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L'arbitrage ohada à l'épreuve de l'arbitrage investisseur-etat

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par Cassius Jean SOSSOU
Université de Genève Faculté de Droit et Hautes Etudes Internationales et du Développement - Master of Advanced Studies in International Dispute Settlement (MIDS) 2008
  

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2.- Le règlement de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA)

109. Afin de rester fidèle à son esprit de promotion de l'arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels, le Traité OHADA a dans ses dispositions, notamment l'article 1er, apporté la précision selon laquelle, l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties passe "par l'encouragement au recours de l'arbitrage pour le règlement des différends contractuels"75(*). Pour y arriver, deux textes relatifs au droit de l'arbitrage ont été adoptés le 11 mars 1999 à l'issue du Conseil des ministres, organe législatif du système OHADA. A savoir l'Acte Uniforme relatif au droit de l'Arbitrage dans le cadre du Traité OHADA (que nous avions décrit précédemment), ainsi que le Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage OHADA ci-après "Règlement CCJA"76(*), qui fera l'objet du présent succinct développement comme source de l'arbitrage d'investissement à l'instar des autres Règlements d'arbitrage. Ceci étant, nous reviendrons exclusivement dans la suite du développement sur le Règlement CCJA et son application à un arbitrage entre un Investisseur et un Etat dans la deuxième partie de cette étude.

110. Selon sa fiche technique le Règlement CCJA comprend trente-quatre (34) articles. Il est, quand on sait lire entre les lignes, un continuum juris77(*) c'est-à-dire un relai juridique au Titre IV du Traité OHADA avec lequel il forme un tout cohérent. Classiquement, il est à l'image de presque tous les Règlements modernes de l'arbitrage, comme celui de la Chambre de Commerce Internationale de Paris78(*) et est, subdivisé en trois chapitres qui portent sur les attributions de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage en matière d'arbitrage, sur la procédure à suivre devant ladite Cour, mais enfin et surtout sur certaines dispositions sur la reconnaissance et l'exécution forcée des sentences arbitrales rendues sur la base de ses dispositions.

111. Il conviendrait de dire que, le besoin d'institution d'un Centre d'arbitrage et de son Règlement dans la zone OHADA s'était imposé, de prime abord, et comme l'explique l'un des pères du Règlement CCJA,79(*) sans attendre la réforme complète des institutions judiciaires dans les Etats parties au Traité qui s'imposait de toute façon, il fallait créer ce Centre qui répondrait aux dispositions préambulaires du Traité. Ainsi, les Ministres des finances, sur instructions de leur gouvernement respectif, se sont penchés sur ce problème dès 1991 et ont notamment décidé aux termes du Traité OHADA que les entreprises seraient encouragées à recourir à l'arbitrage pour le règlement des différends contractuels80(*) et que, dans l'immédiat, avant même qu'un Acte Uniforme sur l'arbitrage ait "par des procédures appropriées"81(*) assuré un concours judiciaire de qualité aux procédures arbitrales, la création d'un arbitrage autonome s'imposait. Il a ainsi été confié à la CCJA, cette mission moulée sur le modèle des arbitrages administrés par la Chambre de Commerce Internationale (CCI). C'est pourquoi le Règlement CCJA s'inspire très largement du Règlement d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale.

112. Instituée en application du Traité OHADA, la CCJA est une juridiction supranationale basée à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Son rôle est d'assurer, dans les Etats membres de l'OHADA, l'interprétation et l'application commune du Traité, des règlements pris pour son application et des actes uniformes. C'est non seulement la Cour suprême ou "Cour de cassation" des Etats-membres au Traité OHADA en matière du droit des affaires, mais aussi un Centre international d'arbitrage qui administre les arbitrages conformément au Règlement CCJA. A l'instar de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI, la CCJA ne tranche pas elle-même les différends; elle nomme ou confirme les arbitres, est informée du déroulement de l'instance et examine les projets de sentence. De même, la CCJA peut aussi constater "prima facie" l'existence d'une convention d'arbitrage lorsqu'une partie soulève un ou plusieurs moyens relatifs à son existence, sa validité ou sa portée. Nous verrons dans la suite du développement les points forts de ce Règlement d'arbitrage en tant que source de l'arbitrage d'investissement dans la zone OHADA.

113. En guise de péroraison à cette première partie relative aux sources de l'arbitrage d'investissement dans la zone OHADA, nous aimerions conclure sur une note beaucoup plus incitatrice pour les investisseurs étrangers. En effet, toutes les craintes liées à l'insécurité juridique et judiciaire en Afrique subsaharienne, et plus précisément dans la zone circonscrite par l'OHADA, doivent disparaître. Elles doivent disparaître d'autant plus que, présentant une physionomie dualiste, puisqu'il est réglementé par l'Acte Uniforme relatif au droit de l'arbitrage et par l'arbitrage CCJA, l'arbitrage OHADA est tout aussi porté par des instruments conformes aux tendances internationales en la matière et est donc suffisamment pourvoyeur d'une garantie sécuritaire tant pour les investisseurs étrangers que pour les partenaires commerciaux étrangers.

114. Cependant, notre opinion personnelle sur cette floraison de mécanismes d'arbitrage d'investissement dont les pays de l'espace OHADA peuvent être bénéficiaires est que, les arbitrages ad hoc, hormis celui de la CNUDCI, ou ceux conçus sur le modèle des règles d'arbitrage d'autres Centres d'arbitrage sont dangereux et inadéquats pour l'arbitrage d'investissement dans la zone OHADA, et plus généralement, pour tout autre arbitrage impliquant un Etat-membre. Nous approuvons que soit soumis à un arbitrage institutionnel, quel qu'il soit, tout différend relatif à l'investissement, et particulièrement ceux impliquant un Etat-membre OHADA, dans la mesure où les parties, à travers cet arbitrage, pourraient convenablement bénéficier du gage de la prévisibilité et de l'efficience de ces Centres d'arbitrage qui ont un certain rodage dans la pratique qui forge leur notoriété. A cet égard, l'arbitrage de la Chambre de Commerce International de Paris (CCI)82(*), l'arbitrage du Centre International pour le Règlement des conflits relatifs à l'Investissement (CIRDI)83(*) y compris celui de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) de l'OHADA peuvent être, à coup sûr, de véritables acteurs dans le règlement des conflits du contentieux de l'investissement.

Deuxième partie :
Le droit de l'arbitrage OHADA à l'épreuve de l'arbitrage international et d'investissement

115. Il n'est plus un secret pour personne que l'arbitrage, avec à la croissance des échanges commerciaux internationaux, est poussé à l'avant-scène des modes de règlement des conflits au cours de ces dernières décennies. En effet, la rapide expansion du commerce international et la création du marché planétaire ont, à ne point en douter, contribué à la vivification des activités de ce «mode normal de règlement des différends de l'investissement et du commerce international« au cours des deux dernières décades.

116. L'Afrique n'est certes pas restée en marge de ce mouvement mondialisé de la globalisation des échanges avec son corollaire de choix de forum neutre (l'arbitrage international) pour le règlement des conflits afférents. Cependant, un constat s'est dégagé de la pratique de l'arbitrage international en Afrique et plus particulièrement dans les pays membres de l'OHADA. En effet, les opérateurs européens ou nord-américains avaient traditionnellement recours, en matière d'arbitrage international, aux grands Centres d'arbitrage internationaux, à l'instar de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) de Paris ou du Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) de Washington, pour le règlement par voie de mode alternatif de règlement des différends de leurs litiges commerciaux ou d'investissements84(*).

117. Il a souvent été établi que ce choix des investisseurs ressortissants d'États du Nord se justifiait, à tort ou à raison, par l'insécurité juridique et judiciaire, réelle ou supposée, propre aux États africains. Mutuellement, cette option n'a pas échappé à certaines critiques venant cette fois ci des bénéficiaires des investissements (États ou des opérateurs privés africains) qui, à leur tour, reprochaient parfois aux grandes institutions d'arbitrage existantes leur éloignement des réalités et préoccupations locales.

118. Avec les textes relatifs à l'arbitrage dans l'espace OHADA, l'arbitrage a retrouvé sa place de noblesse comme mode normal de règlement des différends de l'investissement et du commerce international dans le concert des méthodes de règlement de litiges observables dans la zone circonscrite par le champ territorial d'application du Traité. Les Etats parties ayant, pour ainsi dire, décidé d'élever l'arbitrage au rang de mode privilégié de règlement des litiges contractuels85(*), les rédacteurs du Traité lui ont en grande partie consacré tout un titre86(*). Il en appert aujourd'hui l'affirmation sans crainte selon laquelle, il existe dans l'espace OHADA une véritable pratique africaine de l'arbitrage international87(*).

119. Même si, force est de le constater, l'arbitrage OHADA n'en est encore qu'à ses balbutiements, du seul point de vue existentiel, il présente plusieurs enjeux, gages de la sécurité juridique et judiciaire, nécessaires à l'attraction des flux d'investissement étrangers, indispensables pour le développement des Etats-membres de cet espace. Dans cet ordre d'idées, on peut considérer que les entités publiques ou privées qui feront ou qui font déjà affaires ou investissent dans l'espace OHADA sont aujourd'hui bénéficiaires aussi bien de la garantie de promotion et de protection de leurs investissements, mais aussi de la garantie contre les risques non commerciaux.

120. Revenons plus spécifiquement à l'arbitrage d'investissement dans la zone de l'OHADA. En effet, les textes normatifs applicables à l'arbitrage dans l'espace OHADA ont été adoptés dans la perspective d'une harmonisation des règles applicables à un arbitrage commercial ad hoc ou institutionnel au sein des seize pays membres de l'OHADA. Si la certitude de ce que le législateur OHADA a envisagé leur application à un arbitrage impliquant un investisseur étranger à un Etat hôte ne peut être donnée, il n'en demeure pas moins vrai que les outils, du règlement extrajudiciaire des conflits, de l'OHADA sont tout comme les Règles de la CNUDCI et ceux de la CCI adaptés à un arbitrage d'investissement. Nous le démontrerons dans la suite du développement. Rappelons à titre comparatif à cet effet que les demandes d'arbitrage d'investissement basées sur un traité soumis à l'arbitrage CNUDCI sont de plus en plus croissantes alors qu'aucune demande ni procédure à ce jour n'est connue par rapport à l'arbitrage OHADA même si certains accords bilatéraux et multilatéraux d'investissement formulent dans leur dispositions sur le règlement des conflits le recours à cet arbitrage.

121. Ceci étant, la question qu'il conviendrait de se poser est celle de savoir si les règles qui régissent l'arbitrage dans l'espace OHADA répondent à certaines exigences de l'arbitrage international d'une part et plus spécifiquement l'arbitrage d'investissement d'autre part. Pour ce faire, le développement qui suivra nous donnera la réponse à certaines questions basiques liées à quelques principes cardinaux de l'arbitrage international auxquels le droit OHADA de l'arbitrage se conforme. Ainsi, nous passerons en revue l'arbitrage OHADA en général à la lumière de certains principes liés à l'arbitrage international Autrement formulé, nous nous poserons la question de savoir si l'arbitrage OHADA répond aux normes et garanties procédurales d'un droit moderne de l'arbitrage international. Tous les principes de l'arbitrage international ne seront pas abordés, seuls certains principes communs fondamentaux qui s'appliquent aussi bien à l'arbitrage commercial privé qu'à l'arbitrage d'investissement feront l'objet d'une revue dans cette section. Dans cette perspective nous évoquerons les garanties procédurales du droit de l'arbitrage OHADA comme outil du règlement des conflits de l'investissement.

122. Ensuite, nous passerons en revue certaines exigences de l'arbitrage d'investissement pour en conclure sur la conformité du Règlement d'arbitrage de la CCJA avec les spécifiés liées à l'arbitrage d'investissement, telles qu'entre autres: la transparence liée à l'arbitrage d'investissement à laquelle nous lieront le caractère public de la procédure, l'accès aux documents de la procédure et l'admission de tierce personne dans la procédure d'arbitrage. La jonction d'instance non envisagée dans le droit OHADA et plus précisément par le Règlement d'arbitrage de la CCJA viendra clore ce chapitre su Le droit de l'arbitrage OHADA à l'épreuve de l'arbitrage international et d'investissement.

* 75 _ Voir G. KENFACK DOUAJNI, C. IMHOOS, "L'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage dans le cadre du Traité OHADA", in Revue camerounaise de l'arbitrage N° 5, avril-mai-juin 1999, page 3; Prof. Pierre MEYER, "L'acte uniforme de l'OHADA sur le droit de l'arbitrage", in Revue de Droit des Affaires Internationales (RDAI), N° 6, 1999, page 630.


* 76 _ René BOURDIN, "Le règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage", in Revue camerounaise de l'arbitrage, N° 5, avril-mai-juin 1999, pages 10ss; G. KENFACK DOUAJNI, "L'arbitrage CCJA", in Revue camerounaise de l'arbitrage, N° 6, juillet-août-septembre 1999, pages 3 et suivants.


* 77 _ Cette expression est utilisée par la Cour Internationale de Justice pour la première fois dans un arrêt de la Cour relatif au conflit frontalier Burkina Faso / Mali. Voir Arrêt 22 décembre 1986, différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), C.I.J. Recueil 1986, p. 568 § 30, http://www.icj-cij.org/docket/files/69/6446.pdf


* 78 _ Nous avons déjà traité de ce Règlement CCI comme source privé du droit de l'arbitrage d'investissement dans l'OHADA. Mieux nous les avons tous deux comparés à la section destinée à la revue du Règlement CCI.


* 79 _ R. BOURDIN, op. cit., pages 10 et 11.


* 80 _ Cf. article 1 du Traité.


* 81 _ Idem


* 82 _ Cf. Horacio A. Grigera Naòn, ICCArbitration and Developing Countries, 8 ICSID Rev. P. 116 (1993); Horacio A. Grigera Naòn The Settlement of Investment Disputes between States and Private Parties: An overview from the perspective of the ICC, 1 (1) J. WORLD INV. P. 60 (2000).


* 83 _ Voir Ahmed El Kosheri, ICSID Arbitration and Developing Countries, 8 ICSID Rev. P. 104. «The need to provide an international forum for the settlement of investment disputes with local public authorities, not subject to any possible intervention from national courts, was envisaged primarily as an incentive to western private investors to look more favorably towards developing countries«. Traduction «La nécessité de disposer d'un forum international pour le règlement des conflits liés à l'investissement dans lesquels sont impliqués les entités publiques locales, à l'exclusion de la possible intervention des tribunaux nationaux, a été envisagée principalement comme source d'incitation des investisseurs privés occidentaux à davantage s'intéresser aux pays en voie de développement«.


* 84 _ La plupart des accords bilatéraux d'investissement signés par les Etats ici considérés contiennent des clauses arbitrales qui renvoient le plus souvent à ces deux institutions. Très peu de clauses relatives au règlement des différends dans ce cadre renvoient à d'autres forums.


* 85 _Art. 1 du Traité de l'OHADA


* 86 _ Titre IV. Sur l'arbitrage OHADA et en général, voir E. TEYNIER, F. YALA, «Un nouveau centre d'arbitrage en Afrique Sub-Saharienne«, (2001) 37 Accomex 37 ; T. LAURIOL, «Modernité et attractivité de l'arbitrage OHADA«, (2001) Marchés tropicaux 505 ; G.K. DOUAJNI, «OHBLA Arbitration», (2000) 17 J. Int. Arb. 127 ; M. LECERF, G. BLANC, «The Arbitration in the Treaty for the Harmonisation of African Business Law (OHBLA) : a New Common Law for Institutional Arbitration», (1999) 16 ICLR 286; P. MEYER, «L'Acte uniforme de l'OHADA sur le droit de l'arbitrage (Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires«, (1999) 6 RDAI 629 ; Ph. LEBOULANGER, «L'arbitrage et l'harmonisation du droit des affaires en Afrique«, (1999) 3 Rev. Arb. 541 ; L. HOMMAN-LUDIYE, N. GERAULT, «L'harmonisation du droit des affaires en Afrique noire francophone«, (1998) 2 Cah. jur. fisc. exp. 261 ; R. AMOUSSOU-GUENOU, «L'arbitrage dans le traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA)«, (1996) 3 RDAI 321 ; D. TAPIN, «Un nouveau droit des affaires en Afrique noire francophone«, (1995) 107 Dalloz Affaires 361.


* 87 _ Roland AMOUSSOU-GUENOU «Le droit et la pratique de l'arbitrage commercial International en Afrique subsaharienne«, Thèse polyc. Université Paris II, 1995. P 294. Pour l'auteur parler de pratique africaine de l'arbitrage commercial international reviendrait à supposer que le continent africain disposerait de sources particulières et développerait une pratique arbitrale spécifique à travers des institutions autonomes, un réseau d'arbitres faisant autorité, et enfin une jurisprudence arbitrale et judiciaire originale permettant d'envisager l'étude d'une «pratique africaine« en cette matière.


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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard