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La loi spéciale de lutte contre le terrorisme du 2 novembre 2001

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par Huynh To Uyen Julie Nguyen
INALCO - Maitrise LLCE de Japonais 2004
  

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II) La situation de la politique japonaise de défense 

Le Premier ministre Koizumi déclarait le 14 septembre lors d'une conférence devant la presse étrangère à Tôkyô : « Je déciderai de notre contribution en fonction des actions arrêtées à Washington » 26(*), car, en matière de défense, le Japon restait assujetti aux Etats-Unis. Or, le débat s'était déjà engagé pour savoir s'il fallait envoyer les Forces d'autodéfense japonaises à l'étranger. Jusqu'alors, elles n'étaient jamais intervenues en dehors du territoire japonais et des régions environnantes comme le Cambodge ou le Timor, mise à part dans le cadre d'opérations de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU (Peace Keeping Operations, PKO).

Mais, comme le soulignait notamment le Directeur de l'Agence de Défense Nakatani, la législation en vigueur permettait difficilement l'envoi des Forces japonaises à l'étranger. Les restrictions imposées par la loi sur les situations de crise en zones périphériques et les lacunes d'un système de gestion de crise ont alors amené certains à envisager une révision de la loi sur les Forces d'autodéfense.

A) Une législation trop restrictive en matière de défense

Comme il a été mentionné plus haut, lors de la guerre du Golfe, le gouvernement de l'époque avait déjà tenté de faire passer une loi durant l'automne 1990 afin de permettre le déploiement des Forces d'autodéfense à l'étranger pour soutenir les opérations militaires de la coalition internationale. Cependant, si à l'époque la loi a été rejetée, pourquoi l'envoi des Forces japonaises serait-il réalisable aujourd'hui, en 2001 ? C'est parce que, depuis l'époque de la guerre du Golfe, l'arsenal légal de la défense japonaise s'était étoffé et surtout parce que l'opinion publique était prête à accepter l'idée que les Forces d'autodéfense pouvaient être dépêchées en dehors du territoire national et de ses zones limitrophes. Pourtant, la législation japonaise en matière de défense restait trop restrictive et rigide. Les différentes lois qui la composaient ont été adoptées pour répondre à des circonstances bien spécifiques. A ce propos, Okamoto Yukio \u23713\u23713%o-{{ \u-30644\u-30644çsïvv, critique diplomatique et responsable des questions de sécurité au Ministère des Affaires étrangères, explique dans une interview pour l'Asahi shinbun que :

Le Japon ne s'est pas encore globalement bien remis de la guerre du Golfe. Assurément, les mesures japonaises pour faire face aux situations de crise dans les zones périphériques, la participation aux opérations de maintien de la paix de l'ONU (PKO), le sauvetage des Japonais résidant à l'étranger, dans ces trois domaines le Japon a élaboré de nouvelles lois et a en a réformé d'autres. Cependant, [...] il ne peut appliquer aucune de ces législations à la situation présente. Le Japon est dans une conjoncture qui n'a pas beaucoup changé par rapport à celle de la guerre du Golfe. 27(*)

En effet, l'application de la législation existante pour mettre en oeuvre des mesures en réponse à ces attentats terroristes soulevait deux questions fondamentales : la première était de savoir si les représailles de l'armée américaine s'appliquaient aux situations de crise en zones périphériques et la seconde était de déterminer s'il n'y avait pas un risque de contrevenir à la position du Japon vis-à-vis de l'utilisation du droit à la défense collective.

Le système de gestion de crise japonais restait donc très circonscrit, même si des discussions pour mettre sur pied un système global avaient été engagées depuis les années 70 28(*). Les activités des Forces d'autodéfense sont en effet strictement encadrées, non seulement leur nature, mais aussi les circonstances dans lesquelles elles sont exécutées. La loi PKO votée en 1992 permettait certes l'envoi des Forces japonaises à l'étranger mais dans le seul cadre d'opérations de maintien de la paix menées sous l'égide de l'ONU. Autrement dit, elles ne pouvaient intervenir qu'une fois les combats terminés, dans des zones sécurisées et pour accomplir des missions à vocation logistique et humanitaire. Enfin, les règles d'utilisation des armes ne permettaient d'y avoir recours uniquement dans les seuls cas de légitime défense.

B) La législation sur les situations d'urgence et la loi sur les situations de crise en zones périphériques : divergences d'opinions sur le principe d'un aménagement

En matière de situations d'urgence, la législation en vigueur au Japon ne concernait que les situations susceptibles de survenir dans les zones périphériques telles que définies par la loi sur les situations de crise en zones périphériques mise en vigueur en août 1999. Cette loi elle-même se basait sur les directives de coopération nippo-américaine en matière de défense ou Guidelines. Selon le texte, « en cas de crise grave dans les zones périphériques du Japon ayant une grave influence sur la paix et la sécurité du Japon » (situations de crises en zones périphériques, comme les menaces d'invasion), les Forces d'autodéfense peuvent mener des opérations de soutien de l'armée américaine dans les zones arrière qui sont délimitées par une ligne de démarcation séparant ces zones de celles où se déroulent des combats. Ces opérations de soutien comprennent des activités de soutien en zones arrière (comme le transport de matériel ou le soutien logistique) et des activités de secours et d'assistance en zones arrière auprès des personnes participant aux combats et qui sont en détresse.

Comme l'indiquait l'article de l'Asahi shinbun du 13 septembre 2001 sous-titré « Yûji hôsei maetaoshi ron mo » \u26377\u26377Lé--@-@ꧧ\u21069OO\u20498«||\u12375uu\u-29994__\u12418àà (Débat anticipé sur la législation sur les situations d'urgence), dès le lendemain des attentats, le premier réflexe de la classe politique japonaise a été de demander un premier aménagement, voire une accélération des discussions sur la législation en matière de situations d'urgence. C'était le cas du Parti libéral démocrate mais également d'une partie de l'opposition, comme le par exemple Nakazuka Kazuhiro \u20013\u20013'†'ËË \u19968\u19968àêçGG, du Parti libéral, qui estimait que la loi sur les situations d'urgence devait être aménagée lors de la prochaine session extraordinaire de la Diète. A cela, le Premier ministre Koizumi répondait que le sujet n'était pas à l'ordre du jour et qu'il existait bien d'autres points qui posaient problème 29(*).

Les opinions divergeaient également en ce qui concernait la question de la surveillance des bases américaines installées sur le territoire japonais, autre élément fondamental de la législation en situations d'urgence. Au sein de la majorité, le Kômeitô n'était pas de l'avis du Parti libéral démocrate. Il pensait que, si conformément à la loi les missions de surveillance relevaient de la police, l'intervention des Forces d'autodéfense ne devait être autorisée que dans le cadre d'opérations de sécurité publique et qu'il valait mieux établir les mesures à prendre en se basant sur la législation en vigueur plutôt que d'aménager la loi 30(*). Or, comme le Directeur de l'Agence de Défense Nakatani l'indiquait, la loi sur les situations de crise en zones périphériques ne permettait pas aux Forces d'autodéfense d'assurer la surveillance des bases américaines dans la mesure où les événements terroristes du 11 septembre n'entraient pas dans le cadre d'une « situation de crise survenant dans les zones périphériques du Japon et présentant une grave influence sur la paix et la sécurité du Japon ». Les attentats avaient été perpétrés en effet aux Etats-Unis, c'est-à-dire bien loin des « zones périphériques » du Japon.

En outre, le théâtre des opérations de représailles, autrement dit l'Afghanistan et ses environs, n'entrait pas non plus dans la définition des « zones périphériques du Japon » telle que l'entendait la loi. En fait, le désir de résoudre le problème des mesures en réponse aux événements du 11 septembre par un aménagement de la loi sur les situations de crise en zones périphériques émanait essentiellement de l'Agence de Défense. Cette dernière estimait que, même si la probabilité était faible pour que le Japon, en tant qu'allié des Américains, puisse être menacé par des attentats terroristes, cette menace ne devait pas être négligée et pouvait justifier la mise en application de la loi sur les situations de crise en zones périphériques. Cependant, un soutien direct à des opérations offensives de représailles ne cadrant pas avec les dispositions de la loi, l'Agence de Défense étudiait donc les possibilités d'une application de la loi par interprétation. Selon l'organisme, une « interprétation extensive » de la définition des « zones périphériques » pouvait permettre des opérations de soutien arrière comme le transport de matériel ou le ravitaillement. Or, lorsque la loi a été votée en août 1999, Obuchi \u23567\u23567è#172;·°°, le Premier ministre de l'époque, avait expliqué officiellement que sa portée ne concernait pas les zones du Moyen-orient, de l'océan Indien et ni des régions au-delà. Cependant, la loi elle-même ne donnait pas de définition claire des « zones périphériques ». C'est ce qu'explique Yamamoto Takeshi 31(*) :

Les zones visées par le traité de sécurité nippo-américain sont le Japon étendu à l'Extrême-Orient. L'Extrême-Orient désigne une zone qui peut s'étendre des zones limitrophes au nord des Philippines, Taiwan, la Corée du Sud, ainsi que la Corée du Nord. En outre, de l'opinion du gouvernement, ce terme vise également les « zones périphériques » extérieures à ces zones pour les cas de situations de crise engendrant une menace pour l' « Extrême-Orient » (février 1960). Autrement dit, il s'agit d'une structure à trois composantes selon laquelle la sécurité du Japon (les frontières japonaises) est assurée par le maintien de la sécurité et de la paix en Extrême-Orient (Extrême-Orient) contre les menaces dirigées vers l'Extrême-Orient (les zones périphériques).

A cet égard, la loi sur les situations de crise dans les zones périphériques considère les zones périphériques et l'Extrême-Orient comme les zones visées dans le cas de situations de crise ayant une grave influence sur la paix et la sécurité du Japon. Cette loi est ambiguë car elle ne spécifie pas clairement les zones en question.

Les Guidelines en outre ne faisaient qu'ajouter à l'ambiguïté en stipulant que cette définition n'était pas d'ordre géographique mais qu'elle s'appréciait selon la teneur de la situation, ce que précise également Yamamoto Takeshi : «  Le gouvernement japonais détermine de façon autonome les situations de crise dans les zones limitrophes » 32(*).

Or, le Ministère des Affaires étrangères et les partis de la majorité n'étaient pas du même avis que l'Agence de Défense et estimaient que :

Si le site des opérations de combat se trouve être en Afghanistan, il sera difficile d'intervenir même en interprétant la loi de façon extensive ». 33(*)

Ils seraient par contre plus favorables à une révision de la loi sur les Forces d'autodéfense.

C) La proposition d'une réforme de la loi sur les Forces d'autodéfense

Comme il a déjà été mentionné plus haut, le Directeur de l'Agence de Défense Nakatani proposait dès le lendemain des attentats de réformer la loi réglementant les activités des Forces d'autodéfense pour qu'elles puissent, en temps de paix sur le territoire japonais et dans ses zones périphériques, assurer la protection et la surveillance des bases nippo-américaines et américaines. Cette loi permettait aux Forces d'autodéfense d'utiliser leurs armes pour assurer la protection des équipements et armements et de mener des opérations de surveillance des bases conjointement utilisées avec l'armée américaine. Mais ces dispositions ne pouvaient être appliquées en ce qui concernait les bases à l'usage exclusif de l'armée américaine, à moins que le Premier ministre ne donne l'ordre de mener des opérations de sécurité publique.

Le Premier ministre Koizumi, ainsi que le Parti libéral démocrate, approuvaient la nécessité de réformer la loi afin d'étendre le champ d'application des activités des Forces d'autodéfense. Le 13 septembre en effet, lors d'une réunion rassemblant les secrétaires généraux des trois partis de la majorité, le secrétaire général du PLD, Yamazaki \u23665\u23665éRçèè, a formulé des propositions en ce sens. Toutefois, le Kômeitô et le Parti conservateur n'ont pas souhaité se prononcer avant d'avoir pris connaissance du projet final.

Pour le directeur de l'Agence de Défense, qui a élaboré le nouveau concept de « situation de tension », le but de la réforme était de faire en sorte que les Forces d'autodéfense puissent intervenir dans les cas d'exposition à un danger terroriste34(*). Cependant, il pensait également qu' « il ne s'agit pas de réformer la loi mais de surmonter le débat sur son interprétation » 35(*).

CHAPITRE 3

LE JAPON ET LA LUTTE

CONTRE LE TERRORISME

P

our les dirigeants des pays touchés par des actes terroristes, la première nécessité qui s'impose de façon naturelle et impérieuse est de lutter contre cette menace. Il s'agit dès lors de définir la forme que doit prendre cette lutte. Dans un pays démocratique, elle fait généralement l'objet d'une politique publique, c'est-à-dire élaborée par les hautes instances de l'appareil d'Etat, et se caractérise par l'application d'un programme d'action et d'une mise en oeuvre sur le terrain susceptible d'être réaménagée en fonction des résultats et de son efficacité. Il s'agit de défendre le droit naturel et imprescriptible de l'homme à la sécurité.

Or, jusqu'à présent, la plupart des initiatives en matière de politique de lutte contre le terrorisme n'ont trouvé de véritable concrétisation qu'à un niveau national. Bien sûr il existe des mesures communes mises en oeuvre à une échelle régionale, au niveau européen par exemple, mais elles sont encore balbutiantes. Elles le sont davantage au niveau mondial36(*). Des mesures telles que la guerre de représailles annoncée par les Etats-Unis n'ont jusqu'alors jamais été engagées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. L'extrémisme d'une telle démarche ne tient d'ailleurs pas tant dans les énormes moyens militaires mis en oeuvre, mais surtout dans le fait que le gouvernement Bush cherche à engager dans son sillage ses alliés, dont le Japon qui se trouve alors confronter à la difficile question de savoir quel rôle il doit jouer dans cette guerre contre le terrorisme.

I) « La guerre contre le terrorisme »

La mise en oeuvre d'une politique de lutte contre le terrorisme se caractérise en premier lieu par l'existence d'un très fort consensus, non seulement entre les autorités politiques et les citoyens, qui réclament la justice pour les victimes et des mesures pour assurer leur sécurité, mais aussi au sein de la classe politique elle-même qui adopte alors un discours unitaire. Comme nous l'avons vu plus haut, la classe politique japonaise n'échappe pas à cette règle.

Dans le cas des événements du 11 septembre, la question de la nature du soutien japonais était directement liée à celle de la nature de la riposte américaine. Or celle-ci allait être, sans équivoque, d'un caractère offensif et militaire. Les déclarations du Président Bush ne laissaient d'ailleurs aucun doute là-dessus : une « nouvelle forme de guerre » s'annonçait imminente. Toutefois, avant d'analyser les significations et les implications de cette expression, qui sont par ailleurs directement liées à la nature particulière des événements du 11 septembre, il convient tout d'abord de définir ce qu'est le terrorisme.

A) Qu'est-ce que le terrorisme ?

Comme le mot l'indique, le terrorisme vise à susciter la terreur au sein de l'opinion publique et des dirigeants d'un Etat afin de les ébranler, de faire passer un message, ou pour faire valoir certaines revendications. Sado Ryûki, chercheur à l'Institut de gestion des risques (risuku kanri kenkyû \u12522\u12522ÉÉXX\u12463ÉNN\u31649ÇÇ\u29702ùOEù††) écrit à ce propos dans l'Asahi shinbun que « le terrorisme est une guerre qui a recours à la « menace » comme action de coercition morale » 37(*). Le terrorisme relève donc de la menace psychologique comme l'explique également Gérard Chaliand, théoricien des conflits :

L'objectif premier du terrorisme est de répandre la terreur. Celle-ci peut être exemplaire (« tuer un, être vu de mille ») ou massive. [...]

[Le nombre de victimes est] de peu de conséquence. Le véritable impact est d'ordre psychologique : ce qui est d'abord visé, ce sont les esprits et les volontés. 38(*)

Les causes du terrorisme sont multiples et fonction de chaque forme qu'il revêt. Leur dénominateur commun semble cependant être la volonté de faire valoir telle ou telle revendication. Toutefois, le terrorisme reste un phénomène d'une nature imprévisible, multiforme et hétérogène qui appelle des contre-mesures adaptées. Pourtant, le phénomène terroriste étant très complexe, du fait de la variété des ses acteurs et de la multiplicité de leurs motivations et de leurs modes d'action, il est difficile de donner une définition précise du terrorisme. La typologie des terrorismes cependant permet de faire la distinction entre deux grands types de terrorisme : le terrorisme interne et le terrorisme international ou transnational. Ce dernier se caractérise par une menace terroriste exogène, pouvant prendre pour cible ou terrain d'action n'importe quel pays, quelles que soient l'origine et les revendications de ses auteurs. C'est ce qui lui confère sa nature diffuse et explique le caractère unanime et solidaire de la volonté de la communauté internationale pour lutter contre cette menace car n'importe quel pays est susceptible d'être concerné par ce problème.

De très nombreux événements empreints de terrorisme jalonnent l'histoire du monde. Le premier d'entre eux daterait du premier siècle de notre ère 39(*). Le terrorisme n'est donc pas un phénomène nouveau ou caractéristique de l'époque contemporaine, contrairement à ce que certains observateurs ou auteurs laisseraient entendre. Le « terrorisme contemporain », quant à cette forme spécifique du phénomène, n'est pas né avec les attentats du 11 septembre mais en 1968 :

Le terrorisme contemporain a bientôt trois décennies d'existence. Il est en effet convenu de situer sa double naissance à la date de 1968.

D'une part, la matrice proche-orientale qui voir le jour lorsque le Front populaire de libération de la Palestine de Georges Habache détourne deux avions de la compagnie israélienne El Al (été 1968). [...]

D'autre part, la matrice latino-américaine, qui, après l'échec du Che en Bolivie, préconise la guérilla urbaine. 40(*)

Le Japon également a été le théâtre de séries d'attentats, à la fin des années 60 et dans les années 70, organisés par des mouvements gauchistes étudiants qui ont donné naissance au Nihon Sekigun 41(*). Le Nihon Sekigun était un groupe de terroristes japonais qui sévissait essentiellement à l'étranger, notamment en Europe et au Moyen-orient. Ses membres s'entraînaient dans des camps du Moyen-orient et ont souvent mené des opérations en collaboration avec des terroristes d'autres nationalités. De nombreux observateurs se sont pourtant accordés pour parler des attentats du 11 septembre comme d'événements annonçant l'ère du terrorisme international, alors que, selon Gérard Chaliand, c'est le FPLP qui a inauguré le phénomène :

Le FPLP inaugurait la vague contemporaine du terrorisme transnational, c'est-à-dire celui qui frappe ailleurs que sur le théâtre même où se situe le conflit. Les émules ne manqueront pas et le Moyen-Orient se distingue comme la source la plus fertile en terrorisme transnational. 42(*)

Le Nihon Sekigun a fortement contribué à élaborer les modalités du terrorisme international, en particulier par l'apport de techniques terroristes radicales comme le détournement d'avion ou l'attentat suicide.

On peut donc définir le terrorisme comme l'ensemble des formes de violences utilisées à l'égard de cibles non combattantes, de populations civiles, choisies pour leur impact symbolique ou médiatique afin de provoquer un effet de terreur, de vulnérabilité et d'impuissance dans le but d'obtenir un résultat politique déterminé. Toutefois, comme le souligne André Kaspi, historien et spécialiste des relations internationales, le terrorisme, plus qu'un ensemble de formes de violences, est surtout une méthode fondée sur la violence :

Le terrorisme n'est pas une doctrine que l'on pourrait placer sur le même plan que le communisme, le nazisme ou le tiers-mondisme. Il est avant tout un moyen, une méthode pour faire peur, pour imposer une volonté, des objectifs rationnels ou irrationnels. Il ne s'embarrasse pas de considérations morales : il exécute des innocents, au prétexte qu'aucun d'entre nous n'est vraiment innocent. 43(*)

Il s'agit en effet d'une méthode de guerre dont les moyens obéissent à des règles fondées sur des principes extrémistes afin de provoquer l'impact le plus retentissant possible. Or, c'est précisément parce que le terrorisme est une méthode de guerre que la rhétorique de guerre va presque naturellement trouver sa place dans les discours des chefs d'Etat, au premier rang desquels se place le président Bush, et dans les commentaires des médias.

B) « Une nouvelle forme de guerre » ou la rhétorique de guerre

Marie-Hélène Gozzi souligne dans son ouvrage, Le terrorisme, que le terrorisme est à la fois une idéologie et une méthode. Le terrorisme n'est pas en soi une guerre, mais plutôt une méthode de guerre :

D'aucun parlent à propos des actes de terrorisme, d'actes de guerre. Les attentats du 11 septembre sont particulièrement nommés ainsi car « même si on appelle cela du terrorisme, c'est aussi une agression » [Article 2 de la Convention de Strasbourg]. Doit-on alors comprendre que toute agression est une guerre. Nous ne le croyions pas. Il est des différences fondamentales entre la guerre et le terrorisme. 44(*)

Déclarer la guerre au terrorisme revient alors à déclarer la guerre à une certaine forme de guerre. « Pur jeu de mots » diraient certains, mais la nuance est ici essentielle car il semble que cette rhétorique de guerre soit la première, et seule, légitimation officielle qui ait été avancée pour justifier des représailles et la mise en action des systèmes d'alliances de sécurité, en particulier ceux institués par l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et le traité de sécurité nippo-américain. L'essentiel, en effet, était d'établir la pertinence d'une déclaration de guerre et dans le cas présent il importait peu que l'ennemi ne soit pas un Etat hostile. Le terrorisme et, par extension, les individus qui en usent représentaient une menace suffisamment grave et dangereuse pour que se justifie la mise en oeuvre de mesures contre-offensives.

Dans son ouvrage «Tero to no sensô» to ha nani ka ? - 9.11 igo no sekai \u12300\u12300uÉee\u12525ÉçÆçÆÌÌ\u25126êíàúvv\u12392ÆÆ\u12399ÍÍ\u20309%o½½\u12363(c)(c) - 9.11\u20197\u20197àÈOEãÌãÌêcentscents\u30028EE (Qu'est-ce que «la guerre contre le terrorisme» - Le monde depuis le 11 septembre), Nishitani Osamu \u-30337\u-30337ê¼'JJ \u20462\u20462èC analyse la rhétorique de guerre développée par le président George W. Bush, rhétorique relayée par les média américains, au premier rang desquels la chaîne de télévision CNN. Nishitani Osamu note en effet que :

Le président Bush, s'arrangeant pour éluder les questions demandant « pourquoi ? » qui devaient naturellement surgir, présumait qu'il s'agissait d'une « guerre », la qualifiant d'« agression ignoble » contre « la liberté » et «  la démocratie » et annonçait des « représailles » globales.

[...] Depuis, la rhétorique de « guerre » abonde. Ce qui est stupéfiant c'est la surprenante « unanimité » qui s'est propagée dans les pays occidentaux (bien sûr, la position diffère selon chaque pays mais cette position s'unifie autour du soutien à la « guerre de représailles » des Etats-Unis et d'une assistance active). 45(*)

Cette rhétorique de guerre était ainsi symbolisée par la loi du talion, « oeil pour oeil, dent pour dent », qui dans la volonté de riposte que nourrissaient les Américains devenait synonyme du « God bless America » dont le président Bush ponctuait immanquablement ses interventions. Les Etats-Unis voulaient se venger.

La question qui se posait dès lors pour les traditionnels alliés des Etats-Unis était de savoir s'ils devaient leur apporter leur soutien. La réponse pouvait paraître évidente au regard de la gravité et de la barbarie des crimes commis. Pourtant l'équation était bien plus compliquée. En effet, les Américains entendaient mener le combat dans une « nouvelle forme de guerre » contre la menace que représente le terrorisme international. En elle-même, la formule légitimait la possibilité de mener des représailles militaires et présupposait donc l'éventuelle mise en action des alliances de sécurité.

Cependant, l'expression « guerre contre le terrorisme » désigne un ennemi informel, sans identité ni patrie ou territorialité. Les systèmes d'alliances militaires conventionnels visent traditionnellement à réagir contre des Etats belligérants, en réponse à un acte de guerre. Or, le terrorisme n'est pas un Etat. Le terrorisme n'est pas non plus une guerre. C'est une forme d'action violente.

La querelle terminologique n'a pour le moment trouvé aucune issue, du moins tant que sur le plan du droit international ces concepts n'auront pas été clairement et définitivement définis. L'essentiel, pour ce qui nous intéresse, est de constater que le président Bush a nourri son discours de cette rhétorique de guerre afin de légitimer des représailles militaires. D'autres commentateurs vont même plus loin en évoquant des raisons moins avouables que la seule défense des valeurs de la liberté et de la démocratie, raison telle que la volonté de consolider la présence américaine au Moyen-orient afin d'avoir un meilleur contrôle sur les ressources pétrolières de la région.

Quoi qu'il en soit, bonne raison ou mauvais prétexte, Washington était décidé à envoyer des troupes au Pakistan et en Afghanistan. Pour le Japon, seul ce fait importait ; et malgré la crainte qu'un cercle vicieux des représailles ne s'engage, Tôkyô ne pouvait se dérober à son rôle d'allié militaire des Etats-Unis.

C) Le cas particulier des attentats du 11 septembre

Le cas des événements du 11 septembre sont en effet particulier car dans ces attentats contre les Etats-Unis, l'identité de la cible a été certainement l'élément déterminant qui a permis de mettre en branle toutes ces initiatives pour cimenter une riposte d'envergure mondiale. Cependant, ce n'était pas la première fois que les Etats-Unis étaient victime d'attentats terroristes. Sur leur propre sol, le gouvernement américain a déjà vécu des attentats dirigés contre des symboles de l'Etat fédéral, notamment orchestrés par des groupuscules d'extrême droite. Les ambassades américaines ont déjà aussi été la cible d'attentats dirigés ou commandités par des islamistes.

Mais dans le cas présent, c'est la première fois que le sol américain est touché par des terroristes extérieurs. C'est la première puissance économique et militaire mondiale, le « gendarme du monde », qui a été attaquée et ce sont les symboles de sa puissance qui ont été visés. Tous les commentateurs du monde entier, comme Gérard Chaliand notamment, se sont accordés sur ce point : le 11 septembre marque un tournant de l'histoire du terrorisme :

Les attentats du 11 septembre 2001 marquent une date dans l'histoire du terrorisme international. Bien qu'ils se situent dans le fil du terrorisme classique, ils se distinguent par le nombre des victimes et parce qu'ils ont, par le recours aux commandos suicides, frappés les Etats-Unis de façon spectaculaire au coeur même de ses symboles.

Ils ne marquaient pas le début d'une ère nouvelle, celle d'un terrorisme dévastateur pouvant contribuer à mettre à genoux un puissant Etat mais ils parvenaient à produire un effet de choc en montrant la vulnérabilité du sanctuaire américain. [...]

Le retentissement des attentats tient d'abord au fait qu'ils ont eu lieu aux Etats-Unis et qu'ils ont provoqué un nombre de victimes encore jamais atteint par le terrorisme non étatique. Ils démontraient, en passant, l'importance prise par la privatisation de la violence organisée et son caractère transnational. L'impact psychologique en était sans précédent. Le 11 septembre était bien le jour qui ébranla l'Amérique. Et l'onde de choc, puisqu'elle concernait les Etats-Unis de façon aussi fortement symbolique, était mondiale. 46(*)

Toutefois, le triste record qu'a représenté le nombre de victimes n'a été qu'une circonstance aggravante. En effet, pour mettre sur pied une politique de lutte contre le terrorisme, le nombre de victimes qu'engendrent les attentats terroristes n'est pas la première donnée prise en compte, celui-ci étant plutôt faible comparé à d'autres formes de violence. Malgré cela, la symbolique que ces attentats véhiculent et les cibles (bâtiments officiels, institutions de l'Etat, lieux de grande fréquentation) que choisissent les terroristes nécessitent des mesures adaptées. En premier lieu, c'est avant tout l'Etat démocratique lui-même qui est visé au travers de ses institutions et de ses citoyens. Les habitants d'un pays ne sont pas visés en tant que personnes mais en tant que citoyens d'un Etat. Cela se vérifie d'ailleurs avec les attentats perpétrés contre les communautés expatriées ou les touristes. L'Etat reste toujours la première cible à atteindre, quels que soient les moyens employés : prises d'otages, destructions de bâtiments publics, attentats à la bombe dans les transports en commun ou autres. Bien sûr, et contrairement à d'autres formes de terrorisme, comme le terrorisme nationaliste, pour lesquels les victimes humaines ne sont souvent qu'un « dommage collatéral » et les dégâts généralement d'ordre matériel, dans le cas présent l'intention des terroristes était clairement de tuer le plus de personnes possible afin de conférer à leur action un impact aussi grand que possible.

Cela étant dit, il n'en restait pas moins qu'il s'agissait surtout pour le gouvernement Bush de laver l'honneur américain bafoué par des terroristes qui pour la première fois de l'histoire des Etats-Unis sont parvenus à violer cette citadelle réputée inviolable, et accessoirement de venger les quelque 3 000 victimes du World Trade Center. C'est parce que ce sont les Etats-Unis qui ont été visés, et touchés de plein fouet, que l'ampleur des représailles s'annonçait à l'échelle mondiale. D'autres pays, qui avaient également connu des attentats très meurtriers, n'avaient simplement pas le poids politique et diplomatique des Etats-Unis pour mettre sur pied une riposte de grande ampleur. Ils pouvaient seulement espérer que leurs services de police, avec le soutien d'Interpol, collaborent avec leurs homologues des pays dont étaient originaires les auteurs des attentats, ou avec ceux des pays les abritant, afin de les rechercher et de les traduire en justice.

* 26 Asahi shinbun, 15 septembre 2001

* 27 OKAMOTO Yukio \u23713\u23713%o-{{ \u-30644\u-30644çsïvv, Shushô shudô de koritsu kaihi wo \u-26218\u-26218éñéåå«#177;#177;\u12391ÅÅ\u23396OEÇÇ\u31435§§\u22238%oñ»ðñðð\u12539E (Eviter de s'enfermer dans les initiatives du Premier ministre), Asahi shinbun, 18 septembre 2001

* 28 La loi sur les situations d'urgence ne sera votée que le 15 mai 2003

* 29 Asahi shinbun, 15 septembre 2001

* 30 Ibidem

* 31 YAMAMOTO Takeshi \u23665\u23665éR-{{ \u21083\u21083çémm, op. cit., p. 75

* 32 Ibidem

* 33 Asahi shinbun, 16 septembre 2001

* 34 Asahi shinbun, 15 septembre 2001

* 35 Asahi shinbun, 16 septembre 2001

* 36 Voir GOZZI Marie-Hélène, op. cit, Chapitre III : « La lutte contre le phénomène terroriste : les moyens de la riposte », pp. 96-150

* 37 Asahi shinbun, 16 septembre 2001

* 38 CHALIAND Gérard, « La mesure du terrorisme », dans CHALIAND Gérard, op. cit., pp. 10-11

* 39 Voir GOZZI Marie-Hélène, Le terrorisme, Paris, Ellipses, 2003, p. 20

* 40 CHALIAND Gérard, op. cit., p. 7

* 41 Sur l'armée rouge japonaise (Nihon Sekigun), consulter le livre de PRAZAN Michaël précédemment cité. Michaël Prazan est journaliste et enseignant. Son livre se lit comme un documentaire qui retrace l'histoire du Nihon Sekigun.

* 42 CHALIAND Gérard, op. cit., p. 7

* 43 DUROSELLE Jean-Baptiste et KASPI André, Histoire des relations internationales de 1945 à nos jours, Tome II, Paris, Armand Colin, 2002, p. 612

* 44 GOZZI Marie-Hélène, op. cit., pp. 53-54

* 45 NISHITANI Osamu, «Tero to no sensô» to ha nani ka ? - 9.11 igo no sekai \u12300\u12300uÉee\u12525ÉçÆçÆÌÌ\u25126êíàúvv\u12392ÆÆ\u12399ÍÍ\u20309%o½½\u12363(c)(c) - 9.11\u20197\u20197àÈOEãÌãÌêcentscents\u30028EE (Qu'est-ce que «la guerre contre le terrorisme» - Le monde depuis le 11 septembre), Tôkyô, Ibunsha \u20197\u20197àÈï\u31038éÐÐ, 2002, pp. 8-9

* 46 CHALIAND Gérard, op. cit., pp. I-II

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius