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L'administration publique locale face à  la sécurité des personnes et de leurs biens dans la province du Sud Kivu

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par Jean-Luc Malango Kitungano
Université de Kisangani - Graduat en Sciences Politiques et Administratives 2002
  

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SECTION II : DE L'ADMINISTRATION PUBLIQUE DE LA RDC

L'administration publique est une organisation sociale que se donne tout groupe social évolué. Elle est l'instrument de cohésion et de coordination indispensable sans lequel la société s'effrite15(*). Le rôle de l'administration publique, sa structure, son organisation et ses méthodes dépendent de la société dans laquelle elle se trouve insérée d'une part, de l'environnement et de l'évolution historique du milieu social. C'est ce que certains auteurs appellent l'approche écologique de l'administration publique16(*). Pour saisir l'administration, il faut la replacer dans son contexte d'évolution. C'est pourquoi avant d'en étudier la structure et l'organisation, nous parlerons de son historique.

II.1. HISTORIQUE DE L'ADMINISTRATION PUBLIQUE CONGOLAISE

En République Démocratique du Congo, comme ce fut le cas de tous les pays africains qui ont accédé à l'indépendance politique après avoir été soumis au régime colonial, l'administration publique (de type occidental) est une création récente. On ne peut pas dire que l'administration publique est issue d'une longue évolution des institutions, des idées politiques et des comportements sociaux des milieux autochtones17(*). On peut en déduire qu'au départ l'administration publique fut un corps étranger dans le milieu social où on a essayé de l'implanter.

En effet, avant 1885, l'organisation administrative de type européen était inconnu, hormis l'expérience du royaume Kongo au XVème siècle(*). Le 26 février 1885, le traité de Berlin est ratifié. Léopold II avait déjà fondé plusieurs stations sous couvert du C.E.H.C. (Station de Vivi , le 24 septembre 1879, poste d'Isangila, de Manyanga, le 1er mai 1881, poste de Stanley pool à Kintambo, le 1er décembre 1881) avec Stanley comme chef d'expédition.« L'année 1885 est le point de départ de l'organisation politique dans la mesure où après l'officialisation de l'E.I.C., un double gouvernement fut organisé, à savoir le gouvernement central ayant son siège à Bruxelles et le gouvernement local ayant son siège à Vivi »18(*)

L'historien Ndaywel-E-Nziem estime, pour sa part, que l'histoire administrative proprement dite de la République Démocratique du Congo prit corps en 1888 quand le pays connut pour la première fois une structuration interne mise en place pour les impératifs de la nouvelle gestion. C'est par le décret royal du 1er août 1888 que le pays fut divisé en onze districts19(*). Chaque district était administré par un commissaire de district qui était assisté par un ou plusieurs adjoints (Cfr. Bulletin officiel, 1888, p. 247). L'organisation et l'action administratives sont, à cette époque, marquées par l'esprit de conquête. Toutes les institutions administratives devaient concourir à l'exploitation de la colonie. L'administration comptait également sur diverses compagnies à qui elle avait accordé des pouvoirs exorbitants dans le domaine de l'exploitation de la colonie (c'est le cas de l'Anglon-Belgian Indian Rubber...).

L'administration de l'E.I.C. permit l'occupation effective du territoire et la collecte des ressources, spécialement l'ivoire et le caoutchouc, ainsi que d'hommes, pour le nouvel Etat. Mais elle conduisit à des tels abus que la Belgique, sous la pression internationale, dut mettre fin à ce qu'on appela le régime léopoldien en 1908 et transforma l'EIC en colonie belge régie par une hiérarchie de pouvoir clairement définie20(*). Le 15 novembre 1908, la Belgique prenait possession des territoires qui avaient appartenu à l'EIC. Elle choisit comme système d'administration, l'administration directe à travers une forme centralisée, le seul qui - selon Roger DELVAUX - convenait à cette colonie d'exploitation21(*).

La charte coloniale sera pendant toute la période coloniale, la base de l'organisation et de la structure administrative du Congo Belge. Du point de vue administratif, le chapitre troisième relatif à l'exercice des pouvoirs organisait l'administration comme suit 22(*):

1. Au niveau du gouvernement colonial dans la métropole :

L'article 7 accordait au roi belge le pouvoir législatif par voie de décret, sur proposition du ministre des colonies, le pouvoir exécutif lui était également reconnu (Art. 8) et était exercé par voie de règlement et d'arrêtés. L'article 9 précisait qu'aucun acte du Roi ne pouvait avoir d'effet s'il n'était contresigné par un ministre qui, par cela seul, s'en rend responsable.

Le pouvoir exécutif relevait du Roi. Toutefois, un rôle administratif important était dévolu au ministre des colonies. Il assurait la liaison entre le gouvernement de la métropole et celui de la colonie. L'organisation générale de l'administration, la préparation et la présentation des actes législatifs, le budget (proposition, surveillance et exécution), la gestion de la dette publique, du portefeuille destiné à la colonie, entraient dans ses attributions23(*).

2. Au niveau du gouvernement colonial dans la colonie :

A la tête de l'administration se trouvait un haut fonctionnaire nommé par le Roi et qui portait le titre de gouverneur général. Celui-ci était assisté d'un ou de plusieurs vice-gouverneurs généraux (Art.21, charte coloniale). Le gouverneur général exerçait le pouvoir exécutif dans les limites prévues par les lois, décrets et arrêtés royaux.

Le gouverneur général avait la haute direction de tous les services administratifs et militaires établis au Congo belge.

Les différents services administratifs comprenaient :

v Le secrétariat général : il s'occupait de la coordination et de la centralisation des affaires administratives.

v Le gouvernement de province, avec à sa tête un commissaire de province, représentant le gouverneur général.

v Différents services : Secrétariat de province, Agriculture et forêts, Finances et douanes, Affaires économiques, Travaux publics, Conservation des titres fonciers, Hygiène (...)

On rencontrait l'extension de ces services dans les différents districts et territoires.

L'organisation administrative des autochtones était cependant ambiguë : elle était « fondamentalement opportuniste »24(*), selon le professeur Vunduawe-te-Pemako. Celle-ci en effet, était axée sur l'exploitation du territoire occupé. Les collaborateurs indigènes qu'elle voulait trouver parmi les chefs traditionnels devaient être des personnes acquises à sa cause de façon à tenir en laisse la population pour lui faire exécuter avec empressement les ordres de la hiérarchie. Les différentes réformes qui se succédèrent pour la mise en place des institutions administratives basées sur les coutumes locales auront, du moins jusqu'à 1933, parmi leurs principales préoccupations, l'identification du type de « chef » appelé à collaborer avec l'administration coloniale25(*).

L'historien Léon de Saint Moulin conclut pour ce qui est de l'administration coloniale :

« Toute l'administration coloniale malgré la doctrine officielle à certaines périodes fut toujours centralisée et autoritaire. Même en 1959, elle restait prisonnière de l'image qu'elle s'était faite du monde noir, considéré comme un peuple d'enfants auquel il convenait de tout dicter. Elle fut fort marquée par la tradition autoritaire d'avant guerre, cherchant à réaliser le changement technique de la même manière qu'elle avait mis en place les cultures obligatoires. Malgré son efficacité, l'administration coloniale ne pouvait satisfaire les populations qui se révoltèrent contre elle en 1959 et 1960 »26(*)

C'est à une conclusion semblable que le professeur Mpinga Kasenda arrive quand il écrit  qu'au fur et à mesure que s'implantait la colonisation, l'esprit de conquête qui avait caractérisé au départ l'organisation et l'action administrative dans la colonie céda le pas à un souci d'adaptation aux contingences locales. Au service d'une économie extravertie, l'administration coloniale eut pour premier objectif de neutraliser la force oppositionnelle des clans. Ensuite, elle s'attacha au groupement des villages et des chefferies des faibles dimensions, afin de mieux les insérer dans le circuit de l'économie de marché. Dans cette perspective les chefs traditionnels furent transformés en auxiliaires de l'administration coloniale et toutes les institutions administratives furent conçues pour être au service d'une économie étrangère, en érigeant l'efficacité administrative en principe absolu d'organisation. Tout devait se plier aux nécessités administratives, les hommes comme les valeurs qui constituent les fondements de leur société. Ce n'est que vu sous cet angle qu'on peut comprendre la brutalité, la violence et la coercition qui ont caractérisé le système administratif colonial27(*).

L'évolution de l'administration publique s'accéléra avec les événements politiques du 04 janvier 1959 : manifestation dans les rues, émeutes, élections...Dès juillet 1960, une évacuation généralisée des cadres belges de l'administration eut lieu. L'évacuation eut pour effet une véritable désintégration de l'administration locale. Depuis les événements du 04 janvier 1959, le contrôle de l'administration coloniale sur l'évolution de la situation devint de plus en plus relâché et parfois inexistant28(*).

A la suite du départ des cadres administratifs belges, débute le processus de sous-administration29(*). Chacun des niveaux de l'administration publique s'est retrouvé pourvu de titulaires nouveaux, inexpérimentés, isolés des échelons inférieurs ou supérieurs. Ce fut aussi le début d'un phénomène d'atomisation de l'administration locale. Cette atomisation a été particulièrement ressentie à l'échelle locale, ceci d'autant plus que peu de cadres compétents sentaient la vocation de faire régner l'ordre dans les campagnes. Tout au plus, les fonctionnaires responsables des collectivités locales se sont-ils bornés à s'installer le plus confortablement et le plus paisiblement possible dans leurs fonctions nouvelles, se repliant sur eux-mêmes et contribuant ainsi directement à l'isolement des campagnes par rapport aux autorités administratives provinciales et centrales.

Certaines campagnes entrèrent ainsi dans une période de « localisme » dont elles ne sortiront que lorsqu'un courant extérieur (rébellion, expédition militaire, mission d'étude) les traverse, leur apportant un contact fugitif avec les centres de décision du pays30(*).

Dans les grandes lignes, l'héritage de la R.D.Congo en matière d'administration publique est de par la nature de son implantation, de sa structure, de ses méthodes et techniques, un corps étranger dans le milieu social qui lui est resté longtemps hostile. La deuxième République avait également utilisé cet instrument pour installer et légitimer le dictateur au pouvoir. La reprise en main de l'administration publique s'est effectuée, sous le régime Mobutu grâce au Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) , lequel amorça un processus d'hyperpolitisation de l'administration.

De nos jours, les mouvements rebelles successifs, l'AFDL, puis le RCD ont repris les méthodes d'hyperpolitisation conçues par le MPR.

* 15 Debbasch, Op. Cit., p. 1

* 16 Riggs, cité par Debbasch, Ibidem.

* 17 kasenda, M., Op.cit., p. 204

* Le royaume Kongo avait connu une brève structuration administrative d'influence portugaise sous le règne d'Affonso premier qui ne dura que quelques années.

* 18 Birakaheka N., Histoire politique du Congo, FSSAP, G2. SPA, Bukavu, Centre Universitaire de Bukavu, 1999-2000, Cours, inédit.

* 19 Ndaywel-E-Nziem, I., Histoire du Zaïre, de l'héritage ancien à l'âge contemporain, Bruxelles, DUCULOT, 1997, p. 320

* 20 Lire Léon De Saint Moulin, S.J., « l'histoire de l'organisation administrative du Zaïre », in Zaïre-Afrique, n°251, janvier 1992. p. 29.

* 21 Delvaux, R., L'organisation administrative du Congo belge, Anvers, Ed. Zaïre, 1945, p. 320

* 22 Charte coloniale, in Moniteur Belge, du 20 octobre 1908. Cette charte fut votée par la chambre des représentants le 20 août 1908, par le sénat belge, le 09 septembre 1908 et promulguée par l'arrêté royal du 18 octobre 1908 et enfin publié dans le Moniteur belge du 20 Octobre 1908.

* 23 Delvaux, R., idem, p. 31.

* 24 Vunduawe-Te -Pemako, La décentralisation des responsabilité au Zaïre, pourquoi et comment ? I. l'administration locale du Zaïre de 1885à 1982, in Zaïre-Afrique, n°165, p. 261.

* 25 Isango-Idi-Wanzila, « La présence des chefs coutumiers dans l'administration territoriale au Zaïre, quelle opportunité ? » in Zaïre-Afrique, n°265 (1992), pp. 151-152.

* 26 Léon De Saint Moulin, Op.Cit., p.48.

* 27 Mpinga Kasenda, Op. Cit., pp. 204-206

* 28 Mpinga Kasenda, Ibidem, p. 19.

* 29 La sous administration désigne, selon Jean Otemikongo, la mauvaise administration, le manque d'administration, lesquels se manifestent par une implantation partielle des services administratifs sur un territoire donné. (Séminaire de pratiques administratives, FSSAP, C.U.B. - Bukavu, G3 SPA, 2000-2001, Inédit.)

* 30 Vanderlinden, J. , (Dir.) Du Congo au Zaïre 1960-1980, Essai de bilan, Bruxelles, CRISP, 1981, p. 78.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius