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Les droits des agriculteurs et le marché mondial des gènes

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par Monia BRAHAM epse YOUSSFI
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis II - DEA en Droit de l'Environnement 2006
  

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La consécration des droits des agriculteurs

dans le cadre de la souveraineté

L'exercice de droits souverains sur le territoire d'un Etat, et notamment sur les ressources naturelles est un principe constant de Droit international264(*). Le principe de la souveraineté sur les ressources biologiques constitue une application du principe de la souveraineté des Etats sur les ressources naturelles265(*) qui « signifie que l'Etat a le pouvoir et la compétence pour décider comment les ressources et les biens (corporels et incorporels) présents sur son territoire sont répartis, utilisés et éventuellement assujettis à des droits de propriété »266(*).

Cette compétence se matérialise à travers la capacité d'édiction des règles juridiques encadrant les droits sur les RPG, elle relèvent de deux ordres: « Sur le plan interne, l'Etat est compétent pour organiser comme il l'entend son système économique et social, néanmoins, l'Etat peut être lié par des obligations de l'ordre international dans l'exercice de ces compétences »267(*).

En effet, l'engagement des pays membres de l'OMC en vertu de l'AADPIC s'insère dans le cadre de ces obligations édictées par l'ordre juridique international, certains auteurs avancent par contre l'idée que « les droits reconnus aux innovateurs privés (généralement ressortissants des pays du Nord) en vertu de l'accord ADPIC entrent en conflit avec les droits souverains que les Etats territorialement compétents ont de disposer librement de leurs ressources génétiques... La liberté que l'Etat est supposée avoir de permettre ou non de manière souveraine l'accès à ces ressources est compromise par son obligation inconditionnelle d'appliquer l'ADPIC »268(*).

L'encadrement juridique des "droits des agriculteurs" par la loi nationale est considéré comme un correctif nécessaire à la généralisation des droits privatifs sur le vivant et traduit des préoccupations qui relèvent à la fois de la protection de la biodiversité et de la promotion des économies rurales et devrait refléter la synergie entre commerce, environnement et agriculture conformément au TIRPGAA.

L'article 9-2 du TIRPGAA prévoit à cet effet que : « Les parties contractantes conviennent que la responsabilité de la réalisation des droits des agriculteurs, pour ce qui est des ressources phyto-génétiques pour l'alimentation et l'agriculture est du ressort des gouvernements. En fonction de ses besoins et priorités, chaque partie contractante devrait, selon qu'il convient et sous réserve de la législation nationale, prendre des mesures pour protéger et promouvoir les droits des agriculteurs ».

Conformément à cet article, la réglementation des droits des agriculteurs relève d'un pouvoir discrétionnaire de l'Etat qui décidera de l'opportunité d'exercer sa capacité d'édiction des règles juridiques pour « la protection et la promotion des droits des agriculteurs ». Dans l'exercice de cette compétence, l'Etat devrait non seulement juger prioritaire l'encadrement des droits des agriculteurs mais respecter impérativement sa législation nationale portant sur la matière269(*).

La réglementation des droits des agriculteurs traduisent deux préoccupations différentes et même contradictoires: La première relève du Droit de l'environnement et s'insère dans le cadre des engagements internationaux portant sur la diversité biologique, la seconde relève par contre de l'impératif d'intégrer le système de commerce international en vertu de l'accord ADPIC.

La protection de la biodiversité a été déclarée par le préambule de la Convention sur la Diversité Biologique comme une préoccupation commune de l'humanité, l'obligation de sa conservation incombe à l'Etat : « les Etats sont responsables de la conservation de leur diversité biologique »270(*), en tant qu' « obligation de résultat, il ne suffit pas de mettre tous les moyens en oeuvre, il faut que la dégradation de la biodiversité baisse substantiellement et même si possible que les espèces se régénèrent »271(*).

Lors des négociations de la convention sur la diversité biologique, la volonté d'établir des mécanismes internationaux272(*) a été rejeté au profit de l'action nationale, les PED ont soutenu l'idée que l'efficacité de la protection dépend du niveau national et local « c'est au niveau local que la biodiversité peut être réellement gérée et les Etats étaient plus enclin à adhérer à des priorités nationales que des priorités plus générales »273(*)

S'agissant des RPGAA, le TIRPGAA est parfaitement articulé à la CDB, la conservation de ces ressources in situ se présente comme une préoccupation nationale qui devrait être au centre des politiques agricoles nationales (§1).

Paradoxalement, la reconnaissance du concept des "droits des agriculteurs" qui suppose sa consécration dans la sphère nationale vise sur le plan purement juridique à instituer un droit à la semence de ferme mais "selon qu'il convient"; Ainsi, les droits des agriculteurs semblent plutôt se superposer avec le privilège du fermier, ainsi la réalisation des droits des agriculteurs s'insèrent dans le cadre de la globalisation économique et l'harmonisation des législations nationales portant sur la protection juridique des variétés végétales(§2).

Seulement l'article 9-3 du TIRPGAA qui prévoit que «rien dans cet article ne devra être interprété comme limitant les droits que peuvent avoir les agriculteurs d'utiliser, d'échanger et de vendre les semences de ferme ou du matériel de multiplication, sous réserve des dispositions de la législation nationale et selon qu'il convient »  peut être interprété dans le sens d'un droit à la semence de ferme au delà du privilège du fermier.

* 264 S'agissant du principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles, trois résolutions déclarent le principe de souveraineté sur les ressources naturelles : Résolution 523/VI de 1952 qui affirme le droit des Etats à disposer librement de leurs richesses naturelles, confortée par la résolution 626/VII qui réitère le droit des peuples à utiliser et exploiter librement leurs richesses naturelles, puis la résolution 1803 du 14/12/1962 portant sur la souveraineté permanente sur les ressources naturelles, ainsi le droit de souveraineté des peuples et des nations sur leurs ressources naturelles doit s'exercer dans l'intérêt du développement national et du bien être de la population de l'Etat concerné.

La charte des droits et des devoirs économiques des Etats de 1976 affirme dans son article 2§1 que chaque Etat détient et exerce librement une souveraineté entière et permanente sur toutes ses richesses, ressources naturelles et activités économiques, y compris la possession et le droit de les utiliser et d'en disposer.

* 265 Cette reconnaissance découle également du principe 21 de la déclaration de Stockholm de 1972 qui posait le principe du « droit souverain des Etats d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement conformément à la charte des nations unies et aux principes de Droit international »,

* 266 Droits souverains et de propriété sur les ressources phyto-génétiques. Etude de fond n° 2 pour la préparation du Traité international sur les ressources phyto-génétiques pour l'alimentation et l'agriculture. Carlos M. Corrrea. Première session extraordinaire de la commission des ressources phyto-génétiques. Rome 7-11 Novembre 1994, P 2.

* 267 A. Stachivi (Francis Amakoué), op cit, P 75.

* 268 Abou Abass «  la position des pays africains sur la brevetabilité du vivant », article précité, P 312.

* 269 On peut penser sur la base de cette disposition à la superposition entre droits des agriculteurs et le privilège du fermier, la loi nationale visée par l'article 9-2 porte selon cette interprétation sur les droits des obtenteurs.

* 270 Préambule de la convention sur la diversité biologique, également les articles 6, 8 et 10 de cette convention sur la conservation et l'utilisation durable des ressources biologiques nationales, l'Etat est seulement tenu conformément à l'article 3 de la CDB « ... de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des régions ne relevant d'aucune juridiction nationale ».

* 271 Fritz Legendre (Miryam), La protection de biodiversité en Droit International et en Droit Comparé, vers le renforcement de la dimension préventive du Droit International de L'Environnement, thèse précitée, P 101.

* 272 Perçus par les pays en développement comme une tentative des pays occidentaux d'influencer, voire de dicter l'action sur les ressources biologiques placées sous la juridiction des pays du sud. Exemple de ces mécanismes : Les listes globales de protection.

* 273 Fritz Legendre (Miryam), thèse précitée, P 107.

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