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L'être en devenir, considérations aristotéliciennes sur le devenir

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par Martin MBENDE
Grand séminaire philosophat Paul VI Bafoussam, Cameroun - Graduat de philosophie 2008
  

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III. Théorie des quatre causes

et du Premier Moteur

1. Théorie des quatre causes

L'étude du mouvement ou du devenir prend en compte la théorie des quatre causes. « On appelle cause, ce à partir de quoi quelque chose advient et qui lui appartient de manière immanente, par exemple le bronze est cause de la statue, l'argent de la coupe. »92(*) Cependant, le bronze ne produit pas par lui-même la statue : il faut pour cela l'intervention d'un sculpteur qui usant de son savoir-faire, donne au bronze la forme de la statue. Par ailleurs, remarquons que l'oeuvre de l'artiste ou du sculpteur n'est pas toujours désintéressée. Celui-ci agit souvent en vue d'une fin, selon une intention préalable. D'où la formule aristotélicienne : « Tout ce qui devient, devient, par quelque chose, et à partir de quelque chose, quelque chose. »93(*)

Telles sont donc les quatre causes qui interviennent dans le devenir de l'Etre : d'abord la cause matérielle qui se rapporte à la matière de la chose, ensuite la cause formelle qui est la forme que revêt la matière, puis la cause efficiente entendue aussi comme cause motrice et enfin la cause finale, c'est-à-dire ce pour quoi la chose est faite. Dans l'exemple ci-dessus, la cause matérielle est l'airain, la cause formelle la statue, la cause efficiente le sculpteur et la cause finale la représentation d'une divinité, l'exaltation d'une beauté contemplée dans la nature ou tout simplement une destinée commerciale.

En outre force est de constater que c'est toujours la nature qui offre à l'artiste la matière première. Celle-ci, toujours inséparable de la forme, est donc la condition de possibilité du devenir. Aristote dit en effet : « Le devenir est impossible, si rien ne préexiste. Qu'une partie de l'être produit doive donc nécessairement préexister, c'est manifeste ; car la matière est une partie, puisqu'elle est le sujet immanent du devenir. »94(*) Kierkegaard renchérit en ces termes : « Tout changement a toujours présupposé un quelque chose. »95(*) L'art suppose donc la nature. Mais leur distinction découle du rapport de la forme à la matière, intérieur dans la nature, extérieur dans l'art. En somme, « la liaison entre forme et matière commande l'idée qu'Aristote se fait du mouvement. »96(*) Tout mouvement est causé par un moteur. Incapable de remonter à l'infini la série des moteurs, nous devons nous arrêter et poser avec Aristote un Moteur Premier.

2. Le Premier Moteur et ses caractéristiques

Puisque tout ce qui est mû est mû par quelque chose, « il y a par suite aussi quelque chose qui le meut ; et puisque ce qui est à la fois mobile et moteur n'est qu'un terme intermédiaire, on doit donc supposer un extrême qui soit moteur sans être mobile, être éternel, substance et acte pur. »97(*) Et cet être, c'est Dieu. Ainsi, tout ce qui existe, participe à quelque degré selon sa propre perfection, à l'existence de l'être divin. Cet être, comme vient de le souligner Aristote, est par nature Acte pur parce qu'absolument dégagé de toute matière et donc de toute potentialité. Il est cause formelle et suprême intelligible qui contient tous les intelligibles : « Il est l'intelligence qui se pense elle-même en saisissant l'intelligible. »98(*) Il ne peut pas être mû car « si une chose est mue, elle est susceptible d'être autrement qu'elle n'est. »99(*) Or Dieu ne peut pas être autre que ce qu'il est. Le Premier Moteur est aussi cause finale par excellence, attraction et aimantation universelle, moteur éternel et immobile qui « meut comme objet de l'amour, et toutes les autres choses meuvent du fait qu'elles sont elles-mêmes mues »100(*) par lui. En effet, toute chose du monde sensible aspire au mouvement éternel du Premier Moteur. Mais à cause de son éloignement de celui-ci et du nombre des moteurs intermédiaires qui la sépare de lui, le mouvement qu'elle reçoit de lui, lui arrive dans un état dégradé : d'où sa finitude. C'est pour palier à cette finitude, cette impossibilité d'atteindre le mouvement éternel du Premier Moteur que la nature a attribué à l'espèce et non à l'individu, l'éternité au moyen de la perpétuité par la génération.

En outre, le Premier Moteur n'est pas une idée, un idéal qu'on dirait projeté dans le futur : il est « un être nécessaire, et en tant que nécessaire, son être est le Bien. » 101(*) Mieux encore, il est le Souverain Bien. Par ailleurs, Aristote appréhende le Premier Moteur non pas comme possédant la vie mais comme étant la vie elle-même. Il dit précisément : « Ce principe est une vie, comparable à la plus parfaite qu'il nous soit donnée à nous de vivre par un bref moment. »102(*) Pour Aristote donc, Dieu se confond avec la vie. Et cette vie éternelle et parfaite qui n'appartient qu'à Dieu seul en tant que Pensée pure, nous n'en faisons l'expérience que pendant les rares moments de notre vie où nous philosophons. Philosopher c'est donc apprendre à vivre. Mais pour y arriver il faut, comme le pensait Platon, apprendre à mourir. Ainsi, mourir pour vivre, c'est s'affranchir des pesanteurs de la matière pour permettre à l'esprit de vivre de la vie même de Dieu qu'est la pensée.

* 92 ARISTOTE, La physique, II, 3, 194 b. 24.

* 93 ARISTOTE, Métaphysique, Z, 7, 1032 a, 13.

* 94 Ibid., Z, 7, 1032 b, 30.

* 95 KIERKEGAARD S., Les miettes philosophiques, Paris, Seuil, 1967, p. 125.

* 96 AUBENQUE P., op. cit., p. 181.

* 97 ARISTOTE, Métaphysique, ë, 7, 1072 b, 24.

* 98 Ibid., ë, 7, 1072 b, 20.

* 99 Ibid., ë, 7, 1072 b, 4.

* 100 Ibid., ë, 7, 1072 b, 3.

* 101 Ibid., ë, 7, 1072 b, 10.

* 102 Ibid., ë, 7, 1072 b, 15.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille