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L'arbitrage ohada à l'épreuve de l'arbitrage investisseur-etat

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par Cassius Jean SOSSOU
Université de Genève Faculté de Droit et Hautes Etudes Internationales et du Développement - Master of Advanced Studies in International Dispute Settlement (MIDS) 2008
  

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b.- La compétence-compétence

128. Il est connu comme le dérivatif du principe de l'effet négatif de la convention d'arbitrage selon lequel le juge étatique doit, en tout état de cause, se dessaisir au profit de l'arbitre lorsqu'existe une convention d'arbitrage manifestement valide. L'arbitre est donc dit compétent pour statuer sur sa propre compétence en cas de contestation sur l'existence et la validité du consentement à l'arbitrage. C'est un des principes vitaux de l'arbitrage en général dans la mesure où il confère aux arbitres le pouvoir de statuer sur leur propre compétence92(*). S'il lui est reconnu la vertu de briser le cercle vicieux selon lequel, si la clause d'arbitrage n'est pas valide, les arbitres sont dépourvus de pouvoir, on lui reconnaît cependant la conséquence de reporter dans le temps, au stade du contrôle de la sentence, l'appréciation, par les tribunaux étatiques, de la compétence des arbitres. Il va s'en dire que même dans un arbitrage d'investissement, les arbitres ne sont pas exemptés du contrôle a postériori de leur compétence par les juges étatiques. En conséquence, la compétence-compétence de l'arbitre est un principe fort du droit de l'arbitrage international qui renforce l'autonomie des parties à voir leur différend être soustraite à la compétence des juridictions étatiques. Presque toutes les législations modernes sur l'arbitrage international le consacrent y compris le droit OHADA de l'arbitrage, tout comme la Convention de Washington dans les dispositions de son article 4193(*). En droit OHADA la reconnaissance de la portée utilitaire de ce principe se retrouve dans les codifications des articles 11 de l'Acte Uniforme94(*) et 10.3 du Règlement d'arbitrage de la CCJA95(*). Toutefois, le droit de priorité reconnu aux arbitres dans l'examen de leur compétence n'est pas absolu dans les dispositions du Règlement, dans la mesure où il est atténué par la revue prima facie de l'existence de la convention, dont le CCJA dispose des pouvoirs. Il s'agit ici d'un emprunt au système de la CCI de Paris dans les dispositions de son article 696(*).

c.- L'arbitrabilité subjective

129. Il s'agit ici du défaut de capacité ou de pouvoir invoqué par l'une des parties, et déduit de sa loi personnelle (au sens large) pour rendre inefficace la clause d'arbitrage. L'on s'imagine combien de fois, une telle décision étatique peut être fort préjudiciable à un arbitrage d'investissement. D'ailleurs, par analogie à l'arbitrage du CIRDI, aucun arbitrage d'investissement ne peut avoir lieu si l'une des parties ne remplit les conditions exigeantes de compétence du Centre, à savoir, un Etat contractant (ou une collectivité publique ou un organisme dépendant d'un Etat contractant). Il en va de même des autres droits de l'arbitrage où le rejet du défaut de capacité ou de pouvoir par une puissance étatique constitue une règle d'or. Certains droits ont lutté contre ce moyen en posant une règle matérielle de validité de la clause d'arbitrage dans les relations internationales97(*). Mais ce procédé ne fait pas l'unanimité. Il passe par les droits nationaux et est tributaire, aux yeux de certains, de la détermination de la loi applicable à la clause ou au moyen invoqué. Pour échapper à ces contraintes, la jurisprudence arbitrale, largement approuvée, a eu recours au principe de bonne foi98(*) qui pose notamment qu'un Etat ne peut, de bonne foi, signer une convention d'arbitrage, puis se retrancher derrière sa propre législation pour en soutenir l'inefficacité. Cette première conséquence de la bonne foi repose sur la reconnaissance de celle-ci comme principe général dans les relations internationales.

130. Nombres de législations modernes ont, par la suite, codifié cette interdiction faite à l'Etat de se prévaloir de sa propre turpitude. En droit OHADA c'est l'Acte uniforme qui en constitue le fondement lorsqu'il stipule à son article 2 que "toute personne physique ou morale peut recourir à l'arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition". D'abord, en affirmant que toute personne physique ou morale, sans exclusive, peut recourir à l'arbitrage de droit commun de l'OHADA, au-delà de la pertinence du choix du critère de la libre disponibilité des droits en cause, comme facteur de l'arbitrabilité, qui à notre avis n'est pas le meilleur choix des critères de l'arbitrabilité du litige qu'on puisse faire, le texte pose le principe de l'arbitrabilité subjective. Pour cela, il faut le lire en conjonction avec l'alinéa 2 du même article pour avoir une vue globale de cette arbitrabilité subjective selon le droit OHADA. L'alinéa 2 de l'article 2 dispose que «les Etats et les autres collectivités publiques territoriales ainsi que les Etablissements publics peuvent également être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester l'arbitrabilité du litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage.«

131. Par rapport à cette problématique de l'arbitrabilité subjective en droit OHADA la question de son interprétation s'est posée à deux niveaux :

· D'une part, dans l'espace OHADA l'application des dispositions de cet article, on le sait, à pour finalité la levée de l'interdiction qui pourrait être faite aux personnes visées par le contenu de cette disposition. Or, comme il l'a été relevé, l'article 2 al. 2 épuise de façon exhaustive la liste des personnes morales de droit public qui ne sauraient se prévaloir de leur droit pour contester l'arbitrabilité. Cela voudra t-il dire que les autres personnes morales de droit public non listées telles que les entreprises, les sociétés nationales, les sociétés d'Etat et même les groupements d'intérêts public échapperaient à cette levée d'interdiction ? Auquel cas cette législation porterait une grave entorse à l'essence même de l'arbitrage d'investissement.

· D'autre part, en dehors de l'espace OHADA et dans la double hypothèse où une partie de cet espace OHADA (personne morale de droit public) signe une convention d'arbitrage avec une autre (un investisseur) hors espace OHADA et que le siège de l'arbitrage se situerait hors espace OHADA, l'Acte Uniforme ne recevra application que si les parties le lui confèrent à travers son choix comme loi d'arbitrage. Dans ce cas, force est de constater que ce choix est réductible de sa valeur d'acte législatif pour le confiner dans un rôle d'acte contractuel dans la mesure où il sera inféodé au contrat des parties. Nul doute qu'il ne saurait, en tant que tel, contrevenir à une disposition légale d'ordre public. L'arbitrabilité dans ce cas, nous voulons dire la capacité de cette personne morale à compromettre, pourra être mise à vive épreuve au motif que la loi personnelle de l'Etat cocontractant lui interdit de s'engager dans un arbitrage.

132. Pour répondre à ces difficultés d'ordre juridique qui, à tout le moins, sont des questions d'interprétation des dispositions de l'article 2 alinéa 2 de l'Acte Uniforme, Philippe Fouchard lors d'un débat animé par Thierry Lauriol99(*) en 2001 a rejeté le principe de l'interprétation stricte de la levée d'interdiction qui frappe les personnes morales de droit public énumérées dans le texte de l'article 2 alinéa 2. Selon lui, qui peut le plus peut le moins et donc si l'interdiction porte sur l'Etat et les collectivités publiques territoriales, il n'y a pas de raisons que les sociétés nationales et autres échappent à cette interdiction. L'hostilité des entités autres que celles énumérées sera et restera toujours vaincue par les dispositions de l'article 2 al. 2 de l'Acte Uniforme. Le principe qui est ainsi posé par un Traité international - celui de l'OHADA- balaie toutes les interdictions quelles qu'elles soient pour toutes les personnes morales de droit public et pour tous les contrats ... même en matière interne. À titre comparatif il y ajoute dans son commentaire que, le droit OHADA de l'arbitrage a fait une avancée spectaculaire sur cette question par rapport au droit français où la réticence du Conseil d'Etat n'est toujours pas vaincue et où l'article 2060 du Code Civil français100(*) continue toujours de recevoir application.

133. Nous sommes d'avis sur cette interprétation que donne Monsieur P. Fouchard des dispositions de l'article 2 al. 2 de l'Acte Uniforme qui, au surplus, est fortement inspiré du droit suisse de l'arbitrage international dans ses dispositions relatives à l'arbitrabilité subjective de l'article 177 LDIP. Au titre du droit comparé, le texte de la Loi Fédérale sur le Droit International Privé suisse parle de l'Etat, de toute entreprise dominée ou contrôlée par lui, ... et donc de ce fait, épuise les personnes morales de droit public. Une certaine doctrine l'affirme en reconnaissant que la capacité de l'Etat à s'engager valablement par convention d'arbitrage est sans restriction101(*). Ce qui veut dire qu'en droit suisse de l'arbitrage international, l'hostilité des personnes morales de droit public est vaincue par les dispositions de l'article 177 LDIP. L'interprétation des dispositions du droit OHADA de l'arbitrage relatives à l'arbitrabilité subjective s'inscrit, certainement, dans cette logique du droit suisse de l'arbitrage international.

134. En conclusion, l'article 2, alinéa 2, de l'Acte Uniforme s'inscrit donc dans une tendance très générale de l'arbitrage international contemporain, qui interdit à l'Etat de paralyser par voie d'exception une convention d'arbitrage qu'il a librement acceptée, en arguant de son incapacité à compromettre ou du caractère non arbitral du litige, fondée sur une disposition de sa loi nationale.

* 92 _ Civ. 1ère, 5 janvier 1999, Bull. I n°2 ; Rev. Arb. 1999, 260, note Foucahrd ; Civ 1ère, 26 juin 2001, JCP 2001, IV 2551.


* 93 _ Article 41 de la Convention de Washington

(1) Le Tribunal est juge de sa compétence.

(2) Tout déclinatoire de compétence soulevé par l'une des parties et fondé sur le motif que le différend n'est pas de la compétence du Centre ou, pour toute autre raison, de celle du Tribunal doit être examiné par le Tribunal qui décide s'il doit être traité comme question préalable ou si son examen doit être joint à celui des questions de fond.


* 94 _ Article 11 Acte Uniforme OHADA

«Le Tribunal arbitral statue sur sa propre compétence, y compris sur toutes questions relatives à l'existence ou à la validité de la convention d'arbitrage.

L'exception d'incompétence doit être soulevée avant toute défense au fond, sauf si les faits sur lesquels elle est fondée ont été révélés ultérieurement.

Le tribunal arbitral peut statuer sur sa propre compétence dans la sentence au fond ou dans une sentence partielle sujette au recours en annulation«.


* 95 _ Article 10.3 Règlement CCJA

«Lorsqu'une des parties soulève un ou plusieurs moyens relatifs à l'existence, à la validité, ou à la portée de la convention d'arbitrage, la Cour, ayant constaté prima facie l'existence de cette convention, peut décider, sans préjuger la recevabilité ou le bien fondé de ces moyens, que l'arbitrage aura lieu. Dans ce cas, il appartiendra à l'arbitre de prendre toutes décisions sur sa propre compétence«.


* 96 _ Article 6 § 2 Règlement CCI « Si le défendeur ne répond pas à la demande comme il est prévu à l'article 5, ou lorsqu'une des parties soulève un ou plusieurs moyens relatifs à l'existence, à la validité ou à la portée de la convention d'arbitrage, la Cour peut décider, sans préjuger la recevabilité ou le bien-fondé de ce ou ces moyens, que l'arbitrage aura lieu si, prima facie, elle estime possible l'existence d'une convention d'arbitrage visant le Règlement. Dans ce cas, il appartiendra au tribunal arbitral de prendre toute décision sur sa propre compétence. Si la Cour ne parvient pas à cette conclusion, les parties sont informées que l'arbitrage ne peut avoir lieu. Dans ce cas, les parties conservent le droit de demander à la juridiction compétente si elles sont ou non liées par une convention d'arbitrage. «


* 97 _ Civ. 1ère, 5 janvier 1999, précité ; Civ. 1ère, 21 mai 1997, Rev. Arb. 1997, 537, Gaillard.


* 98 _ TGI Paris, 20 octobre 1997, Rev. Arb.1997, 575, note Jarrosson ; Paris 14ème Ch. A. 19 juin 1998, Rev. Arb. 1999, 343, note Jarrosson ; Sent. CCI n° 4381 de 1986, JDI, 1986.1102, obs. Y Derains ; Rec. sent. CCI 1986-1990, p. 263 ; Sent. CCI n° 2521 de 1975, Rec. sent. CCI 1974-1985, p. 282.


* 99 _ Débat «La naissance d'un nouveau droit de l'arbitrage en Afrique représente-t-elle des opportunités de développement ?«, transcrit dans la revue camerounaise de l'arbitrage, numéro spécial, octobre 2001, P. 52. Consultable aussi sur le site http://www.ohada.com/doctrine/ohadata/D-08-42


* 100 _ Cet article 2060 du code civil dispose qu' «On ne peut compromettre sur les questions d'état et de capacité des personnes, sur celles relatives au divorce et à la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public.

Toutefois, des catégories d'établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent être autorisées par décret à compromettre«.


* 101 _ Jean François Poudret et Sébastien Besson «Droit comparé de l'arbitrage international«, Schulthess 2002, note 229, P.191.


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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld