WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Dynamique des représentations sociales de l'agriculture et de la ruralité dans un contexte territorial du vieillissement de la population : Le cas du « Projet Nô-Life » de la Ville de Toyota au Japon

( Télécharger le fichier original )
par Kenjiro Muramatsu
Université de Liège - DEA Interuniversitaire en Développement, Environnement et Sociétés 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Conclusion

Pour conclure la présente étude, reprenons nos questions de départ : à travers le Projet Nô-Life, quelle dynamique des représentations, des actions et des pratiques sur l'agriculture et la ruralité constatons-nous ? ; le Projet Nô-Life peut-il être une solution ou un remède vis-à-vis de la situation de crise permanente de l'agriculture et de la ruralité au Japon ? Est-il généralisable ou reste-il un cas local et particulier ? Afin de répondre à ces questions, rappelons d'abord les apports de chacun des trois chapitres précédents.

Rappel des analyses

Chapitre 1

Interdépendance socio-politique, rapport de forces, jeu de représentations dans la Ville de Toyota

Industrialisation dans le territoire de la Ville de Toyota : crise du marché des cocons des vers à soie, implantation de l'Automobile Toyota avant la guerre, défaite de l'Empire japonais, reconstruction sous l'occupation américaine, bonne conjoncture grâce à la Guerre de Corée, concentration industrielle, changement du nom de la Ville de Koromo à celle de Toyota, et l'essor pendant la Haute croissance...

En parcourant une quarantaine d'années d'évolution de l'industrie automobile dans la Ville de Toyota, nous constatons que son développement fait partie intégrante de l'histoire politique et sociale du monde, du Japon et de sa région. Ainsi, sans l'accumulation antérieure des capitaux par les petits commerces du Bourg de Koromo et la production paysanne des vers à soie, puis sans la crise économique ayant fait chuter la distribution des cocons, cette industrie n'aurait pas pu s'implanter dans le territoire de la Ville de Toyota dans les années 30. De même, sans l'impérialisme japonais, la montée en puissance de sa force militaire, sa défaite, la réforme par l'occupation américaine et la Guerre de Corée, cette industrie n'aurait pas pu se relever en s'enracinant dans le territoire de la Ville de Toyota. Ensuite, la réalisation de son essor économique n'aurait pas non plus été possible sans pleinement profiter de la Haute croissance nationale garantie par la paix qui fut le produit de la Guerre froide, ainsi que par la politique locale de redistribution assurée par la Ville de Toyota que cette industrie s'est appropriée en accord avec les pouvoirs locaux.

Finalement, l'histoire du développement de cette industrie automobile est marquée par une interdépendance complexe avec plusieurs systèmes et circonstances socio-politiques dans lesquels elle a toujours stratégiquement joué. Et cette interdépendance est également synonyme d'un certain rapport de forces. L'emprise politique de cette industrie tant au niveau de la Ville de Toyota qu'au niveau du Japon reste toujours incontestable.

Par contre, il a toujours existé un fossé qu'elle a laissé dans la réalité sociale et locale de la population et de sa ville. Sur ce point, un responsable de la politique agricole de la Ville de Toyota a bien insisté sur le fait que, les problèmes mis en discussion dans la politique municipale de Toyota sont toujours d'autres domaines que l'industrie, soit les services, soit l'urbanisme, soit les petits commerces locaux, soit l'agriculture, soit le bien-être.

Si cet aspect est un des privilèges de cette ville de ne pas avoir de souci économique grâce à cette industrie, ce privilège pose toujours d'autres problèmes renvoyant à l'identité de la Ville. C'est pourquoi, à chaque époque, les représentations de la Ville constituent implicitement un enjeu important pour sa politique. « Ville de la voiture » fut le premier slogan, mais à côté de ce slogan, il y eut mille tentatives de donner d'autres sens à l'existence de la Ville : « coopération entre les zones industrielle, commerciale et agricole », « ville industrielle et culturelle », « lieu de vie sociale plutôt qu'un simple lieu de production », « ville de l'eau et du vert » etc. Enfin, évoquons un fait marquant : dans le contexte de la politique agricole municipale des années 90, le nouveau slogan formulé par le Plan de 96 « Grande ville rurale (ooinaru inaka-machi) » a été rejeté suite à une plainte déposée par des représentants du secteur industriel, car jugé incohérent par rapport au premier slogan favorable à l'industrie. Cet épisode montre bien l'existence de jeux implicites de représentations, impliquant toujours une interdépendance sociale et un rapport de forces présents dans la politique de cette Ville. Puis, ces jeux renvoient toujours directement aux problèmes socio-culturels de sa population. D'où la place centrale de la question d'Ikigai dans ce jeu identitaire de la Ville.

Monde agricole et rural déchiré, mais avec une nouvelle dynamique émergeante...

Du côté du monde agricole et rural, depuis la Réforme agraire, l'agriculture et la ruralité ont beaucoup évolué afin de se relever de la paupérisation et la défaite de la guerre. Mais, malgré un « succès » de la Réforme agraire et de grands efforts fournis par les nouveaux cultivateurs et les anciens foyers agricoles pour le défrichement, dès les années 50, face au contexte dominant du « tournant de l'agriculture » à la sortie de la crise alimentaire et l'avènement de la Haute croissance économique de 1955 à 1975, la tendance d'évolution a dû céder sa place à la déprise agricole et ainsi à la situation de pluriactivité. Depuis lors, l'écart de productivité entre l'agriculture et les industries n'a pas cessé de croître. Le style de vie alimentaire des japonais a rapidement changé avec l'import des excédents agricoles américains ainsi que la campagne nationale massive pour la « modernisation » de la vie alimentaire japonaise populaire vers le style occidental, à l'aide de la politique américaine. Puis, promu par la politique agricole nationale et tout en s'alimentant largement de ces excédents agricoles américains, le développement des élevages intensifs et spécialisés (oeufs, poulets de chair, porcs, lait, boeufs) accompagna ce changement. Toutefois, comme la possibilité de se lancer dans ce type d'élevages « modernes » ou d'autres types de spécialisation (légumes et fruits) était extrèmement limitée en terme d'investissement et par les contraintes du marché, la majorité des foyers agricoles ont recourru à la pluriactivité et à la simplification de leurs travaux agricoles par la mécanisation et l'utilisation des intrants chimiques dont la diffusion massive et rapide fut assurée par les industries mécanique et chimique qui étaient alors en plein essor.

Puis, dans les années 60, la politique agricole nationale a prétendu adapter l'agriculture et les agriculteurs à la réalité des autres industries en pleine croissance. Cette politique a renforcé d'un côté la tendance vers l'agrandissement et la spécialisation de la production agricole, de façon à limiter ses applications à un petit nombre d'exploitations ou d'entreprises agricoles ou à certaines zones de productions, de l'autre côté la tendance à la simplification et la mécanisation des travaux rizicoles via l'instauration de quelques entreprises agricoles locales à grande échelle et des remembrements. Cette politique a eu pour effet d'accélérer la situation de pluriactivité et l'affaiblissement de la main-d'oeuvre agricole, et surtout de dualiser la structure agricole entre une minorité de producteurs individuels et organisés à forte rentabilité et la majorité, à faible rentabilité, pluriactive dépendante des revenus non agricoles.

Toutefois, nous avons souligné qu'un type d'agriculture a eu une place pour se développer tout en résistant à cette dualité imposée au cours des années 50-70 : comme par exemple, une cinquantaine de femmes de foyers agricoles pluriactifs qui ont produit et distribué leurs légumes dans des cantines des ouvriers de l'Automobile Toyota, en collaboration avec la coopérative agricole et la coopérative de consommation. Ceci est un indice d'une autre forme possible de développement agricole et rural, basée sur la réalité territoriale contenant à la fois les circonstances urbaine et rurale. Ce type de dynamiques agricoles menées avec la population rurale, féminine et âgée, sera bientôt nommé dans le monde agricole « agriculture de type Ikigai » au cours des années 80. Elle va ensuite faire l'objet d'une promotion dans la politique agricole locale afin de pallier le fossé de la

modernisation agricole dualiste.

Dans cette évolution, nous trouvons une « étoffe » de la dynamique actuelle du Projet Nô-Life, qui se situe en continuité du temps long de l'histoire de la Ville de Toyota. Autrement dit, dans cette analyse historique de la Ville de Toyota après 1945, nous avons trouvé une « raison » historique, territoriale et identitaire, pour laquelle la politique locale de redistribution de la Ville de Toyota a fait le lien entre l'agriculture de type Ikigai et la question d'Ikigai pour sa population urbaine en vieillissement.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus