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Dynamiques socio-économiques dans les sites à  risque de Douala et ses implications sur l'environnement social

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par Valentin NGOUYAMSA
Université de Douala, Cameroun - diplome d'étude approfondie 2006
  

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IV-1-1-CONTEXTE GENERAL DES MOBILES DES DYNAMIQUES SOCIO-ECONOMIQUES DANS LES SITES A RISQUE

IV-1-1-1-Croissance démographique et expansion urbaine

Tous les pays du monde sont aujourd'hui confrontés à l'expansion accélérée des grandes métropoles urbaines. Entre les années 50 et 80, l'Afrique s'est distinguée par un boom démographique inversement proportionnel à la croissance économique. Avec un revenu per capita inférieur à 1000 dollars, ces pays n'ont pas moins franchi le cap de 24% de la croissance démographique par an. Preuve s'il en était que pauvreté et forte natalité font bon ménage. Au cours de la même période, la population urbaine s'élevait au rythme de 6% par an alors que l'accroissement des emplois offerts dans le secteur moderne ne représentait que 2%. Très vite, la demande d'emplois est apparue supérieure à l'offre. Douala avec plus de trois millions d'habitants dans une décennie n'échappe pas à la règle. Cette croissance ne s'accompagne généralement pas des actions visant à améliorer les équipements et les quartiers urbains. La rupture des équilibres multiséculaires entre les taux de natalité et de mortalité a provoqué un triplement de la population dans les zones insensibles, zones marécageuses dites à risque comme celles de Maképé Missoké et Maképé Maturité. Il y a dès lors une extension urbaine qui exerce à son tour comme le déclare G. CAVALLIER, (1998 : 107) « des puissants effets d'entraînement sur le développement ». Les effets d'un rassemblement humain sans précédent qui s'accomplit en dehors de tout appel économique.

La pression démographique est beaucoup plus forte, les capacités institutionnelles et financières bien plus faibles, et les possibilités d'expansion à l'étranger très limitées. Dès lors la croissance urbaine s'accompagne d'un recours aux sites de résidences et d'expression économique sans control par les acteurs pauvres et dont les conditions de vie sont intolérables. Partout dans le monde, les agglomérations urbaines continuent à se développer en tache d'huile. G. DUPUY et P. SAJOUS (1998). Elles envahissent leurs périphéries, proliférant de manière anarchique, ignorant les sites et consommant de vastes territoires sans logique apparente. La forte variation des prix fonciers selon la situation des terrains à bâtir par rapport au centre ville, la tendance lourde à une consommation accrue d'espace par habitant en sont les principales causes de ce dynamisme ou mutation sociale. Ces éléments favorisent la diversification du corps social. Une coupure de plus en plus nette sépare les quartiers centraux qui participent à l'économie moderne et les quartiers de peuplement informel, où sévit la pauvreté et où se développe une économie de subsistance et de survie.

A Douala, la croissance démographique a favorisé la diversification du corps social. Les différenciations se multiplient, la gamme des inégalités s'élargit et la variété des relations s'amplifie. Fruit de l'inégalité, le recours progressif des populations aux sites non aménagés. L'enfermement sur eux-mêmes des quartiers pauvres comme Maképé Missoké et Maképé Maturité et des quartiers riches comme par exemple Bonapriso, Bonamoussadi fait peser sur les populations un risque majeur de sécession urbaine et sociale. Dès lors, naissent des quartiers cumulant les handicaps, mis hors circuit qui se transforment en « ghettos des pauvres ».

Tableau 3 : évolution par milliers de la population de Douala de 1968 à 2000

Année

Population

1968

250

1970

250

1976

400

1978

483

1980

600

2000

2000

Source : MINEF, 1987 démo, 1987, population de Douala

Du tableau ci-dessus, la population de douala connaît une irruption depuis 1970. De 250 habitants par milliers, elle est passée à 2000 habitants par milliers en 2000. Les projections faites par les spécialistes de la démographie ont annoncé le triplement de cette population en 2005. Les données du dernier recensement ne sont malheureusement pas encore disponibles.

IV-1-1-2-LA CROISSANCE DE L'EXODE RURALE ET LA DIFFICULTE D'INTEGRATION DES MIGRANTS.

La croissance de l'exode rurale est une des causes de l'expansion urbaine. Il se produit un transfert net de pauvreté entre zones rurales et urbaines car les nombreux migrants (notamment les jeunes) cherchent à travailler, à améliorer leur niveau de vie. Or le gouvernement ne dispose ni de moyens voulus, ni du personnel compétent pour disposer à cette population les services et les installations nécessaires à une bonne qualité de vie. D'où l'expansion d'établissements humains illégaux, aux installations insuffisantes et souvent rudimentaires, surpeuplées et connaissant une forte incidence des maladies dues à un environnement insalubre comme Maképé Missoké et Maképé Maturité. Il y a un surpeuplement des populations sous-employées dans les secteurs et tout le tissu de l'économie urbaine ; Un transfert de pauvreté en ce sens que ce ne sont pas les ruraux productifs, mais les ruraux pauvres qui se transforment, du moins temporairement en citadins inactifs, démunis et habitants des taudis. Rester sous employé ou chômeur en ville pendant un certain temps quelque soient les lieux revenant moins cher qu'à la campagne. La ville attire ainsi des populations non qualifiées mais offre alors peu d'opportunité. J. FORRESTIER (1979 :147) dit qu'« elle fait tomber les sous employés dans une basse condition économique d'où peu s'échappe ».

Au niveau macrosociologique les dynamiques socio-économiques dans les sites à risque sont perçus comme une conséquence de l'expansion urbaine due à une explosion de la population urbaine. Les inégalités qui naissent de cette explosion urbaine poussent les individus pauvres à rechercher les sites d'abris qui sont des sites dépourvus de toutes infrastructures sociales, des sites à écologie peu fiable, ceci dans le but de survivre. En outre, l'installation de la population migrante dans les sites à risque est une conséquence de la difficulté qu'elle rencontre quant à leur intégration dans le territoire et l'économie urbains. Toutefois, pris individuellement, comment comprendre les mobiles d'habitations des sites à risque ?

IV-1-2-APPROCHE INDIVIDUELLE SUR LES MOBILES DES DYNAMIQUES SOCIO-ECONOMIQUES DANS LES SITES A RISQUE.

IV-1-2-1-discours recueillis sur les mobiles des dynamiques socio-économiques dans les sites à risque

Profil 1

« Je suis ALINE. Cela fait 25 ans que je suis dans cette zone. Au départ je venais juste en congé ici, mais avec le temps, je me suis familiarisée à la zone au point où je m'y suis ensuite installée avec toute ma famille. C'est grâce à mes cousins que j'ai trouvé cette surface, ils sont juste à mes cotés. C'est eux qui m'hébergeaient lorsque je venais ici. C'est vrai qu'au départ, je ne voulais pas habiter ici, mais ce n'était pas aussi facile de vivre loin des miens. Nous constituons une véritable famille ici et il est difficile pour moi de les abandonner. Je suis de l'Ouest. La vie est certes dure ici, mais je me débrouille autant que je peux pour nourrir mes enfants, je m'exerce dans le petit commerce et mon mari  est moto taximan. » (ALINE, Maképé Missoké)

Profil 2

« Moi c'est GISELE, la vie dans cette zone n'est pas du tout facile à cause de multiples pollutions qui s'y dégagent. Cela fait seulement cinq ans que je me suis installée ici parce que mes parents avaient décidé eux aussi de s'y installer. Je suis attachée tellement à mes parents au point où il n'est pas facile pour moi de vivre loin d'eux. Encore que je dépends entièrement d'eux. Je leur avais demandé un jour pourquoi ils ont voulu ou préféré s'installer ici, la première raison avancée était que ce milieu leur est d'un atout économique. Ils mettaient en exergue le coût moyen de logement et même l'exercice de petits commerces loin des regards des collecteurs d'impôts etc. Ensuite, la deuxième était parce qu'ils sont en groupes, en famille, ce qui leur fait du bien. Lorsqu'on retrouve dans un milieu, des ressortissants d'un même village, cela fait du bien. A présent je suis avec eux. Nous sommes au nombre de dix dans le ménage et partageons une chambre salon. Par moment j'aide mon père à creuser et à vendre du sable. » (Gisèle, Maképé Maturité)

Profil 3

« Je suis une femme et vous savez que c'est la femme qui suit son mari. Je me suis mariée il y a de cela dix ans. J'ai été au village à l'Ouest avec mon mari. Mais avec les difficultés du village, mon mari a décidé de partir en ville à la recherche du mieux être. Je suis restée seule au village. Mais avec le temps il a économisé un peu d'argent grâce à son activité de moto taxi et a construit cette case que vous voyez. C'est donc après cette construction qu'il a décidé de me faire venir en ville. Donc je suis ici parce que mon mari est aussi là. Le jour où il décidera de partir, moi aussi, je partirai avec lui. Nous vivons avec nos petits frères et neveux, nous partageons juste une chambre avec eux. Certains d'entre eux sont déjà en âge de se marier, ils se battent pour se trouver aussi un logement même si cela n'est pas aussi facile. » (MONIQUE, Maképé Missoké)

Profil 4

« Moi je suis Madame MACHE. Nous résidions d'abord à Bali. Mon mari travaillait à MAERSK. Après son licenciement, il n'était plus possible pour nous de pouvoir au prix de logement qui s'élevait à 60 000 Frs. Avec le peu qu'il avait encore en banque il a décidé de s'acheter un terrain pour construire un petit truc pouvant nous abriter. C'est ici qu'il a donc trouvé cette parcelle. Un jour il nous a rassemblés et nous a dit qu'il serait possible de déménager dans les jours à venir pour notre propre maison. Donc voilà pourquoi je suis ici. Nous sommes des bamilékés. Au départ nous étions six dans notre ménage, mais à présent nous sommes au nombre de douze partageant deux chambres et un salon. Je m'exerce dans le commerce. Mon mari a ouvert un bar à coté et c'est moi qui le gère puisque lui-même il est occupé au petit marché avec notre seconde boutique. Nos enfants nous aident souvent à survivre grâce à leurs petites activités comme l'artisanat, le commerce, etc. Bientôt cela fera vingt ans que nous sommes ici. » (MACHE, Maképé Maturité)

Profil 5

« Moi je suis CEZAIRE. Cela fait vingt ans que je suis dans cette zone. Au départ, j'avais de la peine à y habiter, mais aujourd'hui, je comprends que c'est bien d'y être. Vous savez, le problème de logement à Douala n'est pas facile. Si j'avais un revenu qui me permettait d'habiter dans des quartiers chics comme Bonanjo, Bali, etc., je le ferai. Mais mon revenu est très faible. A peine j'ai 20 000 Frs par mois. Je loue ici à 6000 frs. Or il n'est pas facile de trouver un logement à ce coût dans d'autres quartiers. Le jour où le Seigneur me donnera les moyens, je pourrai vivre mieux que ça. Pour l'instant, ce milieu correspond à mon revenu et je n'ai pas de choix. » (CEZAIRE, Maképé Maturité)

Profil 6

« Moi je suis Serges. Je suis débrouillard. Je m'exerce dans le sable et parfois même dans le petit commerce. J'ai trente ans et je vis avec mes frères. Nous sommes dix dans le ménage. Vivre ici c'est comme vivre à Bonamoussadi ou à Denver. La seule différence ici, c'est que le milieu est pollué. Mais il est d'un atout économique pour ceux comme moi qui ont un faible revenu. Il est rare que je rassemble trente mille francs par mois. Or s'il fallait aller ailleurs, croyez-vous que j'allais survivre ? A peine j'ai 25 000Frs. Mais ici, cette somme me permet non seulement de pourvoir à mes cotisations, mais aussi et surtout d'envoyer quelque chose à ma femme que j'ai laissée à Pouma, puisque je suis Bassa. Donc ce qui m'a motivé, c'est d'abord le fait que ce milieu est économique ; le terrain est moins cher, le prix de location moins élevé. Ce milieu me permet de survivre » (SERGE, Maképé Missoké)

Profil 7

« Moi je suis d'abord venu ici comme étudiant à l'ESSEC. Après mes études, je n'ai pas trouvé un travail qui permette de mieux me loger. J'ai exploité mes connaissances pour vivre. Je voyage, j'achète les produits alimentaires que je livre aux femmes by and sellam. Je fais cette activité depuis quinze ans maintenant. C'est grâce à cette activité que je me suis acheté ce terrain et j'y ai construit ma petite case. J'étais déjà familier au milieu. J'ai 35 ans aujourd'hui. J'ai une licence en droit. Jusqu'à présent, j'espère trouver du travail et même si je trouve, je resterai toujours ici parce que c'est plus économique. J'exerce mes activités loin de toutes contraintes fiscales etc. Je suis anglophone et je m'appelle DEJOLIE » (DEJOLI, Maképé maturité)

Profil 8

« Moi je suis PASCAL, c'est le commerce qui m'a amené ici. Je suis arrivé à Douala il y a de cela 15 ans. Je résidais à Bépanda Double Balle. J'ai d'abord commencé à vendre au marché central, mais les impôts nous dérangeaient beaucoup. J'ai voulu m'y acheter une boutique, mais le prix ne m'était pas accessible. Mon ami m'a conseillé cette zone. J'ai donc commencé à venir ici en journée pour mes commerces, puisque ici, il n'y a pas encore tellement de contraintes. Avec le temps j'ai trouvé un logement ici à moindre coût par rapport à Bépanda et j'ai donc décidé de m'installer ici. A Bépanda je louais à 20 000. Or ici je loue une maison de 10 000 frs. Certes cette maison est en carabotte comparativement à celle de Bépanda, mais c'est plus économique. Cela correspond à mon revenu qui s'élève à 30 000 Frs par mois. J'ai onze bouches à nourrir. Je suis anglophone et ma femme est Bassa. » (PASCAL, Maképé Missoké)

Profil 9

« Moi je m'appelle Aicha. J'ai quarante ans et je réside ici depuis 25 ans. Ce milieu est bien. Nous luttons pour la survie mon frère. Je suis pauvre, je n'ai rien. Il n'y avait que ce milieu pour me maintenir en ville. Lorsque je suis arrivée ici, j'ai eu toutes les difficultés à trouver un logement. Même jusqu'à présent, je partage une maison avec mon frère qui lui aussi est avec sa femme et ses enfants. Je n'arrive même pas à manger chaque jour. S'il arrive même souvent de manger, c'est une fois. C'est difficile. Donc je suis ici parce que je suis pauvre, je n'ai pas d'argent pour aller ailleurs. Je lutte pour ma survie. Et ce milieu me plait puisqu'il correspond à mon niveau de vie. Je suis Bassa. » (AICHA, Maképé Missoké)

Profil 10

« Moi je suis anglophone. J'ai épousé une Bassa ici même il y a de cela quinze ans aujourd'hui. Nous nous débrouillons dans les petits métiers. Moi je suis artisan et ma femme fait le petit commerce devant notre case. Nous sommes ici parce que nous ne savons pas où aller. Notre revenu ne nous permet pas d'aller quelque part. Nous avons trouvé en ce milieu un bon endroit d'autant plus qu'il est favorable aux activités économiques car loin de toutes contraintes. En plus ici c'est comme chez nous au village, je peux facilement élever mes porcs, mes chèvres, etc., sans perturbation aucune. Avec toutes ces activités, je gagne 45 000 frs par mois et ne dépense que 10 000 pour mon logement. Vous voyez que ce milieu m'est favorable. » (PAUL, Maképé Maturité)

IV-1-3-ANALYSE DES DISCOURS RECUEILLIS SUR LES MOBILES DES DYNAMIQUES SOCIO-ECONOMIQUES DANS LES SITES A RISQUE

L'analyse des mobiles des dynamiques socio-économiques dans les sites à risque s'appréhende et se perçoit à trois niveaux d'analyse selon les indicateurs suivants : Les groupes de référence, les revenus moyens des acteurs et les difficultés de logement, la recherche de l'intégration économique par les acteurs et les contraintes matrimoniales.

IV-1-3-1-Les groupes de référence

Un groupe de référence est défini comme toute agrégation interagissant de personnes qui influencent les attitudes ou le comportement d'un individu. Dans sa vie quotidienne, un individu est influencé par de nombreux groupes primaires (famille, voisins, amis, collègues, de travail) et secondaires (associations, clubs) auxquels il appartient par la proposition des modèles de comportements et de mode de vie, par l'influence de l'image qu'il se fait de lui-même, enfin par la génération des pressions en faveur d'une certaine conformité de comportement.

L'influence du groupe ou des individus joue un rôle important dans l'analyse des motivations des activités socio-économiques dans les sites à risque. Les individus arrivent dans les sites de Maképé Missoké et de Maképé Maturité sous l'influence d'un membre de la famille ou d'une connaissance. Ils sont influencés par les conseils de ceux-ci, considérés comme des anciens du site. Ils viennent des quartiers diverses de la ville de Douala, pour être près de leurs amis, leurs parents, ou encore pour être plus proche d'une association ou d'une activité génératrice. Le désir d'être dans une même zone qu'un proche pousse à demeurer dans la zone qui constitue dans un premier temps un site de passage. Mais plus tard ils y développent des relations psycho-affectives qui les maintiennent longtemps dans le site. Sur 200 personnes enquêtées par sondage sur les mobiles du choix des sites à risque comme lieux d'habitation, près de 15% affirment avoir été motivé par un membre de la famille d'un collègue ou d'un ami. Les conduites à risque se vivent souvent à plusieurs et ne seraient sans doute pas adoptées de manière solitaire, ce qui suppose l'influence de la présence des autres sur la manière dont le risque est représenté. Le fait d'être en groupe permet de se sentir à l'abri de certains maux sociaux et de certains besoins.

IV-1-3-2- les revenus moyens des acteurs et les difficultés de logement.

La principale raison qui explique les dynamiques socio-économiques dans les zones à risque telle que révélée dans les discours est le caractère démunis et pauvre de la population. Les habitants des sites à risque sont des individus démunis, pauvres. Le revenu moyen d'un ménage s'élève à 30 000 FCFA (trente mille) par mois avec parfois plus de dix bouches à nourrir auxquelles il faut ajouter d'autres contraintes sociales (les associations, les voyages, etc.). La ville de Douala comme toutes les villes du Cameroun se caractérise par un manque criard de logements. Et quand bien même ceux-ci existent, ils coûtent très chers et ne sont pas favorables aux couches sociales à faible revenu. Les sites à risque du fait qu'ils regorgent des logements à bas prix deviennent des zones d'attraction pour cette catégorie de la population. Un logement dans le site de Maképé Missoké (deux chambres, salon, cuisine externe) coûte en moyenne 15 000 FCFA (quinze mille francs CFA). Un appartement de même capacité dans les zones environnantes comme Bépanda et Bonamoussadi coûte entre 60 000 (soixante) et 70 000 FCFA (soixante dix mille francs). De même, un mettre carré de terrain dans les sites à risque coûte 4000 FCFA comparativement à Bépanda et Bonamoussadi où les prix varient entre 10000 et 20000 FCFA le mettre carré. Ces sites offrent ainsi des terrains à faibles coûts, ce qui est d'un atout pour une couche sociale à faibles revenus.

Le faible revenu des ménages et la difficulté de logement ont été avancés par plus de 50% d'individus enquêtés par sondage pour justifier leur présence dans les sites à risque. La pauvreté qui les caractérise les contraint à une habitation insalubre, polluée, présentant des implications subjectives qu'il faut chercher à définir. Cette pauvreté est une conséquence de l'inactivité de certains acteurs. D'autres quand bien même ils exercent une activité, celle-ci ne peut générer un gros revenu. La cause de l'inactivité telle qu'enquêtée est de trois ordres : ceux qui ont été licenciés de leur travail et se retrouvent au chômage (15%), ceux qui arrivent en ville sans qualification ce qui les contraint aux activités à faible revenu (25%), enfin ceux qui ont fini leurs études mais n'ont pas trouvé du travail, ce qui les pousse à rechercher les sites pouvant les abriter à moindre coût en attendant trouver un travail qui les aidera plus tard à sortir de ces milieux (10%).

IV-1-3-3- la recherche de l'intégration économique par les acteurs

Le milieu économique au Cameroun est fait des contraintes qui ne favorisent pas l'intégration des couches démunies. Ces contraintes sont de deux ordres : la qualité et les locations des sites pour l'exercice d'une activité. La difficulté d'intégration des acteurs enquêtés (20%) dans le circuit du développement des activités formelles, et le poids de la fiscalité dans les grands marchés de la ville comme ceux de Mboppi, marché central etc., expliquent l'accroissement des activités socio-économiques dans les sites à risque. A cela ces sites offrent des opportunités de mener ses activités loin de tout control comme les impôts, la fiscalité. Ces derniers ne pouvant permettre de réaliser des bénéfices escomptés pour la survie dans les ménages. Ainsi se développent dans ces sites des activités comme l'élevage, l'agriculture citadine, les petits commerces, les associations etc. Ils mettent aussi en exergue le coût élevé de location des sites d'activités dans les marchés sus cités. S'ils sont venus dans les sites à risque, c'est pour leur intégration économique. Ces sites présentent des avantages en ce sens qu'ils sont favorables à leurs activités, loin de toutes contraintes fiscales qui se posent dans d'autres zones. Et même lorsque ces contraintes existent, les coûts sont moins élevés. Outre  `l'absence' de ces contraintes fiscales, les locations des sites sont à leur portée. Le désir d'intégration économique a donc poussé certains individus à s'installer définitivement dans les sites à risque au point d'ignorer même ces risques.

IV-1-3-4- les contraintes matrimoniales

Les liens matrimoniaux sont des facteurs qui exercent une influence sur les dynamiques sociales dans les sites à risque. Certaines femmes enquêtées se sont retrouvées dans les milieux de Maképé Missoké et Maképé Maturité à cause du lien de mariage (10%). Le mari y étant, la femme se trouve obligée de le rejoindre. Plusieurs d'entre elles ont été d'abord dans les milieux ruraux. Mais sous l'instigation de leurs maris, elles sont arrivées en ville avant de découvrir les lieux d'habitation. Le constat fait ici est que ces femmes ont une perception positive de leur environnement immédiat car pour elles, le milieu n'est pas différent de celui du village d'origine. Voilà pourquoi, elles y développent des activités jadis exercées dans les villages comme l'agriculture citadine, transportant comme déclare J. M. ELA (1983) la mentalité villageoise à la ville.

Certains hommes arrivent dans les sites à risque à la poursuite d'une femme ou d'une épouse. Leurs présences répétées dans le milieu les y maintiennent finalement après obtention de la femme. Il arrive parfois même que la femme donne pour condition avant le mariage de ne pas quitter la zone où se trouvent ses parents. Alors, l'homme dans tous ses états amoureux est obligé de s'y implanter. Plus de 5% de la population enquêtée sont arrivées dans la zone à cause d'une femme. Le lien matrimonial est ainsi un facteur important dans l'explication des dynamiques socio-économiques en milieu à risque.

De manière générale, les sites à risque sont des lieux de refuge pour les couches sociales démunies. Lesquelles vivent en toute insouciance dans les zones dangereuses parce qu'elles ne peuvent pas faire autrement dans un environnement où le coût de la vie est de plus en plus élevé et où l'accès au minimum vital est devenu un luxe pour la masse laborieuse J. M. ELA (1983). Quelles sont les caractéristiques de ces populations ?

IV-2- CARACTERISTIQUES DES POPULATIONS DES SITES A RISQUE

IV-2-1- ORIGINE DE LA POPULATION ET ORGANISATION SOCIALE

D'après les résultats du recensement de la population 1987, les zones de Maképé Missoké et Maképé Maturité comptent respectivement 7500 et 12000 habitants repartis dans plusieurs groupes ethniques, dont les grands sont constitués des Bassas qui viennent de la Sanaga maritime, de la haute Sanaga, du Haut Nkam ; aussi des Bamilékés majoritaires qui viennent de l'Ouest Cameroun ; enfin des anglophones originaires du Sud-Ouest (plus particulièrement des zones de Kumba et Mutenguené), du Nord-Ouest (Ndop et kumbo). Ces groupes se massent et présentent une forme d'organisation particulière. L'organisation sociale désigne la manière dont les populations à risque s'organisent dans leur environnement, autour de leurs activités ; Bref la disposition des populations à risque pour mettre en valeur leurs ressources, gérer les conflits et les risques environnementaux.

Dans le cas pratique des zones enquêtées, chaque ethnie ou tribu constitue un bloc. La zone de Maképé Maturité compte plus de neuf blocs. Le nombre élevé de blocs est tributaire aux subdivisions qui existent dans les groupes ethniques. Dans le groupe des bamilékés par exemple, on retrouve les individus provenant de la Menoua, du Bamboutos, etc. Chaque tribu forme un bloc. Il est difficile de retrouver un Bassa dans le bloc des anglophones et vice versa. Par contre il sera plus facile de rencontrer dans un bloc, soit uniquement des bassa, soit uniquement des anglophones ou des bamilékés selon les villages d'origine. Nous n'avons pas eu des statistiques sur les nombres d'habitants selon les groupes ethniques du fait qu'elles sont inexistantes. Mais parmi les populations enquêtées, près de 50% d'individus sont des bamilékés, 25% des bassas, 15% des anglophones et 20% d'autres groupes ethniques comme les bamouns, les bétis etc. Chaque bloc a à sa tête un chef de qui représente son groupe ethnique. Les chefs de bloc sont coiffés par un chef de quartier. Les chefferies de Maképé Missoké et Maképé Maturité sont des chefferies de troisième degré. Le chef de quartier est le garant de la paix et stabilité dans les différents blocs. Il est aussi garant de la sécurité du quartier. C'est lui qui planifie en collaboration avec ses chefs de blocs les programmes de gestion de risque dans la zone. C'est encore lui qui rend compte de l'évolution sociale et environnementale du quartier aux pouvoirs publics. Il a le pouvoir de faire détruire un logement par la CUD ou par la mairie de Douala 5e aussitôt qu'il devient un danger pour ceux qui y habitent. Il veille à l'exécution des programmes d'hygiène et d'insalubrité dans la zone. Les chefs de blocs quant à eux sont les membres issus de groupes ethniques auxquels ils appartiennent. Ils veillent à l'application des décisions de la haute sphère par ses membres. Ils contrôlent les constructions dans les blocs respectifs, participent à la sensibilisation de leurs membres contre les risques du milieu, rendent compte au chef des travaux à réaliser dans leurs blocs. Si sur le plan social, la population s'organise de manière hiérarchique, il n'en est pas de même sur le plan économique.

IV-2-2- ORGANISATION ÉCONOMIQUE

Il n'existe pas une véritable organisation des activités économiques dans les zones de Maképé Missoké et Maképé Maturité. Tout se déroule de manière anarchique. Ici intervient un véritable brassage. Dans le cas de l'élevage, les acteurs (les bamilékés et les anglophones en particulier) construisent près de leurs latrines des tentes pour les porcs et les chèvres. Ceux qui font le petit commerce, étalent leurs produits devant leurs cases et les passants peuvent s'en procurer au besoin. Certains ont même transformé une partie de leurs maisons en alimentations et d'autres en boutiques. Dans le cas du petit marché de Makepé Maturité, il n'existe pas une organisation spécifique, tout est anarchie. Les vendeurs de piments sont dans les tas de vendeurs de tomates. Les fripiers dans le même secteur que les vendeurs de banane, etc. Le constat fait dans cette anarchie économique est qu'elle renforce la cohésion sociale. Il n'existe pas de segmentation ethnique dans le marché, ni dans la vente des produits. Sur un même secteur, on retrouve un Bassa, une Bamiléké, etc. exerçant une même activité, vendant un même produit. JEANNE affirme :

 Je suis Bamiléké. Je voyage souvent jusqu'à l'Ouest avec ma voisine Bassa pour chercher les pommes et les tomates lorsque c'est la saison. De même, nous partons souvent à Pouma à la recherche des huîtres quand nous ne sommes plus en mesure d'aller à l'Ouest ou quand nous voulons changer d'activité. Ici au marché, il n'y a pas de `je suis de l'Ouest ou du Centre'. Nous nous disputons par moment, mais nous sommes plus que jamais soudées. Je connais sa famille de Pouma et elle aussi maîtrise la mienne. Nous militons ensemble dans une association que nous avons constituée ici même au marché.  (JEANNE, Maképé Maturité)

IV-2-3-NIVEAU D'INSTRUCTION

Le niveau d'instruction des populations des sites à risque telles qu'enquêtées est très bas. Ce sont des individus issus pour la plupart de l'exode rural venant à la recherche du travail en ville. Ils n'ont au préalable pas eu une éducation scolaire ou académique avancée. Toutefois, du fait du brassage qui les caractérise, beaucoup ont appris à parler et à lire le français. Plus de 90% de la population enquêtée parlent bien le français ou l'anglais. La plus grande difficulté est celle de la lecture et de l'écriture. Sur 96% des populations enquêtées qui savent parler français ou anglais, 50% ne connaissent ni lire, ni écrire l'une ou l'autre de ces langues. Cependant, 40% ont été à l'école, raison pour laquelle ils savent écrire, lire et parler le français et/ou l'anglais. Mais sur ces 40% qui ont été à l'école, 15% d'entre eux ont suivi l'enseignement primaire sans Certificat d'Etudes Primaires (CEP), 17% ont obtenu le CEP. Seuls 10% atteint le niveau secondaire et 8% ont fait l'université.

La conclusion qui résulte ici est que les populations des sites à risque n'ont pas une éducation approfondie. Ce sont des individus dont le niveau d'instruction est bas. L'explication qui découle de cet état est liée à l'origine de ces populations. Elles viennent des zones rurales où l'accent n'est généralement pas mis sur l'école. En outre, la pauvreté financière et matérielle qui les caractérise explique cet état de fait. Les revenus dans les ménages ne permettent pas une bonne scolarisation des enfants. Raison pour laquelle ceux-ci grandissent sans éducation, ni qualification. Ceux des individus qui atteignent le niveau secondaire (baccalauréat ou universitaire) sont ceux qui ont bénéficié du secours de l'extérieur (d'un parent ou d'un ami) ou encore ceux qui ont associé une activité génératrice à leur évolution scolaire.

 Mon fils que vous voyez a atteint l'université de lui-même. C'est lui qui paie jusqu'à présent sa scolarité. Il a passé deux ans au quartier après son Bac à la recherche des moyens afin de pouvoir payer sa scolarité à l'université. Il n'était plus possible pour moi de lui donner quoi que ce soit après son BEPC. Mais comme il était intelligent, il a bénéficié de l'appui d'un de ses amis qui lui a offert 50 000 FCFA (cinquante mille francs). C'est avec cet argent qu'il a débuté un petit commerce qu'il exerce chaque soir après l'école. (AMOS, Maképé Maturité)

Cette affirmation d'un parent interviewé témoigne de la difficulté qu'éprouvent les populations des sites à risque à s'éduquer et à s'instruire.

IV-2-4-NIVEAU D'AGE DES ACTEURS ET RELIGIONS PRATIQUÉES

Les populations de Maképé Missoké et Maképé Maturité sont en majorité des jeunes. Parmi 200 individus enquêtés, 126 sont dans le groupe d'âge compris entre 26-35 ans représentant un taux de 63% de la population enquêtée. 56 entre 36-62 ans (28%) et 15 entre 62 et plus (9%). Une analyse comparative permet aussi de comprendre que les individus en âges avancés (36-62 ans et 62 ans et plus) se recrutent plus dans la zone de Maképé Missoké (10 individus) contre 08 à Maképé Maturité.

En effet, la zone de Maképé Maturité a été interdite d'habitation en 1983 (déclaration du chef de quartier M. BELLA) du fait qu'elle était une zone pétrolière. Ce qui a retardé quelque peu les mutations sociales dans la zone comparativement à Maképé Missoké qui est habité depuis 1972, date de création du grand quartier Maképé. Ceux des individus adultes sont des personnes qui se sont installés dans la zone pendant leur jeunesse. Ils ont duré dans le site, s'y sont familiarisés au point d'y développer une estime leur donnant une perception positive des risques comme les inondations, l'insalubrité, etc.

Sur le plan religieux, ce sont des individus d'obédience chrétienne, musulmane etc. Toutefois, ces populations sont accueillantes, mais méfiantes quant à la livraison d'une information les concernant. L'une des difficultés rencontrées lors des enquêtes était celle de refus. Certaines ont gardé leurs habitudes rurales et cela se manifeste par l'agriculture urbaine qui se répand dans les sites.

Toutefois si les individus arrivent dans les zones pour l'une ou l'autre raison évoquée, quelle perception ont-ils de leur milieu ? Quels sens donnent-ils aux risques ? A leur environnement immédiat ? Les dynamiques socio-économiques dans les sites à risque ne seraient-elles pas liées aux perceptions que les acteurs ont des risques ?

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery