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Dualité du marché du travail, état social et sécurité économique en Tunisie


par Mokhtar ABIDI
Université Paris 13 - Master 2 Economie et Finance Internationales 2006
  

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CONCLUSION GÉNÉRALE

L'insécurité, derrière la multitude de domaines auxquels le terme s'associe ou s'applique, peut être interprétée comme le fait de ne pas accéder à un ensemble de droits définis à un moment donné, dans une société donnée, garantissant à une personne de mener à bien sa vie dans cette société.

Dans une société où le travail reste une valeur centrale, mais où chômage et précarité gagnent du terrain, le sentiment d'insécurité est évidemment compréhensible. Dans cette optique, la politique sociale est un complément nécessaire de la politique économique.

Comment combattre l'insécurité économique ?

La mise en mobilité généralisée des situations de travail et des trajectoires professionnelles place l'incertitude au coeur de l'avenir dans le monde du travail. Dans cette optique, il faut réinterroger aujourd'hui le statut de l'emploi. Dans la société salariale, c'est aux caractéristiques et à la permanence de l'emploi qu'ont été attachées les garanties dont bénéficie le travailleur. Ce dernier occupe un emploi et il en tire à la fois des obligations et des protections. Cette situation correspondait à la permanence des conditions de travail dans la durée (hégémonie des Contrats à Durée Indéterminée) et dans la définition des tâches qu'elle impliquait (grilles de qualifications strictement définies, homogénéité des catégories professionnelles et des salaires, stabilité des postes de travail...). Aujourd'hui, on assiste de plus en plus à une fragmentation des emplois, non seulement au niveau des contrats de travail proprement dits (multiplication des formes dites « atypiques » d'emploi par rapport au CDI), mais à travers la flexibilisation des tâches de travail. Il en résulte une multiplication de situations de hors droit ou de situations faiblement couvertes par le droit, ce qu'appelle Supiot (1999) « les zones grises de l'emploi ». En même temps, le chômage s'est creusé et les alternances de périodes d'activité et d'inactivité se sont multipliées. Il semble donc que la structure de l'emploi, dans un nombre croissant de cas, ne soit plus un support suffisamment stable pour accrocher des droits et des protections qui soient, eux, permanents.

L'insécurité du travail est sans doute devenue la grande pourvoyeuse d'incertitude pour la majorité des membres de la société. Il reste à savoir si elle doit être acceptée comme un destin inéluctablement enclenché par l'hégémonie du capitalisme de marché.

Les voies d'une nouvelle régulation: Reconfiguration des relations de travail et de répartition des risques

Une révision de la construction juridique de la relation employé/employeur paraît primordiale pour comprendre comment sont répartis aujourd'hui les différents risques économiques et sociaux, c'est à dire les différents aléas, l'incertitude, dont le contrat de travail et le statut qui lui est lié assurent la prise en charge.

Quels sont précisément ces risques ou aléa ?

A qui sont-ils imputables, c'est-à-dire qui peut en répondre ?

Dans la mesure où ces risques se réalisent, qui en supporte le coût, ou plutôt, comment sont-ils répartis?

La notion de "risque" renoue avec la naissance du droit de travail qui a cherché à assurer la sécurité des personnes et la sécurité de l'emploi face aux risques sociaux et aux aléas de la relation d'emploi.

Dans cette problématique, l'acquisition des droits qui forment le statut du travailleur et autorisent telle ou telle trajectoire, n'est pas seulement liée à l'existence du contrat de travail, elle résultent également de la façon dont le contrat de travail place le salarié dans un réseau de relations individuelles, collectives et sociales, qui permet de définir les responsabilités et de répartir les risques ou aléa. Dans la relation d'emploi, l'aléa peut avoir deux origines : économique (risque entrepreneurial et d'emploi); personnelle (perte des capacités de travail de la personne liée au travail - risque de sécurité - soit au hors travail - retraite, santé).

Mais ce sont, en particulier, les institutions et les mécanismes intervenant dans les relations industrielles nationales qui subissent une sérieuse contrainte de transformation. La crise de la société de travail a, par ailleurs, des effets considérables sur la stabilité des institutions de l'assurance sociale. Ses piliers les plus importants (assurance chômage, assurance maladie, accident et retraite) sont liés aux caractéristiques de l'activité professionnelle. La stabilité de ces systèmes ne posait pas de problème aussi longtemps que le nombre des actifs, en chiffre absolu ou en pourcentage, augmentait dans la population.

Notre étude, qui a essayé d'appliquer l'approche du Taux de Sécurité Economique (TSE) au cas tunisien, en dépit des limites générées par la nature des données à la base de cette étude, l'investigation empirique tentée a, dans certaines mesures, permis d'établir un certain diagnostic du marché du travail en Tunisie. En effet, plusieurs éléments retenus dans l'analyse convergent pour confirmer son caractère segmenté et dual. Mis à part la technique ayant permis de regrouper les salariés selon les caractéristiques des emplois occupés, le choix occupationnel qui s'est révélé l'oeuvre des employeurs, ainsi que les écarts de salaire qui s'expliquent largement par une discrimination sectorielle augmentent manifestement la vulnérabilité de certains salariés sur le marché du travail.

Dans un contexte plus récent, caractérisé par un choix résolu d'insertion accentuée de la Tunisie dans l'économie internationale, les aspects de vulnérabilité que génère le processus d'ouverture sont de nature à renforcer les barrières à l'accès aux emplois protégés et à réduire le poids du secteur de cette catégorie d'emplois. Cette présomption est d'autant plus inquiétante lorsqu'elle s'associe à une période où l'output du système éducatif est en forte croissance.

Cette tendance s'est inversée : un nombre toujours plus réduit d'actifs doit financer un nombre toujours croissant de chômeurs. Outre l'augmentation du chômage, les causes de cette situation résident dans l'évolution démographique, avec l'inversion tendancielle de la pyramide des âges (recul des naissances, espérance de vie à la naissance accrue), dans l'intégration des femmes à la vie professionnelle (demande croissante d'emplois).

En dépit de l'extension continue de la couverture assurantielle de la sécurité sociale, une partie non négligeable de la population demeure hors de sa protection. Formellement, le système de sécurité sociale se heurte au problème de l'intégration des catégories non couvertes légalement, notamment les non actifs; et des ménages dont la capacité contributive est insuffisante pour s'acquitter de leurs cotisations, a fortiori lorsqu'il s'agit de travailleurs indépendants ou très irréguliers. L'assistance est conçue essentiellement comme un levier devant conduire à l'intégration progressive de l'ensemble de la population dans l'emploi protégé. Elle affiche comme finalité principale le développement économique et social des personnes et des régions. L'assistance couvre des domaines variés : l'éducation, la santé, le chômage, le logement et plus généralement la pauvreté et l'exclusion (Destremau, 2006).

Les dynamiques démographiques et d'urbanisation ont fait peser une forte pression sur le marché de travail tunisien, qui se caractérise par un taux de chômage et un poids des activités informelles relativement élevés. Si jusqu'aux années 1990, les travailleurs non qualifiés étaient largement absorbés par le secteur industriel et les petites activités artisanales et marchandes urbaines, depuis une quinzaine d'années, le profil des qualifications requises se modifie et le chômage croît. Bien que plusieurs travaux aient porté sur le secteur informel tunisien, il est difficile de chiffrer l'interconnexion, ou de pénétration, du chômage et de l'informel : entre les chômeurs vivant d'expédient, et les travailleurs informels se déclarant comme chômeurs, les mobilités entre emploi formel, chômage et petits boulots, un grand nombre de variantes dessinent les figures du travail irrégulier, précaire, d'insertion...

Même si l'horizon d'universalisation n'est pas totalement atteint, le succès de l'extension de la protection sociale en Tunisie est peu contestable, si l'on compare à d'autres pays de la région MENA. Le système se porte bien et a toutes les apparences d'un cercle vertueux : forte croissance économique couplée avec un processus de développement social : amélioration du bien-être et de la sécurité économique des travailleurs, performances satisfaisantes du système de santé et décrue marquée du taux de pauvreté, même en plein ajustement structurel.

Certes, un certain nombre de difficultés sont prévisibles. L'évolution démographique va mettre à mal l'équilibre financier des caisses : vieillissement de la population et réduction de la part des actifs. En outre, l'augmentation du nombre des chômeurs, les freins à la salarisation et les tendances à la précarisation de l'emploi qui alimentent l'informel peuvent constituer une frontière à l'extension de la couverture sociale, pérennisant la dualité du statut des travailleurs.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius