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Dualité du marché du travail, état social et sécurité économique en Tunisie


par Mokhtar ABIDI
Université Paris 13 - Master 2 Economie et Finance Internationales 2006
  

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CHAPITRE II :

MARCHÉ DE TRAVAIL EN TUNISIE : INFORMEL, DUALISME : DESTRUCTION DU SALARIAT ET ÉMERGENCE DES GROUPES À INSÉRER

L'analyse des transformations des structures de production et des systèmes de relations socioprofessionnelles est, depuis quelques années, une préoccupation centrale pour les chercheurs. Le présent chapitre a pour objectif l'étude de la façon dont le secteur informel, en Tunisie, est pris en compte dans les relations professionnelles, en insistant sur la nécessité de prêter une attention plus grande au processus du développement du travail informel dans ce pays, pour mieux l'intégrer dans les régimes de protection sociale.

On essayera alors de souligner le rôle essentiel joué par les restructurations du secteur informel qui s'inscrivent dans la politique générale de promotion de l'emploi en Tunisie.

On verra, par ailleurs, qu'il existe une certaine relation entre la précarisation de l'emploi, le développement du travail informel et l'émergence d'une dimension duale au sein du marché de travail en tunisie.

En effet, le marché de travail est généralement scindé en deux secteurs complètement opposés en matière de protections institutionnelles associées aux emplois. Le premier secteur, qualifié de « protégé», est réputé par ses salaires relativement élevés, un emploi stable ainsi que des perspectives importantes de carrière. Le second, qualifié de « non protégé », est relativement caractérisé par des salaires faibles, une forte rotation de la main d'oeuvre ainsi que l'absence de perspective de carrière au sein de l'entreprise8(*) .

Les mutations à l'oeuvre, subies par le marché de travail, remettent en cause la norme d'emploi (à temps plein, à durée indéterminée, de la grande entreprise). Par là, la montée du chômage et d'autres formes d'emploi (temps partiel, contrats à durée déterminée) fragilisent l'Etat social. En effet, la mise en place de régimes de sécurité sociale est certes un élément essentiel de l'extension de la protection sociale, mais elle demeure inopérante si les personnes visées n'adhèrent pas à ces régimes (où n'y cotisent pas) d'où l'importance d'évaluer la couverture réelle des catégories de la population concernée par les régimes de sécurité sociale.

Sur ce plan, les résultats enregistrés par la Tunisie restent relativement mitigés. Si des performances ont été réalisées au niveau du secteur protégé, les résultats restent en deçà de ce qui est attendu dans d'autres secteurs.

SECTION 1 : LE SECTEUR INFORMEL, QUELLE ÉTENDUE EN TUNISIE ?

Il y a des domaines que la théorie économique est incapable d'appréhender sans investigations empiriques. A ce titre, le secteur informel constitue un champ d'intérêt pour les recherches empiriques qui essayent de déterminer les comportements et la rationalité des agents opérant dans ce secteur. Ainsi la théorie dualiste opposant secteur moderne et secteur traditionnel s'avère caduque et insuffisante pour analyser le secteur informel.

Parmi les questions autour desquelles s'articule le débat sur le secteur informel, on peut évoquer celles relatives à la définition du secteur, à la délimitation de son contour, aux tentatives de quantification de certains de ses aspects, à la possibilité de l'intégrer dans la comptabilité nationale. Se posent également des interrogations ayant trait au rôle que peut jouer ce secteur dans un schéma de développement et de croissance économique dans les pays dits "sous développés", rôle que les organisations internationales comme le FMI ou la Banque mondiale semblent considérer comme déterminant.

Afin de contribuer à une meilleure connaissance du secteur informel en Tunisie on commence par essayer de le définir ainsi qu'aux principaux facteurs qui ont contribué à son développement, éléments indispensables pour pouvoir comprendre les origines historiques et les fondements politico-économiques de certaines pratiques et de certains aspects réglementaires.

1.1- Secteur informel : définition et motifs de développement

a. Définition

Les pays ont des définitions différentes du secteur informel, c'est pourquoi il s'avère difficile d'évaluer son ampleur. « Il est constitué par un ensemble de petites activités légales ou illégales tolérées visant deux niveaux d'objectifs : il s'agit, d'un côté, de permettre le développement de l'auto-emploi et celui d'entreprises susceptibles d'assurer un revenu minimum aux actifs qu'elles emploient, et ce malgré l'hostilité de l'environnement économique et financier. D'un autre côté, il vise la recherche d'un maximum de profit même si l'on ignore les règles classiques et élémentaires du calcul économique. Ces règles seront apprises, progressivement, par tâtonnement et par la pratique, mais il s'agit d'un apprentissage partiel et rudimentaire » (Ben Zakour et Kria, 1992).

b. Motifs du développement du secteur informel

· Cas général des pays sous développés

Il y a lieu d'évoquer les raisons qui sont susceptibles de contribuer au développement du secteur informel dans le monde de façon générale. Parmi ces raisons, on peut trouver que l'économie informelle croît là où le développement économique se fait attendre. Cependant, le BIT a estimé que la part de l'emploi non agricole détenue par l'emploi informel vers la fin des années quatre-vingt-dix était de 48 pour cent en Afrique du nord, de 72 pour cent en Afrique subsaharienne, de 51 pour cent en Amérique latine et de 65 pour cent en Asie. De récentes études du BIT font apparaître certains éléments prouvant que l'économie informelle diminue progressivement dans les économies d'Asie de l'Est et du Sud-Est à croissance rapide, où l'expansion du secteur manufacturier est le moteur du développement. Dans les pays à croissance plus lente, surtout en Afrique et en Amérique latine, les principales augmentations de l'emploi sont dans les services, en particulier dans le petit commerce informel9(*).

De même, les crises financières et leurs systèmes de propagation ont des conséquences néfastes pour les travailleurs et les entreprises, en particulier dans les pays en voie de développement. La dégradation des changes conjuguée à une hausse du coût des emprunts en devises étrangères, à l'affaiblissement de la demande intérieure, à une moindre utilisation des capacités productives et à une hausse des taux d'intérêt, pénalise lourdement les entreprises et peut dévier certains pays en développement de leurs trajectoires de croissance. Une telle situation induit à son tour une baisse des salaires réels, une montée du chômage déclaré et un recul de l'emploi formel au profit de l'emploi informel.

En plus, pour les pays où la couverture sociale est absente ou très peu développée, l'économie informelle fournit un moyen de subsistance aux hommes et femmes qui ont peu d'autres options pour survivre.

· Cas particulier de la Tunisie

- l'échec du collectivisme comme choix de régime économique et la libéralisation de l'économie tunisienne à partir de 1970 ;

- l'impossibilité pour le secteur moderne d'offrir des emplois à un nombre relativement important de jeunes et notamment aux non-qualifiés ;

- l'aggravation de la situation par l'exode rural qui déverse dans les grandes villes une population à la fois nombreuse et sans qualification professionnelle ;

- l'éducation et l'émancipation de la femme ont, de leur coté, accru la pression sur le marché de l'emploi. On peut alors se demander quant à leur effet sur l'emploi dans le secteur informel ;

- l'emploi dans le secteur informel n'exige ni de lourds investissements financiers ou matériels ni une grande formation professionnelle ;

- le développement du secteur touristique et de l'artisanat a engendré beaucoup d'activités facilement accessibles pour la micro-entreprise.

Au-delà des facteurs « objectifs » précédents, des facteurs en rapport avec le comportement des entrepreneurs eux-mêmes et avec le dynamisme du secteur informel, comme sa grande et rapide capacité d'adaptation, ont également leur importance dans le développement du secteur. En effet, la volonté de créer soi-même son emploi quelles que soient les contraintes d'ordre juridique, institutionnel ou économique, constitue l'élément moteur de l'action de l'entrepreneur.

En vue de clarifier l'ensemble des éléments présentés ci-dessus, de les confirmer ou de les infirmer on commence par présenter le cadre institutionnel dans lequel s'insère l'entreprise du secteur informel en Tunisie pour évaluer ensuite l'ampleur de la distorsion entre le cadre légal existant et les comportements réels en appréciant le degré de respect de cette législation afin de démontrer en définitive l'impact du cadre institutionnel tunisien sur le fonctionnement des entreprises du secteur informel.

* 8 Sboui, F., « Le dualisme du marché de travail en Tunisie : choix occupationnel et écart salarial », Unité de Recherche en Economie appliquée (UREA), FSEG de Sfax - Tunisie.

* 9 BIT, (2006), «  Changements dans le monde de travail », Conférence Internationale Du Travail, Genève, BIT.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard