés des violations les plus graves. Son Statut a été adopte' le 17 juillet 1998. Elle a pleine compétence à l'égard des crimes de guerre commis pendant des conflits armés, tant internationaux que nationaux. Les crimes de guerre retenus par le statut de la Cour pénale internationale sont définis en son article 8. A la différence de la Cour Internationale de Justice, dont la juridiction est réservée aux Etats, elle aura la capacité d'inculper les individus. A la différence des tribunaux de guerres du Rwanda et de l'ex-Yougoslavie, sa compétence ne sera limitée ni temporellement, ni géographiquement.

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Ces actes étant commis, les personnes qui doivent être tenues pour responsables sont celles qui les ont commis elles-mêmes, y compris leur abstention d'agir pour les empêcher, mais aussi celles qui ont donné l'ordre de les commettre.

Pour mener à bien cette action, il faut rechercher les auteurs ainsi que les personnes qui sont soupçonnées d'avoir commis des tels actes, les traduire en justice ; mais il faut aussi dans la mesure du possible créer des partenariats judiciaires ou une entraide judiciaire avec d'autres Etats en vue de cette recherche.

c. Prendre des mesures d'application des traités du DIH à l'interne

Les traités du DIH obligent les Etats à adopter une série de mesures d'application au sens large. Ces mesures répondent à la nécessité de traduire le DIH dans la législation nationale, les procédures, la doctrine ; introduire l'enseignement du DIH dans le programme d'enseignements à partir de l'école primaire jusqu'à l'université dans toutes les filières d'études ; cela aiderait à éviter des conflits et par ricochet des effets néfastes des conflits armés.

Le DIH, rappelons-le, régit la conduite des actes à poser pendant un conflit armé. Ce qui n'est pas toujours facile à faire, transformer les dispositions en actes. C'est alors que pour qu'il soit pleinement respecté, ce que nous souhaitons, il faut que ceux qui sont impliqués dans les conflits armés en connaissent la teneur et les principes fondamentaux afin de les intégrer dans leur comportement. C'est pourquoi il s'avère important que tout membre des forces armées et de la police nationale reçoive une formation en DIH.

Les militaires et les policiers, quels que soient leur rang ou leur fonction, doivent participer à telle formation. Ils doivent suivre des cours en la matière. Il faut que les principes fondamentaux du DIH fassent partie intégrante des codes et des doctrines militaires. Aussi, l'un des meilleurs moyens de former les troupes au DIH est d'intégrer dans leurs manoeuvres, au cours de leur formation, une « dimension humanitaire » afin que, confrontés à des situations du DIH, ils sachent les gérer sur base des règles humanitaires.

Nous pourrons aussi aller plus loin, en faisant un plaidoyer pour la formation des conseillers juridiques en DIH en temps de paix afin d'être disponibles lors de conflits pour conseiller le commandement militaire quant à l'application des règles du DIH. La présence de tels experts est nécessaire au vu de la complexité croissante de cette branche du droit.

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Nous faisons un plaidoyer ici en vue de la création d'une commission provinciale de mise en oeuvre du DIH dans le grand Kasaï, n'empêche si, pour besoin de protection de tous les citoyens, cette commission fasse extension dans d'autres provinces touchées également par les effets des conflits armés comme à l'est du pays.

La mise en oeuvre du DIH est un travail très lourd, elle nécessite des efforts constants qui durent dans le temps. C'est pourquoi de nombreux Etats ont créé des commissions nationales de mise en oeuvre du DIH. Et à l'instar de ces commissions nationales, pour assurer une protection de plus près des victimes, qu'il soit créé une commission provinciale comme nous l'avons suggéré tantôt.

De quoi peut-il s'agir en fait ?

Il s'agira donc d'un groupe de travail interministériel qui conseille et aide le Gouvernement provincial dans la mise en oeuvre, la diffusion et l'application effective du DIH.

Il n'est fait aucune obligation aux Etats de créer une telle commission, et si tel est le cas, l'on se demandera à propos de la valeur juridique d'une telle commission en province.

En effet, selon les dispositions de l'article 10105, sa mise en place répondrait à plusieurs besoins dont certains sont les suivants :

? Assurer une coordination interministérielle

La mise en oeuvre du DIH implique souvent des ministères différents, que ce soit ceux de la défense, de la sante' ou de la justice. Si ces ministères ne se coordonnent pas, elle risque d'être désordonnée et plus longue, alors qu'on a besoin des résultats pratiques et concrets, sinon immédiats dans la protection des victimes des conflits armés. La création d'une commission provinciale pouvant enquêter sur les violations du DIH permet d'établir un agenda et des priorités, répertorier les violations et suivre les cas des victimes.

? Garantir une action de protection de longue durée

La création d'une Commission provinciale de mise en oeuvre, dotée d'une mémoire institutionnelle, est le meilleur moyen pour que le travail de mise en conformité du droit national soit continu et cohérent.

105 Lire avec intérêt l'article 10 de la 1ère Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades, 1949, p.40.

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Il n'y a pas de règle précise sur la manière dont doit être constituée une commission provinciale de mise en oeuvre, même si l'on peut se référer à une commission nationale pour ce faire, et remarquer que le cas serait le même.

On peut d'ailleurs retrouver de telles commissions sous de nombreux noms différents ; par exemple : commission provinciale interministérielle pour la mise en oeuvre du DIH, commission provinciale du droit humanitaire, commission provinciale de suivi des violations du DIH,... tout dépendra de la dénomination que pourrait lui donner l'autorité, mais l'essentiel est qu'elle puisse conseiller et aider efficacement le Gouvernement à assurer la mise en oeuvre, notamment en étant en mesure d'évaluer les besoins et de soumettre des recommandations, rechercher des auteurs des violations pendant les conflits, les déférer devant la justice ; l'assistance judiciaire et sociale des victimes de la guerre. Bref, il s'agira d'accorder à une telle commission un rôle non négligeable dans la diffusion, la protection et la mise en oeuvre du DIH.

Un des plus sûrs moyens d'assurer le bon fonctionnement de la commission provinciale de mise en oeuvre est de s'assurer qu'elle est composée de personnes compétentes : représentants des ministères concernés, militaires, spécialistes du droit international humanitaire, membres de la Société nationale de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge en province.

Il est, en outre, important que la commission provinciale pour ce faire, jouisse d'un statut permanent afin d'être à même d'effectuer son travail dans la durée.

§2. Une action politique nécessaire

Parler d'une action politique ici renverrait à ce que l'opinion a toujours dit de volonté politique nécessaire à cette fin. Nous ne pouvons pas le négliger, étant donné qu'il s'agit d'un point très important dans la mise en oeuvre du DIH : il nécessite un réel engagement des acteurs politiques, eux qui sont les gestionnaires des cités dans lesquelles vivent les populations civiles et militaires qui sont exposées aux effets néfastes des conflits armés.

Il est donc urgent de démontrer le rôle de premier plan des parlementaires, au niveau tant national que provincial, car ces derniers représentent les populations qui les ont élus et contrôlent les actions du gouvernement et in spece casu, dans la mise en oeuvre du DIH.

Ils sont donc appelés, surtout localement à prendre des mesures urgentes, à prendre des lois (édits) et d'assurer leur application par les membres du gouvernement.

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Les actions politiques doivent être entendues comme des mesures plus pratiques dans cette mise en oeuvre. Quand on parle des actions concrètes, on voit des actions qui nécessitent des efforts réels.

Nous ne pouvons cesser de le dire et de le rappeler, la mise en oeuvre du DIH est une mission régalienne, qui incombe au premier chef aux Etats, et ce, par le biais de ses acteurs politiques.

Cette responsabilité est en harmonie avec l'article 1er commun aux Conventions de Genève. Par cette obligation, ils doivent prendre diverses mesures législatives et pratiques pour assurer le respect des règles du DIH.

Parmi les mesures pratiques à prendre, nous pouvons suggérer entre autres :

La formation continue des forces armées et des forces de police au DIH, mesure très indispensable auprès des personnes qui sont réputées commettre des violations ;

La Sensibilisation de la population au DIH : il est toujours indispensable que les règles du DIH soient connues non seulement de ceux qui doivent les appliquer (les parties aux conflits) le plus directement, mais aussi de l'ensemble de la population.

La diffusion des règles du DIH auprès des fonctionnaires et responsables gouvernementaux ;

La diffusion du DIH dans les milieux académiques et des écoles, primaires et secondaires ;

L'instruction au DIH dans des milieux médicaux ;

La diffusion du DIH sur les médias notamment la télévision et la radio ;

La diffusion par des panneaux publicitaires, des affiches, des banderoles publicitaires sur des places publiques ;

La vulgarisation du DIH notamment en la traduction des différents instruments y relatifs en langues nationales, la diffusion par des théâtres, etc.

Toutes ces mesures suggérées, rappelons-le, ne sont pas suffisantes pour parvenir à une mise oeuvre effective du DIH ; néanmoins, elles contribueraient dans la mesure du possible en cas de leur mise en place, à éviter, sinon réduire, à tout le moins, les effets néfastes de la guerre.

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CONCLUSION

Il serait biaisé de prétendre conclure à un travail scientifique, surtout dans un domaine tentaculaire comme le Droit humanitaire, car nous-même, avons fait un plaidoyer en vue de la mise à jour de ce droit en rapport avec son adaptation à certains types de conflits non classiques, et certaines suggestions en vue de sa mise en oeuvre surtout au niveau provincial.

Les conflits Kamuina Nsapu qui ont commencé depuis 2016 et ont pris fin en 2018 comptent parmi les conflits les plus meurtriers de l'histoire du grand Kasaï, laissant plusieurs retombées néfastes dont des déplacés internes, des réfugiés en Angola, des milliers des morts, des viols des femmes et enfants, l'utilisation des enfants dans la milice... et une crise humanitaire de grande taille. Bref, une situation qui a préoccupé plus d'un.

Or, l'on sait que des telles situations sont un moment de prédilection pour ceux qui aiment fouler les lois aux pieds. Et comme l'on ne peut se hasarder de prétendre à l'affirmation du non-respect du DIH en pareilles situations, nous nous sommes posé la question de savoir si le DIH était respecté avant tout examen au fond. C'est donc tout ceci qui a motivé notre penchant vers la présente recherche dont nous avons exposé le contenu dans plus de 50 pages de notre dissertation.

En vue de rendre efficace la mise en oeuvre du Droit

humanitaire, il serait aussi important de traiter de la notion d'ingérence humanitaire, notion non traitée dans le présent travail.

En effet, l'ingérence humanitaire en politique internationale

est apparue durant la guerre du Biafra (1967-1970). Ce conflit a créé une crise épouvantable, crise qui fut largement couverte par médias occidentaux mais totalement ignorée par les chefs d'Etats et des gouvernements au nom de la neutralité et de la non-ingérence.106

Cette situation a entrainé la création d'ONG telle que Médecins sans frontières qui défendent l'idée que certaines situations de crise, qui mettent en jeu la vie humaine, peuvent justifier la mise en cause de la souveraineté d'un Etat, et cela en cas des violations graves comme les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, les crimes de génocide, etc. Alors, le concept fut théorisé à la fin des années 1980 par le professeur de Droit Mario Bettati et l'homme politique Bernard Kouchner.

106 FERNANDO T. et Bas Van der Vossen, Debating humanitarian intervention. Should we try to save strangers ?, Oxford University Press, 2007.

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Mais la doctrine ne fit pas l'unanimité. Ses défenseurs la

justifient principalement au nom d'une morale d'urgence : « on ne peut pas laisser les gens mourir.» Elle puise son fondement de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. «L'ingérence n'est donc légitime que lorsqu'elle est motivée par une violation massive des droits de l'homme et qu'elle est encadrée par une instance supranationale et principalement le Conseil de sécurité des nations unies.»107 Les négateurs de cette théorie mettent en avant la souveraineté de l'Etat qui implique la non-ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat.

Cette notion a donné naissance à deux situations : le droit d'ingérence et le devoir d'ingérence.

Le droit d'ingérence est donc à comprendre comme une

reconnaissance du droit qu'ont une ou plusieurs nations de violer la souveraineté nationale d'un Etat dans le cadre du mandat accordé par le Conseil de sécurité, au nom de l'urgence humanitaire.

Quant au devoir d'ingérence, il est une obligation faite aux

à tout Etat de veiller à faire respecter le DIH. C'est une façon d'interdire aux Etats l'indifférence. Chaque Etat est responsable de la protection de l'humanité.

Pour clore, par ce travail, nous souhaitons donc une

diffusion des grands principes du DIH, car nous pensons qu'il a aussi un caractère pédagogique. Nous souhaitons l'implication de tous les acteurs sociaux de protection des droits de l'homme dans la vulgarisation du DIH. Cela aiderait efficacement à implanter la culture humanitaire dans la mentalité congolaise et Kasaïenne.

Une oeuvre scientifique n'est jamais achevée, l'on peut

l'actualiser, la compléter et même l'approfondir. Voilà pourquoi, ce travail restera ouvert à toutes remarques et critiques des lecteurs.

107 FERNANDO T. et Bas Van der, Op.cit., p. 19.

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BIBLIOGRAPHIE

I. TEXTES JURIDIQUES

A. Textes juridiques internationaux

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2. COHENDET M.A., Droit public. Méthodes de travail, 3ème édition, Montchrestien, Paris, 1998.

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7. NDAMA G. et MASILA P., Rédaction et présentation d'un travail scientifique, Ed. Enfance et paix, Kinshasa, 1993.

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Henckaerts et Louise Doswald-Beck, Les éditions juridiques Bruylant, 2006.

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3. CICR, Droit international humanitaire. Réponses à vos questions, Genève, 2003.

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Précis de la méthodologie en droit de l'homme et droit international humanitaire, L'Harmattan, Paris, 2018.

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9. SCHINDLER D., International Humanitarian Law and Internationalized Internal Armed Conflicts, International Review of the Red Cross, 1982.

10. VITE S., Typologie des conflits armés en droit international humanitaire : concepts juridiques et réalités, 2016.

III. ARTICLES DES REVUES

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2. Jeune Afrique, RDC : l'ONU évoque 38 nouvelles fosses communes dans le Kasaï, 16 juillet 2017.

3. OLINGA D., Intervention humanitaire et souveraineté des Etats : Les enjeux d'un débat ; in Revue Africaine de Défense n°001, 2006.

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4. SCHÖNDORF R.S., «Extra-State Armed Conflicts: Is there a Need for a New Legal Regime?» in New York University Journal of International Law and Politics, Vol. 37, N° 1, 2004.

5. UNICEF, Children, Victims of the Crisis in Kasai, July 2017.

IV. RAPPORTS OFFICIELS

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2. Observation générale n° 24(1994) sur les questions touchant les réserves formulées au moment de la ratification du Pacte ou des Protocoles facultatifs y relatifs ou de l'adhésion à des instruments, ou en rapport avec des déclarations formulées.

V. MEMOIRE

NOUWEZEM S.S., L'application des règles du Droit international humanitaire dans les conflits en Afrique : étude des cas ivoirien et congolais (RDC), Mémoire de recherche pour l'obtention du diplôme d'université de 3ème cycle, Université de Nantes, Université Paris II Panthéon Assas, Université Paris X Nanterre, Université Paris XII Val-de-Marne, 2003-2004.

VI. COURS

1. KAMUKUNY MUKINAY, Droit constitutionnel congolais, cours polycopié à l'usage des étudiants de deuxième graduat, U.KA., 2014-2015, inédit.

2. KANDE R., Droit humanitaire, cours à l'intention des étudiants de L1 droit, U.KA., 2017-2018, inédit.

VII. JURISPRUDENCE

1. TPIY, Affaire Tadic, Arrêt relatif à l'appel de la défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence, 2 octobre 1995.

2. TIPR, chambre de première instance I, 2 septembre 1998, Procureur C/J.P. Akayesu, affaire N° ICTR964T.

3. TPIR, Affaire Rutaganda, Jugement du 6 décembre 1999.

VIII. INTERNET

1. http://www.gisha.org/UserFiles/File/Report%20for%20the%20 we bsite.pdf

2. www.radiookapi.net-conflits-du-kasai

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Table des matières

EPIGRAPHE I

DEDICACE II

REMERCIEMENTS III

INTRODUCTION 1

A. PROBLEMATIQUE 7

B. HYPOTHESE 8

C. INTERET DU SUJET 10

D. METHODES ET TECHNIQUES 12

E. DELIMITATION DU SUJET 14

F. ANNONCE DU PLAN 14

G. PLAN 15

CHAPITRE I. LE CADRE JURIDIQUE DU DIH 16

Section I. Le droit régissant les Conflits armés 16

§1. Régime juridique des CAI 26

§2. Le régime juridique des CANI 27

Section 2. Situation des conflits du Kasaï ou conflit Kamuina Nsapu en DIH

36

§1. L'intensité du conflit 37

§2. Le niveau d'organisation des parties 38

§3. Le mobile des parties 39

CHAPITRE II. LA MISE EN OEUVRE DU DIH DANS LES CONFLITS DU

KASAI 40

Section 1. Une mise en oeuvre pathologique du DIH pendant les conflits du

Kasaï 42

§1. Par les miliciens 46

§2. Par les FARDC 48

Section 2. Suggestions en vue de la mise oeuvre du DIH au Kasaï 53

§1. Mesures juridiques et mise en place d'une réglementation spéciale 54

§2. Une action politique nécessaire 62

TSHIBUABUA KABIENAKULUILA

70

CONCLUSION 64

BIBLIOGRAPHIE 66

Table des matières 69






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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo