WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'"arbitralisation" de la cour internationale de justice: une étude critique

( Télécharger le fichier original )
par Pierre Barry NJEM IBOUM
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Diplome d'Etudes Supérieures Spécialisées 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

PARAGRAPHE 1

NATURE ET FORCE DE LA SENTENCE ARBITRALE.

A contrario des autres mécanismes de règlement des différends que sont par exemple la conciliation, la médiation, etc. l'arbitre fait recours à l'arme du droit pour départager les litigants. De ce fait le caractère juridique ne se dément pas (A) et est pour lui assurer une autorité plus importante que d'autres décisions rendues par le biais de modalités moins contraignantes. Ce caractère juridique est sans nul doute au départ du caractère obligatoire de la sentence (B) tout autant que l'est l'autorité reconnue par les parties au tiers qu'est l'arbitre de mettre un terme au différend qui les oppose.

A : Une décision juridique.

Que ce soit en droit interne ou en droit international l'arbitrage se fonde toujours sur une utilisation du droit. La mention « droit applicable » ou « loi applicable » figure toujours en bonne position dans le gros des points discutés par les parties80(*). Le Professeur Oppetit affirme même que

« Ordonnées à la poursuite de fins identiques, justice étatique et justice arbitrale reposent sur un certain nombre de principes communs d'organisation et de fonctionnement : ceux que la common law qualifie de « justice naturelle », c'est-à-dire ceux qui transcendent tous les particularismes techniques et nationaux et en l'absence desquels on ne pourrait parler de justice. Il ne saurait en effet exister de procès équitable sans que soient scrupuleusement respectés le principe d'égalité entre les parties, le principe de la contradiction et celui, proche mais distinct, de la protection de la défense, ainsi que la nécessité d'un débat loyal, et ces exigences, quelles qu'en soient les modalités qui les traduisent, se manifestent à tous les stades de la procédure81(*). »

Cette utilisation formelle du droit qui fonde la nature juridique de l'arbitrage, ne va pas sans la technique utilisée par le juge pour rendre sa décision : le syllogisme judiciaire.

Cette technique est une méthode de raisonnement qui se traduit par un partitionnement de la réflexion en trois parties : la majeure constituée de la règle de droit applicable, la mineure les faits, et la conclusion la décision. Et qui devant la Cour s'énonce en visas82(*), motifs83(*) - dont les articles 56 §1 du Statut et 95 du Règlement de la Cour en font un élément dirimant de sa validité - ou ratio decidenti84(*) le « ou » étant synonymique, et le dispositif85(*).

Comme le jugement la sentence arbitrale doit être motivée86(*) et ce même si l'arbitre statue en amiable compositeur87(*). La décision doit être signée88(*) et porter l'indication du nom du ou des arbitres - comme un jugement ou un arrêt -. L'arbitre reste compétent pour interpréter sa sentence ou réparer les omissions et erreurs matérielles89(*).

Une décision juridique, la sentence l'est et ce caractère déteint ou implique forcément l'autorité qu'elle présente.

B : Revêtue d'une force obligatoire.

La sentence arbitrale a, dès qu'elle est rendue, l'autorité de la chose jugée90(*) et donc est obligatoire pour les parties91(*). Par conséquent, la solution donnée ne peut être remise en cause que par les voies de recours ouvertes à l'encontre de la sentence. Les parties ne peuvent saisir à nouveau une juridiction étatique ou internationale ou arbitrale de la même contestation qui ne saurait donc constituer une Cour d'appel de la sentence rendue92(*). Toute nouvelle demande identique à celle qui a été l'objet de la sentence serait irrecevable. Mais conformément au droit commun, l'autorité de la chose jugée est relative93(*). Elle ne s'applique que s'il y a identité d'objet, de fondement juridique et de parties ; Et elle implique qu'une partie soit fondée à rejeter toute motivation tirée d'une motivation ou décision antérieure et qui fonderait la décision du juge94(*) ou de l'arbitre.

Ceci étant, l'objet de l'arbitrage à savoir la sentence se présente formellement comme un jugement ordinaire, postulat s'il en est d'une identité ou à tout le moins d'une fonction commune du juge et de l'arbitre. Mais si le produit final de l'arbitrage est tel, l'auteur de la sentence tend aussi à se rapprocher voire à se confondre au juge.

* 80 Voir par exemple les articles 5 et 17 du Règlement d'arbitrage de la Cour commune de justice et d'arbitrage dans l'espace OHADA. L'article 7 du Règlement de la Cour d'Arbitrage et de Conciliation de Paris. Voir également le compromis signé le 12 mars 1985 entre la Guinée-Bissau et le Sénégal à propos du différend qui s'est élevé entre ces deux Etats au sujet de la délimitation de leurs espaces maritimes. Ce différend fut porté devant un tribunal arbitral et l'article 2 de ce compromis se lisait comme suit : « il est demandé au Tribunal de statuer conformément aux normes du droit international sur les questions suivantes : » nos italiques.

* 81 Bruno OPPETIT op. cit. à la p. 29.

* 82 Référents juridiques sur lesquels se base l'auteur d'un acte pour fonder son authenticité et sa validité. C'est ainsi que la Cour fait souvent recours à l'article 36 de son Statut ou à une convention entre les parties litigantes (clause compromissoire ou compromis).

* 83 Selon le lexique des termes juridiques, il s'agit du soutien rationnel de l'argumentaire développé par les magistrats dans les jugements et arrêts.

* 84 Locution latine (traduction : « raison de décider ») parfois utilisée pour désigner parmi les motifs d'une décision, celui ou ceux qui ont joué un rôle déterminant, qui ont eu un caractère décisif. Elle s'oppose à l'obiter dictum qui est une opinion émise par une juridiction et qui n'est pas essentielle à la motivation d'une décision adoptée par ladite juridiction. Jean SALMON (dir.), op. cit.

* 85 Partie finale d'un arrêt, d'un jugement ou d'une sentence arbitrale qui contient la décision de l'organe de règlement, c'est-à-dire la solution qu'il donne au litige, en réponse aux conclusions des parties. C'est au dispositif qu'est attachée l'autorité de la chose jugée. Cette autorité n'existe pas pour les motifs qui précèdent et justifient le dispositif sauf s'ils en sont le soutien nécessaire. Jean SALMON ibid.

* 86 CPC, français, art.1471.

* 87 CA Paris, 11 juillet, 1978, Bull. avoués 1985, n°93, p.11.

* 88 CPC, français, art.1473 et 1480.

* 89 Collection Lamy droit civil, Bertrand FAGES (dir.), droit du contrat, Wolters Kluwer France, n° édition 4289, novembre 2008 à la p.398-80.

* 90 Voir par exemple l'article 1476 du nouveau code de procédure civil français. Et aussi (CA Paris, 24 oct. Et 21 nov.1991, Revue de l'arbitrage 1992, p.494. note Roudeau-Rivier M.- C.

* 91 « ...et, sur les conclusions présentées en ce sens par la République du Sénégal, dit que la sentence arbitrale du 31 juillet 1989 est valable et obligatoire pour la République du Sénégal et la République de Guinée-Bissau, qui sont tenues de l'appliquer » Sentence arbitrale du 31 juillet 1989, arrêt, C.I.J. Recueil 1991, p. 53 à la p. 76.

* 92 C'est ce que traduit en substance le comportement quasi unanime de la Cour dans l'affaire de la sentence arbitrale du 31 juillet 1989.

« [La Cour] Par ces motifs,1) À l'unanimité, Rejette les conclusions de la République de Guinée-Bissau selon lesquelles la sentence arbitrale rendue le 31 juillet 1989 par le Tribunal constitué en vertu du compromis du 12 mars 1985 entre la République de Guinée-Bissau et la République du Sénégal est frappée d'inexistence;2) Par onze voix contre quatre,Rejette les conclusions de la République de Guinée-Bissau selon lesquelles la sentence arbitrale du 31 juillet 1989 est frappée de nullité absolue;3) Par douze voix contre trois,Rejette les conclusions de la République de Guinée-Bissau selon lesquelles c'est a tort que le Gouvernement du Sénégal prétend imposer à celui de la Guinée-Bissau l'application de la sentence arbitrale du 31 juillet 1989; et, sur les conclusions présentées en ce sens par la République du Sénégal, dit que la sentence arbitrale du 31 juillet 1989 est valable et obligatoire pour la République du Sénégal et la République de Guinée-Bissau, qui sont tenues de l'appliquer. La Cour est d'ailleurs allée plus loin en affirmant que « la présente instance constitue une action en inexistence et en nullité de la sentence rendue par le tribunal, et non un appel à ladite sentence ou une demande en révision ».

* 93 Voir par exemple l'article 1351 du Code Civil français, ou encore l'article 59 du Statut de la CIJ.

* 94 « On ne peut opposer à un État les décisions antérieures prises par la Cour » CIJ, 11 juin 1998 arrêt, délimitation de la frontière terrestre et maritime Cameroun-Nigéria, except. Préliminaire., Rec. 1998, 292 § 28.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon