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L'"arbitralisation" de la cour internationale de justice: une étude critique

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par Pierre Barry NJEM IBOUM
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Diplome d'Etudes Supérieures Spécialisées 2010
  

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CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

Dans cette partie nous avons perçu l'influence somme toute relative mais importante des Etats parties au litige sur la Cour.

En effet, ces derniers amènent la Cour à adopter une posture médiane, un compromis judiciaire lorsqu'elle est amenée à se prononcer sur une question qui lui est posée. Objectif qu'elle réalise subrepticement au travers du recours aux principes équitables et par la distanciation des liens entre les motifs et le dispositif. Cette influence se poursuit bien plus évidemment sur l'exécution des décisions de la Cour. En effet, tout se passe ici à la guise des Etats si et comme ils veulent avons-nous vu.

Mais, pour autant, la Cour n'est pas complètement démunie car il lui reste bien une autorité qui dépasse le cadre moral car les Etats appliquent systématiquement ses décisions. Cela est tel sûrement du fait que la Cour est bien établie dans l'usage du droit.

CONCLUSION GÉNÉRALE

La Cour est donc une institution judiciaire474(*), qui se meut dans la sphère internationale. Cet état de fait est le produit et le résultat d'une idée développée au siècle dernier et peaufinée par le biais de la Cour permanente d'arbitrage puis de la Cour permanente de Justice internationale. Ce règlement judiciaire international donc la Cour constitue en quelque sorte le point de mire, cohabite aujourd'hui avec d'autres mécanismes de règlement des différends que sont l'arbitrage, la conciliation, la médiation, les bons offices etc. tous ayant un point commun, l'implication d'un tiers dans le règlement des différends. Cette cohabitation que l'on constate n'a pas toujours existé puisque, ceux-ci ayant précédé celui-ci.

En effet, les différents mécanismes cités, notamment l'arbitrage ont existé bien des siècles475(*) avant le règlement judiciaire. Cela pourrait se justifier entre autre par le fait qu'il n'existait pas d'États, cadres d'expression du règlement judiciaire dans le plan interne, encore moins des regroupements d'États qui sur le plan international sont les seuls à même de fournir une telle justice. Du fait de cette antériorité, le règlement judiciaire a du copier des éléments du règlement arbitral pour se constituer476(*) ; si le règlement judiciaire a pu s'émanciper de cette relation, l'on est tenté aujourd'hui de parler d'un retour aux sources - au moins sur le plan international -. La Cour constitue à ce propos un bel exemple d'échantillon d'analyse.

Ainsi que nous l'avons démontré dans notre travail477(*), la Cour de façon congénitale et parfois de façon conjoncturelle, tendrait à se comporter comme un véritable tribunal arbitral. Le spectre de la souveraineté étant passé par là. Cette nature arbitrale de la Cour pourrait également être perçue d'une certaine façon dans le procédé qui consiste à laisser un vaste champ à la volonté des États dans le Règlement478(*) et même dans le Statut479(*) de la Cour. Tout se passe comme-ci ces deux instruments n'étaient en réalité qu'un vaste compromis ou une clause compromissoire que les Etats ont signé.

Mais au-delà de tout cela, au-delà du distinguo entre règlement judiciaire et arbitral, l'essentiel n'est-il pas ailleurs ? Certes, le droit est un instrument de la paix, une arme même480(*) ; certes la Cour comme tout tribunal devrait, comme le disait Montesquieu pour le juge, être que « la bouche qui prononce les paroles de la loi481(*) ». Mais ne perdons cependant pas de vue que la Cour est un organe - principal - de l'Organisation des Nations unies, et de ce fait toute son action doit tendre vers la réalisation des buts de l'organisation. Ainsi, elle contribue à coté du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale à prévenir et à terminer les différends susceptibles d'embraser une fois de plus l'ensemble de la Communauté. La Cour a à plusieurs reprises affiché cette disposition d'esprit. Ainsi dans l'avis sur certaines dépenses482(*) elle déclare : « il est naturel d'accorder le premier rang à la paix et à la sécurité internationales car les autres buts ne peuvent être atteints que si cette condition fondamentale est acquise ». Et dans l'avis relatif aux conséquences juridiques de l'édification d'un mur en territoire palestinien occupé483(*) elle dira « soucieuse d'apporter sa contribution aux buts et principes des Nations Unies, en particulier le maintien de la paix et de la sécurité internationales et le règlement pacifique des différends [ elle] tient a souligner la nécessité urgente que l'Organisation des Nations Unies dans son ensemble redouble ses efforts en vue de mettre rapidement un terme au conflit israélo-palestinien qui continue de poser une menace a la paix et a la sécurité internationale, et d'établir ainsi une paix juste et durable dans la région ». Le Président Bedjaoui ne disait pas autre chose lorsqu'il affirmait dans son « propos-bilan » qui traduit très exactement tout ce que nous avons développé dans notre travail que :

« La crédibilité de la Cour comme organe principal et comme moyen éminent de solution pacifique des différends est donc largement entre les mains des Etats. Je suis profondément convaincu que ce n'est que le jour où les membres de la communauté internationale se débarrasseront des anciens préjugés et seront, oserais-je dire, psychologiquement prêts à avoir recours aussi naturellement à la Cour qu'aux organes politiques, sans y voir un acte nécessairement plus grave, conflictuel ou inamical, que celle-ci pourra pleinement remplir sa mission. Peut-être certains Etats ont-ils tendance à craindre le règlement judiciaire au double motif que celui-ci, contrairement au règlement politique, échapperait d'une part totalement à leur emprise et, de ce fait, et eu égard à la rigidité supposée de la règle de droit, risquerait d'autre part toujours de leur être, finalement, moins favorable. Ces craintes sont, je crois pouvoir l'affirmer, largement infondées. La Cour, par la nature du droit qu'elle applique, par le rôle qui est le sien et par la composition qui est la sienne, est plus que toute autre institution judiciaire à l'abri d'une application aveugle de la loi. Tout en étant suffisamment précis pour offrir aux justiciables toute la sécurité juridique à laquelle ils aspirent légitimement, le droit international demeure simultanément, par essence, un droit souple et ouvert. La Cour elle-même, au demeurant, a expliqué, à plusieurs reprises, que le fait pour elle de statuer en droit n'excluait nullement - tout au contraire - la prise en compte de l'équité infra legem, c'est-à-dire de "cette forme d'équité qui constitue une méthode d'interprétation du droit et en est l'une des qualités"; et l'on sait qu'il est des domaines spécifiques du droit international, tel le droit de la mer, où il est constamment fait référence à des "principes équitables". Comme organe intégré du système de maintien de la paix établi par la Charte, la Cour ne perd jamais de vue cet objectif ultime. Ainsi, l'importante démarche récemment faite par la Cour en direction des Parties dans l'affaire de la Délimitation maritime et des questions territoriales entre Qatar et Bahreïn est le témoignage indéniable de la politique judiciaire dynamique et responsable que mène la Cour, inspirée par le souci constant qu'elle a de dire le droit dans l'intérêt de la paix484(*) »

Pour cela, on pourrait bien lui concéder ce changement « d'habits », on pourrait lui passer toutes ses faiblesses à l'égard des États, car comme le dit une sagesse populaire, quelque soit la couleur du chat pourvu qu'il attrape la souris. Quelque soit la nature de la Cour, pourvu qu'elle puisse assurer la paix et la sécurité internationale.

N'est-ce pas là l'essentiel ?

* 474 Ce bout de phrase résume tous les développements que nous avons fait dans la première partie de notre travail, notamment dans le premier chapitre de cette partie.

* 475 Serges SUR et Jean COMBACAU nous renseigne que la technique arbitrale est très ancienne et n'a pris des traits encore reconnaissables dans le droit actuel qu'à la fin du XVIIIe siècle. S. SUR et J. COMBACAU, droit international public, op. cit. à la p. 568.

* 476 En effet on constate bien une certaine relation de familiarité entre ces deux mécanismes de règlement des différends. Déjà que tous deux procèdent du mode juridictionnel c'est-à-dire un règlement des différends basé sur le droit, et ils possèdent des caractéristiques formelles équivalentes. Serges SUR et Jean COMBACAU en diront même que les différences qui peuvent exister entre ces deux mécanismes ne sont que « accidentels » et que hors de certains systèmes régionaux, le mode judiciaire n'a pas atteint sa perfection, réintroduisant en son sein même certains mécanismes empruntés au mode arbitral. Ibid. p. 570.

* 477 Notamment dans les deux premiers chapitres de chaque partie.

* 478 Voir les occurrences à la volonté des États dans les articles suivants du Règlement de la Cour : 17par.2, par.3 ; 31 ; 35 par.1, par.2, par.4 ; 51 ; 53 par.1, par.2 ; 55 ; 56 par.1, par.2 ; 63 ; 69 par.1 ; 76 par.1 ; 88 par.1 par.2 ; 96 ; 101.

* 479 Voir les occurrences à la volonté des États dans les articles suivants du Statut de la Cour : 36 ; 39 par.2, par.3 ; 46, 53.

* 480 Mais parfois, le droit est un risque pour la paix.

* 481 Montesquieu, esprit des lois, liv. 1er, 6, chap. IV. Cité par H. Lauterpacht, la théorie des différends non justiciables en droit international, R.C.A.D.I., 1930 à la p.541.

* 482 Avis du 20 juillet 1960, CIJ, Rec. 1962, p.168.

* 483 Avis du 9 juillet 2004, CIJ, Rec. 2004, §161.

* 484 LA PLACE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE DANS LE SYSTEME
GENERAL DE MAINTIEN DE LA PAIX INSTITUE PAR
LA CHARTE DES NATIONS UNIES :Déclaration de M. Mohammed Bedjaoui, Président de la Cour internationale de Justice, faite en séance plénière de l'Assemblée générale à sa quarante-neuvième session, le 13 octobre 1994, disponible sur le lien http://www.icj-cij.org/court/index.php?pr=93&pt=3&p1=1&p2=3&p3=1. Les soulignements sont de l'auteur.

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