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Lire la fin du monde dans le jour de la fin du monde,une femme me cache de Patrick Grainville.

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par Vincent de Paul BISSIEMOU
Université Omar Bongo de Libreville - Maà®trise de lettres 2009
  

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CHAPITRE PREMIER

LA VISION DE LA FIN DU MONDE SELON GRAINVILLE

Soulignant que le roman est un art, un genre littéraire qui exprime une vision du monde, une conception de la vie et de l'existence (temps, espace, histoire, identité...) Elle évolue, se transforme et s'adapte.

L'expression fin du monde dans un premier temps pourrait être définie comme étant une apocalypse. Grainville quant à lui utilise cette expression pour peindre les imperfections, les maux et déboires, et catastrophes observées dans la société.

Dans cette partie, il nous revient d'étudier quelques éléments de fond se rapportant à la thématique de la fin du monde dans ce roman.

Nous nous intéresserons d'abord, à la vision du monde selon Patrick Grainville à travers les personnages. Ensuite, aux signes avant- coureurs de la fin du monde. Enfin, à l'esthétique de la fin du monde dans l'oeuvre.

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1.1.1. La fin du monde, vue à travers les personnages de Jérôme, Dolorès et Romane.

Si le sens d'une oeuvre, passe avant tout par l'étude textuelle. Greimas14 dit que le sens d'une oeuvre est donné à travers le parcours des personnages, et leurs relations dans le texte. Mais avant tout, nous devons procéder à leur étude.

Le roman dans sa composition et dans sa narration, présente des personnages qui participent à l'histoire narrée par l'auteur. De ce fait dans Le jour de la fin du monde, une femme me cache15, l'étude de la fin du monde passe donc intrinsèquement par la présentation conceptuelle des personnages autours desquels la fin du monde se donne à lire.

Dans Le jour de la fin du monde, une femme me cache, la manifestation de la fin du monde est perceptible à travers le parcours et le comportement de ceux-ci. Parmi ces personnages certains vivent dans l'incapacité de dire ce qu'ils voient et ce qu'ils savent. Condamnés à parler et voir pour eux-mêmes, leur solitude et frayeurs face, non seulement au dégoût qu'ils ont désormais de la vie, mais aussi les horreurs du crash de l'avion les contraint au radotage, au silence et donc à une fin du monde. La fin du monde est alors liée aux différentes expériences. C'est le cas de Jérôme, Dolores et Romane qui chacun à sa manière a côtoyé le pire.

Ce point est très particulier en ce sens que Patrick Grainville commence par nous présenter un tableau de ressentiments de différents personnages qui constituent des pôles d'attractions de notre récit-objet.

14 - Cours de Linguistique textuelle, Licence, 2007-2008

15 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001

À travers un style d'écriture simple, l'auteur rappelle les différents passés mélancoliques de ses personnages fictifs qui constitueraient de facto une fin du monde. De manière générale ; la fin du monde peut être définie comme une catastrophe effrayante qui évoque l'apocalypse. Or, hormis cette définition conventionnelle de la fin du monde, la voit de plusieurs manières.

Pour une meilleure étude des figures actorielles, il nous semble intéressant de l'envisager sous l'angle d'un couplage. La binarité s'impose en effet comme une règle de construction dans ce récit.

Les personnages de Jérôme et de Dolorès sont peints par l'auteur ici pour illustrer l'intention première de celui-ci. Il les peint dans le but de faire ressortir à travers non seulement leurs actes, mais également leur séparation, un sentiment de fin du monde.

Ceci étant, Jérôme est l'incarnation même d'un être voué à un destin si l'on peut dire insignifiant. Rien n'a d'importance pour lui. Il a mené une vie de vagabond.

Et le fait d'avoir assisté à un meurtre pendant qu'il exerçait sa profession de voleur de voitures accompagné de son complice Hervé qui attise encore plus son dégout total à la vie au même titre que sa séparation d'avec Dolorès.

Dolorès qui signifie : douleur, sera la première à le conduire à une remise en question de sa propre personne.

Cette fin du monde relève de prime abord d'une rupture du personnage de Jérôme avec Dolorès.

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Ainsi, le récit romanesque fonctionne comme un univers fermé. Il est la représentation d'un monde avec ses lois, ses exigences déterminées ; cet univers de fiction est peuplé des personnages qui y évoluent. Parmi ces personnages, il y en a toujours un qui, placé au centre du récit sert de prétexte à l'auteur pour exprimer ses idées.

C'est à cette exigence littéraire que répond par exemple Sony Labou Tansy, lorsqu'il parle de Nitu Nadou au centre de son roman pour illustrer la situation d'un honnête homme au sein d'une société impitoyable et corrompue9

C'est aussi à cette même exigence qu'obéit Patrick Grainville en plaçant Jérôme et Romane au centre de son ouvrage.

Jérôme, fils unique d'un personnage nominé par l'auteur sous le vocable de mon «Mon Père »10, se démarque cependant du héros ordinaire par le degré de puissance et de présence qui lui est imprégné par l'auteur et qui le caractérise dans le texte.

Jérôme orphelin de mère dès sa prime enfance, ayant perdu des repères, excelle dans le vol de voitures accompagné de son complice Hervé. Après un meurtre commis lors de l'un de leurs cambriolages, Jérôme se sent comme happé par une sorte de malaise inénarrable qui le conduit au bord de l'évanouissement, vers un désir profond inexorablement vers la mort. Il n'éprouve plus la moindre envie de vivre. Et souhaite une fin du monde.

9 LABOU TANSI, SONY, L'ANTE PEUPLE, édition du Seuil, 1965

10 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, page 20 ; 2001

Ajouté à sa rupture d'avec Dolorès, il reste perplexe. Il est soumis par ces faits marquants qui le tiennent sous un climat de fin du monde qu'il désir tant. Jérôme apparaît comme un être tourmenté en perpétuelle recherche de soi.

Face au personnage de Jérôme, le lecteur peut être aussi gêné qu'intrigué par la nature particulière de cet actant intra diégétique et en même temps fuyant, insaisissable.

« J'ai téléphoné à mon père dès le lendemain de ma fuite. Il connaît ma vie de vagabond »11

Jérôme être instable, ayant le pré-sentiment qu'il était désormais suivi par des policier, va commencer par paniquer et va finir par abandonner son appartement prenant l'essentiel de ses affaires pour une destination inconnue.

L'auteur-narrateur utilise nombre de procèdes en vue d'accéder à une peinture efficiente d'une fin du monde dans le corpus. Aussi parlerons-nous de Romane.

Personnage métaphorique de l'oeuvre dans la mesure où, c'est par elle que Jérôme retrouvera le goût à la vie. S'agissant de ce personnage, la fin du monde se traduit par la déception dont elle a été victime.

Ce qui est sûr à travers ce roman, l'auteur cherche à toucher sensibilité du lecteur ; ceci étant, Grainville, à travers ce personnage qui

11 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 20.

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est Romane, met sur la sellette l'épineuse inquiétude de la condition humaine.

Romane, jeune femme aux longs cheveux noirs12. Elle est professeur d'Anglais dans un collège à Cergy. Tout comme Jérôme, elle aussi a été victime d'une forte déception.

Déjà toute jeune elle avait eu une aventure avec un homme qui l'avait engrossé puis ce dernier avait sans ambages nié cette grossesse. Face à cela, elle s'était vue obligée de s'en débarrasser.

Suite à cette déception, elle éprouvait désormais une sorte de dégoût de la vie.

Tout comme Jérôme, Romane subit une rupture qualifiée de trahison et celle-ci met un terme à son goût à la vie. Elle va jusqu'à commettre un crime passionnel, délibéré. Ici cette trahison constitue une fin du monde en soi ; en ce sens que son ex amant au départ ne lui avait pas dit qu'il était marié. Or, elle avait totalement confiance en lui, qui n'a pas hésité de la tromper après l'avoir en grossie.

« Et Romane a commencé son lent récit... Juste avant de me connaître, elle avait un amant sans véritable amour. Une dépendance assez froide. Elle était tombée enceinte, le lui avait avoué. Il avait soudain révélé qu'il avait une autre femme, qu'il l'aimait, qu'il était marié avec elle, qu'il ne voulait pas gâcher sa vie. C'est ce trivial «gâcher sa vie» qui blessa, humilia Romane. Elle se détacha

12 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 17, op. Cit.

immédiatement de l'enfant futur. Elle avorta sans pleurer. »13

Grainville peint un personnage totalement affligé, meurtri et indigné. Il nous présente là un personnage plus ou moins naïf aveuglé par un amour fictif sans issue voir humiliant.

Chaque personnage se présente finalement comme une figure spécifique devant marquer d'une empreinte singulière le mouvement général du récit. Pour être exhaustif, des approches diverses doivent aussi pouvoir rendre compte du mécanisme ludique qui règle les différents types de rapports mis en procès dans le récit.

1.1.2 : Définitions de la violence : Une analyse multiple de la notion de violence

Selon Lucien MEHL16 ,

Le pluriel du mot définition dans l'intitulé de ce point laisse entendre qu'y seront proposées plusieurs définitions de la violence. Pour justifier cette pluralité, mieux vaut éviter d'entreprendre une analyse scolastique (au sens non péjoratif de cet adjectif) de la notion de définition, fût-ce en cherchant l'inspiration chez Socrate, Descartes et Leibniz. Il ne s'agit pas de donner des définitions formelles du concept de violence. Mais plutôt d'en évoquer les différents aspects en recourant successivement à trois voies d'analyse: linguistico-sémantique, historique et systémique.

13 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache édition du Seuil, page 227

16 Conseiller d'Etat honoraire, Président d'honneur de l'AFSCET. E-mail : lucien.mehl@wanadoo.fr

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Pour progresser dans la connaissance de la notion de violence, il est utile de la rapprocher d'autres notions qui lui sont connexes ou sous- jacentes. C'est ainsi que les mots qui désignent d'une part la force et d'autre part la violence, deux notions proches mais distinctes, ont, assez fréquemment, dans plusieurs langues, actuelles ou anciennes, des racines communes, remontant le plus souvent à un lointain. Les mots qui désignent la violence expriment, en général, un abus ou une exacerbation de la force, un passé outre à celle-ci.

Violence, viol, violer, violation viennent du latin violare, lequel signifie porter atteinte, attaquer, transgresser, profaner, déshonorer. Les dérivés latins de viol, violence, tels que violencia, violatio, etc., ont le même sens que leurs dérivés français. Les mots de cette famille suggèrent bien qu'une atteinte illégitime ait été portée à quelqu'un, quelque chose, qu'une limite a été franchie, qu'il y a eu transgression, mot qu'il convient de rapprocher d'agression. La violence ne doit pas pourtant être identifiée au mal ou regardée simplement comme une catégorie du mal, notion qui a une portée à la fois différente et plus large. Elle doit aussi être distinguée de l'agression qui, étymologiquement, signifie que l'on va vers autrui (ad-gredior), avec une attitude plus ou moins exigeante ou menaçante, mais non nécessairement violente. Elle doit aussi être distinguée de la force, la violence étant l'usage illégitime de la force. Comme l'avait relevé Conrad Lorenz17, qui a étudié en profondeur le comportement animal et humain, la vie animale, y compris humaine et même végétale, ne se maintient qu'avec un certain niveau d'agressivité. A cet égard Lorenz développe des conceptions proches de celles de Darwin18, du Struggle for life : concurrence et compétitivité

17 Ethnologue autrichien Histoire et Sociologie Né le 07 novembre 1903 Décédé le 27 février 1989.

18 Naturaliste, scientifique né en 1809.

entre espèces; comportements prédateurs, notamment pour la recherche de la nourriture. Même chez les végétaux, certaines espèces cherchent à étendre leur localisation et leur influence sur leur environnement, voire en l'envahissant. Cependant la vie ne se maintient pas seulement par l'agressivité. Il existe des cas de symbioses ou de coopérations entre espèces animales; entre espèces animales et végétales (les abeilles et la pollinisation). La vie sexuelle comporte des traits d'agressivité, parfois violents, notamment chez les mammifères ; mais, en général, cette agressivité est maîtrisée, donc limitée; elle comporte aussi des attitudes de séduction: parade nuptiale chez les oiseaux. Il faut noter que plusieurs langues, mais non toutes, distinguent la force et le pouvoir; en latin, vis pluriel vires, la force est distinguée de potestas, autorité, pouvoir.

L'étymologie et le rappel des évolutions sémantiques offrent des éléments de perspective historique. Il convient maintenant de présenter, par quelques exemples, un bref aperçu des comportements de violence, tels qu'ils apparaissent dans l'histoire, qui montre l'intérêt de la méthode historique, souvent indispensable pour expliquer le présent, voire pour tirer des enseignements du passé et pour imaginer l'avenir. On donnera ensuite quelques exemples de l'analyse systémique appliquée à la violence, démarche qui a souvent le mérite d'aider efficacement à la préparation et à la prise de décision dans des situations complexes se rapportant à la violence. Pour ce faire, dans notre récit-objet, la violence est observable à travers les faits relatés par le narrateur.

En revanche, notre récit-objet décrit une autre sorte de violence. Il peint une violence drue, funeste, accablante, meurtrière. Il s'agit d'une brutalité qui ne saurait trouvée d'adjectif adéquat : l'avion qui se crash dans une banlieue de Paris, plus précisément à Nanterre faisant 260

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morts et plongent ainsi la cité dans un deuil total. Explosions, crépitement etc. Et faisant plusieurs sans abris.

On ne saurait lire la fin du monde dans le jour de la fin du monde, une femme me cache sans relever toute la symbolique qui se dissémine derrière la violence catastrophique qui culmine à Nanterre ; entre la cité des sources et celle des merles théâtre de la catastrophe.

« Le roulement et la violente averse de l'orage avaient diminué. Alors, dans un crachat formidable, le ciel à éclaté. Une explosion jaillie du coeur du monde. »19

La violence se lit également comme un indice de la fin du monde. On s'accordera que, de la faute commise par Jérôme et son complice Hervé ; le meurtre du propriétaire de la Mercedes qu'ils avaient volé est une sorte de violence.

Ce passage est très illustratif en ce sens qu'il peint la violence de l'explosion de l'avion lors du crash. Le roulement de la violente averse de l'orage ; Grainville voudrait ici montrer la dimension exagérée de cette explosion. L'endroit où l'avion s'est écrasé.

Hormis cette violence, nous assistons également à ce que l'auteur qualifie de violence barbare : des rapines et autres agissements négatifs.

« Des rituels en somme rallumés par le tonnerre de l'avion, une violence hors normes, une barbarie du destin. »20

19 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache édition du Seuil, page 9. op.cit..

20 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache édition du Seuil, page 79. op.cit..

Ces quelques indices mettent en exergue la thématique de la fin du monde dans ce récit-objet. La fin du monde est donc liée aux personnages et à la violence existentielle. Mais comment la fin du monde est-elle poétisée dans Le jour de la fin du monde, une femme me cache ?

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld