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Dualité du marché du travail, état social et sécurité économique en Tunisie


par Mokhtar ABIDI
Université Paris 13 - Master 2 Economie et Finance Internationales 2006
  

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3.4- Au-delà de l'insécurité économique : de la précarité à l'exclusion

D'après ce qui précède, la référence omniprésente au marché de travail renvoie à l'analyse de l'exclusion et à celle de la précarité. L'exclusion se caractérise par une double appartenance : être pauvre et sans activité économique et/ou sociale. Et malgré son caractère évolutif, elle se construit sur une base stable, la mise à l'écart de tout mode de production et de consommation, qui traduit en termes économiques la rupture du lien social avec le reste de la collectivité. A l'exclusion vient s'ajouter la notion de précarité qui renvoie à la situation par rapport au marché de travail.

a. Catégories des situations vis-à-vis de l'emploi et du revenu

Emploi stable et revenu satisfaisant

Double précarité

Emploi stable et revenu précaire

Emploi précaire et revenu satisfaisant

Chômeur et revenu satisfaisant

Chômeur et revenu précaire

Exclus

Emploi précaire et pauvre

Emploi stable et pauvre

Ligne de chômage

Ligne de pauvreté

Emploi

Revenu

Lignes de précarité

Fig. 1 : Catégories des situations vis-à-vis de l'emploi et du revenu7(*)

b. Commentaires

La sécurité économique, telle qu'elle a été définie, permet de mettre en exergue deux phénomènes. D'abord la distinction de la précarité de la pauvreté. Ensuite, le cumul de diverses précarités conduit à la grande pauvreté. Cependant, cette acception est problématique. Le rapprochement entre les notions de précarité et pauvreté montre que cette dernière reste une situation constatée, tandis que la première est un état accentué du risque de pauvreté (Ballet, 2001).

Ballet (2001) retient uniquement l'instabilité des ressources et de la situation professionnelle comme indicateurs de la précarité ; pour la pauvreté, il retient une mesure qui correspond à un seuil et pour le chômage (ou l'inactivité) un seuil d'heures travaillées. Ainsi il est possible de faire un découpage de la population qui fait apparaître les différences entre les situations de pauvreté, de précarité et d'exclusion.

La figure ci-dessus contient quatre lignes permettent le découpage de la population. Deux lignes de précarité associées au revenu et à l'emploi, une ligne de pauvreté et une ligne de chômage. Par exemple, au dessus de la ligne de précarité de l'emploi, les populations disposent d'un emploi stable, mais leur revenu est variable. A gauche de la ligne de pauvreté, on trouve les individus disposant d'une stabilité de l'emploi mais dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté. On peut alors observer quatre ensembles de précarités distincts. Les exclus sont eux caractérisés par un ensemble se situant à la fois sous la ligne de pauvreté et sous la ligne de chômage.

Les sous-ensembles de populations définis de la sorte sont évidemment fortement dépendants du choix des lignes, c'est-à-dire des critères et du niveau retenu pour chacun d'eux. Par exemple, ici une ligne de chômage est retenue. On suppose implicitement que le chômage constitue un indicateur de rupture du lien social. Ceci signifie qu'il n'y a pas une assimilation entre exclusion et chômage de longue durée. Certaines personnes dont le séjour au chômage est inférieur à 12 mois peuvent être considérées comme exclus. Cette situation peut correspondre au cas de certains jeunes n'ayant jamais travaillé, et de ce fait n'ayant aucun droit à des prestations de remplacement de l'emploi. L'association traditionnelle entre exclusion et chômage de longue durée supposera alors vérifiées deux relations. D'abord quand le chômage se prolonge la pauvreté s'accroît. Ensuite, la prolongation de la durée de séjour au chômage contribue à la détérioration du lien social entre l'individu et la collectivité.

Deux grands axes révélés par ce qui précède retiennent notre attention; correspondant chacun à une dimension particulière de la relation entre l'exclusion et l'insécurité économique. Il s'agit du chômage de longue durée et du capital social entendu comme l'ensemble des relations sociales d'un individu. Chacun d'entre eux renvoie à sa manière à un débat sur la politique économique et sociale.

Le premier axe souligne que l'exclusion correspond à une forme d'enclavement. La prolongation de la période de chômage rend de plus en plus improbable le retour à l'emploi. Autrement dit, on observe une certaine inertie du chômage de longue durée. Cette inertie est d'autant plus forte que les personnes sont au chômage depuis longtemps.

Le second axe porte sur les relations sociales des personnes exclues. Dans cette optique, la politique sociale est un complément nécessaire de la politique économique. Ainsi et à l'instar de Ballet (2001), une politique sociale centrée sur la construction de relations entre les individus appartenant d'un même groupe social, autrement dit d'un "capital social", semble assez pertinente.

Plusieurs conséquences directes peuvent être avancées à partir de ce constat. Il paraît d'autant plus important pour les exclus dont le capital humain est faible, et qui donc ne peuvent compter sur cet actif pour sortir de leur situation, de rétablir un niveau de capital social suffisant au déclenchement du mécanisme inverse d'insertion. Ainsi Ballet constate que la persistance d'un taux de chômage à un niveau élevé et l'hystérésis du taux de chômage naturel sont liées à la faiblesse du capital social. Donc, de manière désormais claire, la politique de l'emploi, à elle seule, ne peut suffire à régler le problème et par suite, l'extension de la protection sociale constitue un facteur déterminant du progrès social car elle permet de satisfaire, dans la dignité, les besoins essentiels des citoyens. Cependant, cette extension ne doit pas se limiter à la mise en place de législations, certes nécessaire, mais doit mettre en oeuvre les conditions propices pour que son application soit effective et chercher à faciliter l'adaptation des systèmes de protection sociale à des situations particulières tels que les travailleurs du secteur informel et constituer ainsi des filets de sécurité nécessaires au cas où la sécurité sociale serait inopérante. Ceci sera concrétisé enfin dans l'exposé des enseignements à tirer de l'étude de certaines caractéristiques du marché de travail en Tunisie (informel, dualisme) ainsi que de l'évaluation du taux de sécurité économique associé à l'Etat social en Tunisie.

* 7 Ballet J. (2001), L'exclusion : Définitions et mécanismes, Collection Logiques Sociales, Paris, L'Harmattan, p. 38.

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