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Décentralisation et coopération décentralisée au Bénin: Vers la légitimation des espaceds publics locaux pour le developpement des collectivités locales

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par cassius jean SOSSOU BIADJA
Université de Genève Institut Universitaire d'Etudes en Développement - DEA 2004
  

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Introduction

Au cours des dernières années plusieurs États africains dont le Bénin ont initié les processus de décentralisation politique et administrative visant à rapprocher le développement des citoyens. L'objectif étant de mettre en place, dans les programmes et stratégies de développement des pays les conditions nécessaires pour un développement global et durable. Avec l'amorce du processus de démocratisation, s'est imposée à la classe politique béninoise, la nécessité de décentraliser l'administration du pays. En effet, c'est avec la Conférence Nationale des Forces Vives de février 1990 qu'a été formulée la recommandation d'instituer des réformes de l'Administration Territoriale. Celles-ci se sont traduites dans la pratique par la mise en place non seulement des institutions et des structures préparatoires du processus mais aussi des instruments juridiques devant consacrer l'assise des futures entités territoriales décentralisées.

Le Bénin tout comme la plupart des pays africains s'est donc inscrit dans la dynamique des stratégies de bonne gouvernance et de lutte contre la pauvreté à travers la mise en oeuvre du processus de décentralisation. En effet, la question se pose aujourd'hui de savoir quelles sont les enjeux que représente pour les nouvelles collectivités territoriales décentralisées béninoises la décentralisation, dans le contexte de l'aide au développement et plus précisément de la coopération décentralisée?

Pour mieux cerner ces enjeux, il importe de définir la relation qui existe entre les notions de décentralisation de pauvreté et de coopération décentralisée, lesquelles nous permettraient de relativiser l'apport de la décentralisation dans l'effort de lutte contre la pauvreté pour le développement et le rôle qu'est sensé jouer la coopération décentralisée dans ce contexte.

Existe t-il un lien entre le concept de la décentralisation et les principes de bonne gouvernance locale et de lutte contre la pauvreté?

En effet, la décentralisation d'une manière sommaire est définie comme un système d'organisation des structures de l'État, qui accorde des pouvoirs de décision et de gestion à des organes autonomes régionaux ou locaux (collectivités locales, établissements publics). Pour emprunter la sémantique juridique nous pouvons nous permettre de dire que la décentralisation est une institution par laquelle l'État enclenche un processus d'administration de son territoire et qui, lui permet de déléguer une partie de ses pouvoirs à des assemblées locales élues en les dotant d'une personnalité morale et d'une autonomie financière. À travers la pratique décentralisatrice, est supposée se retrouver la notion de gouvernance locale qui est définie comme l'exercice par l'autorité locale des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi en vue de promouvoir le développement local d'une manière efficace et transparente. Cependant, aucune décentralisation ne peut réussir si le transfert de compétences ne s'accompagne d'un transfert effectif de moyens adéquats.

Par ailleurs, il existe plusieurs définitions de la pauvreté, mais elles se rejoignent toutes pour dire que la pauvreté est un état de privation ou de manque. Cet état peut varier dans l'espace et le temps selon le contenu qui lui est donné. Les définitions générales les plus communément admises sont les suivantes:

- Extrême pauvreté: affecte les personnes qui ne disposent pas de revenus suffisants pour satisfaire leurs besoins alimentaires essentiels (dite aussi pauvreté absolue.)

- Pauvreté générale: affecte les personnes qui ne disposent pas de revenus suffisants pour satisfaire leurs besoins essentiels non alimentaires (dite aussi pauvreté relative.)

Ces définitions générales sont pratiques mais limitent la notion de pauvreté à une question de revenu. D'où l'introduction d'une notion plus complète initiée par le PNUD: il s'agit de la notion de pauvreté humaine.

- Pauvreté humaine: elle met l'accent sur ce que les gens peuvent ou ne peuvent pas faire et en exergue la privation des capacités les plus essentielles de la vie, y compris celle de mener une longue vie en bonne santé, d'accéder aux connaissances, d'être suffisamment approvisionné sur le plan des biens économiques et de participer pleinement à la vie de la communauté.

Selon le PNUD, l'objectif primordial de toute décentralisation est la mise en place des systèmes de bonne gouvernance et de lutte contre la pauvreté, entre autres exigences du développement. En effet, la plupart des acteurs du développement vont dans le même sens que le PNUD et pensent qu'en Afrique pour atteindre les objectifs de développement, la priorité passe par la mise en place des stratégies efficaces de lutte contre la pauvreté et de bonne gouvernance. La décentralisation est à ce titre aujourd'hui considérée comme un instrument de lutte efficace contre la pauvreté et pour ce faire, il importe de concéder aux entités infra étatiques les principales libertés locales qui leurs permettraient d'asseoir une bonne politique de coopération à l'échelle locale.

Ainsi aujourd'hui, lutter contre la pauvreté c'est mettre en place les instruments de politique de gestion, de direction et d'administration qui intègrent autres dimensions que celles économiques. D'où l'importance de la prise en compte des dimensions politiques, culturelles et sociales dans toute politique de développement. Dans cette perspective la décentralisation apparaît comme une notion carrefour du développement car à travers elle les populations participent directement aux processus de décision et de gestion des affaires locales. Il existe donc un lien très étroit entre les concepts de décentralisation et de lutte contre la pauvreté car une décentralisation effective basée sur le principe d'une bonne gouvernance locale est un outil indispensable de lutte contre la pauvreté laquelle, en cas d'éradication est un gage de développement.

Le lien entre les concepts de décentralisation et de bonne gouvernance locale constituent l'un des moyens les plus efficaces de la participation des populations, qui est aujourd'hui privilégiée par la coopération au développement dans sa politique de lutte contre la pauvreté et de marche vers le développement. Dans cet enchevêtrement conceptuel il est fort aisé de constater et de conclure que la coopération et plus spécifiquement l'aide au développement prend dorénavant toute une autre tournure.

Il existe aujourd'hui une forte volonté d'utiliser la coopération au développement pour soutenir les efforts de développement en Afrique. La volonté d'utiliser largement la coopération décentralisée et les collectivités territoriales en appui à la décentralisation en Afrique à toutes les chances de renforcer ce processus de transfert de compétences. Toutefois se pose une difficulté: Comment institutionnaliser la pratique afin que l'aide se passe de l'État pour atteindre directement les populations cibles, car il est bon que dans ce contexte la coopération se fasse de société civile à société civile et pas seulement d'État à État. C'est la tout le sens de la problématique que pose B. HUSSON dans son assertion lorsqu'il affirmait que «La décentralisation dans les pays du Sud et de l'Est ouvre un enjeu majeur, celui de la création d'un espace public local, animé par des collectivités territoriales efficaces et attentives aux initiatives des citoyens. Alors que la coopération décentralisée est jusqu'ici intervenue essentiellement selon une logique projet, ne trouverait-elle pas sa légitimité et son efficacité en se positionnant clairement en appui aux collectivités territoriales naissantes dans leurs missions propres dans leur dialogue avec les dynamiques associatives locales et leur État, oeuvrant ainsi à la construction d'un tel espace public? »1(*)

La perspective ouverte par B. HUSSON suscite certaines interrogations lorsqu'on essaie de l'appréhender dans le contexte de la décentralisation comme processus en cours au Bénin. Dans la suite du développement de ce document nous donnerons une esquisse de réponse à ces interrogations tout en essayant de dresser un bilan et de formuler des perspectives.

Problématique

Avec l'organisation des municipales, le Bénin a posé l'un des derniers actes de recommandation de la conférence des forces vives de la nation: celui du transfère des pouvoirs de décision de la sphère centrale vers les communautés de base. En effet, le législateur de la loi fondamentale a prévu une autre forme d'administration territoriale que celle qui gouvernait les principes d'administration sous les régimes précédents. Ainsi, la constitution du 11 décembre 1990 en ses art. 150 et suivants stipule, que " les collectivités territoriales de la république du Bénin sont créées par la loi et qu'elles s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi." Dès lors, l'État est investi dans sa fonction de tutelle et de garant du développement harmonieux de toutes les collectivités territoriales sur la base de la solidarité nationale, des potentialités régionales et de l'équilibre inter-régional. Mais le transfère effectif des pouvoirs de décision de la sphère centrale vers le peuple n'a pas été chose aisée.

Le Bénin, premier pays à s'engager dans le processus de démocratisation, n'a pas très tôt procédé à la décentralisation politique de ses structures administratives. Alors que l'expérience démocratique est vieille de 13 ans, c'est seulement en décembre 2002 que les premières élections communales et municipales ont eu lieu. Calculs, jeux et enjeux politiques n'ont pas permis d'organiser à temps, non seulement la mise en place effective des entités réformées mais aussi les élections afférentes devant les consacrer. Or, il est évident que la décentralisation lorsqu'elle est réalisée dans son effectivité constitue pour les collectivités territoriales un enjeu de développement que la coopération au développement privilégie.

C'est dans ce sens que Bernard HUSSON affirmait que «La décentralisation dans les pays du Sud et de l'Est ouvre un enjeu majeur, celui de la création d'un espace public local, animé par des collectivités territoriales efficaces et attentives aux initiatives des citoyens. Alors que la coopération décentralisée est jusqu'ici intervenue essentiellement selon une logique projet, ne trouverait-elle pas sa légitimité et son efficacité en se positionnant clairement en appui aux collectivités territoriales naissantes dans leurs missions propres dans leur dialogue avec les dynamiques associatives locales et leur État, oeuvrant ainsi à la construction d'un tel espace public? »2(*) Cette assertion de Bernard HUSSON vérifie t-elle les objectifs que se sont assignés les réformes décentralisatrices béninoises? Et que prévoient ces réformes en matière de coopération décentralisée pour vérifier l'assertion?

Répondre à ces questions principales c'est d'abord tenter de définir les concepts de coopération décentralisée et de décentralisation et quel rapprochement faisons-nous entre ces deux concepts pour étayer la citation de B.Husson?

Décentralisation: processus qui permet le transfère des pouvoirs de décision de la sphère centrale vers la base. Elle vise à partager le pouvoir entre les responsables de l'État, les élus locaux et les citoyens, pour engager une politique de développement de proximité. Pour ce faire l'État transfère une partie de ses compétences et de ses moyens à des communes, nouvelles collectivités territoriales, afin de répondre directement aux besoins des populations. L'État assure de nouvelles fonctions: tutelle, appui et conseil vis-à-vis des communes. Les élus de la commune ont la charge de l'élaboration, de la mise en oeuvre et du suivi des plans locaux de développement, dans les domaines, économique, social et culturel. La commune est directement responsable de la gestion des ressources financières, techniques et humaines mises à sa disposition par l'État et de la mobilisation des ressources propres. Elle doit répondre de ses stratégies et de ses choix devant les citoyens.

Au Bénin le processus de décentralisation a été amorcé au lendemain de la tenue de l'Historique Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1990. Sa mise en oeuvre efficiente a été tributaire de l'adhésion effective des populations qui vont contribuer ensemble au relèvement des défis suivants:

- La lutte contre la pauvreté qui passe par une amélioration efficiente de la satisfaction des besoins fondamentaux.

- La mobilisation judicieuse tant des ressources endogènes disponibles au niveau local ou national que celles extérieures.

- La création de nouveaux espaces politiques (leaders locaux) en vue d'une bonne visibilité dans la cogestion des affaires publiques au niveau local.

- La garantie de la qualité et de l'accès de tous aux services socio-communautaires.

Coopération décentralisée: Il conviendrait de faire la distinction entre les deux principales définitions de la coopération décentralisée: l'acception française (c'est-à-dire la coopération décentralisée bilatérale) et celle de l'Union-Européenne (la coopération décentralisée multilatérale).

D'un point de vue bilatéral, la coopération décentralisée consiste en la menée conjointe d'actions entre une ou plusieurs autorités locales de deux États dans un même intérêt. Elle se traduit par une nouvelle forme de solidarité internationale mise en oeuvre au niveau des collectivités locales des pays du Nord, qui leur permet d'être aux côtés des communes défavorisées des pays du Sud à travers la mise en place des projets de développement qui privilégient le partenariat et les actions à long terme. Son objet est d'accompagner la transformation de l'organisation administrative et politique des pays en voie de décentralisation ou nouvellement décentralisés par un appui aux nouvelles collectivités territoriales. Ses objectifs sont de consolider les collectivités locales et de renforcer leur capacité à répondre aux aspirations des populations, dans le respect des traditions et spécificités de la société étrangère.

Lorsqu'on envisage la coopération décentralisée sous l'angle multilatéral elle est une approche définit par l'Union-Européenne selon laquelle, la coopération décentralisée est avant tout, une autre façon de faire la coopération. Elle a pour objet de mettre les acteurs (dans toutes leurs diversités) au centre du processus de coopération en les impliquant tout au long du cycle d'intervention et en précisant les rôles et responsabilités de chacun, conformément au principe de subsidiarité. La coopération décentralisée dans le cadre de l'UE n'est donc pas un énième instrument ou guichet pour financer des petits projets à la base, mais une approche spécifique de coopération reposant sur cinq idées maîtresses

1-La participation active (responsabilisation) de toutes les familles d'acteur.

2-La recherche d'une concertation et d'une complémentarité entre différents acteurs.

3-La gestion décentralisée.

4-L'adoption d'une «approche-processus.»

5-La priorité donnée au renforcement des capacités et au développement institutionnel.

Pour l'Union-Européenne (UE) la coopération décentralisée a pour objectif d'améliorer la prise en charge par les acteurs de leurs propres processus de développement. En effet l'UE met l'accent sur la cohérence et la viabilité des actions. Les résultats attendus par l'adoption de cette démarche sont:

° Des appuis directs aux dynamiques et initiatives locales ;

° Une maîtrise d'ouvrage renforcé des acteurs locaux ;

° Une meilleure articulation entre les appuis aux initiatives de développement à la base et les appuis à la décentralisation ;

° Une plus grande légitimité et capacité de gestion des pouvoirs locaux ;

° Le développement de nouveaux espaces de concertation et d'expérimentation du développement durable (pratiques, méthodes, outils);

° La mise en place de mécanismes décentralisés de circulation de l'information, de la communication et de la gestion des conflits;

° Un appui à la consolidation de systèmes de démocratie et de gouvernance locale.

Que ce soit la définition de l'Union-Européenne ou celle française, la coopération décentralisée se révèle être pour paraphraser Franck Petiteville, l'un des effets induits de la décentralisation en Afrique, les collectivités territoriales africaines qui ont, à travers la décentralisation, vu leurs compétences renforcées ne tardent pas à nouer des relations de coopération avec leurs homologues étrangères.

Ainsi définis, nous-nous posons un certain nombre de questions: Les élus des populations qui, a priori, sont l'émanation de celles-ci et qui maîtrisent les réalités locales, peuvent-ils se prévaloir d'une certaine légitimité et agir au nom et pour le compte du peuple? Disposent-ils d'une légitimité d'action pour signer des traités de coopération avec des partenaires étrangers?

Les espaces publics locaux nés de la concrétisation de la décentralisation au Bénin, disposent-ils dorénavant de la légitimité nécessaire pour se positionner clairement en interlocuteur des partenaires au développement? L'organisation et la mise en place effective des structures décentralisées au Bénin ouvrent-elles la voie à celles-ci pour s'inscrire dans le registre des entités infra étatiques en droit de coopérer?

Autrement, les communes béninoises peuvent-elles dorénavant, sans passer par la tutelle de l'État, s'inscrire dans la dynamique de la coopération au développement?

C'est toute la problématique de la légitimité qui se pose à ce niveau, légitimité d'action des mandataires de la souveraineté locale, légitimité de représentation de ces mêmes mandataires devant les partenaires au développement. Cette problématique de légitimité soulève sans l'ombre d'un doute la question de la souveraineté de l'État dans la nouvelle dynamique de coopération décentralisée et de décentralisation. L'État en cédant une partie de ses prérogatives aux entités décentralisées ne perd t-il pas partiellement sa souveraineté? Voilà autant de questions auxquelles nous essayerons de répondre dans le cadre de ce travail.

Nous tenons pour évidence primaire que l'objectif de toute coopération décentralisée est la recherche de partenariat entre deux collectivités distinctes pour des échanges d'expérience et de savoir- faire. Cependant, la coopération décentralisée dans les pays du Sud comme la Bénin oeuvre non seulement pour le partenariat mais aussi pour l'appui aux entités infra étatiques dans le but:

- de la participation à l'amélioration des conditions de vie des populations,

- du soutien aux efforts de lutte contre la pauvreté,

- du renforcement des capacités de gestion et d'administration des entités décentralisées.

- de la contribution à l'effort de développement de ces populations. Dans ce cadre, le processus de décentralisation enclenché au Bénin offre d'importants atouts aux populations locales. En effet, quelles sont les attentes des populations par rapport à la décentralisation?

Pour les populations locales la décentralisation doit:

- contribuer à améliorer les services dont elles ont besoin;

- contribuer à lutter contre la pauvreté surtout en milieu rural;

- être un instrument propre à stimuler le développement à la base de même que la démocratie à la base à travers la dynamique participative;

- être le creuset propice à la bonne gestion des affaires publiques et de lutte contre la corruption;

- permettre aux populations de décider par elles-mêmes en toute autonomie de leur politique de coopération.

Ces attentes rencontrent-elles les objectifs de la population?

Bien évidemment les objectifs des populations et de la coopération décentralisée se croisent à plus d'un titre ils sont pratiquement les mêmes. Dans ce système, les populations du Sud apparaissent comme des demandeurs de prestations, lesquelles, légitimeront leur autonomie, alors que les partenaires au développement sont comme des prestataires qui répondent favorablement aux requêtes des collectivités du Sud.

Cependant, comme le souligne Henri Philippe Cart de la DDC, «la décentralisation n'apportera de solutions durables aux défis actuels que si elle se situe dans un contexte démocratique et si les communautés locales sont en mesure de s'exprimer et de s'affirmer».3(*) En effet, l'expression et l'affirmation des communautés locales passent par leur capacité reconnue et affirmée par la législation à s'autogérer. Ainsi, dès lors que chaque communauté locale dispose de la faculté de s'administrer, elle peut valablement décider et gérer par elle-même toute sa micro politique de coopération.

Il en appert donc que, la mise en oeuvre effective de la décentralisation, qui s'opère par l'installation des structures afférentes, permet de reconnaître aux collectivités territoriales une certaine légitimité de fait; même si au Bénin la légitimité de jure (de droit) ne leur est pas encore acquise.

Le processus de décentralisation qui implique le renoncement partiel de la part de l'état de sa souveraineté nationale laquelle se trouve restreinte à l'extérieur, veut qu'à l'intérieur certaines compétences de droit public soient cédées à des acteurs régionaux ou locaux.

Sur cette base la coopération décentralisée pourra trouver toute sa légitimité et son efficacité en se positionnant clairement en appui aux collectivités territoriales naissantes [....] oeuvrant ainsi à la construction d'un tel espace public. Qu'en est-il du cas béninois?

Au lendemain des élections communales au Bénin, il est d'un constat notoire que décentralisation et coopération décentralisée devront former un tandem qui s'inscrirait dans la dynamique de développement d'une manière générale et de lutte contre la pauvreté en particulier.

La coopération décentralisée dans ce contexte, pour trouver toute légitimité d'action, devra dès lors prendre causes et faits pour les collectivités territoriales et les soutenir en amont et en aval pour le développement des populations. Il va s'en dire que pour une bonne applicabilité de la dynamique coopération décentralisée/décentralisation, et pour atteindre ses objectifs, celle-ci ne passera plus par l'exécution de la logique projet (qui privilégie le financement ponctuel de certaines activités ou domaines d'activité), mais se fera par voie d'appui direct sous forme de programme (qui au contraire agit sur la durabilité dans le temps) aux entités infra étatiques sous forme:

° D'appui au processus de décentralisation, visant l'émergence de systèmes de gouvernance locale légitimes et efficaces

° D'appui aux initiatives et dynamiques de développement local, permettant d'assurer la cohérence d'actions ponctuelles dans un cadre territorial déterminé

° D'appui au dialogue politique et social en vue d'assurer la participation en amont des acteurs décentralisés dans la formulation des politiques et la programmation de l'aide.

Cette nouvelle expérience de décentralisation dans le contexte actuel de la démocratisation au Bénin comporte bien évidemment des écueils à éviter. Car comme tout processus la décentralisation ne peut être assimilée à l'accomplissement et/ou l'achèvement de certains principes démocratiques cardinaux. Nous reconnaissons que le chemin parcouru est encore très court et que la mise en place d'un véritable État de droit démocratique est une affaire de longue haleine. Cependant, force est de constater que l'effectivité du processus de décentralisation crée de fait et de droit, la dynamique dans laquelle devra s'inscrire (sous certaines conditions bien évidemment) la résolution des problèmes de développement qui se posent aux populations béninoises. Il serait illusoire de faire penser que la décentralisation est la panacée universelle nécessaire qui résoudrait le défi de développement qui se pose au pays. Loin s'en faut. La décentralisation est certes une bouffée d'oxygène, qui, comme dans tout processus démocratique conduit à une meilleure gestion des affaires locales à travers l'apprentissage à la base de la prise de parole, de la prise de décision et du débat démocratique.

En tant que tel et pour donner des chances de réussite à tout processus de décentralisation, il faudrait donner aux béninois et aux béninoises le pouvoir et les aptitudes nécessaires (empowerment), à «créer les conditions juridiques ou organisationnelles qui leur permettront d'exercer davantage d'influences sur les situations et les actions qui les concernent».4(*)

En bref nous résoudrons les questions suivantes: quels sont les enjeux qu'offre la décentralisation aux communes béninoises lorsqu'on envisage le rapport de coopération de celles-ci avec d'autres communes ou d'autres organisations internationales intervenant dans le champ de la coopération décentralisée? Et quelles en sont les perspectives pour un véritable développement?

