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L'identification de l'acte de contrefaçon de marque en Tunisie

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par Kaïs Berrjab
Faculté des Sciences Juridiques, Ploitiques et Sociales de Tunis - DEA en Sciences Juridiques Fondamentales 2004
  

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Section 5 : Le délit d'importation ou d'exportation de
marchandises présentées sous une marque contrefaite

La répression de l'importation ou de l'exportation de marchandises revêtues d'une marque contrefaite fait l'objet de l'article 51 de la loi n°36-2001, la prohibition est formulée comme suit : « Sous réserves des peines prévues par des textes spéciaux, sera puni d'une amende de 5000 à 50 000 dinars quiconque aura :

b) importé ou exporté des marchandises présentées sous une marque contrefaite ».

Si l'on se réfère à la définition littérale de l'acte de contrefaçon au sens de l'article 44 tout en gardant sous les yeux l'énumération stricte de ces actes en tant qu'interdictions à la charge des tiers au sens des articles 22 et 23 de la loi n°36-2001 du 17 avril 2001, on finira par admettre que le législateur tunisien a délibérément choisi d'incriminer les actes d'importation et d'exportation de produits revêtus d'une marque contrefaite sans pour autant les qualifier expressément d'actes de contrefaçon malgré qu'ils soient passibles des mêmes peines prévues pour n'importe quel acte de contrefaçon au sens de la loi n°36-2001.

Cette distinction semble artificielle car il n'y a aucune différence de nature entre ces actes et n'importe quel acte de contrefaçon impliquant un usage illicite d'une marque enregistrée. En effet, on est en droit de soutenir que l'acte d'importer ou d'exporter des marchandises revêtues d'une marque contrefaite constitue, selon le cas, un cas particulier du délit d'usage d'une marque reproduite au sens de l'article 22 ou encore reproduite ou imitée au sens de l'article 23.

La délictualisation de l'importation et de l'exportation de produits revêtus d'une marque contrefaite est une mesure de nature à consolider l'arsenal juridique protecteur des marques, elle permet aux titulaires des droits de s'opposer à la mise en circulation et à l'exportation de marchandises revêtues illicitement de leurs marques, c'est aussi l'ultime chance de poursuivre des actes de contrefaçon, jusque là non aperçus, qui impliquent au moins la commission des délits de reproduction et d'apposition. Cette prohibition permet en outre de poursuivre, dès l'entrée de ces marchandises en Tunisie, des actes de contrefaçon consommés à l'étranger.

Par ailleurs, on note que l'interception aux frontières des marchandises revêtues d'une marque contrefaite est rendue commode grâce à l'agencement, au sens de l'article 56 de la loi n°36-2001, de mesures à la frontière 1 tendant à suspendre, lors d'une opération d'importation, le dédouanement des marchandises revêtues de marques contrefaites à fin de prévenir leur intrusion dans les circuits du commerce légitime.

Le fait d'importer ou d'exporter des marchandises présentées sous une marque contrefaite constitue une violation manifeste des interdictions qui découlent de l'enregistrement de la marque. Cet enregistrement, confère, au sens de l'article 21 de la loi n°36-2001, à son titulaire un droit privatif de propriété sur la marque pour les produits et services qu'il a désignés lors du dépôt. Ce droit exclusif est foncièrement incompatible avec toute mise en circulation de produits portant une marque contrefaisante, il bénéficie par ailleurs d'une efficacité et d'une opposabilité qui s'étendent sur tout le territoire national qui reconnaît le droit sur la marque en question.

1 Conformément à ses engagements internationaux en vertu de l'article 51 de l'accord sur les ADPIC, le législateur tunisien a prévu dans le chapitre VII de la loi n°36-2001 des mesures à la frontière tendant à suspendre le dédouanement des marchandises revêtues de marques contrefaites. Ces mesures ne sont applicables qu'aux marchandises importées.

En conséquence, l'incrimination des actes d'importation ou d'exportation se révèle comme l'expression géographique par excellence des prohibitions qui découlent de l'enregistrement de la marque. Ainsi se dégage la règle selon laquelle importer ou exporter c'est encore contrefaire.

Aux fins de l'incrimination des actes d'importation ou d'exportation, il n'est point exigé dans l'article 51 de la loi du 17 avril 2001 que ces actes doivent avoir été commis délibérément ou frauduleusement, ce sont donc des délits d'imprudence punissables du seul fait de la consommation des actes d'importation ou d'exportation ayant pour objet de telles marchandises.

Selon la lettre de l'article 51 de la loi du 17 avril 2001, la prohibition se limite aux marchandises 1 à l'exclusion des services. Le législateur n'a pas défini aux fins de l'appréciation du délit d'importation ou d'exportation ce que l'on doit entendre par « marchandises » présentées sous une marque contrefaite, s'agit-il des marchandises à caractère commercial ou simplement de marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs ?

A notre sens, le délit doit être retenu chaque fois qu'il s'agit de marchandises à caractère commercial, la question qui se pose à ce stade est celle de savoir si l'incrimination porte sur toutes les marchandises situées dans le territoire tunisien sous n'importe quel régime douanier ?

En droit français,2 depuis la mise en oeuvre de la loi dite LONGUET du 5 février 1994, la contrefaçon de marque est érigée en délit douanier. Ainsi, l'importation sous tous régimes douaniers et l'exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaite sont interdites à titre absolu, cette prohibition concerne aussi les marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs. De même, « la circulation sur le territoire français, fût-ce sous le régime du transit, de la marchandise contrefaisante constitue une atteinte au droit du propriétaire de la marque et doit être réprimée quel que soit le régime qui lui est applicable » .3

Bien entendu, le droit tunisien dans son état actuel ne reconnaît pas une protection aussi rigoureuse des droits sur la marque, ceci étant, rien n'empêche d'appliquer l'article 51 de la loi n°36-200 1 à toute sorte de marchandises revêtues d'une marque contrefaite à l'exception de celles contenues dans les bagages personnels des voyageurs dans les limites réglementaires fixées pour l'octroi d'une franchise douanière et ne présentant pas un caractère commercial conformément à l'article 64 relatif à la limitation du champ d'application des mesures à la frontière.

La mise en oeuvre de la prohibition posée par l'article 51 de la loi des marques ne semble pas en contradiction avec les impératifs régissant les différents régimes douaniers d'admission des marchandises en territoire tunisien car ces régimes n'ont pas pour effet de situer fictivement le délit à l'étranger, ils jouent seulement en vue de l'application d'un régime fiscal privilégié ou incitatif.

1 Le législateur tunisien semble adopter la terminologie employée dans l'article 51 de l'accord sur les ADPIC qui utilise le terme marchandises au lieu de produits. Le terme marchandises est défini dans la note explicative n°14 relative à l'article 51 ADPIC comme suit : « Aux fins du présent accord : a) l'expression «marchandises de marque contrefaites» s'entend de toutes les marchandises, y compris leur emballage, portant sans autorisation une marque de fabrique ou de commerce qui est identique à la marque de fabrique ou de commerce valablement enregistrée pour les dites marchandises, ou qui ne peut être distinguée dans ces aspects essentiels de cette marque de fabrique ou de commerce, et qui de ce fait porte atteinte aux droits du titulaire de la marque en question en vertu de la législation du pays d'importation ».

2 DERRAC (M) : « Les nouveaux pouvoirs des douaniers et le règlement communautaire du 22 décembre 1994 » GAZ. PAL du 13 juin 1996. N°3. p. 590 ; Sur la réglementation européenne relative aux pouvoirs douaniers en matière de lutte anticontrefaçon, voir ARNAUD (E) : « Sur le règlement du conseil du 25 janvier 1999.. » Gaz. Pal du 14 avril 2000. N°2. p. 674. Voir également la nouvelle directive du 26 avril 2004, contre la contrefaçon et le piratage, disponible sur : www.europa.eu.

3 CA, Toulouse, Arrêt n°86 du 26 janvier 1993. publié sur l'adresse : http://www.ca-toulouse.justice.fr

Dans cette optique, il semble utile de rappeler que l'article 116 du code des douanes exclu de l'admission sur le territoire tunisien sous le régime de transit, « les marchandises portant de fausses marques d'origine tunisienne ou d'un pays en union douanière avec la Tunisie ».

De même, sont inadmissibles, au sens de l'article 128 du code des douanes, à n'importe quel titre et dans les tous les types d'entrepôts de douanes « les produits étrangers portant de fausses marques de fabrique tunisiennes ou d'un pays en union douanière avec la Tunisie ».

Sur la base de telles dispositions, on doit pouvoir admettre que ce type de marchandises n'est admis ni au dédouanement à l'importation ni à fortiori à la mise en circulation sur le territoire tunisien. La constatation du délit d'importation ou d'exportation présente une complexité particulière car elle est souvent combinée à la mise en oeuvre de la législation douanière.

S'agissant de la matérialité du délit, on doit admettre qu'il y a importation de marchandises présentées sous une marque contrefaite chaque fois que ces marchandises se situent sur le territoire tunisien et tant qu'elles n'ont pas été soumises au dédouanement car une fois qu'elles sont mises en circulation, le délit d'importation cesse d'exister.1

Quant à l'acte de l'exportation, il devra être retenu dès la présentation, au bureau des douanes concerné, de la déclaration en détail concernant ces marchandises conformément aux articles 72 et 73 du code des douanes. La présentation de la dite déclaration déclenche l'opération de l'exportation et prouve indubitablement l'intention et l'acte matériel de l'exportation.

Ce qui importe c'est l'existence d'un fait matériel permettant de conclure à la consommation de l'exportation, la chose a été jugée au pénal par la chambre correctionnelle du Tribunal de Première Instance de Bizerte.2 En l'espèce, la marque ASTRAL a été reproduite et apposée sur des pots en aluminium destinés à être rempli par des produits de peintures ne provenant pas de la société ASTRAL, ces marchandises étaient destinées à être exportées en Libye sur la demande d'un importateur libyen, le tribunal n'a pas retenu le délit d'exportation car « le délit d'exportation de marchandises revêtues d'une marque contrefaite n'est pas fondé en fait comme en droit du moment qu'il n'y a pas eu exportation des pots revêtus de la marque contrefaite à n'importe quelle destination hors des frontières ».

En définitive, il semble opportun de considérer le délit comme constitué même concernant les petits envois et les colis car les contrefacteurs font de plus en plus recours à cette pratique afin de ne pas attirer l'attention des détenteurs des droits et pour éviter les contrôles douaniers rigoureux relatifs aux conteneurs et aux grandes cargaisons. Il convient aussi de souligner que le délit de l'article 51 (b) doit pouvoir s'appliquer aussi bien pour les opérations régulières d'importation ou d'exportation que pour celles qui impliquent un trafic occulte de contrebande.

A travers l'étude de tous ces actes de contrefaçon prévus dans l'article 22 et 51 (b) de la loi n°36-2001, la protection de la marque semble rigoureuse en raison de l'atteinte directe à la marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'acte d'enregistrement, cette rigueur garde son intensité même dans le cas où l'atteinte en question toucherait la marque pour des objets non pas identiques mais seulement similaires à ceux qu'elle couvre mais dans ce cas un risque de confusion dans l'esprit du public doit être constaté afin de retenir la contrefaçon.

1 Toutefois, la mise en circulation de telles marchandises en Tunisie peut tomber sous le coup de la contrefaçon selon qu'il s'agit d'un usage au sens de l'article 22 de la loi n°36-2001 ou d'un cas spécifique d'usage au sens de l'article 52.

2 TPI, Bizerte, correctionnel n°6206 du 22 avril 2003. Affaire : ASTRAL c/ SUPER PANDA ASTRAL Voir annexe n°8.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand