SECTION II : LES AUTRES SANCTIONS
 Tout  débiteur a la faculté de limiter  ses
obligations contractuelles. Cette faculté n'est limitée que par
l'obligation essentielle. Lorsqu'une clause viole l'obligation fondamentale, le
contrat est passible de deux sortes de sanctions. Soit le juge opte pour la
nullité de la clause et le reste du contrat continue, soit il  annule 
tout simplement toute  la convention, et le contrat est anéanti.
Autrement dit, la violation d'une obligation essentielle entraîne ou la
nullité partielle et le maintien du  contrat (paragraphe I) ou la 
nullité totale du contrat (paragraphe II). 
Par ailleurs, la nullité d'un contrat ; qu'elle soit
totale ou partielle, absolue ou relative, ne peut résulter que d'une
décision de justice tout comme la résolution du contrat. Le
jugement d'annulation entraîne l'anéantissement  total et
rétroactif du contrat. Cette solution a pour source l'adage :
quod nullum est, nullum  effectum producit. La
jurisprudence traduit cette maxime par le principe «  Ce qui est nul
est réputé n'avoir jamais existé » et ce
principe se retrouve au visa de beaucoup d'arrêts. Ce principe semble
a priori fort simple. La théorie des nullités est en
réalité complexe. Un contrat nul, en effet, n'en conserve pas
moins une existence apparente : il a parfois été
exécuté ou a reçu un début d'exécution. Sa
destruction peut donc entraîner un préjudice, non seulement pour
les parties mais également pour les tiers. Dans la mesure du possible,
notre droit s'efforce d'atténuer les inconvénients de la
nullité.  
   
   
PARAGRAPHE I : LA NULLITE PARTIELLE ET LE MAINTIEN DU
CONTRAT
La nullité partielle implique la nullité non de
tout le contrat, mais d'une ou de certaines  de ses clauses. Limiter la
nullité à ce qui est  strictement nécessaire est la
tendance actuelle  du droit des contrats. C'est aussi la solution retenue pour
les  principes d'Unidroit relatifs au contrat de commerce international
(article 3 -1- 166) : « L'annulation se limite au seule du contrat
visée par la cause d'annulation, à moins que eu égard  aux
 circonstances, il ne soit déraisonnable de maintenir les autres
dispositions du contrat ». Ainsi, chaque fois qu'une clause porte
atteinte à une obligation essentielle, elle est réputée
non écrite c'est-à-dire qu'elle est nulle mais que le reste du
contrat continue.  Cette  sanction semble découler d'une technique de
dissuasion du juge comme le disait Planiol : l'annulation de la clause seule
« apparaît souvent comme le moyen  le plus propre pour
décourager les parties de l'insérer dans le contrat. Celui des
contractants qui tient à l'insertion de la clause, court le risque de
voir l'autre demander à la fois l'exécution du contrat et la
nullité de la clause ».  
Quelles sont donc les conséquences de la clause
réputée non écrite dans un contrat ?  Si
conséquences il y a, celles-ci n'ont jamais été
spécifiées par la jurisprudence. Toutefois    en doctrine,   la
suspension d'une clause  entraîne des transformations au sein du contrat.
Celles ci se constatent  non seulement dans le contenu du contrat mais aussi 
lors de l'exécution du contrat. 
 Contenu du contrat 
La nullité d'une clause entraîne  une
modification de la substance du contrat. Si la clause est  nulle ou
réputée non écrite, il  y aura un vide dans le contrat. La
question qui se pose dans ce contexte est de savoir comment combler ce vide. 
Plusieurs techniques sont à la disposition du juge pour
ce faire. Il peut procéder à la réduction de la clause
excessive. Cette technique est très souvent appliquée par la
jurisprudence aux clauses de non concurrence excessives. Dans un arrêt de
1960 ; la chambre sociale de la Cour de Cassation a décidé qu
`« une clause de non concurrence est en principe licite et ne doit
être annulée que dans la mesure où elle porte atteinte
à la liberté du travail en raison de son étendue
». 
Dans une espèce toute autre, la même technique a
été utilisée. C'était au sujet d'une reconnaissance
de dettes pour un montant  excédant le montant de la dette.  La
technique de la réduction de clause excessive a été 
critiquée comme permettant au juge de trop s'immiscer dans le contrat.
Pour certains, elle va à l'encontre de l'article 1134 du Code civil.
D'autres pensent que la réduction est une sanction plus grave que
l'annulation totale du contrat . 
Parfois, c'est la loi elle-même qui préconise
cette technique. Ainsi, les donations excédant la quotité
disponible sont immédiatement réduites ; de même le montant
du loyer excessif ou du taux d'intérêt usuraire sera ramené
au montant légal ou encore la convention  d'indivision supérieure
 à cinq ans sera limitée à ce délai. 
Il peut arriver que  la clause réputée non
écrite  entraîne dans sa chute  une ou plusieurs autres
dispositions  sans pour autant mettre l'existence du contrat en danger C'est le
cas par exemple d'une clause de non concurrence assortie d'une clause
pénale comme sanction. Dans ce cas, l'annulation de la première 
entraîne celle de la  seconde. La clause nulle peut aussi avoir un lien
d'indivisibilité  avec d'autres dispositions du contrat. Dans ce cas
aussi, seules les dispositions concernées seront réputées
non écrites. 
Une deuxième technique est utilisée par le juge
pour pallier au vide laissé par l'annulation d'une clause du contrat.
C'est l'application du régime légale en lieu et place de la
clause litigieuse. Cela  se révèle plus concrètement  dans
les contrats à statuts impératifs tels  que le contrat de bail ou
le contrat de travail. Dans ces contrats, très souvent, la disposition
impérative ou légale prend la place de la clause nulle.  Aussi,
lors de la modification de l'article 79 de l'ordonnance  du 30 décembre
1958 relatif aux clauses d'indexation par la loi du 9 juillet 1970 ; cette
dernière stipulait que « toute clause d'indexation rendue
illicite par les dispositions nouvelles est remplacée de plein droit  et
sauf accord des parties  sur une autre indexation licite, par une clause
portant indexation  sur la variation de l'indice national du coût de la
construction publié par  l'INSEE ». 
Dans une décision de 1972, la Cour de cassation abonde
dans ce même sens. En l'espèce, il s'agissait  de la vente
à crédit d'un fonds de commerce d'un mécanicien garagiste.
Les parties avaient choisi comme indice le salaire de  l'ouvrier OP 4  de
l'industrie  automobile, publié dans les mercuriales professionnelles.
Or  il  n'y avait pas d'officier OP 4 ni de mercuriales dans  cette
industrie. 
La Cour d'appel de Caen avait alors substitué à
cet indice inexistant une référence à l'évolution
du salaire  de l'ouvrier qualifié de l'automobile dans  l'échelon
le plus élevé, le salaire de l'OP 3. La troisième Chambre
civile a approuvé cette substitution justifiée par le pouvoir des
juges du fonds d'interpréter la volonté des parties.  
Certains auteurs ont jugé qu'une telle solution doit
être exceptionnelle. 
La techniquement du remplacement de la disposition nulle par
une disposition légale a été  appliquée par la Cour
de cassation dans les arrêts Chronopost. En effet, celle-ci releva :
« Attendu que ...La clause limitative de responsabilité du
contrat pour retard à la livraison était réputée
non écrite, ce qui entraînait l'application du plafond
légal d'indemnisation... ». 
Hormis ces deux techniques, les parties peuvent  convenir du
moyen d'une clause  que les stipulations annulées soient
remplacées par des dispositions  légales. 
L'exécution du contrat 
L'annulation d'une clause peut entraîner des
modifications sur l'exécution du contrat. En effet les modalités
d'exécution peuvent être  superficiellement transformées. 
Un exemple type  d'une telle situation est offerte par la nullité de
« toute clause contraire » à l'obligation de résultat
du transporteur terrestre. Cette nullité n'emporte pas l'annulation de
tout le contrat et la responsabilité du transporteur  peut se trouver
aggravée par rapport aux dispositions  contractuelles originaires. Un
phénomène similaire se remarque  aussi au sujet de la clause
attributive de compétence. Si une clause attributive de
compétence est nulle pour cause de fraude à la loi, le contrat
sera soumis en guise de sanction à la loi que les parties ont
cherché à éluder. 
La modification des modalités d'exécution du
contrat peut s'avérer très profonde quelques fois. C'est le cas
en droit international où l'annulation d'une clause  peut faire perdre
au contrat son caractère international. Prenons l'exemple  d'un contrat
international soumis et à la législation française et
à une autre législation (étrangère) par une clause
pour certaines de ces modalités d'exécution. La nullité de
cette clause fera que le contrat  ne demeure plus attaché qu'à la
seule législation française. Il est relégué au
statut de contrat interne. 
Pire encore, l'annulation d'une clause peut entraîner la
transformation totale du contrat. L'illustration d'une telle situation est
offerte par  M.Teyssié : «  soit un contrat de concession
exclusive; la clause d'exclusivité est nulle. Supposons par
extraordinaire, qu'elle n'ait pas été considérée
comme essentielle de sorte qu'il n'aura point lieu à l'annulation totale
du contrat. On se trouve en présence, dans ce cas, d'un
système affadi de contrat de concession commerciale auquel cette
qualification sera quelques fois refusée ». 
Enfin, l'absence de participation et de contribution aux 
bénéfices et pertes, constitue une clause léonine nulle
susceptible de faire passer le contrat de société pour un autre
type de contrat. 
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