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Le passage de l'économie agricole à  l'économie de pêche:les changements sociaux à  Ndayane

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par Mamadou Ndoye
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise de Sociologie 1998
  

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C/ACCENTUATION DES MIGRATIONS VERS LE SUD DE LA PETITE COTE

«Obtenir de l'argent» est le maître mot chez les pêcheurs de Ndayane. Durant la période de la pirogue à voile, La pêche migratoire se faisait en suivant la décente des bancs de poisson vers le sud de la petite côte. En saison sèche, on notait une intensification des migrations vers Joal ou Mbour. La Pêche pendant cette période était liée au calendrier agricole d'où le caractère saisonnier des déplacements (cf calendrier agricole dans la première partie)

La modification de ce rapport bouleverse le caractère jusque là saisonnier des migrations. L'effacement de l'agriculture a pour conséquence immédiate la prolongation des compagnes de pêche. Le bouleversement des cycles de production avec l'avènement de la poulpe très abondante pendant l'hivernage y est pour beaucoup. Ainsi la pêche piroguière qui de façon classique est saisonnière va d'ores et déjà se sédentariser dans les principaux lieux de pêche de Djifère et de Joal.

Les compagnes qui finissaient au plus tard au mois de juin ne sont plus d'actualité. Le retour des pêcheurs au village n'est envisagé que durant la Tabaski ou les fêtes confrériques.

Il faut cependant signaler que leur séjour dans ce cas de figure ne dépassent pas quinze jours. Les déplacements ne concernent pas seulement les pêcheurs mais aussi une bonne partie des villageois notamment les personnes âgées (pêcheurs retraités et les femmes principales transformatrices). Aujourd'hui Ndayane se vide presque durant toute l'année de ses habitants. Toute la population en âge de travailler accompagne le processus de migration.

La pêche locale est devenue dérisoire car seule une dizaine de pirogues la pratiquent de façon très ordinaire . !l'amateurisme de cette pêche réside dans le fait qu'elle emploie des moyens assez faibles comparée à la pêche migratoire d'où le caractère non significatif de ses prises. Le poisson se fait souvent rare à Ndayane d'ou les difficultés pour les ménagères d'avoir de quoi mettre dans le «Ceebu Jën». C'est pourquoi le commerce du poisson en provenance de Mbour se porte bien. La sardinelle «Yaaboy» qualifiée d'appât par le mo'ol est de plus en plus consommée en raison de la rareté du poisson.

Pour conclure sur tout ce qui précède on peut dire que parler de l'influence de l'économie maritime sur la vie sociale du Lebu de Ndayane revient à questionner les progrès de la pêche au Sénégal, progrès qui ont été les principaux motifs du changement social chez les populations de tradition maritime confirmée comme les Lebu et les Guet - Ndariens.

CHAP IX MODIFICATION DE L'ORGANISATION SOCIO ECONOMIQUE ET SOCIALE

Montrer les mutations occasionnées par le développement de l'économie maritime fortement monétarisée sous tend en filigrane une réflexion sur les conséquences quant au devenir de cette société. Il revient à se demander quels rapport la pêche en tant que facteur de capitalisation monétaire va t - elle entretenir avec le système social de nature communautaire.

A/ MODIFICATIONS DE L'ORGANISATION SOCIO-ECONOMIQUE TRADITIONNELLE

L'effacement de l'agriculture au profit de la pêche est l'élément déterminant des changements intervenus au plan socio-économique à Ndayane. L'économie mixte qui caractérisait traditionnellement les Lebu va subir des modifications profondes devant l'évolution des activités halieutiques.

La mutation professionnelle s'est faite en faveur de l'activité la plus rémunératrice1(*). La subdivision traditionnelle de l'année en quatre saisons a laissé la place à une seule activité.

La dépaysannisation consacre sous ce rapport le passage d'une double activité vers une professionnalisation en pêcheur De ce fait l'agriculture même si elle est pratiquée ne concerne qu'une minorité notamment les vieilles personnes. A Ndayane, l'âme paysanne y est morte victime de l'évolution de la pêche. Toute l'ancienne population agricole s'est déplacée massivement vers la pêche. L'amour de la terre qui caractérisait le paysan s'est déplacé vers la pêche qui occupe maintenant toutes les énergies vives de ce village.

De ces changements au niveau socio-économique on peut noter la diversité des occupations autour de quatre niveaux:

1. La pêche comme secteur principal et moteur des activités socio-économiques.

2. La transformation entièrement structurée autour des femmes.

3. Les prestations sociales (Teeru Waan): occupées de façon traditionnelle par les pêcheurs retraités, elles connaissent avec le dynamisme de la pêche une évolution qui les institutionnalisent.

4. Le mareyage qui est au centre de la pêche piroguière avec notamment le circuit de distribution du poisson.

Ces quatre composantes de l'économie maritime d'essence piroguière exerce de manière assez profonde un attrait certain sur toutes les populations environnantes du village de Ndayane. C'est pourquoi la pêche à Ndayane s'ouvre de plus en plus aux Sereer qui sont de véritables agriculteurs. Mis à part le secteur de la transformation entièrement sous la direction de la population locale, les deux autres activités sont envahies par ces paysans à la recherche de ressources supplémentaires pour pallier les difficultés nées des conditions économiques précaires.

Au delà donc des mutations de la localité de Ndayane c'est toute une zone géographique et socioculturelle qui subit l'influence de la pêche.

Etant mobilisatrice de capitaux, la pêche piroguière a contribué à l'introduction de nouveau rapports socio-économiques et de transformation de la logique des acteurs. En effet l'évolution de la pêche piroguière a abouti à des conflits mettant aux prises mareyeurs et usines de traitement et mareyeurs/pêcheurs dans le secteur de la commercialisation.

Le mareyeur qui traditionnellement contrôlait toute la production des pirogues vit aujourd'hui sous la pression créée par les impératifs croissants de l'économie maritime La demande croissante en produits halieutiques a complètement bouleversé les canaux traditionnels du dispositif commercial.

C'est pourquoi le secteur du mareyage connaît une sorte de dysfonctionnement dû en réalité à l'envahissement excessif des centres de pêche par les populations rurales de l'intérieur du pays.

La dégradation du circuit commercial est surtout manifeste à deux niveaux : d'abord entre mareyeurs et usines et entre pêcheurs et mareyeurs.

a/ Les relations mareyeurs / usines de traitement

Le mareyeur de Ndayane est né avec le développement de la pêche piroguière. Il s'est surtout illustré grâce aux relations nouées avec les usines de poisson. Il est parvenu dans ce cas à se faire subventionner en filets et en argent pour livrer du poisson à ces unités de traitement.

Ces dernières ne conditionnaient leur aide qu'à une livraison continue en produits de pêche. Le mareyeur qui vivait avec les pêcheurs dans le même village parvenait grâce aux rapports de voisinage à décrocher une dizaine de pirogues. Le Mareyeur se voyait fixer par l'usine une ristourne sur le kilogramme de poisson vendu. Ceci se faisait sans lien direct avec les bénéfices que celui-ci pourrait avoir sur le poisson à la plage.

Les conditions de vente du poisson étaient bon marché car c'est dans un contexte où le pêcheur ne demandait qu'un bon équipement (filets, machines). Le regard sur le nombre de Kilogrammes vendus et les conditions de la pesée du poisson ne le préoccupait pas. La discussion et l'accord conclus entre le propriétaire de la pirogue et le mareyeur étaient toujours confidentiels. Cet accord se faisait sous le modèle de la parole donnée. Le mareyeur dans cette période était un véritable intermédiaire entre l'usine et les pêcheurs/ Le système garantissait ses intérêts selon son mode de fonctionnement.

Les premiers mareyeurs de Ndayane vont constituer les premières fortunes individuelles après avoir bénéficiés des largesses du dispositif commercial.

Cependant, cette puissance du mareyeur va être fragilisée plus tard par le changement d'attitude de son «bailleur de fonds». En effet des changements vont intervenir au niveau de ces rapports. Les usines ont jugé trop importante la part de la rente retirée par les mareyeurs du commerce du poisson. Dans ce sens les usines de traitement vont se faire représenter par un convoyeur de fonds qui les représente à la plage.

Celui-ci accompagne la voiture qui amène chaque jour la livraison de glace. Il est chargé de régler les bon de pesage et d'apporter l'argent que l'usine doit payer aux mareyeurs après chaque chargement. Son arrivée sur la plage est motivé par le souci de s'enquérir de la situation des prix à la plage.

Conséquence immédiate une diminution des marges bénéficiaires et donc un affaiblissement des mareyeurs. Cette situation sera fatale pour les mareyeurs de Ndayane qui sont des pêcheurs reconvertis au commerce du poisson à la suite de l'essor de la pêche. Leurs affaiblissement va permettre la naissance des mareyeurs «ajoor» anciens manoeuvres saisonniers. Cette nouvelle forme de relation entre usines et mareyeurs a produit la fin des monopoles dans le mareyage jusque là détenus par les mareyeurs locaux .

Les pêcheurs sont dans cette situation les principaux bénéficiaires de la libéralisation du mareyage qui a permis un élargissement de la demande et partant une augmentation des prix.

Cette augmentation des prix va continuer avec la dévaluation du franc CAF.

Cette pression exercée par les entreprises qui exploitent les ressources halieutiques s'est révélée néfaste sur les mareyeurs parce que ces derniers n'ont pas mis sur pied un mouvement coopératif capable de défendre leurs intérêts dans la profession. Le secteur du mareyage a souffert de l'orgueil de ses membres repliés chacun sur sa fortune personnelle.

C'est parce qu'elle a permis la naissance des fortunes individuelles que des mécanismes de nature corporatiste n'ont pu influer sur son fonctionnement . C'est parce que cette faiblesse structurelle existe qu'une pareille situation a été exploitée par les unité de traitement du poisson.

Sur les principaux centres de pêche de la petite côte, les mareyeurs de Ndayane qui ont encadré la profession ont perdu quasiment tout contrôle sur la production des pirogues de leur localité.

Cette évolution du dispositif commercial par le haut va influencer les relations mareyeur/pêcheur qui sont sous l'empreinte de l'attitude des entreprises de poisson.

b/ Les relations pêcheurs/Mareyeurs

Les relations des pêcheurs et des mareyeurs à Ndayane avaient fonctionné sous le modèle de la parenté. La mobilisation de capitaux que la pêche a permise a fini par ôter tout caractère sentimentale et affectif à ces relations. Les revenus que la pêche procure sont maintenant au coeur des relations entre ces deux agents du marché du poisson.

Le mareyeur est obligé de s'adapter à ce nouveau mode de production où selon les pêcheur

« la parenté est mise entre parenthèse lorsque nous sommes en campagne de pêche ».

Cette restructuration des ces relations a été accélérée par une demande continue qui a pour effet de libéraliser le circuit commercial. L'arrivé en masse sur les plages des «ajoor» a participé à une redéfinissions des liens traditionnels pêcheurs / mareyeurs.

La multiplication des individus exerçant le métier de mareyeur a pour effet d'accélérer la concurrence pour le contrôle de la production.

Il va s'installer non seulement une densification du circuit commercial mais celui-ci va même connaître une modification. En effet avec l'arrivée des ajoor le système du Laaga-laagal va être mis sur pied. Il consiste à acheter les petites espèces laissées sur la pirogue après la pesée des espèces nobles comme la sole pêchée principalement par les Lebu de Ndayane.

Ainsi il existe d'abord le mareyeur traditionnel qui a son pont -bascule et qui dispose de pirogues subventionnées. A côté il y a les laaga-laagal petits commerçants informels sans carte de mareyeur.

L'évolution la plus spectaculaire du dispositif commercial va bouleverser ce schéma en propulsant ces laaga-laagal comme mareyeurs à part entière. Il s'agit d'un bouleversement de la logique commerciale classique. Le formalisme initialement mis sur pied entre mareyeurs et pêcheurs est laissé de coté.

Ces commerçant nouveaux qui envahissent le marché vont mettre sur pied le système traditionnel du laaga-laagal qui consiste à marchander directement avec les pêcheurs. Dans cette situation ces marchants ajoor vont se mettre dans les conditions d'un pêcheur en mettant des tenus qui vont servir à plonger en mer pour accueillir la pirogue avant même qu'elle n'accoste sur le rivage.

Le système du marchandage dit Këdd va aussi prospérer grâce à la détermination de ces nouveaux mareyeurs.

Avec le Këdd, on assiste à une mise à mort du mareyage classique qui consistait à subventionner une pirogue. Le marché est devenu libre avec cette nouvelle donne où seule la mobilisation substantielle de capitaux est déterminante.

La démarche pour disposer de la production de poisson est ainsi bouleversée et l'influence de ce nouveau phénomène traduit plus que jamais la persistance du mode de production commerciale qui est essentiellement dominée par la rationalité économique.

Ainsi de plus en plus certains propriétaires de pirogues préfèrent ce système qu'ils appellent «la vente libre» . Les subventions traditionnellement attribuées aux pêcheurs souffrent de ce système qui en quelque sorte émancipe les pêcheurs de la tutelle des mareyeurs, tutelle qu'ils considèrent comme contraignante.

Le Këdd d'abord conçu comme un phénomène périphérique qui consistait à acheter les miettes des mises à terre (langoustes en petite quantité, yeet etc.), il s'est maintenant imposé comme la seule forme de commercialisation du poisson dans la pêche piroguière à Djifère comme à Joal.

Essentiellement occupé par les ajoor, la commercialisation du poisson échappe de plus en plus aux mareyeurs Lebu qui ont pourtant la tradition de la profession.

La puissance psychologique et la détermination de cette population rurale de l'intérieur ont fini de les hisser comme les premiers mareyeurs de la petite Côte.

Cette intrusion des ajoor dans le milieu de la pêche est très caractéristique de l'évolution du secteur surtout du point de vue de ses structures commerciales. Ceci traduit la vitalité de la pêche qui s'est ouverte à des populations de culture maritime inexistante.

L'éviction des mareyeurs Ndayanois montre dans ce contexte une évolution des structures mentales dans ce milieu où le pêcheur était toujours pris en otage par la volonté affichée du mareyeur de faire des bénéfices. La déstructuration du système commercial traditionnel a donc un effet de libération des pêcheurs. Elle traduit aussi les mutations progressives qui se déroulent à l'intérieur de la pêche pirogière.

Cependant cette libération du pêcheur de la tutelle des mareyeurs traditionnels sous tend en même temps un dysfonctionnement profond qui affecte le circuit commercial. En effet de la clarification des individus étant des mareyeurs véritables, dépend l'avenir du mareyage.

* 1 Bonnardel(R), L'économie de pêche artisanale au Sénégal, op. cit, p 283

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984