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L'encadrement juridique des risques biotechnologiques

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par Faiza Tellissi
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de tunis - Mastère en Droit 2002
  

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§2 L'identification et l'étiquetage des OVM

C'est une des questions qui a failli faire échouer les négociations de Montréal.

La confrontation entre les pays exportateurs et importateurs, porte sur les OVM choisis sur la base de leur méthode de production, ou plus précisément de la technologie appliquée, en raison d'effets liés à cette méthode et potentiellement défavorables pour la diversité biologique.

Bien que le Protocole soit essentiellement un accord environnementale multilatéral (AEM), il tient compte également de la protection de la santé publique, ce qui complique encore plus la discussion.

En effet, l'opposition entre les Etats Unis et la Communauté européenne concernant la question de la nécessité d'un étiquetage des aliments génétiquement modifiés est très vive (A), et a en grande partie influencé les négociations ainsi que le contenu du Protocole biosécurité (B)

A : Les approches différentes des Etats Unis et de la

Communauté européenne

Dans la politique d'étiquetage des aliments génétiquement modifiés des Etats Unis et de la Communauté européenne, nous sommes en présence de deux éléments différends64(*).

Tout d'abord, l'approche américaine s'attache au produit final, alors que pour la Communauté européenne, le régime d'étiquetage est fondé sur la méthode de production.

En effet, la réglementation américaine sur l'autorisation des aliments génétiquement modifiés se concentre sur les caractéristiques objectives de l'aliment, et ne considère pas les aliments génétiquement modifiés comme une catégorie séparée du seul fait de la différence de leur méthode de production.

Ainsi, les aliments résultants de la modification génétique ayant les mêmes caractéristiques objectives que les aliments équivalents classiques, ne sont pas soumis à autorisation si ces caractéristiques objectives ne comportent pas de risques sur la santé publique. L'approche américaine s'attache de ce fait au produit final. Sa politique d'étiquetage part du principe que l'étiquetage ne doit être ni mensonger, ni faux.

En ce qui concerne les méthodes de production de la biotechnologie moderne elles mêmes, les américains ne les considèrent pas comme pouvant présenter des risques différends ou additionnels.

Par contre, les règles d'étiquetage européennes ont été fondées dés le départ, sur une approche portant sur la méthode de production65(*). D'ailleurs le Règlement 258/9766(*) le prouve en posant des conditions se concentrant davantage sur la méthode de production que sur le produit lui-même. Ce règlement pose des critères de l'équivalence afin de déterminer si le produit doit être étiqueté. Ainsi, est considéré comme non équivalent, un aliment ayant des caractéristiques différentes de celles de l'aliment classique. La détection d'ADN est suffisante pour démontrer que le nouvel aliment n'est pas l'équivalent de l'aliment classique et implique de ce fait l'étiquetage.

L'adoption du Règlement 1139/98 sur l'étiquetage du soja et du mais génétiquement modifié67(*), confirme ce choix puisque l'étiquetage de tous ces produits, à l'exception de ceux dans lesquels aucune trace d'ADN, ni aucune protéine modifiée ne peut être détectée, est exigée.

En outre, un seuil minimum d'OGM dans les aliments a été établi. Ainsi, lorsque les aliments contiennent un taux d'OGM inférieur à ce seuil, l'étiquetage n'est pas exigé.

Les récentes propositions concernant l'établissement de deux règlements visent à élargir la portée des obligations d'étiquetage68(*). Leur adoption conduira à se concentrer sur la méthode de production puisqu'on exigera non seulement l'étiquetage des nouveaux aliments dans lesquels de l'ADN ou une protéine modifiée aura été détectée, mais de tout nouvel aliment même si l'ADN ou la protéine modifié ne peuvent plus être détectée.

L'objectif est différent dans les deux cas, puisque la proposition portant sur la traçabilité des nouveaux aliments vise à créer une sorte de filet de sécurité pour protéger la santé publique et l'environnement, alors que la proposition portant sur les nouveaux aliments envisage de répondre à la demande des consommateurs qui désirent disposer d'un étiquetage garantissant la liberté de choix individuel69(*).

L'autre élément qui diffère dans la politique d'étiquetage concerne l'importance donnée à l'information du consommateur70(*).

Ainsi, aux Etats Unis, la nécessité de l'information des consommateurs ne justifie pas l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés. En effet, les règles d'étiquetage américaines se concentrent sur les risques pour la santé publique que comportent les ingrédients contenus dans ces aliments. Pour justifier un étiquetage obligatoire, l'information du consommateur n'est pas considérée en soi comme suffisante et ce malgré qu'il y ait eu de nombreuses manifestations de consommateurs américains en faveur de l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés.

Pour les américains, l'étiquetage des aliments et ingrédients résultant d'une modification génétique, dont les caractéristiques ne sont pas différentes de leurs homologues traditionnels, désorienterait le consommateur au lieu de les informer et augmenterait le prix de ces produits.

En revanche, pour la Communauté européenne, la nécessité de l'information du consommateur constitue l'un des buts principaux de l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés. Lors des premières décennies de l'établissement du marché commun, les questions relatives à la sécurité alimentaire passaient au second plan par rapport au principe de libre circulation des marchandises. Or depuis les différentes crises des années quatre vingt dix, notamment la crise de l'ESB, la Communauté européenne a du prendre en considération le rejet des OGM par les citoyens et consommateurs européens.

L'étiquetage s'est révélé être une réponse à l'inquiétude des consommateurs et un moyen de rétablir leur confiance. D'ailleurs c'est suite à la crise de l'ESB que le Règlement 258/97 a été adopté, ce qui n'est pas sans conséquences sur son contenu. L'article 8 du règlement définissant les règles d'étiquetage, vise à assurer une information appropriée et adéquate des consommateurs.

Cependant, cette disposition a été critiquée par un certain nombre de consommateurs en raison du nombre restreint de produits alimentaires comportant des OGM couverts par ces obligations. De plus la formule «peut contenir» introduite par le Règlement 258/97 pour les expéditions en vrac a été jugée insuffisante pour ces derniers.

Toutefois le Règlement 1139/98 exige un étiquetage plus explicite tel que «produit de mais/ soja génétiquement modifié» au cas ou la protéine ou l'ADN modifiés pourraient être détectés, et la possibilité d'utiliser la formule «peut contenir» n'y figure plus.

En outre, la proposition d'un nouveau Règlement en matière de denrées alimentaires génétiquement modifiés, se concentre totalement sur les besoins d'information des consommateurs. Celle-ci va bien plus loin que les autres règlements puisqu'il prend en considération non seulement les questions de sécurité alimentaire, mais également les questions morales ou religieuses liées à cette nouvelle technologie.

Ainsi, pour l'Union Européenne, l'étiquetage figure parmi ses objectifs et se justifie parce qu'il est nécessaire de veiller à ce que le consommateur final soit informé de toutes les caractéristiques d'un aliment, faisant que cet aliment ou ingrédient alimentaire n'est plus équivalent à un aliment ou ingrédient alimentaire existant.

B : Le compromis du Protocole sur la biosécurité

Après avoir accepté d'inclure la protection de la santé humaine dans l'objectif du Protocole et d'exclure les OVM destinés, soit à l'alimentation humaine ou animale, soit à être transformé, de la procédure de l'APCC, restait à régler la question relative à l'étiquetage.

En effet, une polémique existait autour du régime d'identification des OVM destinés à l'alimentation humaine ou animale ou voués à être transformés. Ce sujet a fortement prêté à controverse surtout pendant la phase finale des négociations sur l'adoption du Protocole.

Ceci n'est pas surprenant, surtout si l'on sait que cette catégorie d'OVM représente plus de 90% du commerce international de tous les OVM.

Lors des négociations, les Etats Unis voulaient d'emblée exclure ces produits du champ du Protocole et des obligations d'étiquetage en arguant que ces produits ne présentaient aucun risque pour la diversité biologique.

Les divergences de différends groupes en présence, lors des négociations du Protocole, concernaient la nécessité d'insérer une disposition spécifique relative à l'étiquetage des OVM.

En effet, le Groupe de Miami jugeait la généralisation de l'étiquetage de ces produits inutile. Leur argument est que s'ils recevaient une autorisation de mise sur le marché, ils sont sans danger et trop coûteux. Jusqu'à la fin des négociations, le Groupe de Miami s'est battu pour éviter la séparation des OVM et leur étiquetage.

Par contre, l'Union européenne et le Groupe des 77 (la majorité des pays en développement) ont fermement maintenus la position inverse à savoir que des informations détaillées sont nécessaires pour garantir le libre choix des consommateurs. En plus de s'être fondés sur la nécessaire liberté de choix, les européens se sont appuyés sur des exigences de sécurité sanitaire et environnementale. Les européens ont ainsi fait de l'étiquetage leur cheval de bataille.

Finalement, en forme de compromis, le Protocole prévoit que les OVM destinés à être utilisés directement pour l'alimentation humaine ou animale ou à être transformés doivent être étiquetés «peuvent contenir des OVM». Bien entendu, cette formule laisse la possibilité de donner plus d'informations, mais le Protocole ne contient aucune obligation de préciser la nature des produits, ni d'en garantir la présence ou non.

Cependant, les difficultés ont été remises à plus tard, dans la mesure où le Protocole laisse deux années à la Conférence des Parties, après l'entrée en vigueur du Protocole, pour décider ultérieurement d'exigences plus détaillées pour l'identification des OVM71(*).

Ainsi, concernant le régime d'identification, le texte de l'article 18(2) sépare les OVM en trois catégories selon l'utilisation finale.

Les OVM destinés à être utilisés directement pour l'alimentation humaine ou animale ou à être transformés. Ce point a été extrêmement controversé lors des étapes finales de la négociation du Protocole.

Lors des négociations, certains pays craignaient que l'imposition de conditions strictes d'identification pour les mouvements transfrontière de ce type d'OVM n'entraîne des obligations coûteuses de séparation ou de préservation de l'identité des marchandises.

L'article 18(2) évite ce sujet, tout au moins temporairement, en disposant que les mouvements transfrontières de ce type d'OVM doivent être accompagnés d'une documentation indiquant qu'ils «peuvent contenir» des OVM. Les coordonnées d'une personne pouvant fournir des informations complémentaires doivent être indiquées. La documentation doit également mentionner que les OVM ne sont pas destinés à une introduction intentionnelle dans l'environnement. D'autres conditions d'identifications plus précises feront l'objet d'une décision de la réunion des Parties dans un délai de deux ans après l'entrée en vigueur du Protocole72(*).

Les OVM destinés à être utilisés en milieu confiné. Le Protocole est un peu plus précis pour cette catégorie d'OVM, ces derniers doivent être clairement identifiés; les règles de sécurité à observer pour la manipulation, le transport, le stockage et l'utilisation doivent de même être précisés. De plus la documentation accompagnant cette catégorie d'OVM doit indiquer les coordonnées d'une personne de contact pour des informations complémentaires, ainsi que le nom et l'adresse de la personne et de l'institution à laquelle les OVM sont expédiés.

Les OVM destinés à être introduits intentionnellement dans l'environnement de la partie importatrice. C'est pour cette catégorie d'OVM que les obligations sont plus contraignantes. Ces derniers doivent en effet, être clairement identifiés.

De plus, leur identité doit être spécifiée, tout comme leurs «traits et caractéristiques pertinents», ainsi que les règles de sécurité à observer pour la manipulation, l'entreposage, le transport et l'utilisation de ces OVM. Toutefois, nous ne trouvons aucune indication dans le Protocole relative au seuil à partir duquel un lot de semence subit cette contrainte.

En outre, l'article 18(2 (a)) impose l'étiquetage obligatoire aux exportateurs, Partis au Protocole. La portée des conditions d'identification couvre uniquement le mouvement transfrontière des OVM destinés soit à l'alimentation humaine ou animale soit à être transformés et ne règle pas les questions des mesures nationales d'étiquetage appliquées aux produits après leur importation. De ce fait, les Parties importatrices maintiennent le droit d'adopter des mesures nationales.

Or, l'article 18(2 (a)) combiné avec d'autres dispositions du Protocole, montre clairement que l'adoption de mesures nationales plus restrictives est permise.

Par exemple, l'article 2(4) accorde explicitement ce droit d'adopter des mesures plus restrictives à condition qu'elles soient conformes à l'objectif du Protocole et en accord avec les obligations imposées par le droit international. Ces mesures nationales d'étiquetage plus restrictives, en particulier si elles sont imposées par une Partie importatrice, peuvent conduire à l'obligation de facto de séparer les OVM73(*).

De plus, les obligations d'étiquetage ne sont pas limitées au premier mouvement transfrontière intentionnel des OVM destinés à l'alimentation humaine ou animale ou voués à être transformés. Elles s'appliquent aussi aux mouvements transfrontières ultérieurs.

* 64.Matthee (MD), «L'identification et l'étiquetage des OGM: la démocratie existe-elle sur le marché international des aliments génétiquement modifiés?», in Le commerce international des organismes génétiquement modifiés, op. cit, p 99.

* 65Hermitte (M A), Noiville (C), «La dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement une première application du principe de prudence», RJE, n°3, 1993.

* 66Règlement (CE) n°258/97 du parlement européen et du conseil du27 janvier 1997 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires; JO n° L043 du 14/02/1997.

* 67Règlement (CE) n°1139/98 du Conseil du 26 mai 1998 concernant la mention obligatoire, dans l'étiquetage de certaines denrées alimentaires produites à partir d'organismes génétiquement modifié, d'informations autres que celles prévues par la directive 79/112/CEE, JOCE L 94, 9 avril 1999, p27.

* 68 Proposition du Parlement européen et du Conseil concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés, COM/2001/425 final, et proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la traçabilité et l'étiquetage des OGM et la traçabilité des produits destinés à l'alimentation humaine ou animale produits à partir d'organismes génétiquement modifiés, modifiant la directive 2001/18/CE, COM/2001/425 final.

* 69.Matthee (MD), «L'identification et l'étiquetage des OGM: la démocratie existe-elle sur le marché international des aliments génétiquement modifiés?», op cit p99.

* 70Ibid, p102.

* 71 Article 18 du Protocole.

* 72 Des travaux sont en cours afin de mettre au point un système d'identifiants uniques qui s'appliquerait à chaque modification génétique. L'identifiant unique revêtirait la forme d'un code fournissant un lien vers une base de données comportant toutes les informations sur la modification spécifique à laquelle se rapporte l'identifiant. Lorsque ce système aura été mis au point, il contribuera à l'identification et au suivi des ces OVM

* 73Matthee (MD), «L'identification et l'étiquetage des OGM: la démocratie existe-elle sur le marché international des aliments génétiquement modifiés?», op. cit. p108.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway