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La loi spéciale de lutte contre le terrorisme du 2 novembre 2001

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par Huynh To Uyen Julie Nguyen
INALCO - Maitrise LLCE de Japonais 2004
  

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L'ETAT DES POLITIQUES EXTERIEURE

ET DE DEFENSE DU JAPON

AU MOMENT DES ATTENTATS

L''

'opinion publique japonaise ne s'y trompait pas : condamner le terrorisme n'était pas la même chose que d'engager une guerre contre les terroristes auteurs des attentats du 11 septembre. Le premier relevait du bon sens que possède tout être humain digne de ce nom, respectueux de son prochain et de la vie. Le second relevait d'une volonté de vengeance. Ceci étant dit, il faut aussi préciser que cette volonté de vengeance n'était pas celle du gouvernement Koizumi mais celle du gouvernement Bush et des Américains. La volonté du gouvernement japonais était d'un autre ordre : montrer qu'il était capable de prétendre à un grand rôle diplomatique au niveau mondial. Depuis la fin de la guerre froide, le Japon se trouve dans une situation nouvelle et doit définir de nouveaux objectifs au risque de connaître un déclin de sa situation internationale. Autrement dit, il ne peut plus se contenter d'être un simple pion de la politique américaine de défense en Asie-Pacifique.

La situation dans laquelle se trouvait le Japon vis-à-vis de la guerre de représailles des Américains n'a fait que mettre davantage en exergue l'inadéquation entre les ambitions internationales d'une politique extérieure et les obstacles imposés par une politique de défense trop restrictive.

I) La situation de la politique extérieure : « éviter l'isolement diplomatique »

Comme nous l'avons vu plus haut, la volonté des autorités japonaises d'inscrire leur politique de soutien et de contribution dans le cadre d'une « coopération internationale » tient une place prépondérante dans les mesures d'urgence annoncées au lendemain des attentats du 11 septembre. Il s'agissait en effet pour le gouvernement japonais d'« éviter l'isolement diplomatique », car la gestion de cette crise n'était évidemment pas sans rappeler celle de la guerre du Golfe lors de laquelle Tôkyô avait été fustigé par la communauté internationale et les pays de la coalition pour ne pas avoir engagé de troupes sur le terrain. Et les relents des sentiments d'échec et de « honte » ressentis onze ans plus tôt n'ont fait qu'encourager davantage le gouvernement japonais à faire la démonstration concrète de sa volonté de soutien et de collaboration.

Il s'agissait donc pour le gouvernement japonais d'éviter autant que possible de réitérer les erreurs commises lors de la guerre du Golfe. La coopération auprès des Etats-Unis dans ce nouveau conflit était en effet l'occasion de relever ce que Jean-Marie Bouissou appelle « le défi de la place du Japon dans le monde » 19(*), ce qui a été tenté maintes fois mais avec des résultats mitigés, du moins insuffisants pour prouver que le Japon pouvait prétendre à une place de choix au sein de la communauté internationale.

A) Eviter à tout prix une deuxième « guerre du Golfe »

Le 30 août 2001, douze jours avant les attentats terroristes dirigés contre le World Trade Center et le Pentagone, le Premier ministre Koizumi, qui était en visite aux Etats-Unis, s'interrogeait avec le ministre des Affaires étrangères, Tanaka, et le directeur de l'Agence de Défense, Nakatani : « Si un conflit tel que la guerre du Golfe éclatait, que pourrait faire le Japon ? »20(*). Certains diraient que la réflexion du Premier ministre était prémonitoire, mais ce serait sans considérer le fait que la question préoccupait profondément les hommes politiques japonais. Les sentiments d'échec et de honte éprouvés par la classe politique japonaise et le corps diplomatique étaient encore profondément ancrés dans les mémoires, comme le souligne l'éditorial de l'Asahi shinbun du 18 septembre 2001 intitulé « Wangan go ishô kara dakkyaku wo » \u28286\u28286p\u24460OEãàâãâèÇÇ\u12363(c)(c)\u12425ç'EçEpp\u12434ð\u12539E (Se délivrer du syndrome hérité de la guerre du Golfe) :

Lors de la guerre du Golfe, le Japon a fourni un soutien financier exorbitant, mais il en a été particulièrement critiqué. Il est compréhensible qu'il s'impatiente d' « apporter aux Américains un soutien visible » qui le délivrera de ce syndrome psychologique hérité de la guerre du Golfe.

La guerre du Golfe posait en effet pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide et de façon concrète la question de la contribution internationale (kokusai kôken \u22269\u22269ççÛÛ\u-29534çvv\u29486OE££) du Japon pour la construction du nouvel ordre mondial : quelle assistance le Japon peut-il apporter à ses alliés, au premier rang desquels se trouvent les Etats-Unis ? En 1991, la contribution a été essentiellement financière : 13 milliards de dollars ont été injectés dans l'effort de guerre. Mais le Japon pouvait-il aller plus loin que la « politique du chéquier » ?

La question a fait débat au sein de la classe politique japonaise dès l'automne 1990. En novembre, le Premier ministre Kaifu Toshiki \u28023\u28023Cï»\u12539E \u20426\u20426èré÷÷ et son gouvernement avaient mis au point un premier projet de loi permettant au Japon de participer à une opération internationale sous l'égide des Nations unies et qui n'excluait pas les opérations militaires. Cette initiative a enclenché un double débat sur la nature de l'opération « tempête du désert » qui était une opération militaire autorisée par l'ONU mais qui n'était pas dirigée par l'ONU. La polémique n'a fait que soulever l'ambiguïté de la participation du Japon, aussi le projet de loi a-t-il été rejeté. Par ailleurs, l'opinion publique japonaise, de même que l'opposition de gauche, s'était majoritairement prononcée contre la participation de leur pays à ce genre d'opération. A la fin des hostilités, le Japon a envoyé des dragueurs de mines dans le Golfe, mais il n'avait apporté aucun soutien logistique ni militaire durant les opérations.

Le débat ouvert à l'automne 90 a duré deux ans. Il s'agissait avant tout pour le Japon de mettre en cohérence ses velléités de puissance internationale et ses attributs de la puissance. L'attribut économique et financier était acquis. Pourtant, le Japon a appris de la guerre du Golfe que c'était insuffisant et que l'attribut militaire était indispensable pour prétendre au rang de grande puissance mondiale. En définitive, le Japon a tenté de faire du mieux qu'il pouvait avec les « armes » dont il disposait : des dispositions constitutionnelles contraignantes, des structures légales insuffisantes, mais surtout une opinion publique hostile à tout engagement militaire. Malgré tout, les 13 milliards de dollars fournis par Tôkyô ne représentaient pas un effort suffisant aux yeux des alliés qui considéraient que le Japon avait joué la carte de la facilité. Donner de l'argent sans se compromettre sur le terrain était d'autant plus insuffisant que cela était indigne d'un Etat qui revendiquait le retour à un rôle prépondérant au sein de la société internationale.

B) Le « défi de la place du Japon dans le monde »

Pour Jean-Marie Bouissou, le « défi de la place du Japon dans le monde » est le quatrième défi que doit relever le Japon après le défi des communautés locales et du pouvoir périphérique, le défi du réveil de la société civile et le défi du leadership politique. Pour lui, « la diplomatie japonaise n'a jamais cessé de se chercher » :

Le développement très rapide de l'Asie jusqu'à la crise de 1997 a mis à la mode l'idée d'un recentrage de la diplomatie japonaise sur ce qui devrait devenir le « premier pôle de la puissance mondiale du XXIème siècle », mais sans que les moyens ni les objectifs de cette réorientation soient clairement définis. 21(*)

Reconquérir sa place au sein du concert des grandes puissances mondiales était donc le principal objectif plus ou moins avoué de la diplomatie japonaise, du moins depuis la fin de l'occupation américaine. Cette politique de reconquête n'a pas été menée sans mal et a connu de nombreux échecs.

Depuis la signature du « traité de coopération et sécurité mutuelles » en 1960, le Japon avait fait sentir sa volonté de définir une politique extérieure « à la japonaise » et autonome de la ligne diplomatique américaine. Sur le papier, le second traité de sécurité nippo-américain consacrait en effet le Japon comme « partenaire » des Etats-Unis en Extrême-Orient, faisant passer les relations nippo-américaines d'une situation de leadership à une situation de partnership (article 3), notamment par l'instauration d'une politique de défense concertée à propos des territoires sous administration japonaise (article 5) 22(*). Ainsi, le Japon fondait sa politique d'affirmation face aux Etats-Unis sur la recherche d'une plus grande autonomie politique, militaire et diplomatique, mais aussi sur cette relation de partenariat qui mettait fin à une situation en tant que pays occupé et satellisé. Mais, les limites de la politique de consultation et du partnership nippo-américain, et, en corollaire, les limites d'une politique extérieure à la japonaise étaient aussi inscrites dans l'article 5 qui stipulait que la concertation se ferait « de temps à autre » 23(*). Cela s'est confirmé dans les faits, en particulier au moment de la guerre du Vietnam. De fait, de « mutuelle » ce traité de Coopération et de Sécurité n'en avait que le nom et le gouvernement japonais n'avait pas d'autre choix que d'être un « partenaire » consentant, qu'il ait été consulté ou non par les Américains.

Par la suite, pendant la période de haute croissance, le Japon s'est forgé en tant que grande puissance économique mondiale, mais en parallèle il a été critiqué pour la ligne pacifique de sa politique étrangère car elle trahissait un manque de responsabilité vis-à-vis de la communauté internationale. Or, depuis la fin du système de 55 24(*), qui a entraîné la perte de vitesse de la ligne pacifiste, et surtout depuis la fin de la guerre froide, il semble que s'est raffermie l'affirmation d'un « Japon, grande puissance ». En particulier, le Japon s'est efforcé de jouer un rôle de plus en plus présent au sein de l'Organisation des Nations unies et souhaiterait même une réforme de la Charte afin de pouvoir faire partie du Conseil de Sécurité.

A la fin de la guerre froide, et afin de réaliser ses velléités de grande puissance, le Japon s'est investi tout particulièrement dans deux nouvelles voies : la voie humanitaire, comme l'illustre la création du dispositif JDR en 1992 pour redorer le prestige international du Japon. Ce dispositif réunissait des forces d'intervention susceptibles d'être déployées en cas de catastrophes naturelles à l'étranger, soit 150 000 hommes issus de plusieurs corps de métiers (la sécurité maritime, des services de police de 7 départements, des services de lutte contre les incendies de 40 départements, des médecins, des administratifs), et disposait de représentants basés à Narita, Mexico, Singapour, en Italie et aux Etats-Unis. Le dispositif JDR comptait également des éléments issus des Forces d'autodéfense : 270 militaires, 300 aéroportés et 140 forces du génie (pour les installations en eau potable par exemple). L'autre voie était celle de la lutte contre le terrorisme, tout particulièrement au sein de l'organisation du G8 25(*).

Cette politique de reconquête diplomatique a suivi et continue de suivre des voies diverses. Les voies économique et humanitaire sont celles qui ont certainement donné le plus de résultats positifs, ce qui n'est pas le cas de la voie sécuritaire. En matière de politique de défense, le Japon n'est toujours pas autonome et reste dans l'ombre des Etats-Unis, aussi bien sur le plan international que sur le plan régional. Concernant en particulier les activités des Forces d'autodéfense, les champs d'activités restent restreints à des tâches humanitaires et d'assistance. La politique de soutien et de contribution aux opérations américaines en représailles des attentats du 11 septembre pouvait donc être l'occasion pour le Japon de réaffirmer ses ambitions internationales.

* 19 BOUISSOU Jean-Marie, « Changement ou immobilisme politique ? », Notes et études documentaires, La Documentation Française, n° 5147-février, 2002, pp.176-177

* 20 Asahi shinbun, 16 septembre 2001

* 21 BOUISSOU Jean-Marie, op. cit., pp.176-177

* 22 « Traité de coopération et de sécurité mutuelles entre les Etats-Unis d'Amérique et le Japon (19 janvier 1960), dans JOYAUX François, La nouvelle question d'Extrême-Orient 2, l'ère du conflit sino-soviétique, 1959-1978, Paris, Editions Payot, 1988, pp. 412-414

* 23 Ibidem

* 24 Système de domination du Parti libéral démocrate

* 25 Voir 2ème Partie, Chap. 1, II), B)

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus