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La loi spéciale de lutte contre le terrorisme du 2 novembre 2001

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par Huynh To Uyen Julie Nguyen
INALCO - Maitrise LLCE de Japonais 2004
  

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LES CONDITIONS DE L'ELABORATION

DU PROJET DE LOI

P

lusieurs facteurs ont ainsi présidé à ce qu'un projet de loi spéciale répondant directement à la question de la contribution du Japon aux opérations de représailles américaines soit élaboré et adopté. La recherche d'une application de la législation déjà existante en matière de défense et de sécurité a dominé les débats et le constat d'échec qui en a découlé a bien sûr été essentiel. Toutefois, cet élément du processus qui a conduit à l'élaboration du projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme n'a pas été le seul. D'autres éléments du débat ont par contre été minorés, voire négligés. Ainsi, les voix s'élevant pour mettre en garde contre un risque d'engrenage dans un cercle vicieux des représailles n'ont pu infléchir la volonté gouvernementale de s'investir sur le terrain.

D'autres facteurs sont en effet à prendre en compte, comme le facteur de l'urgence qui a été un élément déterminant. La volonté du gouvernement japonais et de son Premier ministre d'inscrire ce projet de loi dans le cadre d'une politique globale tournée vers la communauté internationale a été également un autre élément essentiel des conditions entourant son élaboration.

I) La pression de l'urgence

L'élément certainement le plus frappant qui a dominé le processus conduisant à l'élaboration d'un projet de loi spéciale pour faire intervenir les Forces d'autodéfense japonaises aux mesures de représailles des Etats-Unis a été la pression exercée par l'urgence. Il s'agissait d'agir rapidement non seulement afin de montrer le plus de fermeté possible vis-à-vis du terrorisme, mais également pour montrer que le Japon était capable de tenir son rang dans le concert des grandes nations.

La première manifestation de cette pression de l'urgence s'est d'abord cristallisée dans une sorte de course aux déclarations de soutien qu'ont semblé se livrer les principaux alliés des Etats-Unis. L'annonce rapide de mesures spéciales par le gouvernement japonais devait ainsi prouver, notamment vis-à-vis des autres pays partenaires de la coalition américaine comme l'Angleterre ou l'Allemagne, que le soutien du Japon ne risquait pas de s'essouffler à cause de contraintes légales. La pression américaine a enfin été déterminante, pression qui s'est manifestée par la hâte avec laquelle le gouvernement Bush a mis sur pied les opérations de représailles, mais surtout par l'exhortation explicite faite au Japon d'y participer.

A) La course aux déclarations de soutien

Dès le lendemain des attentats, le 12 septembre, le Premier ministre Koizumi annonçait à l'occasion d'une conférence de presse que le Japon soutenait les Etats-Unis :

Le Japon soutient fermement les États-Unis et est déterminé à ne reculer devant aucun effort pour fournir toute l'assistance et la coopération nécessaires. Nous devons nous montrer fortement solidaires avec les autres nations du monde concernées afin de nous assurer que de tels actes ne se reproduisent jamais. 52(*)

Pourtant, le Premier ministre japonais avait fait son annonce déjà un jour trop tard. Il n'a pas été en effet le premier à déclarer son soutien aux Etats-Unis, devancé en cela par l'Allemagne et l'Angleterre. Sasato Masahiko \u31545\u31545çù' \u-26939\u-26939%oëïFF, journaliste au quotidien Yomiuri \u-30035\u-30035«Ç» 53(*), remarquait ainsi que la première intervention avait été celle du Premier ministre anglais, Tony Blair, une heure et quinze minutes après les événements, lors d'une conférence de presse donnée à Brighton, une ville du sud de l'Angleterre :

Ce terrorisme de grande envergure est le nouveau mal de notre monde. Nous devons de concert combattre et arracher ce mal jusqu'à ce qu'il soit complètement éradiqué. 54(*)

Le Premier ministre japonais quant à lui n'a fait sa première intervention que douze heures après les attentats, à 10 heures 15 le lendemain du 11 septembre. Il est en outre intéressant de noter les termes employés par le Premier ministre anglais, en particulier le terme « éradiquer » qui a été repris par les autorités japonaises, notamment dans le texte de loi, pour qualifier la lutte contre la menace terroriste.

Cette « lenteur » du Premier ministre Koizumi à annoncer la position du Japon a déçu la communauté internationale et les Japonais, comme le soulignait Okamoto Yukio dans un article de l'Asahi shinbun :

Les amis des Japonais aux Etats-Unis ont les uns après les autres dit qu'ils « [n'ont pas] vu le Japon se montrer ». Tout le monde a dit avec déception que « le Japon n'a pas du tout annoncé sa position, alors que Blair (le Premier ministre anglais), Poutine (le Président russe), Jiang Zemin (le chef de l'Etat chinois) sont tous apparus sur les écrans de télévision ». Au Japon aussi, ce jour-là, tout le monde a regardé la télévision de trois à quatre heures de l'après midi. Sur ce, le Premier ministre Koizumi est apparu sur les écrans. En outre, si ce-dernier avait lancé un message fort, il aurait communiqué la gravité de la situation au peuple et la réaction des Etats-Unis aurait été différente. 55(*)

L'expression des condoléances par les Japonais a également été l'objet de manifestations non seulement quelque peu tardives mais aussi moins « expressives » en comparaison avec celles des pays occidentaux. Sasato Masahiko constatait que la reine Elisabeth d'Angleterre avait présenté ses condoléances lors d'une cérémonie dans son palais de Buckingham Palace et qu'en Allemagne environ 200 000 personnes s'étaient rassemblées à Berlin. Le 20 septembre, le Président Bush a exprimé sa reconnaissance envers les élans de compassion des peuples anglais, français, allemands, sud-coréen, australien. Le Japon n'a pas été cité dans cette liste. Ce n'est que le 23 septembre qu'une cérémonie du souvenir en hommage aux victimes a été organisée à Tôkyô. Pourtant un communiqué du gouvernement en date du 13 septembre 2001 intitulé « Le Japon en deuil pour les victimes » déclarait que :

Le Japon est en deuil pour ceux qui ont subi des pertes lors des attaques. Le Japon est fermement en faveur de la proposition du Président Bush de déclarer le 14 septembre un jour de "prière et du souvenir" pour rendre honneur aux victimes des terribles attaques. La Chambre des Représentants a observé ce jour-là [le jour des attentats] un moment de prière silencieuse pour les victimes lors d'une réunion spéciale de la commission budgétaire, à laquelle participaient le Premier ministre Koizumi et d'autres ministres. Le même jour, Makiko Tanaka, ministre japonaise des Affaires étrangères, s'est rendue à l'ambassade des États-Unis à Tokyo pour y présenter ses condoléances. Elle a écrit "Puisse dieu sauver et aimer l'Amérique" dans un registre de condoléances. Des Japonais ont aussi été touchés. Des ressortissants japonais font partie de ceux portés disparus à la suite des attaques terroristes du 11 septembre. Le Japon rend hommage à ceux qui participent aux activités de sauvetage et apprécie hautement leur dévouement héroïque pour venir en aide aux victimes au risque de leur propre vie. 56(*)

Seulement, le peuple japonais n'avait, semble-t-il, pas exprimé ses condoléances aussi spontanément et massivement que cela a été le cas dans d'autres pays. Toutefois, la cérémonie présidée par le Premier ministre Koizumi et donnée le 23 septembre à Tôkyô en hommage aux victimes des attentats a tout de même rassemblé 3 200 personnes. Comme nous l'avons vu plus haut, le peuple japonais condamne moins fortement le terrorisme que les opinions occidentales, mais cela explique-t-il vraiment cette prise de position plus tardive comparée à celles des peuples européens ? Il semble surtout qu'ici la tension de la situation était telle que le moindre élément pouvait servir de prétexte aux détracteurs du Japon pour lui faire sentir qu'il devait absolument affermir sa position.

B) L' annonce de l'élaboration d'un projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme

Au terme de l'évaluation de la situation au lendemain des attentats, l'idée de créer une nouvelle loi est, semble-t-il, apparue avec le constat de l'impossibilité d'appliquer, même par le biais d'une interprétation extensive, la loi sur les situations d'urgence en zones périphériques. Cette alternative s'est imposée comme le « seul choix » possible, comme l'écrit l'éditorial de l'Asahi shinbun du 18 septembre :

Le Premier ministre Koizumi Jun.ichirô a engagé l'examen d'une nouvelle loi pour que les Forces d'autodéfense apportent un soutien arrière à l'armée américaine comme le transport de matériels. Peut-être est-ce le seul choix, d'autant que la loi sur les situations de crise en zones périphériques ne suppose pas ce cas de figure.

Le Premier ministre Koizumi n'en a fait cependant l'annonce officielle que le 8 octobre, soit près d'un mois après les événements, à l'occasion d'une déclaration exposant un troisième plan de mesures d'urgence élaboré par le Centre pour les mesures anti-terroristes d'urgence en rapport avec les attentats et les représailles américaines :

Troisièmement, nous allons élaborer le plus rapidement possible un projet de loi de mesures spéciales pour lutter contre le terrorisme, dans le but de contribuer activement aux efforts entrepris par la communauté internationale pour prévenir et éradiquer le terrorisme. 57(*)

Pourquoi une annonce officielle si tardive alors que l'idée avait germé dans l'esprit du Premier ministre près de trois semaines auparavant ? En réalité, le fameux projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme avait déjà été fini d'être rédigé et avait été soumis à l'approbation du gouvernement le 3 octobre comme l'annonçait ce communiqué de l'Ambassade du Japon :

Le Gouvernement japonais a approuvé aujourd'hui un nouveau projet de loi pour combattre le terrorisme. Il constitue un nouveau volet des importantes mesures prises par le gouvernement du Japon en réaction aux attaques terroristes qui ont eu lieu le 11 septembre aux États-Unis. Cette nouvelle législation permettra aux Forces de défense du Japon de fournir un appui en matière de logistique et autres soutiens non-combattants aux forces américaines et d'autres pays qui prennent des mesures suite aux attaques terroristes. Cet appui non-combattant comprendra l'approvisionnement en vivres, des moyens de transport, des services de réparations et d'entretien, des services médicaux, des moyens de communication, l'exploitation de ports marins et d'aéroports, ainsi que de bases. Cette législation a été soumise ce soir à la Diète pour qu'elle en délibère. Le Premier ministre Koizumi a exhorté les membres de gouvernement à oeuvrer pour que cette législation soit adoptée le plus rapidement possible étant donné son importance et son caractère urgent. 58(*)

En vérité, il ne s'agissait pas d'une erreur de calendrier. En habile stratège de la communication média, le Premier ministre Koizumi a su ménager ses effets. Cela dénotait davantage d'une démarche extrêmement pragmatique et prudente du Premier ministre. Il s'agissait bien entendu de ménager l'opinion publique et une partie de la classe politique, surtout l'opposition de gauche, qui craignaient l'engrenage dans un cercle vicieux des représailles et de la violence. Mais cette considération n'était pas la seule. Il s'agissait surtout de faire en sorte que ce projet de loi aurait le soutien suffisant pour passer. En effet, Koizumi ne pouvait se permettre d'être désavoué, ce qui aurait été le cas si son projet n'était pas accepté. Un tel échec n'aurait évidemment pas été sans rappeler celui du Premier ministre Kaifu et de son projet de loi sur la participation des Forces d'autodéfense à la guerre du Golfe.

L'élaboration d'en tel projet de loi répondait bien sûr à la nécessité de contourner les obstacles légaux, mais également à la volonté du gouvernement et du Premier ministre de marquer d'une pierre blanche la participation du Japon. A événements exceptionnels, loi exceptionnelle. Pour le moins, cela ne pouvait que faire taire certaines voix, aussi bien au Japon que parmi les alliés, accusant le Premier ministre de trop tergiverser. En définitive, le gouvernement japonais a réagi moins sous le coup de l'émotion et de l'indignation que sous celui de la prudence et du pragmatisme. La position du Japon était en effet délicate : proclamer trop tôt un soutien inconditionnel, en d'autres termes une participation militaire, aurait équivalu à prendre des engagements que le gouvernement et le peuple japonais n'auraient peut-être pas pu honorer. L'enjeu pour le Premier ministre Koizumi était de s'assurer qu'il avait une marge de manoeuvre suffisante pour que le Japon ne risque pas de revenir sur la promesse d'une contribution militaire.

C) La pression américaine : « Show the flag »

Le troisième élément de pression, et certainement le plus fort, a été la pression exercée par l'administration Bush. Les Etats-Unis ont averti en effet par la voix du secrétaire d'Etat Colin Powell qu'ils jugeront les pays en fonction du soutien qu'ils leur apporteront pour lutter contre le terrorisme. Cette pression, exprimée sans prendre de gants, a été symbolisée par l'expression « show the flag », autrement dit : « le drapeau japonais doit flotter à nos côtés ». Telles étaient les paroles du secrétaire d'Etat adjoint Richard Armitage qui rencontrait le 15 septembre à Washington l'ambassadeur japonais aux Etats-Unis, Yanagii Shunji \u26611\u26611-öàä\u12539E \u20426\u20426èr«ññ. Pour ce dernier, cette phrase signifiait que :

Il ne s'agissait pas seulement d'une action symbolique de l'alliance nippo-américaine mais de la « nécessité de rapidement ordonnancer la possibilité de mener des opérations aux cours desquelles on pourrait voir le visage des Japonais » 59(*).

Pour Yoshida Yasuhiko \u21513\u21513g«cc \u24247\u24247çNïFF, spécialiste de la coopération internationale, le Premier ministre Koizumi a cédé sous la pression américaine et a dû élaborer dans la hâte la réponse japonaise :

Je comprends le sentiment né de l'expérience de la guerre du Golfe ressenti par Koizumi qui se préoccupe d'une « contribution visible à l'oeil nu », mais il a agi hâtivement sous la pression extérieure. Il n'est pas nécessaire d'envoyer les forces maritimes d'autodéfense jusque dans l'océan Indien pour fournir un soutien arrière aux « représailles » de l'armée américaine. 60(*)

Le plan de base de « 7 mesures immédiates » a été élaboré en huit jours et le projet de loi spéciale de lutte contre le terrorisme a été rédigé en seulement deux semaines environ. Pour les standards en matière de rédaction d'un projet de loi, c'était extrêmement rapide. Evidemment, si l'on compare avec les autres pays, notamment les pays de l'OTAN comme l'Angleterre ou l'Allemagne, le temps de réaction du Japon a été relativement moins rapide, car contrairement à ces pays, le Japon ne disposait pas de dispositif lui permettant d'exercer son droit à l'autodéfense collective. L'OTAN offre en effet un cadre organisationnel fondamental de défense collective et est capable d'entrer en action immédiatement sans qu'il soit nécessaire de passer par le débat politique et l'élaboration de mesures spécifiques. Contraint de chercher des moyens de rechange tels que l'interprétation d'une législation existante ou la création d'une loi spécifique, le Japon partait donc avec un lourd handicap, celui d'une grave lacune de structures et de cadres légaux en matière de politique de défense globale capable de répondre à n'importe quels cas de figure.

II) Un projet de loi faisant partie d'une politique globale

Le Blue Book 61(*), le rapport annuel du Ministère japonais des Affaires étrangères, de l'année 2002, explique au début de la section consacrée au « Soutien envers les Etats-Unis et autres forces », que la loi spéciale de lutte contre le terrorisme s'inscrit spécifiquement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en tant que menace contre la sécurité du Japon :

Le Japon considère la lutte contre le terrorisme comme un problème concernant sa propre sécurité et de ce fait croit qu'il doit agir de concert avec les autres nations du monde afin d'éradiquer le terrorisme. A cette fin, la Loi spéciale de lutte contre le terrorisme a été votée le 29 octobre et promulguée et mise en action le 2 novembre afin de fournir toute l'assistance et la coopération nécessaire aux opérations militaires entreprises par les Etats-Unis et les autres forces combattant contre les Talibans dans les limites permises par la Constitution du Japon. 62(*)

Si l'on considère la place consacrée à la loi du 2 novembre 2001 dans le chapitre du Blue Book 2002 traitant des attaques terroristes dirigées contre les Etats-Unis et la lutte contre le terrorisme, cette nouvelle loi apparaît comme le volet militaire d'une vaste politique comprenant également des mesures diplomatiques, financières et humanitaires. Les mesures engagées par le Japon en réponse aux événements du 11 septembre et pour lutter contre le terrorisme s'inscrivaient en effet dans le cadre d'une politique globale. Cette politique pouvait être décomposée en deux grands volets : d'une part, le soutien aux Etats-Unis, mais surtout la volonté de renforcer la place du Japon et son rôle au sein de la communauté internationale fédérée autour de la lutte contre le terrorisme ; d'autre part, une ouverture diplomatique non seulement vers la Chine et la Corée du Sud mais aussi vers les pays du Moyen-Orient, région où le Japon est encore peu présent. Toutefois, avant d'examiner dans le détail ces deux volets, il convient tout d'abord de faire le point sur les objectifs du projet de loi présenté par le gouvernement Koizumi.

A) Les objectifs du projet de loi : participation aux opérations américaines ou lutte contre le terrorisme ?

Il est en effet nécessaire de clarifier la question car à en lire le texte proposé par le gouvernement Koizumi la définition des objectifs visés n'est pas aussi simple qu'elle y paraît. En premier lieu, le titre du projet de loi spéciale anti-terroriste place les mesures japonaises dans le cadre des représailles contre les attentats du 11 septembre, ce qui répond bien au point numéro 1 du plan de « 7 mesures immédiates » annoncées par le Premier ministre le 19 septembre 2001. Dès les premières lignes, ce projet de loi est donc un ensemble de mesures d'exception dont le champ d'application est clairement délimité :

1. Titre

Loi sur les mesures spéciales concernant les mesures prises par le Japon pour appuyer les activités des pays étrangers dans le but d'accomplir les objectifs de la Charte des Nations unies en réponse aux attaques terroristes qui ont eu lieu le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis d'Amérique et aux menaces en résultant ainsi que les mesures humanitaires fondées sur les résolutions pertinentes des Nations unies ou sur les demandes faites par les Nations unies et autres organisations internationales. 63(*)

Pourtant, l'article premier, qui est consacré explicitement et spécifiquement aux objectifs visés par le projet de loi, stipule clairement que le but de la loi est la lutte contre le terrorisme international, ce qui est en cohérence avec les précédentes déclarations du Premier ministre, en particulier le point numéro 3 des mesures d'urgence annoncées le 8 octobre 2001 :

2. Objectifs (relatifs à l'article 1)

[...]

l'objectif de la Loi est de spécifier les mesures suivantes afin de permettre au Japon de contribuer activement et positivement aux efforts de la communauté internationale pour prévenir et éradiquer le terrorisme international, et assurer ainsi la paix et la sécurité de la communauté internationale, dont le Japon.

Est-ce à dire qu'aux yeux du gouvernement Koizumi contribuer aux opérations américaines en représailles des attentats du 11 septembre revient à lutter contre le terrorisme international ? Nous avons auparavant vu que pour l'opinion publique japonaise les deux se distinguaient, mais il semble que les rédacteurs du projet de loi jouent ici l'amalgame. La raison peut résider dans le fait que le Premier ministre ne souhaitait pas limiter la politique de contribution du Japon à la seule participation aux mesures américaines mais l'élargir au problème global de la lutte anti-terroriste. Il est en effet remarquable que la référence explicite aux événements du 11 septembre n'est faite que dans le titre du projet de loi, tandis que l'article 1er ne s'y rapporte que par le biais du rappel de la résolution 1368 du Conseil de Sécurité de l'ONU qui considère les attaques terroristes du 11 septembre 2001 perpétrés aux Etats-Unis comme une « menace contre la paix et la sécurité internationale » (article 1er, alinéa 1). Or, il est évident que dans un texte de loi, un article pèse d'un poids plus important que son titre.

Cette volonté d'élargissement de la participation japonaise à un cadre international est d'ailleurs confirmée par la double référence aux résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU, non seulement dans le titre lui-même mais aussi dans l'article 1er. Elle est également affirmée par le rappel régulier à la « communauté internationale », expression qui est répétée à deux reprises dans la définition de l'objectif de la loi.

B) La lutte contre le terrorisme international : le « renforcement de la solidarité internationale »

Les événements du 11 septembre ont en effet brutalement révélé à la face du monde entier le réel danger que représentait le terrorisme international. La nature de cette menace nécessite des contre-mesures adaptées, autant à un niveau national qu'international. En réponse aux attentats américains, le Japon a donc pris un ensemble de mesures répondant à cette double exigence, comme il est décrit au début de la section consacrée aux « Efforts du Japon » du Blue Book 2002 :

A la suite des attentats terroristes, le Japon a fait de son mieux pour protéger les citoyens japonais. Le Japon a également étendu une forte assistance aux Etats-Unis et a fait un effort commun avec la société internationale pour faire face activement à ce problème, reconnaissant que la lutte contre le terrorisme est un défi personnel. En particulier, le Japon a travaillé dans le sens du renforcement de la solidarité internationale pour prévenir et éradiquer le terrorisme au moyen d'efforts diplomatiques dirigés vers les pays environnant l'Afghanistan, les Etats islamiques et les pays d'Asie, ainsi que les Etats-Unis, la première cible des attentats. Les sous-sections suivantes donnent une vue d'ensemble des mesures du Japon pour faire face aux attentats et les efforts intensifs qui ont été fournis dans divers domaines. L'attention a aussi été accordée aux efforts diplomatiques pour renforcer la solidarité internationale. 64(*)

Naturellement, la sécurité des Japonais est mentionnée en premier, mais très vite l'accent est mis sur les efforts diplomatiques et les efforts dirigés vers la communauté internationale. Le Ministère japonais des Affaires étrangères insiste en effet beaucoup sur le fait que les dispositions prises par le Japon ne sont pas uniquement tournées vers les Etats-Unis mais vers la communauté internationale. En d'autres termes, ces mesures ne concernaient pas uniquement les attentats du 11 septembre, mais la lutte contre le terrorisme en général. La politique japonaise se voulait globale. Ce faisant, le Japon souhaitait montrer qu'il n'agissait pas uniquement en tant qu'allié militaire des Etats-Unis mais en tant que membre de la communauté internationale. Ce point est d'ailleurs reconnu par l'ensemble de la classe politique japonaise, y compris le principal parti de l'opposition, le Parti démocrate dont le leader Hatoyama déclarait :

Si le Japon ne s'en tient qu'aux seules possibilités laissées par l'actuelle législation, même s'il est lui-même confronté au terrorisme, il ne pourra prétendre faire partie de la communauté internationale. 65(*)

Pour le Japon, en effet, la participation active à ce genre d'initiative était la démonstration d'une ferme volonté de jouer un rôle dans le maintien de la paix et de la sécurité aux niveaux régional et mondial, comme le soulignait le Premier ministre Koizumi lors d'une conférence de presse donnée le 17 septembre 2001 :

La paix du monde libre et la liberté sont menacées. En n'adoptant pas une attitude responsable vis-à-vis de ce genre de terrorisme, nous risquons de nous isoler de la communauté internationale. 66(*)

La lutte contre le terrorisme international était pourtant déjà inscrite parmi les objectifs des accords de sécurité nippo-américains révisés en 1997. Cependant, la lutte contre le phénomène terroriste ne pouvait raisonnablement faire uniquement l'objet d'accords bilatéraux de sécurité. La nature hétérogène de cette menace désigne en effet des cibles potentielles parmi tous les Etats démocratiques. Le thème de la lutte contre le terrorisme international représente donc une opportunité pour le Japon d'élaborer et de mettre en oeuvre une politique de défense et de sécurité indépendante des directives américaines, du moins dans le cadre d'accords autres que ceux passés avec les Etats-Unis. Ce gage d'autonomie était d'autant plus précieux que la nature de la menace à combattre a amené le Japon à négocier au plus au niveau régional et mondial et donc de renforcer sa position sur la scène internationale.

Comparés aux nombreux autres attentats qui composent l'histoire du terrorisme les événements du 11 septembre se démarquaient non seulement par leur caractère inédit mais également par la mobilisation sans précédent de toute la communauté internationale autour de la lutte contre le terrorisme international. La première initiative significative en la matière revient au Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations unies qui dès le 12 septembre a voté la Résolution 1368 qui reconnaît le droit à l'autodéfense individuelle et collective (article 1), considère ces attaques terroristes comme une menace contre la paix et la sécurité internationales (article 2) et appelle la communauté internationale à fournir tous les efforts possibles afin d'empêcher et d'éradiquer de tels actes terroristes (article 3). Cette résolution a d'ailleurs été reprise dans le texte du projet de loi anti-terroriste élaboré par le gouvernement Koizumi à l'article 1 relatif aux objectifs (alinéa 1), article qui fait également référence à d'autres résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité (alinéa 2) :

2. Objectifs (relatifs à l'article 1)

(1) Rappelant que la résolution 1368 du Conseil de Sécurité de l'ONU considère les attaques terroristes qui ont eu lieu aux États-Unis le 11 septembre 2001 comme une menace à la paix et à la sécurité internationale,

(2) et prenant aussi note que les résolutions 1267, 1269 et 1333 du Conseil de Sécurité de l'ONU et d'autres résolutions pertinentes condamnent les actes de terrorisme international, et demandent à tous les États de prendre des mesures appropriées pour empêcher de tels actes,

Par la suite, le Conseil de Sécurité a aussi adopté le 28 septembre la Résolution 1373 qui contient des mesures spécifiques contre le financement du terrorisme.

L'organisation du G8 67(*), au sein de laquelle le Japon est particulièrement actif, a aussi apporté une importante contribution à la lutte contre le terrorisme international. Le 19 septembre, les leaders des pays du G8 ont tenu une réunion au sommet afin de mettre sur pied une politique commune de réponse à ces attentats et au terrorisme international. Chaque pays membre a condamné d'une voix unanime et ferme ces actes barbares et se sont engagés à ratifier aussi tôt que possible les douze conventions internationales de mesures anti-terroristes qui ont d'ailleurs été élaborées avant que les événements du 11 septembre ne se soient produits.

Pour le Japon, toutes ces actions au sein des plus grandes instances internationales contribuent à affermir sa position sur la scène internationale. Le « renforcement de la solidarité internationale » et la lutte contre le terrorisme international ne sont-ils que des moyens, certes légitimes, pour atteindre cet objectif ? Pour le moins, le Premier ministre Koizumi et le Ministère japonais des Affaires étrangères creusent efficacement ce filon.

C) Une politique de promotion et de transparence auprès des pays d'Asie

Ainsi que nous l'avons vu plus haut, le soutien et la contribution du Japon aux opérations de représailles des Etats-Unis étaient acquis, malgré une opinion publique réticente et une certaine partie de la classe politique plus encline à la prudence. Les initiatives du gouvernement Koizumi se heurtaient également à une autre difficulté non négligeable : les craintes des pays voisins, en particulier la République Populaire de Chine et la Corée du Sud, qui pouvaient voir dans la politique japonaise un regain de militarisme suspect. A ce propos, Philippe Pons, correspondant permanent du journal Le Monde écrivait en effet que :

Un dernier élément pèse sur les initiatives du Japon en matière de contribution internationale : la méfiance qu'elles suscitent chez ses voisins (la Chine et la Corée). Le Premier ministre Koizumi vient de se rendre successivement à Pékin puis à Séoul afin de remédier à la tension provoquée par sa visite, en août, au sanctuaire Yasukuni (où sont honorées les âmes de criminels de guerre), mais surtout pour rassurer ses interlocuteurs sur les intentions japonaises en étendant son rôle militaire. 68(*)

Les tensions existant entre Tôkyô et les gouvernements voisins, principalement Pékin et Séoul, perdurent depuis des décennies. Une fois encore, la perspective d'un engagement militaire japonais dans ce nouveau conflit ne pouvait que raviver certaines inquiétudes nées de l'époque où le Japon nourrissaient des desseins militaristes et expansionnistes. Les efforts dirigés vers la communauté internationale devaient donc prendre en compte cette donnée. Dans cette perspective, le Premier ministre et son équipe ont mené une vaste campagne de promotion et de transparence auprès des gouvernements des pays d'Asie pour en appeler à leur solidarité. Même s'ils condamnaient fermement les attentats du 11 septembre et le terrorisme, les pays d'Asie orientale étaient en effet réticents à s'engager aux côtés des Américains. Une vaste tournée diplomatique a donc été menée, ce dont rend compte le Blue Book 69(*) : le Premier ministre Koizumi s'est ainsi rendu en Chine le 8 octobre et en Corée du Sud le 15 octobre afin d'expliquer les mesures engagées par le Japon. Le Japon a profité aussi de la réunion des pays membre de l'APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) qui a eu lieu les 20 et 21 octobre à Shanghai, du sommet des pays de l'ASEAN (Association des nations du Sud-Est asiatique) + 3 (Japon, Chine et Corée du Sud) du 5 novembre pour affirmer sa solidarité et sa coopération dans la lutte contre le terrorisme.

Les efforts diplomatiques japonais ont également été renforcés vis-à-vis des pays voisins de l'Afghanistan. Le Premier ministre Koizumi a ainsi adressé des lettres aux Etats islamiques leur demandant de se joindre à la lutte contre le terrorisme tout en soulignant qu'il ne s'agissait pas d'une lutte contre l'Islam. Une série de visites officielles a été également programmée, notamment la visite du vice-Ministre des Affaires étrangères Sugiura Seiken au Pakistan entre le 25 et 28 septembre, les visites de l'ancien Ministre des Affaires étrangères Kômura Masahiko en Arabie Saoudite et en Iran entre le 30 septembre et le 5 octobre et les visites de l'ancien Directeur général de l'Agence de Développement de Hokkaidô et Okinawa, Suzuki Muneo, au Tadjikistan et en Ouzbékistan les 7 et 8 octobre. L'ancien Premier ministre Hashimoto Ryûtarô s'est rendu en Egypte et aux Emirats arabes unis entre le 7 et le 12 octobre tandis que l'ancien Premier ministre Mori Yoshirô et Sugiura Seiken se sont rendus en Inde entre le 28 et 30 octobre. La Ministre des Affaires étrangères Tanaka Makiko quant à elle est allée au Pakistan entre les 22 et 27 octobre.

Il serait facile mais réducteur de ne voir dans cette série de visites en Asie et au Moyen-Orient qu'un simple marathon diplomatique. Il est certain que le Ministère japonais des Affaires étrangères les présente dans son Blue Book de 2002 comme une tournée de promotion pour la lutte contre le terrorisme et d'appel au renforcement de la solidarité internationale. Toutefois, il apparaît évident qu'il s'agissait également d'une occasion non seulement de montrer une diplomatie japonaise active et engagée, mais aussi d'apaiser les inquiétudes vis-à-vis de la politique de contribution du Japon.

Un dernier aspect enfin ne doit pas être négligé : de façon intentionnelle ou non, cette tournée diplomatique donnait une définition extensive de la zone Asie. Or, nous avons vu plus haut que le Premier ministre Obuchi avait exclu les zones du Moyen-orient, de l'océan Indien et des régions au-delà de la définition des zones périphériques visées par loi d'août 1999 sur les situations de crise en zones périphériques. Tout laisse donc croire que le Premier ministre Koizumi remettait en cause cette définition, ce qui ne pouvait qu'apporter du poids à la légitimation de l'envoi des Forces japonaises en soutien aux Américains.

CHAPITRE 2

* 52 Site officiel du Premier ministre japonais, pages sur le terrorisme, op. cit., lien : « \u32207\u32207çùLùLéÒÒ\u20250%oïOE(c)E (01/09/12 10:20) » (Sôri kisha kaiken Conférence de presse du Premier ministre, 12/09/01 10h20), http://www.kantei.go.jp/jp/koizumispeech/2001/0912sourikaiken.html

* 53 SASATO Masahiko \u31545\u31545çù' \u-26939\u-26939%oëïFF,\u12300\u12300u«ú-{ú{ÌÌ\u23550ÎÎ\u24540%oúvúv, Nihon no taiô (La position du Japon), dans Centre d'études et de recherches du Journal Yomiuri (ouvrage collectif) \u-30035\u-30035«Ç»êVVï··\u-30017'²²\u26619ç\u30740OE\u31350†-{Eï»\u12539E \u32232\u32232ïÒ', Tai terorizumu sensô \u23550\u23550ÎÉee\u12525ÉçÉçÉYY\u12512É€€\u25126êíàú (La guerre contre le terrorisme), Tôkyô, Chûô kôron shinsha \u20013\u20013'†%oOEöö__\u26032êVV\u31038éÐÐ, coll. « Chûkô shinsho La Clef » \u20013\u20013'†OEöêVöVèÉ%o%oÉNN\u12524ÉOEOE, n° 24, 2001, pp. 143-145

* 54 Ibidem

* 55 OKAMOTO Yukio \u23713\u23713%o-{{ \u-30644\u-30644çsïvv, op. cit., Asahi shinbun, 18 septembre 2001

* 56 Ambassade du Japon, op. cit. Traduction française - adresse : http:// www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/2001/01-0068-us.html

* 57 Ambassade du Japon, op. cit. Traduction française - adresse : http:// www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/2001/01-0078-terrorisme.html

* 58 Ambassade du Japon, op. cit. Traduction française - adresse : http:// www.fr.emb-japan.go.jp/politique_e/

2001/01-0079-projet.html

* 59 SASATO Masahiko \u31545\u31545çù' \u-26939\u-26939%oëïFF,op. cit., p. 140

* 60 Asahi shinbun, 21 septembre 2001

* 61 Site du Ministère japonais des Affaires étrangères, http://www.mofa.go.jp/policy/other/bluebook/2002/

chap1-b.pdf

* 62 Blue Book 2002, p. 18

* 63 Voir Annexes pour le texte du projet de loi (texte intégral en japonais et traduction en français des points essentiels).

* 64 Blue Book 2002, p. 15

* 65 Asahi shinbun, 20 septembre 2001

* 66 Asahi shinbun, 18 septembre 2001

* 67 L'organisation du G8 est à l'origine un instrument créé en 1975 par la France qui a réuni ainsi un club de nations « occidentales » en intégrant des nations vaincues de la seconde guerre mondiale disposant d'un poids sur la scène internationale, en particulier économique et financier. Le G8 rassemble lors de sommets les ministres des Finances, des Affaires étrangères et les chefs d'Etat des huit pays les plus développés du monde. Il est d'une grande importance pour le Japon car en tant que pays vaincu de la seconde guerre mondiale, il n'a pas été membre fondateur de l'ONU, encore moins membre permanent du Conseil de Sécurité. Or le Japon est membre fondateur du G8.

* 68 Le Monde, 25 octobre 2001

* 69 Blue Book 2002, pp. 17-18

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