Première partie: Décentralisation et coopération décentralisée au Bénin: Consécration institutionnelle et objectifs

Chapitre premier: Revue historique

Il est évident que le processus de décentralisation n'est pas intervenu pour la première fois au Bénin sous la recommandation des bailleurs de fonds et des institutions de coopération. Le Bénin tout comme la plupart des pays africains a dû expérimenter certaines formes de délégation de pouvoir dont entre autre : la centralisation démocratique, la déconcentration, la concentration etc. En dépit de toutes ces expériences de gestion politique et administrative, la décentralisation démocratique s'est imposée d'elle-même comme le seul et unique moyen d'améliorer l'efficacité et la qualité des services publics, de rapprocher l'administration des administrés, de lutter contre la corruption et la pauvreté. Il ne pouvait en être autrement d'autant plus que, sous l'action conjuguée de la conjoncture économique, de la mauvaise gestion des affaires publiques et des tares qui ont miné le bon fonctionnement des services centraux de l'administration républicaine, l'échec du système économique, politique et social en cours ne pouvait être qu'une évidence.

Afin de mieux cerner les enjeux de la décentralisation en cours, il serait intéressant de jeter un bref regard rétrospectif sur l'évolution historique de la coopération et de la décentralisation à travers le temps.

I- Ancrage historique

A - Coopération et décentralisation avant la conférence

A-1 Coopération et décentralisation sous l'ère coloniale

C'est la loi française n°55-1489 du 18 novembre 1955 relative à la réorganisation municipale en AOF, AEF, au Togo, au Cameroun et à Madagascar qui a initié pour la première fois au Bénin (ex Dahomey) l'expérience de la décentralisation. Elle a érigé certaines principales villes en communes avec conseil municipal élu et autonomie financière. Mais à ce niveau le processus n'a pas été généralisé dans la mesure où seules, les entités disposant de ressources suffisantes pour assurer l'équilibre de leur budget étaient éligibles au rang de commune de plein exercice.

Au cours de cette période aucune aide officielle n'a été donnée pour appuyer ou renforcer le processus d'autonomisation des entités nouvellement créées. Nous n'en voulons pour preuve que, les renseignements qui nous sont fournis par l'histoire et idées de l'aide publique au développement; selon cette histoire, les relations entre les colonies et la métropole pendant cette période étaient plutôt liées à l'appartenance commune à une sphère commerciale et financière exclusive plutôt qu'à un système d'aide d'Etat à Etat. Ce lien avait pour objectif le protectionnisme et l'investissement public pour la mise en valeur du pays dans les secteurs clés. Ainsi, aucun système d'aide aux entités décentralisées dans l'optique de les rendre plus autonomes n'a été mis en place. Pour la métropole c'est le développement des relations commerciales et des échanges entre partenaires qui formaient l'ossature de la «coopération» avec ses colonies.

A-2 Coopération et décentralisation après l'indépendance (1960-1972)

Dès l'accession à l'indépendance, le pays a connu une instabilité politique quasi-permanente qui a obligé les dirigeants à opter pour une priorité à l'unité nationale.

Ainsi, plutôt que de bénéficier d'une autonomie, les collectivités territoriales ont été mises sous contrôle politique. Leur statut a aussi varié entre temps et passait de commune à circonscription urbaine avec chacune à sa tête des préfets et des délégués du gouvernement. D'autres formes de décentralisation sont intervenues:

- En 1964 avec la loi 64-17 du 11 août 1964 qui confère à la commune le double statut de collectivité territoriale autonome et de circonscription dirigée par des représentants locaux de l'État.

- En 1965 puis en 1974 d'autres formes de décentralisation plus autoritaires et plus restrictives d'autonomie ont vu le jour et n'ont pas permis aux collectivités de se départir de l'autorité du pouvoir central pour se développer.

Bref, on peut noter que la période allant de l'indépendance à 1974 à été caractérisée par une instabilité politique qui a eu pour conséquence la refonte permanente de l'administration territoriale dans l'optique de la consolidation de l'unité nationale. Le souci de consolider l'unité nationale rendait impossible l'autonomisation au sens réel du terme de quelque entité que se soit. L'aide au développement allant dans le même sens, c'est-à-dire celui du renforcement de la capacité institutionnelle de l'État afin de lui permettre le renforcement de l'unité nationale. Alors, les entités territoriales créées ne bénéficiant pas d'une autonomie réelle, ne pouvaient pas s'administrer d'elles-mêmes au point de bénéficier d'une quelconque aide au développement.

A-3 Coopération et décentralisation sous la révolution (1972-1990)

Sous le régime révolutionnaire socialiste il a été procédé à une réforme de l'administration territoriale dans le sens de la centralisation démocratique avec pour objectif le rapprochement de l'administration des administrés. Ainsi, 4 niveaux de collectivités dites décentralisées (province, district, commune et village) ont été créés avec personnalité morale, autonomie financière (seuls les districts et les provinces jouissaient d'une autonomie financière effective) et des conseils élus. Cependant les entités qui disposaient d'une autonomie financière sont dirigées par des cadres nommés en conseil des ministres sur proposition des instances du parti unique, ces cadres sont ordonnateurs du budget de ces collectivités sans être responsables devant elles. Cette autonomie factice n'était pas de nature à favoriser tout effort de développement local et même toute coopération décentralisée devait prendre par le canal du pouvoir central de l'Etat.

Bref, aujourd'hui le pays est en train d'expérimenter un vrai processus de décentralisation qui transfère aux collectivités locales les attributs qui sont les siennes.

Toutefois la question se pose de savoir comment est née l'idée de la nécessité de transférer aux populations les compétences et pouvoirs requis pour la gestion de leurs affaires?

B - Coopération et décentralisation après la conférence

B-1 Démocratie, décentralisation et coopération sous l'ère du renouveau

Faisant suite à la définition des enjeux que constitue la décentralisation pour les populations locales béninoises, la conférence des forces vives de la nation de février 1990 dans ses recommandations a adopté le principe de la décentralisation administrative comme système d'administration territoriale. En application à toutes ces recommandations il a été organisé les états généraux de l'administration territoriale, lesquels ont défini les grandes lignes de la nouvelle politique de décentralisation. Un comité national de suivi des recommandations de ces états généraux est mis sur pied et a été chargé de la conception et de la préparation des textes de base de la décentralisation. Aujourd'hui ce comité a disparu pour faire place aux structures d'appui à la décentralisation que sont:

-La mission de la décentralisation (MD)

-La maison des collectivités locales (MCL)

-Le centre d'information et de documentation sur les collectivités locales (CIDCL).

A cette étape du processus il convient de se poser la question de savoir si la décentralisation démocratique au Bénin est tributaire de la pression des bailleurs de fonds ou si ce sont les conditions endogènes qui ont contribué à déterminer sa mise en place.

B-2 Décentralisation démocratique: contrainte exogène et/ou endogène?

Fondamentalement les récentes réformes de l'administration territoriale en Afrique au sud du Sahara sont intervenues dans le contexte d'une économie délabrée faite de violentes tensions sociales.

Même si nous reconnaissons avec Antoine Raogo Sawadogo que ce sont les nouvelles ethnies (Banque mondiale, FMI, Union européenne...) qui recommandent de décentraliser l'État, parce que disent-elles, «votre mal se trouve dans un excès de centralisation et une mauvaise gouvernance» il est fort aisé de constater que, cette imposition est la conséquence logique de la mauvaise gestion caractérisée de l'économie de ces États.

Si la décentralisation est perçue comme une nouvelle manière de gérer les affaires et un moyen de créer de nouvelles relations entre le gouvernement et les citoyens, le souci de décentraliser au Bénin procède alors non seulement des contraintes de natures exogènes et endogènes mais aussi du constat de l'incapacité de l'État béninois à résoudre les problèmes de développement qui se posent aux populations. En effet le contexte macro-économique Béninois était défavorable et caractéristique de la mauvaise gestion observée dans presque tous les pays africains au sud du Sahara. Les décennies qui ont précédé la démocratisation (avec ses corollaires de réformes économiques, territoriales et administratives), ont été faites des performances économiques négatives avec des indicateurs défavorables, caractérisées par un taux de croissance négatif, une diminution des capacités budgétaires de l'État, une corruption endémique, la mauvaise gestion, etc. Cet état de choses ne permettait pas à l'Etat d'honorer ses engagements à l'égard de ses partenaires sociaux internes et internationaux. Exacerbé par les tensions politiques et sociales de l'intérieur du pays, l'Etat béninois a dû se plier aux injonctions de ses partenaires au développement qui dorénavant se font «plus rigoureux sur les conditions d'octroi de leur concours.»2 Dès lors la redéfinition du rôle et des interventions de l'État dans ses fonctions classiques s'est avérée indispensable, il urgeait de laisser aux acteurs infra étatiques la responsabilité des activités de développement. Pour ce faire, la décentralisation et la privatisation ont été définies comme étant la passerelle nécessaire pour atteindre les objectifs d'un développement harmonieux et global. Ainsi, comme on peut le constater le processus en cours d'expérimentation est né dans un contexte de morosité économique caractérisé.

Par ailleurs, le contexte politico-administratif n'était pas non plus favorable dans la mesure où:

D'une part, l`Etat n'a pas pu «s'institutionnaliser» pour créer la dynamique pouvant lui permettre de transcender les multiples consciences infra nationales. Ainsi, la conscience citoyenne que les différents gouvernements ont voulu créer n'a pas pu suppléer les particularismes. Les populations éprouvaient alors le besoin pressant de se départir de l'État pour disposer d'une large autonomie de gestion et de décision pouvant leur permettre de se prendre en charge.

D'autre part, délaissées par l'État qui devait être leur répondant, les entités territoriales créés pendant les 17 ans du régime militaro-marxiste (les provinces et les districts) n'ont véritablement pas pu s'autonomiser pour se développer car, bâillonnées par une centralisation décisionnelle trop excessive.

Cette centralisation des pouvoirs politiques et administratifs avait confiné les populations, confrontées aux questions de leur propre développement dans une passivité, négatrice de toute volonté d'initiative locale et donc de développement. Ainsi, toutes les questions d'ordre décisionnel et opérationnel, relatives à la participation au développement des entités administratives crées par l'État étaient de l'ordre de l'absolu, pour ainsi dire, prise par le pouvoir central. Cet état de chose étouffait toute initiative locale de développement.

Poussé par les fréquents troubles sociaux nés de l'irresponsabilité et de la faiblesse des structures administratives, asphyxié par l'inexécution et le non-respect de ses engagements contractuels extérieurs vis-à-vis de ses partenaires qui, deviennent de plus en plus exigeants et, qui tendent davantage à s'immiscer dans sa légitimité, le gouvernement béninois n'avait plus autres solutions que d'accepter malgré lui ces nouvelles conditionnalités afin d'éviter le «déni de l'État ou du mois la négation de l'État, le non-État ». La décentralisation est apparue alors comme une bouffée d'oxygène, qui non seulement favorisait :

- l'État béninois (dans la mesure où il allait pouvoir se décharger de certaines de ses obligations),

- ses partenaires au développement (qui ne lui font plus confiance notamment pour les questions de développement des populations, et donc trouvent dans les entités décentralisées et la société civile des partenaires fiables),

- les populations bénéficiaires de l'aide (car elles sont les plus concernées par les questions de développement.)

On peut alors affirmer que la décentralisation au Bénin n'est pas seulement née de la volonté politique de l'état central, non plus seulement de la pression exercée par les partenaires au développement mais de l'effort conjugué de plusieurs facteurs aussi bien endogènes qu'exogènes.

C'est le même constat que font Diane Intartaglia (Camel) et Annette Corrèze lorsqu'elles affirment que «Les processus de décentralisation à l'oeuvre dans les pays africains et latino [.....] S'avèrent souvent être un mélange complexe entre une volonté politique initiale de l'État et les politiques incitatives des bailleurs»3

Ceci étant, il paraît curieux de savoir que depuis 1994 où les états généraux sur la réforme de l'administration territoriale ont eu lieu, et en dépit des recommandations qui en ont suivi, les premières élections municipales qui sont appelées à mettre sur pieds les organes des futures communes n'ont eu lieu qu'en décembre 2002. Les enjeux politiques que représente la non-organisation des élections et la mise en place des structures afférentes primaient sur les enjeux qu'offre cette décentralisation aux populations concernées par les questions de développement et à qui le processus est sensé apporter une amélioration des conditions de vie.

Avant d'analyser le processus en cours, il conviendrait de théoriser les objectifs et les avantages de la décentralisation pour les populations béninoise.

* 1 Bernard Husson (Ciedel) La coopération décentralisée, légitimer un espace public local au Sud et à l'Est in traverses n° http://www.gret.org/ressource/traverses/pdf/traverse_7.pdf

* 2 Bernard Husson (Ciedel) La coopération décentralisée, légitimer un espace public local au Sud et à l'Est in traverses n° http://www.gret.org/ressource/traverses/pdf/traverse_7.pdf

* 3 Henri-Philippe Cart Vice-directeur de la DDC in Décentralisation et Développement Ecrits sur le développement DDC 1999

* 4 Pallman :DEZA-Strategie f ür Sociale Entwicklung, Entwurf 7.1.98

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius