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La démocratie dans les politiques d'Aristote

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par Valentin Boragno
Université Paris X Nanterre - Master 1 2006
  

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Valentin Boragno

M1 Philosophie

Mémoire dirigé par M. J.-F. Pradeau

Juin 2006

La démocratie dans la Politique d'Aristote

Introduction : démocratie et gouvernement constitutionnel

- Le gouvernement constitutionnel est l'objet de la recherche aristotélicienne.

Aristote propose au chapitre VII du livre III un classement des constitutions. Il combine pour cela deux critères : d'une part le nombre du souverain, de l'autre la finalité de la constitution. Celle-ci est une notion fondamentale. Elle permet, en effet, la discrimination entre les constitutions dans lesquelles le pouvoir existe pour lui-même (constitutions déviées) et celles où il l'exerce pour l'ensemble de la communauté (constitutions droites). Dans les constitutions droites, le souverain gouverne en vue de l'avantage commun ( ðñ?ò ô? êïéí?í óõìö?ñïí), dans les constitutions déviées, il gouverne en vue de son avantage particulier ( ðñ?ò ô? ?äéïí)1(*). Au sein des constitutions droites, qui diffèrent selon le nombre du souverain, on trouve la royauté ( âáóéëå?á), l'aristocratie ( ?ñéóôïêñáô?á), et le gouvernement constitutionnel ( ðïëéôå?á), le nom étant commun à toutes les constitutions. Une fois ces constitutions droites définies, Aristote peut évoquer les constitutions déviées.

« Les déviations des constitutions qu'on a indiquées sont : la tyrannie pour la royauté, l'oligarchie pour l'aristocratie, la démocratie pour le gouvernement constitutionnel. Car la tyrannie est une monarchie qui vise l'avantage du monarque, l'oligarchie celui des gens aisés, la démocratie vise l'avantage des gens modestes. Aucune de ces formes ne vise l'avantage commun.2(*) »

La démocratie apparaît donc comme un régime négatif, qui ne peut se définir qu'à partir de son étalon, qui est le gouvernement constitutionnel.

Ce classement est pour ses contemporains d'abord on ne peut plus banal. Le classement qu'il opère selon le nombre du souverain est emprunté à Hérodote, le classement selon la justice au pouvoir est emprunté à Platon. Mais il y introduit malgré tout une nouveauté radicale, qui passe inaperçue du fait de la symétrie de son classement : c'est le gouvernement constitutionnel, trop souvent négligé par les classificateurs :

« il y a une cinquième sorte qu'on appelle du nom commun à toutes (on l'appelle en effet « gouvernement constitutionnel »), mais comme elle ne s'instaure pas souvent, elle reste cachée à ceux qui s'efforcent de dénombrer les espèces de constitutions, et, comme Platon, ils n'ont recours qu'aux quatre susdites dans leurs traités sur les constitutions. 3(*) »

Or c'est précisément ce gouvernement constitutionnel qui est l'objet de la recherche de la Politique, et du notamment du livre IV.

« De sorte qu'il est évident qu'à propos de la constitution c'est à la même science de considérer ce qu'est la constitution excellente, c'est-à-dire quelle est celle qui est conforme à nos voeux si rien d'extérieur ne s'y oppose ; et aussi laquelle est adaptée à quels gens (car pour beaucoup de gens il est sans doute impossible d'atteindre par eux-mêmes la constitution excellente, de sorte que le bon législateur, c'est-à-dire l'homme politique selon le vrai ne doit laisser de côté ni la constitution la plus valable absolument, ni la constitution excellente dans une situation donnée. »4(*)

- la démocratie est la forme la plus proche du gouvernement constitutionnel

Or Aristote parle très peu de la politie en tant que telle. Seuls le chapitre IV, 9, qui parle des manières dont se forme le gouvernement constitutionnel, et le chapitre IV, 7, sur le gouvernement des classes moyennes, s'efforcent de définir le gouvernement constitutionnel. Sinon, il n'est défini que par rapport à la démocratie et à l'oligarchie. C'est pourquoi leur étude permet de comprendre la politie. Celle-ci est un mélange de démocratie et d'oligarchie.

« Il faut maintenant traiter du gouvernement constitutionnel. Sa nature, en effet, est plus manifeste une fois qu'a été déterminé ce qui concerne oligarchie et démocratie, car le gouvernement constitutionnel est, pour parler schématiquement, un mélange d'oligarchie et de démocratie.5(*) »

Elle sera encore plus manifeste si l'on s'attache particulièrement à l'étude de la démocratie. Car, bien qu'il tienne des deux, le gouvernement constitutionnel est plus proche de la démocratie que de l'oligarchie.

« Mais on a l'habitude d'appeler gouvernements constitutionnels les formes qui penchent vers la démocratie, et plutôt aristocraties celles qui penchent vers l'oligarchie. »6(*)

Il n'est même pas rare qu'Aristote renonce à toute précaution de langage et vienne à associer totalement la démocratie de bonne qualité ( äçìïêñáô?á ÷ñçóô?) et le gouvernement constitutionnel ( ðïëéôå?á) :

« Et là où il se trouve que le territoire a une configuration telle que la campagne est séparée de la ville par une grande distance, il est aisé d'établir une démocratie de bonne qualité c'est-à-dire un gouvernement constitutionnel. 7(*) »

On pourrait penser que cette proximité entre les deux constitutions amène à une distinction de type platonicien, qui serait la suivante. Platon 8(*) pense que quand toutes les constitutions sont correctes, la démocratie est la pire, mais quand elles sont défectueuses, la démocratie est la meilleure9(*). La démocratie serait alors une sorte de gouvernement constitutionnel du pire, ou en tout cas un gouvernement constitutionnel adapté à la réalité du monde sublunaire. Et en effet, chez Aristote, la démocratie apparaît en effet aussi comme la plus mesurée ( ìåôñéùô?ôç) des mauvaises constitutions :

« la tyrannie, étant la pire, est celle qui s'éloigne le plus d'une constitution, en second vient l'oligarchie, (car l'aristocratie s'éloigne beaucoup de cette constitution), la plus mesurée étant la démocratie.10(*) »

- la démocratie n'est pas le gouvernement constitutionnel

Et pourtant il est clair que, si proche soient-ils, les deux termes ne désignent pas la même chose. Aristote refuse de faire de la démocratie une sorte de bon gouvernement en comparaison à d'autres constitutions qui lui seraient pire. La démocratie est un régime dévié. Contre Platon, il refuse de considérer une constitution déviée comme bonne :

« Nous, par contre, nous disons que ces constitutions sont complètement viciées, et qu'il n'est pas juste de dire que telle oligarchie est meilleure qu'une autre : elle est moins mauvaise.11(*) »

On a donc, d'une part, une grande proximité, se soldant parfois même par une identité, entre les deux constitutions, et, de l'autre, une opposition radicale, qui est celle du bon et du mauvais. Il serait aisé de comprendre en quoi l'une est bonne, en quoi l'autre est mauvaise, si Aristote venait à énoncer respectivement et de manière antithétique, leurs critères. Mais il n'en fait rien. Le gouvernement constitutionnel reste un régime discret, qui apparaît dans les creux de la démocratie, et dans une moindre mesure de l'oligarchie. Il reste une forme bâtarde, qui ne se définit que par rapport à ses étalons déviants. Pour comprendre le bon, il faudra donc comprendre le mauvais. Pour comprendre le concept, il faudra comprendre la chose, bien existante, avec son cortège d'imperfections, et pourtant si proche de la forme parfaite.

La démocratie, c'est, avant toutes choses, le régime de la liberté, ou plutôt de l'illusion de la liberté. Cette liberté qui consiste à faire ce que l'on veut, et qui incite à règner sans prêter attention aux lois. C'est en vivant selon les lois que l'on devient vertueux, et la vertu est la fin du gouvernement constitutionnel. La liberté serait ainsi devenue, dans la démocratie, une fin en elle-même, alors qu'au mieux, elle n'est qu'un moyen pour accéder à l'excellence. Comment la liberté démocratique entre en conflit avec les lois ? et entre-t-elle forcément en conflit avec elles ? Ce sera l'objet de notre premier point.

L'usage que les démocrates feront de la liberté ne tient pas seulement à leur moralité ou leur immoralité, de même que les démagogues n'adviennent pas seulement grâce à leur perversité et à la stupidité de la foule. Ces déviances ont des causes. Quelle place ménage-t-on aux lois, face à l'omnipuissance du peuple ? Quel mode de vie et quel type de peuple doit-on privilégier pour que la démocratie dure ? Selon les réponses apportées à ces questions, les démocraties varieront, en taille, en ordre, en bien ou en mal. C'est donc cette typologie qu'il nous faudra donc établir en deuxième lieu afin, éventuellement, de juger des formes de démocratie les plus compatibles avec le gouvernement constitutionnel.

La loi doit être respectée. Mais, universelle, elle ne peut gouverner dans tous les cas particuliers que propose la réalité. Il faudra donc aux démocrates établir des magistratures pour pallier à cette insuffisance des lois. Comment les répartira-t-on entre le peuple et les gens compétents, entre les riches et les pauvres ? Quelles seront les conséquences de la répartition de la souveraineté en ce qui concerne la répartition des richesses ? Chacun peut en effet prétendre au pouvoir et aux richesses en fonction de sa qualité propre : science, richesse, ou liberté. Laquelle il faudra privilégier, c'est là la question du rapport de la justice et de la justice démocratique.

Une fois au pouvoir, les pauvres profitent de leur avantage pour spollier les riches, par des confiscations ou par divers procès. Etant les plus nombreux, ils peuvent prétendre à une répartition des richesses en leur faveur. Ils le peuvent en droit, peut-être, - mais ici la question n'est plus celle de la justice, mais celle, très pratique, de la sauvegarde des constitutions - ils ne le peuvent pas en fait. Le juste défini plus haut est ce qui permettra au gouvernement de durer. Quelles mesures concrètes (politiques, économiques, éducatives) faudra-t-il prendre pour ce faire ? Ce seront là des pistes qui nous permettront d'évaluer la distance finale entre démocratie et gouvernement constitutionnel, et de mieux comprendre la nature de leur différence radicale.

1. « La définition du régime populaire c'est la liberté (?ëåõèåñ?á). 12(*) »

La liberté est pour nous une notion intégralement positive. Mais elle comporte, pour Aristote, des acceptions négatives. Pour comprendre que ce principe de la démocratie n'est pas forcément une qualité et qu'il est du moins ambigu, il faut d'abord approcher cette notion par les définitions implicites qu'il en donne, au sein des définitions de la démocratie, aux chapitres III, 8 et IV, 4. On pourra alors étudier les différents sens donnés au mot « liberté » en tant que principe de la démocratie (VI, 1). De ces différents sens découleront différentes caractéristiques communes à toutes les démocraties, qui font l'objet du chapitre VI, 2.

* 1 Politique, III, 7, 1279 a 30

* 2 Politique, III, 7, 1279 b 5-10

* 3 Politique, IV, 7, 1293 a 35 - b 1

* 4 Politique, IV, 1, 1288 b 21 - 28

* 5 Politique, IV, 8, 1293 b 30-35

* 6 Politique, IV, 8, 1293 b 30-35

* 7 Politique, VI, 4, 1319 a 33

* 8 Platon, Le Politique, 302 e sq

* 9 Politique, IV, 2, 1289 b 7 - 9

* 10 Politique, IV, 2, 1289 b 2

* 11 Politique, IV, 2, 1289 b 8

* 12 Politique, IV, 8, 1294 a 10

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