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La clause de non concurrence en droit du travail sénégalais

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par Ernest Aly THIAW
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2009
  

Disponible en mode multipage

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier mes camarades de classe, en particulier NDOUMBE FASANI, MAY KA, ADIA, CLAUDE SANE, FRANCOIS DIATTA, BENEDICTA, GORA DIOP, DIEYNABA, GERMAIN BIAGUI, JOEL BAPISSEN ...etc., à la famille THIAW notamment CLARISSE, ALPHONSE, BARTHELEMY, BEROU....etc.

Mention spéciale à BRUNO FAYE, PIERRE FAYE, MATY FAYE , JEAN DIENG, GUY SENE, PHILIP MBAYE, THERESE NDIONE, VIKY AMOR, ANNA DIONE, MARY HERVE, à ma tutrice THERESE , à la famille BASSE (mes voisins de chambre), sans oublier la famille LOPEZ, à MICHEL BOP, à mes amis du groupe « jeunesse entente » et à l'association des élèves et étudiants de Térokh yendane (AEETY) dont je suis le Président, à l'ensemble des enseignants de l'école Saint Martin de yendane qui ont beaucoup contribué à mon éducation, ainsi que tous mes frères et soeurs qui, de prés ou de loin ont contribué à la réalisation de ce modeste travail.

Mes sincères remerciements au corps professoral de l'UFR des Sciences Juridiques et Politiques de l'UGB, plus particulièrement ADRIEN DIOH qui n'a ménagé aucun effort dans la réalisation de ce modeste travail. Grâce à votre disponibilité et à votre ouverture d'esprit, vous avez su marquer du sceau de la rigueur intellectuelle, cette oeuvre scientifique. Veuillez recevoir ici toute ma gratitude et ma reconnaissance.

DEDICACES

Nous dédions ce modeste travail à mon père MAGATTE THIAW que Dieu dans son amour a rappelé auprès de Lui, à mon frère CLEMENT NGAGNE THIAW arraché à notre affection le 1er SEPTEMBRE 2008, « que Dieu vous accueille dans son paradis céleste », à ma cousine TEISSI ELIZA DENISE LOPEZ rappelée à dieu le 19 juillet 2008 « que la terre lui soit légère » AMEN

Nous le dédions aussi :

Ø A mon père MICHEL pour tout ce qu'il a fait pour moi, lui qui a assuré mon éducation scolaire ;

Ø A ma maman HELENE DIONE, qui m'a donné la vie, assuré mon éducation morale et religieuse de base.

Ø A GENOU, EMMANUEL, BERTHE, MADOU...etc.

Ø A ma famille de Mboro : ALOYSE THIAW, à ma tante MARY DIONE, à mes frères et soeurs CELESTIN, OLIVIER VINCENT, HENRY, ROSA, RENEE, MAREME FALL

Ø A tous mes frères et soeurs qui m'ont beaucoup encouragé et conseillé.

ABREVIATIONS

ART : article

C.C.N : clause de non-concurrence

C.trav : code du travail

C. cass : cour de cassation

C. com. : code du commerce

C. civ : code civil

J.C.P : juris-classeur périodique

Bull. CIV : bulletin civil

D. : Dalloz

Sommaire

CHAPITRE1 : la licéité des clauses de non-concurrence

SECTION1: les conditions de validité des clauses de non-concurrence

PARAGRAPHE1 : les conditions légales de validité des clauses de non-concurrence

A : une limitation de la clause dans le temps et dans l'espace

B : interdiction portant sur une activité de nature concurrentielle

Paragraphe2 : les conditions jurisprudentielles de validité des clauses de non- Concurrence

A : intérêt légitime de l'employeur, cause de l'obligation de non-concurrence du salarié

B : la licéité des clauses sans contrepartie pécuniaire

SECTION 2 : le sort des clauses de non-concurrence irrégulières

PARAGRAPHE1: la nullité relative des clauses irrégulières

A : différentes limites à l'annulation des clauses irrégulières

B : Les effets de l'annulation des clauses irrégulières

PARAGRAPHE : la possibilité d'une révision judiciaire des clauses excessives

A : la condition indifférente : la cause de l'irrégularité

B : la condition nécessaire : la violation par le salarié de l'obligation de non-concurrence

CHAPITRE2 : La mise en oeuvre de la clause de non- Concurrence

Section1 : La portée de l'obligation de non-concurrence

Paragraphe1 : obligation générale de non-concurrence pendant la durée du contrat de travail

A : une interdiction de concurrence par obligation d'exclusivité

B : une interdiction de concurrence assortie d'aménagements

Paragraphe2 : la liberté de la concurrence à l'expiration du contrat de travail sous réserve d'exception

A : la nullité de plein droit des clauses interdisant l'exercice d'activité concurrentielle à l'expiration du contrat de travail

B : la validité exceptionnelle des clauses interdisant l'exercice d'activité concurrentielle 

Section2 : Les sanctions de la violation des clauses de non- Concurrence

Paragraphe1 : les sanctions encourues par le salarié

A : la condamnation du salarié au paiement de dommages-intérêts

B : la suppression du droit à l'indemnité

Paragraphe2 : les sanctions encourues par le nouvel employeur

A : l'engagement de la responsabilité du nouvel employeur pour concurrence déloyale

B : condamnation in solidum au paiement de dommages-intérêts

Conclusion

INTRODUCTION GENERALE

Pendant longtemps, le Droit du Travail a été présenté, analysé et enseigné comme étant un droit protecteur. C'est en effet un droit partisan parce que l'essentiel de ses règles sont orientées vers la protection des salariés qui sont réputés faibles. Ainsi, le contrat de travail est un contrat de dépendance par excellence. Le salarié a accepté à l'avance de se placer sous les ordres de son employeur, et ce dernier détient es qualité, une panoplie de prérogatives qui lui permettent de faire fonctionner son entreprise. C'est donc dire que les rapports de travail sont par essence inégalitaires, c'est ce qui justifie dans une certaine mesure l'orientation protectrice du Droit du Travail, dans un souci de rééquilibrer les rapports de travail.

Mais depuis quelques années, il s'est développé une théorie que l'on appelle la Flexibilité de l'Emploi qui est venu refouler l'orientation partisane du Droit du Travail. Le postulat de cette théorie est empreint d'une certaine évidence. C'est l'entreprise qui génère l'emploi. Il n'ya pas d'emploi sans entreprise. Par conséquent, tout ce qui affecte celle-ci rejaillit nécessairement sur celui-là. Dés lors, il ya lieu de protéger l'entreprise dans un environnement mondialisé, à rude concurrence.

En effet, le principe de la liberté du travail et notamment celle de choisir son activité, tout comme celui de la liberté du commerce et de l'industrie, trouvent leur origine dans l'article7 du Décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791. En principe, un salarié qui quitte son emploi peut se réembaucher librement dans une entreprise, fut-elle concurrente de la première, ou exercer pour son propre compte une activité concurrente de celle de son ancien employeur. Dans certains cas, d'ailleurs, la qualification professionnelle du salarié ne lui ouvre guère d'autres choix. En soi, l'acte concurrentiel du salarié ne peut donc être critiqué. Bien mieux, il s'inscrit dans les Principes Généraux du Droit commercial qui tendent à promouvoir la concurrence et s'attachent à en interdire les pratiques restrictives.

Certes, cette concurrence ne doit pas être déloyale et s'accompagner, par exemple, de détournement de la clientèle ou de révélation de secrets touchant l'ancien employeur. Ainsi, il est clair qu'un salarié, après avoir travaillé plusieurs années dans une entreprise est susceptible d'en connaitre quelques secrets : procédés de fabrication, technique de financement ou de commercialisation, projets industriels ou commerciaux,...etc.

Pour se prémunir contre la concurrence susceptible d'être faite par le travailleur à son entreprise, l'employeur exige parfois que ce dernier s'engage, à n'exercer aucune activité professionnelle soit pour son compte, soit au service d'une autre entreprise en insérant souvent dans le contrat de travail qu'il soumet à la signature du salarié une clause de non-concurrence. C'est donc pour parer aux conséquences préjudiciables de la concurrence d'un ancien salarié que les employeurs ont pris l'habitude de prévoir dans les contrats de travail une telle clause. Inspirée du droit commercial la clause de non-concurrence a été purement et simplement transposée en droit du travail.

Réfléchir sur la clause de non-concurrence en droit du travail sénégalais, tel que le présent sujet se propose de le faire, implique avant toute chose que les termes de notre thème de réflexion soient clarifiés.

A ce propos, la clause de non-concurrence peut être définie comme « une clause d'un contrat par laquelle l'une des parties s'interdit d'exercer dans certaines limites de temps et de lieu, une activité professionnelle déterminée susceptible de faire concurrence à l'autre partie. »1(*)

Ayant pour objet d'interdire au salarié d'exercer une activité professionnelle concurrente, à son profit ou pour le compte d'un tiers après la rupture du contrat de travail, la clause de non-concurrence ne doit pas être confondue avec la clause d'exclusivité et l'obligation générale de loyauté qui regroupe les obligations de fidélité, de direction et de réserve et l'interdiction des actes de corruption qui reçoivent application pendant l'exécution du contrat de travail et non après sa rupture.

L'intérêt essentiel de cette distinction concerne la perspective dans laquelle la validité des conventions restrictives de concurrence est appréciée. Lorsqu'on est en présence d'une convention qui interdit l'exercice d'une activité et qui donne naissance à une obligation de non-concurrence, sa validité est d'abord subordonnée à la condition que ne soit pas porté une atteinte trop grave à la liberté économique individuelle de la personne qui y est assujettie. En revanche, la validité des conventions qui interdisent seulement quelques modalités dans l'exercice d'une activité s'apprécie différemment car, dans ce cas, la liberté économique individuelle est rarement en jeu. C'est alors surtout par rapport aux règles qui tendent à ce que la concurrence soit effective, par rapport à la liberté du marché, que doit être envisagée la validité de ces conventions.

A cet effet, l'obligation d'exclusivité est une obligation par laquelle l'une des parties à un contrat(ou les deux) s'engage à ne pas conclure d'autres conventions identiques avec un tiers. Contrairement à l'obligation de non-concurrence qui s'analyse en une pure et simple obligation de ne pas faire, l'obligation d'exclusivité engendre en même temps une obligation de faire (contracter avec le créancier de l'exclusivité) et une obligation de ne pas faire (ne pas contracter avec les concurrents du créancier de l'exclusivité).

Bien que réalisant une limitation de la concurrence par son caractère négatif, l'accent est généralement mis sur l'aspect positif de l'obligation d'exclusivité ; c'est-à-dire l'intensification des relations contractuelles entre le créancier et le débiteur de l'exclusivité.

Concernant l'obligation de discrétion ou de confidentialité, il faut dire que l'exécution de certaines conventions conduit à ce que l'un des contractants ait connaissance des secrets d'affaires de l'entreprise. Dans ces circonstances une nécessaire protection de l'entreprise a suscité des dispositions légales ou réglementaires qui mettent à la charge de certains contractants une obligation de non divulgation souvent qualifiée d'obligation de discrétion ou de confidentialité.

Obligation de confidentialité et obligation de non-concurrence concourent toutes deux au maintien des situations acquises, à la préservation des avantages obtenus dans la lutte concurrentielle mais leur objet et leur efficacité différent profondément. L'obligation de confidentialité n'oblige qu'à la non-divulgation mais son débiteur conserve la liberté d'exercer une activité en concurrence avec le créancier de l'obligation de confidentialité, activité redoutée car elle sera souvent l'occasion de la divulgation ou de la mise en oeuvre des connaissances qui sont l'objet de l'obligation de confidentialité.

En revanche, l'obligation de non-concurrence a une finalité plus large puisqu'elle implique non seulement une non-divulgation mais également l'interdiction de mettre en oeuvre ces connaissances dans le cadre d'une activité concurrentielle.

A cet égard, étudier la clause de non-concurrence en droit du travail sénégalais est important à plusieurs égards. Les problèmes posés par les clauses de non-concurrence sont devenus très classiques. Si la validité de ce type de clause ne fait plus de doute au regard du principe de la liberté contractuelle, la nécessité de préserver une autre liberté, celle d'entreprendre, s'est fait très vite sentir. Les juges ont donc construit, au fil des années, le régime de la clause de non-concurrence à l'aune de cet objectif de conciliation entre ces deux libertés.

Ainsi, ces clauses portent alors atteinte à deux principes fondamentaux de notre droit: la libre concurrence et la liberté du travail. Tout homme étant libre d'exercer l'activité professionnelle de son choix, les clauses qui portent atteinte à cette liberté devraient en principe être déclarées illicites. De la même façon, tout homme étant libre de faire concurrence aux entrepreneurs déjà établis, les clauses limitant cette liberté ne peuvent produire leurs effets que dans des conditions très particulières.

Bien que la clause de non-concurrence heurte, en la matière, un principe de valeur constitutionnelle (la liberté du travail), sa validité n'a jamais été mise en cause. Le législateur sénégalais, tout en affirmant la licéité de cette restriction à la liberté du travail, s'est contenté d'en poser les limites : « un compromis va nécessairement s'établir entre le droit que possède toute personne de gagner sa vie par son travail (liberté du travail) et l'intérêt de l'entreprise à conserver certains secrets et à retenir sa clientèle ».

L'équilibre qui doit être trouvé et respecté dans toute clause de non-concurrence entre l'intérêt du créancier de non-concurrence et la sauvegarde de la liberté d'entreprendre du débiteur de non-concurrence, est incontestablement plus difficile à maintenir s'agissant des rapports d'un employeur et de son ancien salarié.

Ainsi, il convient de se poser la question de savoir comment la clause de non-concurrence est-elle encadrée par le droit du travail sénégalais ?

A coté de la loi et de la jurisprudence, le contrat vient souvent limiter la liberté de la concurrence afin d'assurer la protection de l'entreprise. Les restrictions ainsi apportées à la liberté de la concurrence s'observent dans des clauses insérées dans de nombreuses conventions qui relèvent notamment du droit du travail. En outre, la nature de certains contrats est analysée comme emportant de plein droit l'obligation pour l'une des parties de s'abstenir d'une certaine forme ou de toute concurrence à l'encontre d'un partenaire contractuel actuel ou passé.

Dans ces diverses hypothèses, on se trouve en présence d'une obligation de non-concurrence, obligation dont l'étude est l'objet du présent sujet et qui constitue une limitation apportée à la liberté de la concurrence puisque une convention oblige l'une des parties à la non-concurrence envers l'autre.

Par son appellation même, l'obligation de non-concurrence apparait comme une obligation de ne pas faire, comme imposant à son débiteur une abstention de concurrence. Plus précisément, l'obligation de non-concurrence interdit à une personne (le débiteur de non-concurrence) d'exercer une activité économique ou professionnelle déterminée en concurrence avec celle développée par une autre personne (le créancier de non-concurrence).

L'étude de l'obligation de non-concurrence en droit du travail sénégalais fait apparaitre deux pôles d'intérêt : le droit des personnes dans ce qu'il a de plus fondamental et le droit des biens dans ce qu'il a de plus novateur se rejoignent dans la notion d'obligation de non-concurrence. Au regard de la personne, l'obligation de non-concurrence a pour effet essentiel de porter atteinte à ces libertés primordiales que sont la liberté du travail et la liberté du commerce et de l'industrie et ainsi de venir limiter gravement le potentiel d'activité du débiteur de non-concurrence.

En effet, la fonction de l'obligation de non-concurrence, qui consiste à protéger directement ou indirectement l'employeur contre la concurrence dangereuse ou anormale que pourrait développer le débiteur de non-concurrence, rattache cette obligation au droit des biens en ce qu'elle s'avère indispensable à la valorisation de l'activité humaine à travers la notion de clientèle. 2(*)

Le développement de l'obligation de non-concurrence est en effet étroitement lié au mouvement qui tend à considérer les clientèles professionnelles comme des biens et qui constitue l'un des traits marquants de la transformation du patrimoine moderne3(*).

En définitive, l'obligation de non-concurrence se situe ainsi au carrefour du patrimonial et de l'extrapatrimonial.

C'est d'ailleurs sous ces divers angles que l'intervention du législateur sénégalais s'est surtout manifestée dans le domaine de l'obligation de non-concurrence dans la mesure où la question s'est posée de savoir si une telle obligation était licite.

A cet égard, aux termes de l'art L 35 du code du travail sénégalais, un certain nombre de conditions doivent être respectées afin que soit valable et efficace la clause de non-concurrence venant établir un engagement de non-concurrence de l'ancien salarié. Les clauses de non-concurrence suscitent donc un double problème de licéité et de mise en oeuvre. Eu égard à ces considérations, on examinera d'une part, la licéité des clauses de non-concurrence (chapitre1) et d'autre part, la mise en oeuvre des clauses de non-concurrence (chapitre 2).

CHAPITRE PREMIER: LA LICEITE DES CLAUSES DE NON-CONCURRENCE

L'existence des clauses de non-concurrence insérées dans les contrats de travail nourrit de nos jours un contentieux fleuve. Le salarié s'interdit d'exercer, dans certaines limites de temps et de lieu, une activité professionnelle déterminée, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, susceptible de faire concurrence à son employeur.

En effet, la clause de non-concurrence est particulièrement redoutable en période de crise de l'emploi, puisqu'elle réduit les chances de retrouver un emploi dans le même secteur d'activité, au-delà de la concurrence déloyale. Du coté de l'entreprise, elle est souvent une nécessité, compte tenu du savoir faire acquis, face à une concurrence vive.

Ainsi, la clause de non concurrence semble difficilement compatible avec le respect de la liberté du travail. L'existence donc de ce principe fondamental de la liberté du travail et de cela de la libre concurrence ne fait pas complètement échec à la licéité des clauses de non-concurrence.

Aussi, le législateur sénégalais face à ces deux intérêts contradictoires a-t-il tenté de les concilier en assujettissant la validité ou plutôt l'efficacité des clauses de non-concurrence à des conditions (section1), et dont le non respect à des impacts sur le sort des clauses de non concurrence irrégulières. (section2)

Section1 : les conditions de validité des clauses de non concurrence

En droit du travail sénégalais, le législateur a affirmé la licéité des clauses de non concurrence insérées dans les contrats de travail. Ainsi pour être valable, une clause de non-concurrence doit se conformer aux conditions de validité dégagées par le législateur (parag1), sans pour autant ignorer les conditions jurisprudentielles de validité (parag2).

Paragraphe 1 : les conditions légales de validité des clauses de non concurrence

Aux termes des dispositions de l'article L35 du code du travail sénégalais, une clause de non-concurrence, pour être valable, doit être limitée dans le temps et dans l'espace(A), et laisser au salarié la possibilité d'exercer normalement l'activité qui lui est propre c'est-à-dire que l'interdiction ne peut porter que sur une activité de nature à concurrencer l'employeur (B).

A : une limitation de la clause dans le temps et dans l'espace

« La liberté de faire le commerce ou d'exercer une industrie ne peut être restreinte par des conventions particulières que si ces conventions n'impliquent pas une interdiction générale et absolue, c'est-à-dire illimitée tout à la fois quant au temps et au lieu... ».

Le principe de limitation des clauses de non-concurrence ainsi formulé en 1900,4(*) a, depuis, été maintenu, tout en étant précisé et affiné. En s'inspirant de cette jurisprudence dégagée, les législateurs africains ont pendant longtemps affirmé que pour être valable, la clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l'espace.

Cette limitation de la clause dans le temps et dans l'espace a connu une évolution en droit du travail sénégalais. En effet, l'ancien code du travail prévoyait que l'interdiction de concurrence ne pouvait dépasser deux ans et ne pouvait s'appliquer que dans un rayon de deux cent kilomètres autour du lieu de travail.5(*)

Cependant, avec l'entrée en vigueur du nouveau code du travail, le législateur sénégalais, à travers les dispositions de l'article L35 al3 dispose que : « l'interdiction de non-concurrence ne peut dépasser un an et ne peut s'appliquer que dans un rayon de 50 kilomètres autour du lieu de travail. » 6(*)

A cet effet, il y'a lieu de reconnaitre que la réduction du temps et du lieu au-delà desquels il est interdit au salarié d'exercer une activité concurrentielle, tend à protéger la liberté du travail de ce dernier. Autrement dit, le nouveau code du travail améliore la situation des travailleurs soumis à la clause de non-concurrence, laquelle est limitée dans l'espace à 50 kilomètres et dans le temps à 1 an. L'intention du législateur semble être ici de concilier les intérêts contradictoires du salarié et de l'employeur.

La limitation de la clause dans le temps et dans l'espace varie en effet d'une législation à une autre. En guise d'exemple, on peut noter que le législateur gabonais dispose en matière de clause de non concurrence que : «  l'interdiction de concurrence ne peut dépasser trois mois et ne peut s'appliquer que dans un rayon de cent kilomètres. »

Il va s'en dire que la limitation légale de la clause de non concurrence au Gabon (3mois) prive pratiquement celle-ci de toute utilité.

La clause de non-concurrence, limitée à un an, ce délai doit certainement courir à compter du jour de la rupture du contrat et du départ effectif du salarié de l'entreprise. Ceci étant, la limitation temporelle vise à fixer la période pendant laquelle le salarié ne pourra avoir d'activité concurrente, tandis que celle dans l'espace a vocation à déterminer la zone territoriale où toute activité concurrente est interdite. Le champ géographique peut donc se limiter à la commune, au département, à la région en fonction du rayon d'activité de l'entreprise. Attention, elle ne peut avoir pour effet d'empêcher le salarié de retrouver une activité professionnelle.

En effet, la cour de cassation française dans un arrêt du 26 MARS 1928 a toujours jugé que : « l'obligation de non concurrence ne pouvait pas avoir une portée générale et absolue : elle ne pouvait pas être à la fois illimitée dans le temps et dans l'espace »7(*). Elle précise à cet effet, qu'il convient d'assimiler à une clause illimitée dans le temps et dans l'espace, «  la clause d'une durée limitée lorsque le contrat prévoit que l'employeur peut unilatéralement prolonger la durée prévue dans le contrat ». La limitation dans le temps et dans l'espace doit présenter une certaine fixité. L'employeur ne peut se réserver la possibilité d'étendre à son gré la portée de la clause de non-concurrence dans le temps et dans l'espace.

De ce qui précède, il convient de retenir qu'une clause de non-concurrence qui ne fixerait donc pas de durée à l'interdiction de concurrence établie, serait entachée d'irrégularité.

Un engagement restrictif de concurrence doit résulter de la clause, non une suppression définitive de la liberté de travail du salarié, débiteur de non-concurrence. L'engagement restrictif de concurrence doit être temporaire. Aussi une clause dont le libellé ne permet pas de délimiter la zone géographique à l'intérieur de laquelle l'engagement restrictif de concurrence joue, ne peut être tenue pour valable. Elle établit une interdiction générale que rien ne justifie au regard de la liberté d'entreprise du salarié.

Par ailleurs, en droit du travail, de nombreuses conventions collectives contiennent des clauses déterminant quelle peut être la durée maximale d'une obligation de non concurrence. La plupart de ces conventions fixent cette durée à une année. De ce fait, lorsqu'une de ces conventions collectives est applicable, les cocontractants peuvent évidemment conclure une clause de non-concurrence d'une durée plus courte que celle fixée par la convention. 

En revanche, s'ils insèrent dans le contrat de travail une obligation de non-concurrence qui dépasse la durée maximale conventionnelle, les dispositions de la convention collective seront substituées à celles du contrat individuel de travail. Dans toutes les entreprises qui entrent dans le champ d'application de telles conventions collectives, les cocontractants sont liés par ces dispositions.

La limitation de l'obligation de non-concurrence dans l'espace est envisagée plus rarement par les conventions collectives. Certaines précisent cependant que l'interdiction de travail concernera « une zone territoriale limitée avec précision par référence à la zone géographique dans laquelle s'exerçait l'activité de l'intéressé ». Dans tous les cas où une convention collective ou un accord collectif ne détermine pas quelles sont les limites de durée et d'espace de l'obligation de non concurrence, il appartient au juge, en l'absence de tout texte législatif ou réglementaire, de faire la distinction entre les clauses licites et illicites. La législation sénégalaise en droit du travail ne donne pas au juge cette opportunité dans la mesure où de telles limites ont été prévues dans le code du travail.

Aussi, la durée et le champ d'application géographique d'une clause de non concurrence ne sont-ils pas, à eux seuls, des critères déterminants pour apprécier la licéité de celle-ci, lorsqu'un texte conventionnel n'impose pas de règle précise à ce sujet. Certes, une obligation de non-concurrence portant sur une activité déterminée sera déclarée illicite si elle est illimitée dans le temps et dans l'espace. En outre, si on s'en tient à la lettre du texte de l'article L 35 du code du travail sénégalais, la limitation de la clause dans le temps et dans l'espace est exigée conjointement et non alternativement.

Mais, une obligation de non-concurrence peut être déclarée licite, alors même qu'elle a un champ d'application très étendu, si elle n'interdit pas au salarié d'exercer une activité professionnelle correspondant à sa formation. En revanche, une interdiction de faire concurrence limitée à 1an peut être annulée au motif que son application sur l'ensemble du territoire sénégalais oblige un salarié à s'expatrier pour retrouver un emploi conforme à sa formation et aux connaissances qu'il a acquises.

En référence à la jurisprudence française sur la question, on note que certaines décisions ont annoncé une évolution en se montrant plus respectueuse de la liberté du travail. Selon ces décisions, une clause de non-concurrence doit être géographiquement restreinte aux lieux dans lesquels le salarié peut faire une concurrence réelle à l'employeur étant donné la nature de l'entreprise et son rayon d'action, et la zone prohibée doit être d'autant plus limitée que l'interdiction atteint avec plus de rigueur le salarié dans l'activité spécifique qui est la sienne.

La jurisprudence sénégalaise, quant à elle, considère que, « même si l'activité du travailleur s'exerce en grande partie en dehors du lieu de son affectation principale, l'application territoriale de la clause de non-concurrence doit être limitée à un rayon de 200 kilomètres autour du lieu d'affectation principale »8(*).

Le caractère limité de l'engagement de non-concurrence, nécessaire à sa validité, s'apprécie aussi au niveau de l'activité prohibée. L'interdiction de non-concurrence ne peut alors porter que sur une activité de nature à concurrencer l'employeur. (B)

B : une interdiction portant sur une activité de nature concurrentielle

Le droit du travail ne saurait rester une notion purement abstraite, ce n'est jamais à un travailleur non spécialisé qu'on impose une clause de non-concurrence. Le souci légitime de l'employeur est de se garantir contre le passage au service d'un concurrent d'un salarié qui, soit en raison de la technicité qu'il a acquise ou confirmée, soit en raison de ses rapports qu'il a établis avec la clientèle, représente une certaine « valeur ».

Ainsi, le législateur sénégalais, aux termes de l'article L 35 dispose : « l'interdiction ne peut porter que sur une activité de nature à concurrencer l'employeur. » Autrement dit, pour être valable, la clause de non-concurrence doit avoir pour objet d'interdire au salarié d'exercer une activité qui pourrait directement ou indirectement concurrencer son employeur. L'interdiction de concurrence peut concerner donc aussi bien l'établissement du salarié dans une activité concurrentielle pour son propre compte que l'embauchage au service d'une entreprise concurrente.

En droit du travail sénégalais, il y'a lieu de noter que la clause de non-concurrence, insérée dans un contrat de travail a un effet limité dans la mesure où le salarié, à la fin du contrat de travail, peut directement sous réserve de quelques exceptions concurrencer son ancien employeur. A cet égard, en l'absence d'une activité de nature concurrentielle susceptible d'être exercée par le salarié, la clause non-concurrence ne pourrait pas s'imposer à ce dernier même si la rupture résulte de son initiative ou d'une faute lourde qui lui est imputable.

La définition de l'activité commerciale est, sans aucun doute, celle retenue par le droit commercial c'est-à-dire celle qui s'adresse à la même clientèle pour lui offrir les mêmes services ou les mêmes biens.

L'expression même d'obligation de non-concurrence indique la nature de la prestation due par le débiteur de non-concurrence. Ce dernier est tenu d'une obligation de ne pas faire, de l'obligation de s'abstenir de concurrencer le créancier de non concurrence.

Il ne suffit pas cependant de dire que le débiteur doit une abstention de concurrence. On doit chercher quel est le contenu exact de cette prestation de non-concurrence.

L'activité interdite au débiteur de non-concurrence ne l'étant pas en raison du caractère déloyal qu'elle pourrait présenter, mais en raison de la concurrence qu'elle détermine, il convient de connaitre avec précision la portée d'une interdiction visant des actes licites en eux-mêmes. Il s'agit à cet effet d'examiner le contenu de la prestation de non-concurrence quant à son objet proprement dit, c'est-à-dire l'interdiction d'exercer telle ou telle activité professionnelle.

Au demeurant, si l'objet de la clause de non concurrence est d'interdire au salarié, d'exercer après la résiliation de son contrat de travail certaines activités susceptibles de nuire à l'entreprise, encore faut-il que celui-ci ait acquis une connaissance suffisante des secrets de l'entreprise à des divulgations éventuellement utilisables par une entreprise concurrente. Il est donc normalement exigé qu'un travailleur ait exercer des fonctions impliquant une possibilité ultérieure de concurrence pour que l'exercice d'une activité concurrente puisse lui être interdit après son départ de l'entreprise. C'est dans cette perspective qu'il a été jugé que violait une clause de non-concurrence un employé technique qui avait repris des fonctions commerciales au service d'une entreprise concurrente parce que les expériences et connaissances qu'il avait acquises chez son ancien employeur présentaient un intérêt pour le nouvel employeur et justifiaient l'interdiction de leur transmission. Ainsi une interdiction de non-concurrence est suffisamment légitimée par toute possibilité de développement de concurrence du chef d'un ancien salarié après son départ de l'entreprise.

Pour être valable, une clause de non-concurrence doit alors laisser au salarié non seulement la possibilité d'exercer normalement l'activité qui lui est propre, mais aussi la possibilité de retrouver un emploi conforme à sa qualification professionnelle. Le salarié doit donc pouvoir exercer le métier pour lequel il est qualifié, sans mettre en danger l'activité de l'entreprise.

La détermination de la nature de l'activité professionnelle interdite au débiteur de non-concurrence est parfois susceptible de poser quelques difficultés.

Elle est souvent l'oeuvre de la volonté des parties qui rédigent une clause de non-concurrence ; clause donnant naissance à l'obligation de non-concurrence ou venant préciser le contenu d'une obligation de non-concurrence de plein droit.

Cette détermination (surtout en droit français) est aussi parfois réalisée par la convention collective de travail qui réglemente la clause de non-concurrence dans une branche d'activité déterminée ou encore par les ordres professionnels qui rédigent les contrats-types utilisés par les membres de la profession considérée.

De ce qui précède, on se rend compte qu'une étude de la rédaction des clauses de non-concurrence fait apparaitre que deux méthodes sont essentiellement employées par les contractants pour déterminer l'activité professionnelle interdite au débiteur de non-concurrence. Celle-ci est soit désignée nommément dans le texte de la clause, soit déterminée indirectement par référence à l'activité du créancier de non-concurrence.

Selon le professeur Y. Serra, la frontière est souvent difficile à tracer entre les modes d'exercice de l'activité professionnelle permis et ceux qui sont prohibés au débiteur de non-concurrence. Corrélativement, lorsqu'en présence d'un contrat imposant une obligation de non-concurrence de plein droit à la charge de l'une des parties aucune clause de non-concurrence n'est venue préciser l'activité professionnelle interdite au débiteur de non-concurrence ou lorsque les parties en rédigeant une clause de non-concurrence ont stipulé une interdiction de concurrence par rapport à une activité « de même nature » ou « similaire », il appartient au tribunaux, en cas de difficulté, de préciser la nature de l'activité professionnelle interdite.

Dans le même ordre d'idée, un salarié avait souscrit une clause de non-concurrence par laquelle il s'engageait à ne pas « accepter un emploi similaire » dans une entreprise concurrente et après la rupture du contrat de travail, il avait, dans le temps et le lieu prohibés, créé une entreprise concurrente qu'il exploitait. La difficulté portait sur le sens à donner à l'expression « accepter un emploi similaire ». Celle-ci interdisait-elle au débiteur de la clause de non-concurrence de créer une entreprise concurrente ?

Il s'agit là de la difficulté d'interprétation que l'on observe le plus souvent dans le domaine des clauses de non-concurrence accessoires à un contrat de travail lorsque la clause fait défense au salarié pour l'après contrat « de se mettre au service d'un concurrent direct », de « se réembaucher dans une entreprise concurrente » ou encore « d'entrer dans une maison similaire ».

Alors que les juges du fond avaient admis cette possibilité en s'appuyant sur le principe d'interprétation restrictive des clauses de non-concurrence, cette décision a été censurée par la cour de cassation qui a indiqué « qu'une clause interdisant à un salarié d'accepter un emploi similaire dans une entreprise concurrente lui interdit également d'occuper le même emploi dans une entreprise concurrente créée par lui... »9(*) 

Par conséquent, quelle que soit l'activité professionnelle interdite, pour être valable, une clause de non-concurrence doit laisser au salarié non seulement la possibilité d'exercer normalement l'activité qui lui est propre, mais aussi la possibilité de retrouver un emploi conforme à sa qualification professionnelle. Le salarié doit donc pouvoir exercer le métier pour lequel il est qualifié, sans mettre en danger l'activité de l'entreprise.

En droit français, le critère relatif à la possibilité pour le salarié de retrouver un emploi n'est pas récent. On en trouve trace dans une décision de 1952 : « pour être valable, une clause de non-concurrence doit laisser au salarié la possibilité d'exercer normalement l'activité qui lui est propre.»10(*)

Dans les faits, ce critère a été longtemps marginalisé par les autres critères. Les arrêts de la cour de cassation du 18 Septembre 2002 (Gan vie) le réhabilitent pleinement. La cour énonce que « le juge peut restreindre l'application d'une clause de non-concurrence même justifiée par les intérêts de l'entreprise, (...) lorsque cette clause ne permet pas au salarié d'exercer une activité conforme à son expérience professionnelle ».11(*) Il va s'en dire que pour apprécier la gravité de l'atteinte apportée à cette liberté, les juges tiennent essentiellement compte de deux paramètres :

ü ils recherchent si l'activité interdite au salarié correspond à une activité qu'il exerce pendant de longues années ou au contraire pendant une période assez brève, si cette activité a été exercée pendant une courte période, les juges considèrent qu'il ne s'agit pas de l'activité propre du salarié et qu'elle peut valablement être interdite par une clause de non-concurrence.

Ainsi a été jugé licite une clause faisant interdiction à un agent technico-commercial, spécialisé dans la commercialisation de stimuleurs cardiaques, d'exercer cette activité dans la France entière, alors que le salarié n'exerçait cette activité que pendant 2ans et qu'il avait travaillé 12ans dans d'autres branches professionnelles.

ü En revanche, si le salarié exerce depuis longtemps l'activité qui est prohibée par la clause, les juges considèrent qu'il y'a atteinte à la liberté du travail et ils annulent la clause.

A partir du moment où l'existence d'une situation de concurrence a été établi, la clause peut valablement interdire au salarié toute activité dans une entreprise concurrente. Cette interdiction de concurrence pour être valable, doit donc être limitée dans sa nature c'est-à-dire à une activité susceptible de concurrencer l'employeur, de ce fait, la clause de non- concurrence qu'un employeur introduit dans un contrat de travail ne devrait viser que l'hypothèse où ,à l'issue de la relation de travail, le salarié décide d'exercer une activité concurrente de celle de l'employeur, ce qui exclut la concurrence vis-à vis d'un tiers.

La clause de non-concurrence doit aussi être limitée quant aux activités prohibées et ne doit empêcher le salarié de travailler. Le juge s'attachera au degré à la fois théorique et pratique de spécialisation du salarié et à l'exercice d'autres branches d'activités ou d'autres activités de la même branche dans lesquelles le salarié pourra exercer sa profession.

La portée de la clause de non concurrence, qui conditionne sa validité, doit alors s'apprécier au regard de l'activité réelle de l'entreprise et non par rapport à la définition statuaire de son objet social. Les juges ne peuvent donc se fonder sur l'objet social inscrit très généralement dans les statuts pour considérer que la clause avait pour effet d'interdire au salarié d'exercer toute activité professionnelle.

A l'instar des conditions légales de validité de la clause de non concurrence, la jurisprudence a dégagé des clauses qui viennent complétées celles prévues par le législateur. (parag2)

Paragraphe2 : les conditions jurisprudentielles de validité de la clause de non concurrence

S'inspirant de la jurisprudence française, le juge sénégalais estime que pour être licite, une clause de non concurrence doit respecter en plus des conditions légales de validité deux paramètres : l'employeur doit avoir d'une part un intérêt légitime à protéger(A) et d'autre part, que la validité de la clause ne soit pas subordonnée à l'exigence d'une contrepartie pécuniaire. (B)

A : l'intérêt légitime de l'employeur, cause de l'obligation de non-concurrence du salarié

L'obligation de non-concurrence résultant d'une clause de non-concurrence accessoire à un contrat de travail ne bénéficie d'aucune présomption de licéité. Il appartient au créancier de l'obligation de non-concurrence d'établir l'existence d'un intérêt légitime. De ce qui précède, il convient de souligner qu'une clause de non-concurrence ne peut pas être stipulée dans n'importe quelle situation et vis-à vis de n'importe quel salarié. Pour être valable, elle doit avant tout avoir pour but de protéger les intérêts légitimes de l'entreprise. En d'autres termes, il faut que l'entreprise soit susceptible de subir un préjudice réel au cas où le salarié viendrait à exercer son activité professionnelle dans une entreprise concurrente. C'est ce qui résulte de l'article L-35 lorsque le législateur estime que : «  l'interdiction ne peut porter que sur une activité de nature à concurrencer l'employeur. » A contrario, en l'absence d'une activité de nature concurrentielle susceptible d'être exercée par le salarié, la clause de non-concurrence ne pourra pas s'imposer à ce dernier même si la rupture résulte de son initiative ou d'une faute lourde qui lui est imputable. L'interdiction de non concurrence, dans cette circonstance n'est pas obligatoire dans la mesure où elle ne sert pas à protéger un intérêt légitime de l'entreprise.

Dans le domaine de l'obligation de non-concurrence, l'intérêt légitime est trouvé dans le souci de protéger directement ou indirectement la clientèle du créancier de non-concurrence ou des éléments attractifs de clientèle qui appartiennent à ce dernier ; protection nécessitée par la position actuelle ou passée occupée par le débiteur de non-concurrence vis-à-vis de cette même clientèle. La clause de non-concurrence est justifiée parce que la concurrence que pourrait développer le débiteur de non-concurrence à l'encontre du bénéficiaire de la clause présenterait un caractère anormal.

Ainsi, J. AMIEL-DONAT, estime que l'intérêt légitime de l'employeur à l'obligation de non-concurrence du salarié ne se trouve pas dans la nature de l'activité confiée à ce dernier pendant la durée du travail, c'est du risque que fait courir cette même activité, développée au profit d'un concurrent, que l'employeur tire son besoin de protection.

En droit sénégalais, il y'a lieu de noter que la clause de non-concurrence, insérée dans le contrat de travail à un effet limitée dans la mesure où le salarié, à la fin du contrat de travail, peut directement, sous réserve de quelques exceptions, concurrencer son ancien employeur.

En effet, la chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt du 25sept1991, revenant sur sa position antérieure, réintroduise la référence à la notion «  d'intérêt légitime » et décide qu' « une clause de non-concurrence, insérée dans un contrat de travail pour protéger les intérêts légitimes de l'entreprise, est licite si elle ne porte pas atteinte à la liberté du travail en raison de son étendue dans le temps et dans l'espace compte tenu de la possibilité pour le salarié d'exercer des activités correspondant à sa formation et à son expérience professionnelle. »

A ce propos, J.AMIEL DONAT et Y.SERRA approuvent le revirement opéré par la cour de cassation et le situent au niveau de l'arrêt du 14 mai 1992 (laveur de vitres) et non dans l'arrêt du 25 sept 1991(précité). Y.SERRA parle de « nouvelle et heureuse orientation de la jurisprudence » et estime que : «désormais les juges du fond, pour apprécier la validité d'une clause de non-concurrence souscrite par le salarié, ont la possibilité et le devoir de rechercher si cette restriction à la liberté du salarié correspond à un impérieux besoin de protection de l'entreprise en raison de l'activité passée et des fonctions exercées par ce salarié au sein de l'entreprise, la nature de l'emploi et le niveau de responsabilité du salarié devant jouer un rôle déterminant à cet égard. » J.AMIEL DONAT pour sa part estime qu'en « opérant un revirement spectaculaire et presque inespéré, la chambre sociale retient pour la première fois de manière explicite, la légitimité de la clause de non-concurrence en tant que condition de validité. »

L'existence d'un intérêt légitime devient donc une condition de validité de la clause de non-concurrence. Il en résulte que désormais, un employeur ne peut plus exiger l'exécution d'une clause de non-concurrence tant qu'il n'a pas établi que l'existence de celle-ci était justifiée par les risques  particuliers que fait courir à l'entreprise mise à la disposition de tiers des connaissances acquises par le salarié au cours de l'exécution de son contrat de travail. De ce fait, les juges utilisent fréquemment l'appartenance à un secteur concurrentiel comme indice pouvant attester la légitimité de la protection recherchée. Ils apprécient la concurrence qui s'exerce dans le secteur d'activité.

L'analyse du secteur d'activité de l'entreprise est pertinente. Pour déterminer si une entreprise a un intérêt à se préserver d'une concurrence, il peut être utile de vérifier si elle a des concurrents susceptibles de recruter le salarié.

La clause de non-concurrence est en effet légitime si l'entreprise a des raisons de craindre une concurrence que pourrait lui causer le salarié ; il doit ainsi présenter un risque concurrentiel.

On s'accorde pour reconnaitre que l'appréciation de ce risque est intimement liée aux fonctions que le salarié occupait dans l'entreprise. De façon pragmatique, les juges du fond se référent le plus souvent à trois indices utiles :

ü le contact avec la clientèle,

ü l'accès à des informations spécifiques sur l'entreprise

ü l'acquisition du savoir-faire propre à l'entreprise.

Ainsi a été considéré comme indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, la clause de non-concurrence interdisant à un garçon de café, en contact direct avec la clientèle, d'entrer au service pendant un an, d'une entreprise concurrente exerçant la même activité de café-brasserie12(*).

La clause de non-concurrence porte atteinte à la liberté professionnelle du salarié au moment où son intérêt commanderait de le laisser disposer de la plus grande latitude dans la recherche d'une nouvelle situation. Cette restriction importante aux initiatives du salarié ne peut trouver sa justification que dans l'intérêt supérieur de l'autre partie au contrat de travail .Cet intérêt dépassera le cadre des rapports bilatéraux et prendra en compte la défense de l'entreprise-employeur face aux attaques dont elle peut faire l'objet de la part d'autres intervenants économiques. Une analyse économique sera alors nécessaire ce qui conduira à rechercher si, après son départ de l'entreprise, le salarié peut causer un préjudice concurrentiel à son ancien employeur en plaçant ses compétences et connaissances au service d'un tiers ou en les mettant lui-même en valeur.

A partir du moment où l'obligation de non-concurrence s'avère nécessaire ou même simplement utile à la protection d'une clientèle contre la concurrence anormale d'un partenaire contractuel actuel ou passé, elle est présumée correspondre à l'intérêt légitime de son créancier.

Ceci est tellement vrai que, comme il a été constaté à propos de l'existence de l'obligation de non-concurrence, les tribunaux imposent parfois aux parties à une convention l'existence d'une obligation de non-concurrence de plein droit, celle-ci étant censé être contenue dans la réglementation légale du contrat considéré ; le canal de l'obligation de garantie ayant servi la plupart du temps à l'obtention d'un tel résultat.

Il est encore nécessaire de noter que le juge, dans une perspective de réglementation de la clause de non-concurrence, pose le principe de la licéité de la clause non assortie d'une contrepartie pécuniaire. (B)

B : la licéité des clauses sans contrepartie pécuniaire

Comme pour toute obligation, l'appréciation de la validité de l'obligation de non-concurrence en droit du travail devait être effectuée non seulement au regard de son objet mais aussi de sa cause, particulièrement en ce qui concerne son existence.

L'exigence d'une contrepartie pécuniaire à l'interdiction de faire concurrence semblerait s'imposer. Un principe général domine le droit des contrats ; dans les contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque partie doit avoir une cause qui est la contrepartie fournie par le contractant. Or, curieusement, dans le domaine du contrat de travail et des clauses de non-concurrence, la cour de cassation écarte catégoriquement le droit commun des contrats : « la validité d'une clause de non-concurrence n'est pas subordonnée à l'octroi au salarié d'une contrepartie pécuniaire si celle-ci n'est pas prévue par une convention collective.»

Ainsi, le tribunal du travail de Dakar, dans une décision du 4 janvier 1973, a estimé que : « sauf clause contraire de la convention collective ou du contrat de travail, il n'est pas nécessaire, pour que la clause soit valable ou efficace qu'une indemnité soit stipulée en faveur du travailleur pour constituer la cause juridique de son obligation. »13(*)

Il s'avère nécessaire de préciser que si la convention collective prévoit une indemnisation en contrepartie de la clause ,celle-ci est due même si elle n'est pas prévue au contrat de travail et l'employeur ne peut soutenir, de ce fait, la nullité de la clause, car la nullité étant instituée dans le seul intérêt du travailleur.

A l'inverse, en l'absence de contrepartie pécuniaire prévue dans la convention collective ou le contrat de travail, la clause de non-concurrence n'en est pas moins licite. De même, si la convention collective prévoit une contrepartie pécuniaire sans pour autant prescrire la nullité de la clause, en cas d'absence d'indemnité de non-concurrence, ou en présence d'une indemnité contractuelle dérisoire; l'employeur pourra se prévaloir de cette clause. De son coté, le salarié pourra réclamer le paiement de la contrepartie pécuniaire qui s'imposait aux parties en application de la convention collective.

Cette licéité d'une obligation sans cause est critiquée par la doctrine qui souligne non seulement la violation des règles générales de droit contractuel, mais également le caractère peu équitable de la solution. Les inconvénients de cette jurisprudence sont limités par la pratique des acteurs sociaux qui introduisent fréquemment dans les conventions collectives une clause prévoyant le versement d'une indemnité mensuelle en contrepartie de l'obligation du salarié de ne pas travailler dans une entreprise concurrente.

L'indemnité n'est donc pas une condition de validité de la clause de non-concurrence sauf dispositions conventionnelles contraires. Elle ne répare pas un préjudice mais compense l'avantage constitué par l'employeur de l'absence de concurrence par le salarié. S'il l'estime dérisoire, le juge peut augmenter le montant de l'indemnité en cas de violation d'une clause de non-concurrence.

Le paiement de l'indemnité de non-concurrence doit s'effectuer lors du départ effectif du salarié et non à la fin du préavis. En toute hypothèse, le non paiement par l'employeur de l'indemnité libère le salarié de l'interdiction de concurrence et constitue un trouble manifestement illicite à l'origine d'une saisine du juge des référés.

La jurisprudence française a pendant longtemps admis la licéité des clauses de non concurrence sans contrepartie pécuniaire. Cependant, dans un arrêt du 10 janvier 2002,la cour de cassation a considéré qu' : « une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace , qu'elle tient compte des spécificité de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie pécuniaire... ces conditions étant cumulatives. »14(*)

Ainsi, l'existence d'une contrepartie pécuniaire est-elle une nouvelle condition de validité des clauses de non-concurrence. Pour être licite, la clause de non-concurrence, indispensable à la protection des « intérêts légitimes » de l'entreprise doit alors remplir toutes les conditions requises (être limitée dans le temps et dans l'espace et comporter une contrepartie financière.) Une clause qui ne remplit pas l'une des conditions de validité est nulle.

La nouveauté tient donc dans le fait que la clause de non-concurrence qui ne comporte pas de contrepartie financière n'est pas licite. Il va s'en dire qu'un salarié qui aujourd'hui respecte une clause de non-concurrence alors qu'elle ne fait référence dans son contrat de travail à aucune contrepartie financière, a droit à des dommages-intérêts(même si la clause a été signé avant le10 juillet 2002).

Depuis ce revirement de 2002, le juge français exige de manière obligatoire la stipulation d'une contrepartie pécuniaire en échange du respect par le salarié de l'interdiction de non- concurrence, alors qu'en droit sénégalais, elle n'est obligatoire que si la convention collective ou le contrat de travail le prévoit. Cette exigence d'une contrepartie pécuniaire était souhaitée par une partie de la doctrine sur le fondement de la théorie de la cause. Reprenant cette analyse à son compte pour justifier la décision rendue le 10 juillet 2002, le professeur Y. Serra relève que « sur le strict plan juridique, la prévision d'une contrepartie pour la validité de la clause de non-concurrence n'est que la traduction du principe fondamental du droit des obligations selon lequel la validité d'une obligation suppose l'existence d'une cause qui veut que, sauf intention libérale, à l'obligation de l'un des contractants réponde en échange l'obligation de l'autre »

Par ailleurs, le caractère obligatoire d'une contrepartie à l'obligation de non-concurrence du salarié s'inscrirait parfaitement dans l'analyse qui est faite de la fonction de cette obligation qui réside dans le souci de protéger la clientèle de l'entreprise. Il est normal que la restriction apportée à la liberté du travail et à la liberté du commerce dans la personne de l'ancien salarié pour la conservation de cette valeur que représente la clientèle de l'entreprise reçoive nécessairement une contrepartie.

De surcroit, si le salarié ne respecte plus la clause de non-concurrence qui le lie à son ancien employeur, celui-ci est en droit de ne plus lui verser la contrepartie financière qui lui est normalement due pour l'avenir. L'employeur se doit donc de verser seulement au salarié une contrepartie financière proportionnelle au temps pendant lequel il a respecté son obligation de non-concurrence.

Du fait du rapprochement existant entre le droit français et le droit sénégalais ; on pourrait considérer que le juge sénégalais fera sienne la position de la jurisprudence française en érigeant la contrepartie pécuniaire à l'interdiction de concurrence à laquelle est soumise le salarié une condition de licéité de l'obligation de non-concurrence.

A présent que les conditions de validité de la clause de non-concurrence sont élucidées, il convient systématiquement de s'interroger sur le sort des clauses de non-concurrence irrégulières. (Section 2)

Section2 : le sort des clauses de non-concurrence irrégulières

Dans un contrat de travail, une clause de non-concurrence peut être irrégulière soit parce qu'elle ne respecte pas les conditions de validité dégagées par le législateur, soit parce qu'elle ne respecte pas celles imposées par la jurisprudence ou la convention collective applicable.

La sanction du non respect des conditions de validité d'une clause de non-concurrence résidera le plus souvent dans l'annulation de la clause illicite (parag 1) mais cette solution n'est pas toujours vraie, notamment en droit du travail où le juge se livrera souvent à une révision de la clause de non-concurrence (parag2).

Paragraphe1 : la nullité relative des clauses irrégulières

Les clauses de non-concurrence irrégulières pour non respect des conditions de validité sont en principe annulées. Il s'agit d'une nullité relative qui connait des tempéraments(A). La nullité de telles clauses lorsqu'elle est prononcée, produit un certain nombre d'effets(B).

A : différentes limites à l'annulation des clauses irrégulières

L'établissement des conditions de validité des clauses de non-concurrence n'est pas une pure fantaisie du législateur sénégalais. La validité d'une clause d'interdiction de concurrence est donc subordonnée au respect de ces conditions de validité.

Lorsqu'une clause de non-concurrence ne respecte pas les conditions nécessaires à sa validité elle est susceptible d'annulation en application du droit commun des contrats. Et comme en règle générale la clause de non-concurrence n'a pas été la cause impulsive et déterminante de la convention dont elle est l'accessoire, la nullité de la clause n'entraine pas celle de la convention principale.

En effet, l'employeur qui invoque la clause de non-concurrence inscrite dans le contrat de travail pour le protéger de la concurrence de son ancien salarié, peut alors se voir opposer la non-validité de cette disposition conventionnelle. Pour se libérer d'une obligation de non-concurrence trop contraignante, l'ancien salarié peut en demander l'annulation pour défaut du respect d'une condition de validité à savoir, outre les conditions de droit commun, le caractère limité de la clause.

Une clause de non-concurrence, pour être valable, doit déterminer avec précision les limites de l'interdiction de concurrence qu'elle met à la charge du salarié, celui-ci ne devant pas subir une atteinte trop grave à sa liberté du travail et devant, en tout état de cause, conserver la possibilité d'exercer son activité professionnelle. Toute clause de non-concurrence peut être remise en cause parce qu'établissant un engagement excessif ou trop imprécis. Il faut toutefois constater que l'annulation des clauses irrégulières est souvent écartée dans des cas relativement nombreux et pour des raisons assez différentes

Une première raison tient à la rédaction même des conventions collectives. Celles-ci ne font pas toujours des exigences qu'elles formulent des conditions de validité de la clause. Aussi, une convention collective peut-elle prévoir qu'à défaut de mention contractuelle relative à l'indemnité compensatrice, le salarié aura droit à une indemnité compensatrice fixée par la convention collective elle même. La rédaction incomplète de la clause contractuelle de non-concurrence ne donnera pas lieu à l'annulation de l'obligation de non concurrence ; par application de la convention collective, les juges donneront à la clause toute sa portée en imposant à l'employeur le paiement d'une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui qui est fixé par la convention collective. D'autres conventions collectives contiennent des clauses, qui font clairement de l'existence d'une indemnité pécuniaire, prévue par le contrat de travail, une condition de validité de l'obligation de non concurrence.

Une seconde raison tient à la tendance qu'ont les juges à valider partiellement des clauses qui sont en principe illicites, lorsque le salarié a violé rapidement et manifestement l'obligation de non-concurrence qu'il avait contractuellement acceptée. Cette jurisprudence se manifeste lorsque la clause de non-concurrence est trop étendue dans l'espace, dans le temps, ou quant aux activités prohibées. Au lieu d'annuler la clause de non-concurrence, les juges préfèrent sanctionner le salarié qui n'a pas tenu aucun compte de l'engagement contracté, en faisant concurrence à son ancien employeur, très peu de temps après la rupture du contrat de travail, et dans un lieu proche de celui où il travaillait antérieurement. A cet égard, la cour de

cassation dans un arrêt de 1972 a estimé : « une clause qui, abstraitement, pourrait être considérée comme nulle, parce qu'elle aurait pu aboutir à interdire au salarié l'exercice de sa profession, n'en devra pas moins recevoir application, lorsqu'il est constaté que, concrètement le salarié s'est réinstallé immédiatement à son compte dans un lieu proche de celui où il travaillait et a eu une activité concurrentielle effective au détriment de son ancien employeur ou est passé directement au service d'une entreprise concurrente. »15(*)

Ainsi une clause de non-rétablissement dans un rayon donné qui pourrait être tenue pour excessive, compte tenu de la nature de l'activité concentrée dans un espace restreint, doit recevoir application dés lors que le salarié a repris une activité concurrente à proximité de l'établissement de l'ancien employeur.

Enfin, une troisième raison limite les cas d'annulation. Seuls les salariés, débiteurs de l'obligation de non concurrence, peuvent utilement solliciter l'annulation de cette clause puisqu'elle est instituée seulement dans son intérêt. La nullité « instituée seulement dans l'intérêt du salarié », a un caractère relatif, seul le salarié peut donc invoquer la nullité d'une clause de non-concurrence portant atteinte à la liberté du travail. Cette clause est nulle en principe et si le salarié obtient l'annulation de la clause, il retrouve sa liberté : sa clause est entièrement anéantie pour l'avenir, dans son intégralité, et ne peut plus produire aucun effet.

Cependant, il y'a lieu de noter que les employeurs ne sont pas recevables à invoquer devant les juges la nullité de la clause de non-concurrence pour échapper aux conséquences pécuniaires de l'interdiction de rétablissement .C'est ainsi que la cour de cassation, dans une décision a estimé que : « le salarié ne s'étant pas prévalu de la nullité éventuelle, instaurée à son seul profit de la clause de non-concurrence, l'employeur n'était pas recevable à le faire dans le but d'échapper aux conséquences pécuniaires de l'interdiction imposée par lui au salarié. »16(*)

En déclarant irrecevable la demande en nullité formée par l'employeur, la jurisprudence tend à détourner l'employeur d'une tentation à laquelle il pourrait succomber et vient s'inscrire parfaitement dans l'évolution contemporaine de la théorie des nullités.

Permettre à l'employeur d'invoquer la nullité de la clause de non-concurrence parce que trop attentatoire à la liberté du travail ouvrirait la possibilité pour l'employeur de stipuler une C.N.C qui ne serait pas conforme aux exigences de la législation relativement aux conditions de validité de ces clauses ou qui ne respecterait les dispositions du droit conventionnel à cet

égard mais qui jouerait cependant un rôle dissuasif au regard d'un éventuel projet d'activité concurrentielle que pourrait envisager le salarié pour l'après-contrat, tout en laissant à l'employeur la faculté d'échapper au paiement de l'indemnité de non-concurrence en demandant et en obtenant l'annulation de la clause de non-concurrence par définition illicite.

Il faut aussi replacer cette jurisprudence française, concernant la sanction des conditions de validité de la clause de non-concurrence accessoire à un contrat de travail et lui donnant quant à sa mise en oeuvre le caractère d'une nullité relative, dans le cadre d'une solution plus générale applicable à l'ensemble de la réglementation du travail au regard de laquelle « la violation des règles établies dans l'intérêt des travailleurs n'est sanctionnée par la nullité que lorsqu'elle nuit aux intérêts de ceux-ci ».17(*)

Enfin, on peut observer que cette jurisprudence française vient illustrer et conforter l'évolution contemporaine de la théorie des nullités. Le fait qu'une convention ait un objet contraire à l'ordre public, ce qui est le cas lorsqu'une clause de non-concurrence détermine une atteinte excessive à la liberté du travail, ne conduit plus nécessairement aujourd'hui à admettre que la sanction encourue soit la nullité absolue. Une distinction est généralement effectuée entre l'ordre public de direction et l'ordre public de protection dont les règles « ne justifient qu'une action en nullité relative dont l'exercice doit être réservé à celle des parties que le législateur a voulu protéger ». Il est donc posé un principe de portée générale  selon lequel «une règle posée dans l'intérêt de l'une des parties ne peut autoriser l'autre à s'en prévaloir pour obtenir l'annulation d'un contrat »18(*).

Établie pour protéger les salariés contre les atteintes à la liberté du travail, la nullité est, comme les autres nullités de protection, une nullité relative. Si un salarié tenu par une obligation de non-concurrence illicite préfère exécuter cette obligation pour percevoir l'indemnité compensatrice (qui dans certains cas est très importante), l'employeur ne peut pas faire échec à la volonté du salarié, dans la mesure, du moins, où il n'a pas renoncé en temps utile et dans les formes convenues au bénéfice de la clause ; il sera condamné à payer l'indemnité compensatrice.

En effet, il s'avère intéressant de préciser que la nullité de la clause de non-concurrence, n'interdit pas à l'ancien employeur de poursuivre son ancien salarié (et/ou l'entreprise qu'il aurait fondée) dés lors qu'il démontre que ce dernier s'est livré à des actes de concurrence déloyale à son égard.

Lorsque la clause de non-concurrence est annulée pour cause d'irrégularité, cette annulation est susceptible de produire un certain nombre d'effet tant à l'égard du salarié mais aussi tant à l'égard de l'employeur. Autrement dit, l'annulation d'une clause de non-concurrence pour non respect des conditions de validité n'est pas sans effet sur la situation des parties au contrat. (B)

B : les effets de l'annulation des clauses irrégulières

L'annulation d'une clause de non-concurrence pour non respect des conditions de validité n'est pas sans conséquence sur la situation des parties au contrat. En d'autres termes, une telle annulation produit des effets tant à l'égard du salarié qu'à l'égard de l'employeur. Il convient de ce fait de rappeler que seul le salarié est admis à demander la nullité de la clause de non-concurrence dans la mesure où il s'agit d'une nullité de protection c'est-à-dire une nullité relative.

Dans l'hypothèse où le salarié décide de solliciter l'annulation de la clause de non- concurrence irrégulière, la décision d'annulation, dans les cas où elle intervient, entraine-t-elle la disparition rétroactive de l'obligation de non-concurrence et de verser au salarié une indemnité compensatrice si celle-ci est prévue par le contrat de travail ou par la convention collective ? A cette question posée, la cour d'appel d'AIX-en Provence dans un arrêt rendu le 10 mai 1989 avait répondu à la question posée de manière claire et sans ambigüité.

En l'espèce, un salarié poursuivi pour violation d'une C.N.C assortie d'une indemnité de non-concurrence, forma une demande reconventionnelle en nullité de cette clause pour défaut de limitation dans l'espace. Ayant obtenu gain de cause, le salarié, invoquant la jurisprudence rapportée ci-dessus et selon laquelle seul le salarié peut agir en nullité en la circonstance, prétendait en outre que l'employeur, n'étant pas recevable à se prévaloir de la nullité de la clause de non-concurrence, ne pouvait obtenir la restitution du versement de la première tranche de l'indemnité de non-concurrence qui avait été déjà effectué, ni être libéré de l'obligation de verser la deuxième tranche de cette indemnité.

La cour d'appel a refusé de suivre cette argumentation en jugeant que « dans la mesure où le salarié a revendiqué avec succès la nullité de la clause de non-concurrence, ladite nullité doit être appliquée dans toutes ses conséquences, et les choses doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant la constatation de ladite nullité »19(*) et qu'en conséquence, il devait être procédé à la restitution de la fraction de l'indemnité compensatrice déjà perçue et il ne pouvait être prétendu au paiement de la deuxième tranche. Le salarié avait été, pour ce motif condamné à rembourser à l'employeur la partie de l'indemnité compensatrice qu'il avait déjà perçue.

Une jurisprudence récente de la chambre sociale, sur la même question avait retenu la solution opposée ; elle considère que « la clause de non-concurrence s'est effectivement appliquée avant que la nullité n'en soit judiciairement constatée et elle en déduit que l'employeur n'était pas fondé à solliciter la restitution des sommes versées au titre de la contrepartie financière de l'obligation qui avait été respectée »20(*)

Il convient donc, d'un point de vue pratique, de distinguer deux situations :

ü dans un premier cas, le salarié n'a pas tenu compte d'une clause de non-concurrence dont les conditions de validité n'étaient pas réunies :

si les juges, dans cette hypothèse, décident de prononcer non pas une simple révision de la clause mais la nullité de celle-ci, le salarié ne sera pas condamné pour violation de l'obligation de non-concurrence, mais il ne pourra pas conserver l'indemnité compensatrice qui lui aurait éventuellement été versée avant la décision d'annulation et dans un arrêt rendu, la cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir refusé d'ordonner la restitution de la contrepartie financière, au motif que l'employeur n'avait pas démontré que le salarié avait violé la clause litigieuse pendant les deux années durant lesquelles elle s'était effectivement appliquée. Si l'employeur avait rapporté la preuve de la violation de l'obligation de non concurrence par le salarié, il aurait au contraire obtenu le remboursement des sommes versées au titre de la contrepartie financière.

ü dans le second cas, le salarié a respecté l'obligation de non concurrence tant que celle-ci n'a pas été annulée :

Il peut alors conserver les sommes qui ont été payées par l'employeur en exécution de la clause de non-concurrence avant la décision d'annulation. L'annulation n'a pas dans cette hypothèse un effet rétroactif.

Cependant, il y a lieu de souligner que lorsqu'un employeur impose à un salarié une clause de non-concurrence qui ne remplit pas les conditions nécessaires à sa validité en interdisant à son débiteur de continuer à exercer son activité professionnelle, la jurisprudence, indépendamment d'une éventuelle annulation, considère parfois que le salarié peut obtenir réparation du préjudice que lui cause la clause de non-concurrence illicite.

En ce sens, la C.cass a approuvé des juges du fond qui, sans avoir à se prononcer sur la nullité d'une clause de non-concurrence qui n'était pas demandée par le salarié, avaient estimé que cette clause était illicite et que son application avait causé un préjudice au salarié en lui empêchant de trouver un emploi correspondant à son expérience professionnelle.21(*)

Il a été de même octroyé des dommages-intérêts à un salarié parce que l'application d'une clause de non-concurrence ne lui avait pas permis, en raison de son étendue, de trouver un emploi dans le cadre de sa qualification professionnelle, une telle situation étant génératrice pour lui d'un préjudice dont il était fondé à demander réparation.22(*)

Par ailleurs, la jurisprudence française, face à une clause irrégulière, tranche aujourd'hui en faveur d'une position médiane en prenant en compte la protection de l'intérêt légitime de l'employeur. Elle s'efforce d'éviter de prononcer la nullité d'une clause excessive ne la réduisant à de plus juste limites. Il s'agit donc d'une révision réduction. Autrement dit, nonobstant le fait que les clauses de non-concurrence sont parfois irrégulières, les juges lorsqu'ils sont saisis, dans certains cas, ne prononcent pas la nullité, ils décident simplement de les réviser. (parag2)

Paragraphe2 : la possibilité d'une révision judiciaire d'une clause excessive

Conformément à l'orthodoxie civiliste, la clause de non-concurrence illicite devrait se trouver frappée de nullité, dans son intégralité et, sans pouvoir produire aucun effet. Le travailleur recouvre de ce fait son entière liberté. Particulièrement pour les clauses de non-concurrence, si certaines sont annulées, d'autres, bien qu'excessives et donc annulables, font l'objet d'une révision judiciaire et conservent ainsi leur efficacité dans les limites plus restreintes. Pour qu'il soit ainsi, la jurisprudence dégage deux conditions à savoir une qui est indifférente : la cause de l'irrégularité(A) et une autre condition qui semble nécessaire : la violation de l'obligation de non-concurrence par le salarié (B).

A : La condition indifférente : la cause de l'irrégularité

Etant donné l'absurdité d'une annulation des clauses de non-concurrence irrégulières et son utilisation abusive par certains salariés contrairement à la volonté évidente des parties, s'est progressivement et récemment élaborée une jurisprudence qui témoigne d'une originalité et d'une adéquation dont les mérites n'ont peut être pas été suffisamment soulignés.

C'est ainsi que l'on peut observer le développement, de manière affirmée d'une pratique judiciaire de révision de la clause de non-concurrence accessoire à un contrat de travail ; pratique non seulement approuvée par la cour de cassation française, mais aussi imposée aux juges du fond par la Haute juridiction et par laquelle une obligation de non-concurrence illimitée ou d'une dimension excessive quant à son champ d'application dans le temps, dans l'espace ou relativement aux activités prohibées n'est pas annulée mais déclarée applicable pour sanctionner la concurrence développée par le salarié qui l'avait souscrite.

Cette révision est souvent obligatoire pour les juges du fond dont les décisions d'annulation d'une clause de non-concurrence illicite sont censurées par la cour de cassation. Par exemple, en présence d'une clause de non-concurrence dont le contenu quant aux activités interdites était trop étendu, la cour de cassation française, après avoir relevé que les juges du second degré avaient « annulé intégralement la clause litigieuse au motif que les tribunaux ne pouvaient la modifier pour en réduire l'étendue en substituant à la convention conclue par les parties une disposition qui leur paraitrait plus logique ou plus équitable... » a reproché aux juges du fond leur conception trop orthodoxe de la signification de l'article 1134 du Code civil23(*) qui leur avait interdit de réduire le champ d'application de la clause et a censuré leur

décision en déclarant, après avoir réduit la portée de la clause, « que dans cette mesure qui laissait (à l'ancien salarié) une possibilité de travail dans sa propre spécialité, la clause litigieuse avait été légitimement convenue »24(*)

De façon fort contestable, la cour de cassation admet que les juges au lieu d'annuler la clause illicite, procède à sa révision et lui donne un effet limité qui la valide partiellement ; ce qui n'entre en aucune manière dans la fonction du juge car aux termes de l'article 97 du Cocc «  le contrat ne peut être révisé ou résilié que du consentement mutuel des parties ou pour les causes prévues par la loi ». Ce pouvoir de révision est très largement reconnu aux juges du fond. Il peut être utilisé quelle que soit la cause de l'irrégularité de la clause. La révision a alors été imposée au salarié aussi bien dans des cas où la durée de l'obligation de non-concurrence était excessive, ou le champ géographique de l'interdiction était trop vaste que dans ceux où l'étendue des activités professionnelle prohibées empêchait le salarié d'exercer son activité propre.

Il est possible de douter de l'intérêt qu'il y a à maintenir, même partiellement, une clause de non-concurrence par essence attentatoire à la liberté du travail alors que l'application du droit commun des contrats, principal fondement avancé par la jurisprudence pour justifier le principe de la validité de la clause de non-concurrence en droit du travail, conduirait à l'annuler et permettrait ainsi à l'ancien salarié de jouir d'une totale liberté de concurrence, la règle étant qu'aucune obligation de non-concurrence ne survit de plein droit à l'expiration du contrat de travail. En outre il faut bien admettre que la révision de la clause de non-concurrence ne préserve que les intérêts de l'employeur, jamais ceux du salarié et que les premiers ne sont pas toujours légitimes.

La cause de l'irrégularité, dans ces circonstances est indifférente. La révision d'une clause de non-concurrence illicite va dans l'intérêt de l'employeur dans la mesure où celle-ci la valide partiellement. Il s'ensuit que les juges au lieu de tirer les conséquences normales et habituelles de la violation des règles de validité d'une obligation, révisent souvent la clause contractuelle, en en limitant la portée si elle est excessive, soit au regard des dispositions de la convention collective applicable, soit au regard des conditions dégagées par le législateur lui-même. Cette solution jurisprudentielle est retenue pour toutes les clauses qui portent une atteinte excessive à la liberté du travail lorsque le salarié fait concurrence à son ancien employeur dans des conditions qui auraient pu valablement lui être interdites.

La distinction entre l'annulation et la révision ne se fait pas à partir de ce qui rend excessive l'atteinte à la liberté du travail. Les jugent se reconnaissent le pouvoir de réviser la clause de non-concurrence que son caractère excessif résulte d'un champ d'application trop étendu ou d'une durée beaucoup plus longue.

La distinction ne se fait pas non plus selon que le caractère excessif résulte d'une violation des règles posées par le législateur ou par la convention collective applicable (pour un exemple de révision dans un cas où l'obligation a un caractère excessif parce qu'elle ne respecte pas les limitations posées par la convention collective,25(*) : le contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence d'une durée de six années alors que la convention collective applicable en l'espèce, subordonnait la validité de l'interdiction contractuelle à une durée maximale de deux ans ; le salarié étant entré au service d'une entreprise concurrente dés l'expiration du préavis, les juges du fond décident à bon droit « que dans cette mesure au moins, la clause de non-concurrence est licite ».

La cause de l'irrégularité est indifférente dans la prise en compte de la révision d'une clause de non-concurrence irrégulière. Ce constat ne doit pas nous laisser perdre de vue qu'il existe une autre condition nécessaire qui implique que la clause de non-concurrence irrégulière soit violée par le salarié avant même la constatation judiciaire d'une telle irrégularité. (B)

B : La condition nécessaire : la violation par le salarié de l'obligation de non-concurrence

La révision d'une clause irrégulière est cependant subordonnée au comportement du débiteur de l'obligation de non-concurrence. Si celui-ci respecte l'obligation de non concurrence bien qu'elle soit illicite, et demande aux juges d'en prononcer la nullité, la juridiction saisie prononcera la nullité. En revanche, si au lieu de demander en justice l'annulation de la clause illicite, le salarié la viole, les juges peuvent réviser la clause contractuelle et la rendre licite en en limitant la portée. En d'autres termes, la violation par le salarié de l'obligation de non-concurrence est une condition nécessaire du pouvoir de révision du juge.

De ce fait, le plus souvent, les jugent utilisent la technique de révision pour condamner le salarié qui a violé l'obligation de non concurrence peu de temps après l'expiration de son contrat de travail et dans des lieux proches de celui où l'ancien employeur exerce son activité. Si cette violation intervient plusieurs années après l'expiration du contrat de travail, les jugent refuseront éventuellement de réviser la clause contractuelle et déclareront celle-ci illicite.

Mais la technique de la révision peut être utilisée pour débouter un ancien employeur qui invoquerait la violation d'une clause de non-concurrence qui avait un champ d'application très étendu (l'ensemble du territoire national) ; les jugent du fond peuvent décider qu'il ya lieu de réduire le champ d'application géographique de la clause aux seuls départements dans lesquels le salarié avait exercé ses fonctions et de débouter l'ancien employeur de sa demande. 26(*)

Aussi, la cour de cassation, dans une décision du 18 septembre 2002 avait-elle décidé que « le juge, en présence d'une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail, même indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, peut lorsque cette clause ne permet pas au salarié d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle, en restreindre l'application en en limitant les effets dans le temps, l'espace ou ses autres modalités ».27(*) Ce faisant, le juge procède à une véritable réfaction de la clause. Le juge ne parait pas, en revanche, se reconnaitre le pouvoir de compléter une clause légitime mais dépourvue d'une des autres conditions exigées par le législateur ou la convention collective applicable à la matière.

A cet effet, une analyse de la jurisprudence permet d'observer donc que la clause de non-concurrence annulable est validée dans les cas où il est constaté que l'ancien salarié qui l'avait souscrite s'était livré à une activité en concurrence directe avec celle de son ancien employeur. Ainsi, il a été jugé que «  la clause excessive devait recevoir application dans la mesure où il était constaté que l'intéressé était venu concurrencer son ancien employeur en s'installant à son compte dans le même secteur que celui-ci, quelques mois seulement après la rupture » 28(*)

Plus encore, la pratique de la révision judiciaire de la clause de non-concurrence en droit du travail est révélatrice d'une conception réductrice de la liberté de principe reconnue au salarié de concurrencer son ancien employeur à l'issue du contrat de travail. L'analyse de la Jurisprudence française permet, en effet, d'observer, comme on vient de le faire, que la clause de non-concurrence annulable est validée essentiellement parce qu'il est constaté que l'ancien salarié s'était livré à une activité concurrente de celle de son ancien employeur et que la révision apparait ainsi comme la sanction d'un tel comportement, ce qui est tout à fait critiquable.

Sur le plan logique, la critique tient à ce que cela revient à déterminer la validité d'une convention non au moment de sa conclusion mais à celui de son inexécution.

Critique ensuite en ce sens que la clause de non-concurrence étant par hypothèse illicite parce qu'excessive, elle ne devrait produire aucun effet.

L'attitude du salarié, la concurrence qu'il exerce contre son ancien employeur devrait donc être appréciée, non pas développée comme dans le cadre d'une interdiction de concurrence mais, au contraire, dans celui du principe selon lequel un ancien salarié, à défaut de clause de non-concurrence valable, dispose d'une entière liberté de concurrence. Autrement dit, la seule sanction possible devrait être une condamnation pour concurrence déloyale de la part de l'ancien salarié, ce qui n'a jamais été avancé, aucune faute n'étant relevée dans les espèces jugées. Or, l'attitude de la jurisprudence contredit cette analyse. La cour de cassation réagit comme si, en définitive, elle considérait que l'ancien salarié se trouve de plein droit tenu d'une obligation de non-concurrence envers son ancien employeur, la clause n'étant là que pour aménager le contenu de cette obligation.

Le sentiment véritable de la jurisprudence serait donc que l'ancien salarié ne doit pas user effectivement de la liberté de concurrence qui lui est reconnue en principe après la cessation du contrat de travail, qu'il est tenu en quelque sorte de respecter une obligation implicite de réserve dans l'activité concurrentielle qu'il déploie à l'encontre de son ancien employeur. Ceci est grave pour la liberté du travail et la liberté d'établissement et réduit singulièrement la portée de l'affirmation selon laquelle, à l'issue du contrat de travail, le salarié recouvre une pleine et entière liberté de concurrence.

Il convient donc de préciser, que la révision d'une clause de non-concurrence irrégulière ne peut concerner qu'un point sans grande importance ou d'ordre technique ; elle ne doit pas nécessiter l'adjonction des termes ou la modification même des termes de la clause existante.

La clause de non-concurrence ayant remplie les conditions de validité prévues par le code du travail, pose un autre problème qui est relatif à sa mise en oeuvre par les parties au contrat de travail (CHAPITRE2).

CHAPITRE2: La mise en oeuvre de la clause de non-concurrence

L'application de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat individuel de travail suppose que ni sa validité, ni son efficacité ne soient contestées avec succès. Une clause d'interdiction de concurrence qui respecte les conditions légales de validité doit dés lors recevoir application par les parties contractantes.

La mise en oeuvre d'une clause de non-concurrence licite peut entrainer un différend entre le salarié et son employeur, ainsi il s'avère nécessaire de s'interroger d'une part sur la portée de la clause (section1) et d'autre part sur les sanctions prévues en cas de violation d'une telle clause (section2).

Section1: la portée de l'obligation de non-concurrence

La portée de l'obligation de non-concurrence insérée dans un contrat de travail peut être appréciée selon qu'on est en cours d'exécution du contrat de travail ou à l'expiration de celui-ci. Pendant toute la durée du contrat de travail, le salarié est soumis à une obligation générale de non-concurrence (parag1). Une telle obligation cesse de produire ses effets à l'expiration du contrat. Autrement dit, à la fin du contrat de travail le salarié peut, sous réserve d'exception, concurrencer son ancien employeur (parag2).

Paragraphe1 :Une obligation générale de non-concurrence pendant la durée du contrat de travail

Pendant la durée du contrat de travail, le salarié est tenu envers son employeur par une obligation générale de non-concurrence. Il lui est donc interdit d'exercer une activité qui pourrait concurrencer son employeur. Il s'agit en effet, d'une interdiction de concurrence par obligation d'exclusivité(A). Dans certains cas, cette interdiction de concurrence est assortie d'aménagements (B).

A : Une interdiction de concurrence par obligation d'exclusivité

Lorsque la clause de non-concurrence est licite, elle entraine toujours l'obligation pour le salarié de ne pas concurrencer son employeur pendant un certain temps, c'est-à-dire pendant toute la durée du contrat de travail. L'employeur, créancier de l'obligation de non-concurrence, est en droit d'attendre du salarié, débiteur de non-concurrence, qu'il respecte l'engagement qu'il a pris de ne pas exercer d'activité concurrentielle selon des modalités et des limites qui ont été précisées, et le salarié est en droit d'attendre de l'employeur qu'il respecte ses propres engagements.

La clause d'interdiction de concurrence tire sa force obligatoire du principe selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

En effet, l'obligation de non-concurrence qui résulte d'une clause ne se confond pas avec l'obligation générale de non-concurrence que doit respecter le salarié durant toute l'exécution du contrat de travail. Mais en droit du travail sénégalais, ces deux notions semblent avoir le même sens. Il en résulte que :

ü même en l'absence de clause expresse, le salarié est tenu par une obligation de non-concurrence vis-à-vis de son employeur jusqu'à l'expiration de son contrat de travail,

ü le simple fait de rappeler dans le contrat de travail l'obligation qui pèse sur tout salarié de ne pas concurrencer l'employeur pendant toute la durée du contrat ne permet pas d'en déduire l'existence d'une clause de non-concurrence.

A cet égard, aux termes de l'article L.35 al 1 du c.trav « le travailleur doit toute son activité professionnelle à l'entreprise, sauf dérogation stipulée au contrat». Ainsi, le salarié lorsqu'il est sous l'autorité de l'employeur, il a comme obligation de « consacrer son temps de manière constante et exclusive » à l'activité pour laquelle il est rétribué.

Le salarié doit donc exécuter consciencieusement et loyalement la prestation de travail, ce qui postule qu'il ne peut concurrencer son employeur. Il va s'en dire que la principale obligation du salarié est naturellement celle de fournir la prestation de travail prévu par le contrat. Toutefois, parce que le contrat de travail « doit être exécuté de bonne foi », parce que, en outre, il oblige « non seulement à ce qui y est exprimé, mais aussi à toutes les suites que l'usage, l'équité ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature », il faut donc admettre l'existence d'obligations accessoires, dont la portée varie considérablement selon les fonctions exercées et la place occupée dans l'entreprise.

L'obligation de bonne foi et de loyauté que le salarié contracte à l'égard de l'employeur en concluant un contrat de travail a pour corollaire l'obligation de non-concurrence en cours de contrat. Cette obligation de loyauté peut entrer en conflit avec la liberté d'expression. L'article 17 de la convention collective interprofessionnelle dispose qu'«il est interdit également au travailleur de divulguer les renseignements acquis au service de l'employeur ». Il pèse alors sur le salarié une obligation de discrétion et de réserve. A cet égard, indépendamment du secret professionnel stricto sensu, le salarié est tenu, sanctions pénales à l'appui, au respect des « secrets de fabriques ». En outre, il ne doit pas divulguer hors de l'entreprise des informations présentant un caractère confidentiel dont il a eu connaissance en raison de ses fonctions.  

On pourrait penser que la loyauté, la discrétion et la bonne foi contractuelles servent d'étalon de mesure de l'expression portant sur l'entreprise. Tel n'est plus en règle générale, l'analyse retenue par la C.cass française : « l'abus de droit est la seule limite apportée à la liberté d'expression des salariés en dehors de l'entreprise ». De manière générale, il est désormais affirmé que « sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression ».

Il est parfois prévu dans le contrat une clause d'exclusivité. Il ne faut pas en exagérer la portée. On peut dire qu'elle est le pendant de la clause de non-concurrence, mais en cours de contrat. Le salarié s'engage à une totale disponibilité professionnelle à l'égard de l'entreprise. Pour autant, pendant toute la durée de son contrat de travail et sauf disposition contraire entre les parties, le salarié ne peut effectuer en dehors des travaux qui lui sont confiés, aucun travail rémunéré de même nature susceptible de faire directement concurrence à l'entreprise. Le législateur sénégalais, par le biais de l'alinéa 2 de l'art L.35 s'est prononcé dans ce sens en estimant qu' « il est loisible, sauf convention contraire, d'exercer, en dehors de son temps de travail, toute activité à caractère professionnelle non susceptible de concurrencer l'entreprise ou de nuire à la bonne exécution des services convenues ».

Pendant l'exécution du contrat de travail, mais en dehors de son temps de travail, le travailleur peut, sous réserve de ne pas enfreindre les règles du cumul d'emplois, exercer une autre activité professionnelle non susceptible de concurrencer l'entreprise ou de nuire à la bonne exécution des services convenus. Mais il peut s'interdire cette faculté par une convention contraire expresse, passée entre lui et son employeur. Ainsi, le salarié est libre en dehors de son temps de travail d'exercer une autre activité professionnelle. Un salarié à temps partiel est donc libre de conclure un autre contrat, pour le compte d'un nouvel employeur, sous réserve de ne pas dépasser la durée maximale du travail. Par ailleurs, l'exclusivité pendant ou en dehors des heures est limitée dans le sens de l'autorisation par l'employeur et dans le sens de l'interdiction d'exercer d'autres activités en dehors du temps de travail.

En l'absence de disposition particulière, le salarié n'est pas tenu de consacrer à l'exécution du contrat l'intégralité de son activité professionnelle. Aucun principe de portée générale ne s'oppose, en droit du travail, au cumul d'emplois si ceux-ci sont pratiquement compatibles et n'impliquent pas un dépassement de la durée maximale du travail.

On doit donc admettre que le salarié est débiteur envers son entreprise d'une obligation de non-concurrence de plein droit qui lui interdit de développer toute activité en concurrence avec celle de son employeur ; solution retenue par le législateur sénégalais.

Ni la jurisprudence, ni la doctrine n'identifie cependant avec précision le fondement de cette obligation de non-concurrence de plein droit. Elle serait contenue dans d'autres obligations plus larges qui bien que non écrites, participeraient de la règlementation légale du contrat de travail et seraient inhérentes à la nature même de ce contrat. Depuis quelques années, et cela est particulièrement vrai pour la motivation des décisions des tribunaux ; l'obligation qui astreint le salarié est analysée comme découlant d'une « obligation de fidélité » qui pèserait sur ce dernier et dont l'expression même a été empruntée à différent droits étranger notamment au droit italien (obligo di fidelta). Il s'agirait d'une obligation de bonne foi particulière qui comprendrait non seulement une obligation de non-concurrence mais aussi une obligation de loyauté et une obligation de discrétion. L'exécution d'un contrat de travail emporte donc une obligation de fidélité qui est équivalente à une obligation tacite de non-concurrence.

Une jurisprudence constante avait estimé en effet qu'un « employé ne peut, sans manquer aux obligations résultant de son contrat de travail, exercer une activité concurrente de celle de son employeur pendant la durée du contrat de travail »29(*) ou encore, « que le salarié, tenu envers l'entreprise qui l'emploi d'un devoir général de fidélité, ne peut, pendant la durée du contrat de travail, exercer une activité concurrente de celle de l'entreprise ».30(*)

Bien que ne nécessitant pas une stipulation particulière des parties, l'obligation de non-concurrence du salarié pendant la durée du contrat de travail est parfois expressément visée par une clause de non-concurrence contenue dans le contrat. Ainsi, il peut être prévu que le salarié « est tenu à l'égard de la société, par une obligation de fidélité, pendant toute la durée du contrat qui lui interdit de s'intéresser, directement ou de collaborer sous quelque forme que ce soit à une telle entreprise ».

Ces clauses peuvent se révéler utiles, selon la profession considérée et la vivacité de la concurrence dans un secteur d'activité déterminé, pour préciser, aménager voire compléter l'obligation de non-concurrence de plein droit qui pèse sur le salarié. Elles présentent l'avantage, en outre, d'assurer l'information du salarié puisqu'en signant le contrat de travail, il prendra alors connaissance de l'existence et du contenu exact de l'obligation à laquelle il est astreint.

Au demeurant, l'obligation de non-concurrence de plein droit qui pèse sur le salarié pendant la durée du contrat lui interdit alors de développer, directement ou indirectement tout acte de concurrence à l'encontre de son employeur que ce soit en exerçant une activité similaire pour son compte ou à travers une société concurrente ou encore au profit d'une entreprise concurrente.

La jurisprudence sanctionne régulièrement la violation de cette obligation qui justifie le licenciement soit en considérant qu'elle constitue une faute qui engage la responsabilité et le contraint à réparer le dommage concurrentiel subi par l'employeur, soit en estimant qu'il s'agit d'une faute grave privative des indemnités de rupture ; soit enfin qu'il ya là pour le moins une faute sérieuse qui constitue une cause réelle et sérieuse de nature à justifier le licenciement.

La violation de l'obligation de non-concurrence par le salarié constitue de toute évidence la violation d'une obligation contractuelle puisque le contrat de travail lui interdit toute concurrence envers son employeur, même celle qui serait développée par des moyens normaux.

Toutefois, la détermination du contenu de l'obligation de non-concurrence et de sa période d'application suscite un contentieux abondant.

S'agissant de la détermination du contenu de l'interdiction de concurrence, l'une des difficultés majeures tient à ce que si le salarié est débiteur d'une obligation de non-concurrence pendant le contrat de travail, il recouvre en principe, une pleine et entière liberté de concurrence envers son ancienne entreprise lorsque le contrat de travail a pris fin. Dés lors, le salarié peut-il, dans cette perspective d'une liberté de concurrence retrouvée et alors qu'il est encore dans les liens de son contrat de travail, concevoir et préparer une activité concurrente de celle de son employeur pour le temps qui suivra l'expiration du contrat ?

L'analyse de la jurisprudence permet de constater que pour résoudre cette question les tribunaux s'attachent à discerner dans l'activité développée par un salarié en vue de son activité future, les actes effectifs de concurrence, jugés contraire à l'obligation de non-concurrence, des actes simplement préparatoires de concurrence dont l'accomplissement n'est pas interdit. Autrement dit, il est admis que l'obligation de non-concurrence qui pèse sur le salarié ne fait pas obstacle à ce qu'il prépare une future activité concurrente de celle de son employeur à la condition que cette concurrence ne devienne effective qu'après l' expiration

du contrat de travail, c'est-à-dire à un moment où l'ancien salarié jouit d'une entière liberté de concurrence.

En ce sens, la cour de cassation française a jugé qu'une cour d'appel retient à juste titre qu'après avoir rappelé « que le salarié, tenu envers l'entreprise qui l'emploie d'une obligation générale de non-concurrence, ne peut, pendant la durée du contrat de travail, exercer une activité concurrente de celle de l'entreprise », a indiqué «  que cependant il ne lui est pas interdit de préparer dés alors une telle activité pour la concurrencer soit individuellement, soit au moyen d'une société, après l'expiration du contrat ».31(*)

La solution ainsi dégagée par la jurisprudence est satisfaisante car elle seule permet de sauvegarder les intérêts légitimes du salarié et notamment, comme le relève la cour de cassation, la possibilité pour lui « de se procurer des moyens d'existence après la rupture de son contrat »32(*) tout en protégeant l'employeur contre toute concurrence qui développerait ses effets avant l'expiration du contrat de travail.

Sinon, si la liberté de préparer une activité concurrente de celle de l'employeur n'était pas reconnue au salarié qui, par hypothèse, n'est pas lié par une interdiction de concurrence pour l'après-contrat, cela contraindrait ce dernier soit à n'envisager et préparer qu'une activité de remplacement non concurrente, ce qui lui interdirait souvent de mettre en oeuvre son expérience professionnelle et ainsi le pénaliserait, soit à ne pouvoir préparer une activité concurrente qu'une fois le contrat de travail expiré, ce qui priverait alors le salarié de ressources pendant le temps nécessaire à cette préparation. Etant précisé qu'en pratique il n'est pas envisagé en la circonstance que l'hypothèse où le salarié a le projet d'exercer une activité concurrente dans le cadre d'une entreprise qu'il crée ou déjà existante et à laquelle il participera. Le problème en revanche n'a pas de raison d'être en principe si le salarié désire se réembaucher dans une entreprise concurrente, aucun temps mort n'étant alors à redouter.

Par conséquent, la reconnaissance de la liberté pour les salariés de constituer, pendant qu'ils sont encore dans les liens de leur contrat de travail, une société concurrente de l'entreprise qui les emploie est toujours subordonnée par les tribunaux à l'exigence que cette création ne détermine aucun acte de concurrence tant que le contrat de travail n'est pas arrivé à son terme, la formule la plus souvent employée par la jurisprudence étant : « à la condition de n'exercer pendant la durée de leur contrat, directement ou par l'intermédiaire de la nouvelle société, aucune activité concurrente de celle de leur employeur ».33(*)

Concernant la période d'application de l'obligation de non-concurrence du salarié, celle-ci devrait voir son application coïncider avec celle du contrat et durer tant que le contrat de travail est en vigueur.

Des difficultés peuvent cependant surgir dans la détermination du moment exact de l'expiration du contrat de travail, particulièrement en ce qui concerne l'extrême fin du contrat. Par ailleurs, pendant l'existence du contrat de travail peuvent survenir des périodes durant lesquelles, tout en substituant, le contrat de travail est suspendu et ou peut se poser la question de l'application de l'obligation de non-concurrence qui pèse sur le salarié.

Les problèmes relatifs au respect de l'obligation de non-concurrence du salarié surgissent souvent dans la période qui précède la fin du contrat de travail car une fois le contrat expiré, le salarié recouvre alors une pleine et entière liberté de concurrence. Il s'agit donc d'une période charnière où le risque de concurrence de la part du salarié est particulièrement élevé et ou, en conséquence, il est primordial de savoir si l'obligation de non-concurrence subsiste.

Cette question doit être examinée en distinguant selon que l'employeur a ou non dispensé le salarié d'exécuter la prestation de travail pendant la durée du préavis.

En effet, pendant le préavis de rupture, qu'il s'agisse d'un licenciement ou d'une démission, les obligations qui découlent du contrat de travail continuent de produire leurs effets. Il en résulte que l'obligation de non-concurrence de plein droit à laquelle est astreint le salarié développe ses conséquences jusqu'à l'expiration du préavis.

La jurisprudence est en ce sens d'une manière constante et il a jugé que : toute indemnité doit être refusée au salarié qui fait concurrence à son ancien employeur pendant la durée du préavis car «  le contrat de travail subsiste avec toutes les obligations qui en découlent pour l'une et l'autre partie pendant la durée du préavis ».34(*)

Aussi faut-il continuer d'admettre cette solution lorsque l'employeur a dispensé le salarié d'exécuter le travail pendant le délai-congé ? Après des hésitations, la jurisprudence avait appliqué dans cette situation de dispense du travail pendant le préavis la même solution que celle retenue lorsque le préavis est travaillé, c'est-à-dire le maintien du contrat de travail et des obligations qui y sont attachées dont l'obligation de non-concurrence.

Aujourd'hui en droit français le doute n'est plus permis car l'article L.122-8 C.trav pose le principe selon lequel « l'inobservation du délai-congé n'a pas, dans ce cas, pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat prend fin ». L'obligation de non-concurrence qui pèse sur le salarié persiste là encore jusqu'à l'expiration du préavis.

De manière très orthodoxe certains arrêts ont statué en ce sens en jugeant par exemple que manque au respect de l'obligation de non-concurrence le salarié qui, après démission et dispense de l'exécution du préavis, a créé une société concurrençant directement son employeur car « jusqu'à l'expiration du préavis, peu important qu'il ait été dispensé de l'exécuter, le salarié était tenu à l'obligation de non-concurrence envers son employeur ».35(*) Il ya lieu de préciser que cette solution peut être retenue en droit du travail sénégalais, dans la mesure où le salarié est tenu d'observer la clause de non-concurrence instituée dans son contrat en cas de démission.

Pendant toute la durée du contrat de travail, le salarié est alors assujetti à une obligation générale de non-concurrence. Mais cette interdiction n'est pas absolue dans la mesure où elle peut être assortie d'aménagements conformément à la volonté des parties. (B)

B : une interdiction de concurrence assortie d'aménagements

Le salarié est en principe tenu envers son employeur, par une obligation générale de non-concurrence pendant toute la durée de son contrat de travail. Ainsi, il ne lui est pas permis d'exercer une activité qui pourrait directement ou indirectement concurrencer son employeur. En effet sans pour autant remettre en cause les conditions dans lesquelles la clause de non-concurrence a été élaborée, il est possible de la rendre inefficace. Tel est le cas lorsque les parties, par un effet de leur consentement, résilient la clause : ce que le consentement a fait, le consentement peut le défaire ; rien n'interdit aux parties de convenir que telle clause n'est désormais plus nécessaire. Outre cette suppression par accord des parties, il est possible de remettre en cause la clause de non-concurrence sur simple manifestation de volonté de l'employeur. C'est la faculté de renonciation.

S'agissant de la suppression de la clause par accord de volontés des parties, l'hypothèse relève d'une simple application du droit commun des contrats. Elle procède du principe de l'autonomie de la volonté. Les conventions collectives de travail rappellent fréquemment cette faculté : la clause « pourra être introduite, modifiée ou supprimée par avenant en cours de contrat, avec l'accord des parties ». Le seul problème que peut poser cette suppression concerne sa preuve. Le contrat individuel de travail prévoyait expressément une clause de non-concurrence ; sa suppression par accord des parties doit également se réaliser de manière expresse, conformément à la règle du parallélisme des formes. Cette exigence est présente dans les dispositions des conventions collectives prévoyant qu'un avenant au contrat individuel de travail est nécessaire pour que la suppression puisse s'opérer.

Il faut que le contrat de travail traduise l'état des relations de l'employeur et du salarié : une obligation de non-concurrence ne peut exister sans dispositions expresse du contrat de base, ou d'un avenant, et elle ne peut disparaitre qu'en vertu d'une disposition expresse faisant l'objet d'un avenant au contrat individuel.

La clause non-concurrence fait naitre, au profit de l'employeur, le droit d'exiger qu'il respecte son engagement restrictif de concurrence. Or, comme tout titulaire d'une créance, il peut renoncer au bénéfice de ce droit. Cette renonciation à l'obligation de non-concurrence ne présente de difficultés que s'agissant d'une obligation résultant d'une clause insérée dans un contrat de travail affectée d'une modalité particulière, le créancier s'étant engagé à verser une somme en contrepartie de l'engagement restrictif de concurrence.

Le lien existant entre ces deux prestations est tel qu'il est de règle que, en cas de méconnaissance de son engagement, le salarié ne puisse plus prétendre au paiement de l'indemnité prévue.

C'est la raison pour laquelle nombreux sont les employeurs qui, afin de se libérer du paiement de cette somme, invoquent la non-conformité de la clause figurant au contrat individuel afin d'en obtenir l'annulation donnant ainsi à la jurisprudence l'occasion de préciser que seul le salarié peut invoquer la non-conformité de la clause au regard des dispositions de la convention collective applicable.

Si la voie de la nullité n'est pas ouverte à l'employeur qui veut se libérer de cette charge, celle de la renonciation à l'obligation de non-concurrence est utilisable. Or, l'exercice par l'employeur de la faculté de renonciation à l'engagement de non-concurrence souscrit par le salarié, va avoir des répercutions sur l'exigibilité de l'indemnité compensatrice conventionnellement prévue. Cette somme, en effet, n'a plus de raison d'être dés lors qu'aucune interdiction de concurrence ne pèse sur l'ancien salarié, ce dernier ne subissant pas, dans son activité professionnelle, une restriction telle qu'il soit nécessaire de « compenser » une perte de salaire.

Toute renonciation à un droit par le créancier doit être explicite et non équivoque, mais il est admis, s'agissant d'une remise de dette, que cette opération, qui n'est pas formaliste en soi, puisse se réaliser d'une manière tacite.

Ces règles ne sont pas suffisantes ici : la renonciation à l'obligation de non-concurrence ne peut résulter que d'une manifestation formelle de volonté de l'employeur, notifiée au salarié. Le contrat individuel de travail ou la convention collective applicable exigent parfois le respect d'une forme déterminée : un écrit, une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception.

La clause de non-concurrence n'est donc pas une disposition convenue par les parties dans l'intérêt du salarié-débiteur de non-concurrence. Ce sont les intérêts de l'employeur-créancier de non-concurrence qui sont essentiellement pris en compte. La faculté de renoncer à l'application de la clause de non-concurrence appartient donc exclusivement à l'employeur-créancier de non-concurrence. Les parties sont libres, toutefois, de convenir que le salarié devra donner son accord, exigence qui résulte parfois des conventions collectives. Cette hypothèse toutefois est rare et peut soulever quelques difficultés en cas de désaccord.

S'inspirant de la faculté de renonciation, certaines conventions collectives prévoient la possibilité pour l'employeur de décider de la suppression de la clause avant toute cessation du contrat de travail. Il convient, en effet, d'éviter que cette suppression ne constitue l'instrument d'une fraude aux droits du salarié. Ce dernier, a droit à une indemnité compensatrice en cas de renonciation par l'employeur à l'application de la clause de non-concurrence.

Cette suppression est analogue à celle qui résulte de l'accord des parties puisqu'ici les parties ont voulu, d'un commun accord, que cette suppression puisse intervenir unilatéralement.

L'obligation générale de non-concurrence qui pèse sur le salarié pendant toute la durée de son contrat de travail se trouve anéantie à la fin de ce contrat. Ainsi, après l'expiration du contrat de travail, le salarié est libre de concurrencer son ancien employeur sous réserve de quelques exceptions. (parag2)

Paragraphe2 : La liberté de la concurrence à l'expiration du contrat de travail sous réserve d'exception

Après l'expiration du contrat de travail, le salarié se trouve libre pour se mettre au service d'une entreprise concurrente ou pour s'établir à son compte dans une même activité que celle de son employeur et en concurrence avec ce dernier.

C'est la raison pour laquelle le législateur sénégalais a posé comme principe : la nullité de plein droit de toute clause interdisant au salarié l'exercice d'une activité à l'expiration du contrat(A). Au-delà de ce principe, il a été admis la validité exceptionnelle des clauses s'imposant au salarié même au terme de son contrat de travail(B).

A : La nullité de plein droit de toute clause interdisant l'exercice d'activité concurrentielle à l'expiration du contrat de travail

Si le salarié, tant que dure la relation de travail, ne peut concurrencer son employeur puisqu'il lui doit toute son activité professionnelle, il retrouve sa liberté et son indépendance à l'expiration du contrat. Par ricochet, la concurrence exercé par un ancien salarié qui développe pour son propre compte une activité similaire ou qui se met au service d'une entreprise concurrente peut être redoutable pour l'ancien employeur dans la mesure où cet ancien salarié a connaissance des secrets et du savoir-faire de l'entreprise, de son organisation et de ses méthodes de gestion ou encore en raison des relations nouées avec la clientèle.

Pourtant la protection de l'entreprise se situe dans une perspective radicalement différente pour le temps suivant l'expiration du contrat de travail de celle qui existait pendant la durée du contrat.

Le principe est alors, en effet, que le salarié recouvre une pleine et entière liberté de concurrence après l'expiration de son contrat de travail. Ce principe résulte du code du travail sénégalais où le législateur à travers l'article L.35 affirme avec force qu' « est nulle de plein droit toute clause d'un contrat de travail portant interdiction pour le travailleur d'exercer une activité quelconque à l'expiration du contrat... ». Autrement dit, les clauses d'interdiction à l'expiration du contrat sont en principe nulles. Cette nullité de plein droit doit être distinguée de la nullité de droit dans la mesure où s'il y'a nullité de droit, la juridiction compétente est tenue de prononcer la nullité de l'acte dés lors qu'elle est demandée et que l'hypothèse prévue est réalisée ; il ne peut en apprécier l'opportunité. La nullité de droit n'est donc pas une nullité de plein droit qui se produirait sans jugement.

Le fait d'interdire à l'employeur d'insérer dans le contrat de travail du salarié une clause visant à empêcher ce dernier de le concurrencer à la rupture du contrat, amoindrissant ainsi sa liberté de travail, constitue sans nul doute une « disposition plus favorable » au salarié.

La liberté de concurrence de l'ancien salarié à l'expiration du contrat de travail résulte en droit français d'une importante et constante jurisprudence qui estime que « la liberté du travail et de la concurrence implique que le salarié qui retrouve son indépendance à la fin du contrat de travail soit en droit de s'établir à son propre compte ; il peut donc concurrencer librement son ancien employeur dés lors que son comportement n'est pas déloyal... »36(*)

La jurisprudence affirme donc sans équivoque qu'après l'expiration du contrat de travail, la sauvegarde de la liberté du travail et de la liberté de la concurrence doit l'emporter sur la protection des intérêts de l'entreprise. L'employeur ne peut plus rien exiger du salarié. Aucune obligation de non-concurrence de plein droit ne survit à la disparition du contrat de travail et sauf le cas où la rupture du contrat résulte d'une faute lourde de celui-ci.

Par conséquent, l'absence de clause de non-concurrence à l'expiration du contrat de travail ouvrant au salarié la possibilité de se mettre au service d'une entreprise concurrente, l'ancien employeur peut être tenté d'entraver cette liberté soit en essayant d'empêcher cette embauche, soit en incitant le nouvel employeur à rompre le contrat conclu avec l'ancien salarié. Dans ces circonstances, la jurisprudence considère que l'ancien employeur engage sa responsabilité et doit être condamné à réparer le préjudice subi par son ancien salarié. En ce sens il a été jugé qu' « une société a commis une faute à l'encontre de son ancienne salariée en incitant son nouvel employeur à licencier celle-ci alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle ne pouvait se prévaloir d'aucune clause de non-concurrence à l'encontre de son ancienne salariée ni rapportée la preuve de faits soit disant déloyaux invoqués à l'encontre de cette dernière ».37(*)

Il s'avère nécessaire d'apporter une précision relativement au contenu de la liberté de concurrence de l'ancien salarié. Ainsi, après la cessation du contrat de travail, l'ancien salarié recouvre une totale liberté de concurrence envers son ancien employeur. En conséquence, il est loisible à d'anciens salariés de « constituer une société concurrente » de celle de leur ancienne entreprise et il ne rêvait pas un caractère illicite, le fait pour le salarié de constituer une société ayant le même objet social que son ancien employeur, et d'exercer la même activité.

L'ancien employeur même s'il subit un préjudice du fait de l'activité concurrentielle développée par un ancien salarié, ne peut en principe la critiquer car, la liberté économique individuelle a pour corollaire la licéité du dommage concurrentiel : tout préjudice subi par une personne du fait de la concurrence exercée par une autre, ne peut apparaitre que comme le résultat du jeu de la libre concurrence ; il ne saurait donc être fait grief à cette dernière d'avoir su mieux tirer parti de cette liberté. « Le principe de la liberté civile permet à chacun, dans la lutte, de montrer ses talents, la clientèle est à qui sait la prendre ».

Le dommage concurrentiel résultant pour l'ancien employeur de l'activité de son ancien salarié est donc licite en soi. Sans doute le salarié profitera-t-il de l'expérience et des connaissances acquises chez son ancien employeur pour développer sa nouvelle activité. Tant qu'il n'a recours à des procédés déloyaux, la concurrence qu'il exerce à l'encontre de son ancien employeur n'a rien de répréhensible ; ce dernier ne saurait se plaindre du dommage qu'il subit de ce fait.

Cependant, pour étendue qu'elle soit, la liberté de concurrence de l'ancien salarié vis-à-vis de son ancienne entreprise n'est pas sans bornes, elle connait des limites qui résideront dans l'observation d'une faute dans l'exercice de la concurrence. Agissements fautifs qui seront sanctionnés dans le cadre de l'action en concurrence déloyale car si le législateur sénégalais proclame la liberté de concurrence de l'ancien salarié, c'est toujours sous la condition «  de ne pas transgresser les usages loyaux du commerce » ou « de respecter les usages loyaux du commerce ».

Certes, l'employeur est protégé des comportements anormaux et blâmables que l'ancien salarié pourrait être amené à adopter dans l'exercice de cette activité concurrentielle : ainsi tout agissement contraire à la loyauté professionnelle, tel qu'un détournement de fichier clientèle ou un dénigrement, pourrait être sanctionné par le jeu de l'action en concurrence déloyale. On n'a pu s'interroger toutefois sur l'incidence que pourrait avoir la prise en considération de la collaboration passée sur l'appréciation de la déloyauté imputable à l'ancien salarié. Ainsi, pour certains auteurs, le passé ne serait-il pas neutre ; subsisterait, du contrat de travail antérieur, une sorte d'obligation de modération ou de discrétion incitant l'ancien salarié à garder quelque réserve dans l'activité concurrentielle déployée à l'encontre de son ancien employeur. « L'ombre de l'ancien contrat, ou plus exactement de l'appartenance du salarié à l'entreprise s'attache à ses pas ».38(*) Quelques décisions jurisprudentielles ont semblé reprendre cette analyse et apprécier d'une manière large la notion de déloyauté, celle-ci découlant de simples faits concurrentiels et non de l'établissement de procédés déloyaux en eux mêmes. A pu être jugé déloyal le fait, pour d'anciens salariés, de mettre en commun les connaissances acquises chez l'employeur sur les clients, les fournisseurs et les prix, afin de pouvoir proposer des conditions plus avantageuses pour des articles similaires.

Dans le même esprit, la cour de cassation vient de remettre en cause, semble-t-il, la solution auparavant admise selon laquelle le démarchage de la clientèle d'un concurrent, même lorsqu'il est le fait d'un ancien salarié, ne constitue pas en lui-même un acte de concurrence déloyale.39(*) Cela étant, il convient bien de souligner que ce qui peut être critiqué ce n'est pas la concurrence de l'ancien salarié en elle-même (par hypothèse possible et licite) mais les moyens employés pour l'exercice de cette concurrence s'ils sont jugés déloyaux.

Comme le relève avec pertinence certains arrêts, il appartient à l'ancien employeur, pour triompher dans son action en concurrence déloyale, de prouver que les salariés ont commis, après la rupture du contrat de travail, «  non seulement des actes de concurrence, ce qui ne leur était pas interdit, mais des agissements contraires aux usages loyaux du commerce »40(*) ou encore «  que les activités concurrentielles ne peuvent être considérés comme répréhensibles en elles-mêmes, que seuls les moyens utilisés peuvent éventuellement engager la responsabilité de l'ancien salarié et de son nouvel employeur, s'ils sont déloyaux ».41(*) C'est de la concurrence elle même toutefois que l'ancien employeur va souffrir sans que l'ancien salarié ait eu recours à quelque moyen répréhensible pour capter la clientèle.

L'ancienne appartenance du salarié à l'entreprise, la connaissance qu'il a de son organisation, des informations confidentielles et des secrets ainsi que des relations nouées avec la clientèle font de l'ancien salarié un concurrent privilégié dont la déloyauté de la concurrence sera parfois reconnue plus facilement qu'elle le serait à l'égard d'un concurrent ordinaire. Pour autant, cela ne doit pas conduire à ce que la concurrence exercée par d'anciens salariés soit considérée comme déloyale du seul fait de leur ancienne qualité mais il est difficile de faire totalement abstraction de ce que l'ancien salarié n'est pas un concurrent comme un autre. De ce fait, c'est entre ces deux considérations qu'oscille une jurisprudence toute en nuances qui cependant, ces dernières années, évolue dans le sens d'une reconnaissance de plus en plus entière de la liberté de concurrence de l'ancien salarié.

Si la liberté de l'ancien salarié est incontestable, force est de constater, toutefois, qu'une certaine mesure doit être respectée par lui dans l'exercice de son activité concurrentielle par rapport à son ancien employeur. Ainsi le poids des relations passées est tel qu'un comportement qui, de la part d'un autre, passerait pour normal et licite, risque d'être considéré comme déloyal parce que provenant d'une concurrence trop agressive et acharnée de la part d'un ancien collaborateur. Sous cette réserve donc, l'ancien salarié peut librement concurrencer son ancien employeur à la rupture du contrat de travail. Et, faute de pouvoir reprocher au salarié une concurrence déloyale, l'ancien employeur ne peut que supporter les désagréments que la concurrence de ce dernier lui occasionne. A cet effet, à la différence du droit sénégalais, le droit français, donne la possibilité à l'employeur d'éviter une telle situation ; par conséquent, ce dernier peut insérer  dans le contrat de travail une clause interdisant au salarié, après la cessation du contrat, d'exercer une activité concurrente.

La consécration de la nullité de plein droit de toute clause d'un contrat de travail portant interdiction pour le travailleur d'exercer une activité concurrente à l'expiration du contrat, n'est pas sans réserve. (B)

B : La validité exceptionnelle des clauses interdisant l'exercice d'activité concurrentielle

L'obligation de non-concurrence résultant de la clause insérée dans un contrat de travail s'applique-t-elle quelle que soit la cause de la rupture de ce dernier ? Pour éviter toute difficulté, le législateur sénégalais a déterminé avec précision l'étendu de la clause à cet égard.

De surcroit, la clause ne s'impose au travailleur que si la rupture du contrat résulte d'une démission ou d'un licenciement pour faute lourde de sa part. La jurisprudence sénégalaise se montre assez stricte sur ce point et refuse toute efficacité à la clause si le contrat (à durée déterminée) prend fin par la survenance du terme, ou par un licenciement qui n'est pas motivé par une faute.42(*)

Il faut toutefois relever, ici encore, l'incidence des conventions collectives de travail : ce que la négociation individuelle ne peut pas faire, la négociation collective, parfois, le permet. Ainsi certaines conventions collectives, afin de protéger le salarié et lui éviter une interdiction de concurrence que l'intérêt de l'employeur ne justifierait pas pleinement, limitent-elles le jeu de la clause éventuellement insérée dans le contrat individuel aux seuls cas qu'elles prévoient. Ainsi, « une convention restrictive de la liberté du travail après la résiliation du contrat ne pourra être valable qu'à condition d'être limitée au seul cas de démission et de licenciement pour faute lourde ».43(*)

La démission est alors, une manifestation de la volonté d'abandonner une fonction ou un emploi. Un salarié peut à tout moment reprendre sa liberté en mettant fin à un état de subordination estimé désormais par lui insupportable. Il n'a pas à motiver sa décision, la volonté de recouvrer sa pleine liberté d'action étant elle même un motif suffisant. La volonté du salarié, à la supposer non équivoque, ne vaudra pas démission lorsqu'elle n'a pas été émise librement. La jurisprudence requalifie la décision du salarié en licenciement chaque fois que le salarié a été contraint à la démission par le comportement fautif de l'employeur.

Mais, il est rare que soit mise en cause la responsabilité contractuelle du salarié à l'égard de son employeur. Le plus souvent, lorsque le salarié manque à ses obligations contractuelles, l'inexécution ou la mauvaise exécution ne sont envisagées que comme cause réelles et sérieuse justifiant le licenciement : le salarié est licencié, ce licenciement est justifié, l'employeur n'en demande pas davantage.

S'il prétend en outre obtenir des dommages-intérêts, c'est plutôt, d'ailleurs, sur la base de la responsabilité délictuelle, à raison de fautes commises à l'occasion de la rupture du contrat (démissions abusives) ou postérieures à cette rupture.

La responsabilité contractuelle du salarié est, au demeurant, soumise à des conditions particulièrement restrictives : elle suppose que le salarié ait commis une faute lourde. La jurisprudence se réfère explicitement au « principe selon lequel la responsabilité du salarié n'est engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde ». Les fautes susceptibles d'être reprochées au salarié se rangent en diverses catégories en fonction de leur degré de gravité ; la faute lourde se situe certainement au sommet de cette hiérarchie : elle est plus grave que la faute grave.

Le législateur, en posant comme principe la liberté de la concurrence à l'expiration du contrat de travail du salarié n'omet pas de prévoir une exception à la règle. Ainsi, le salarié est tenu d'observer la clause de non-concurrence nonobstant l'expiration de son contrat dans le cas où la rupture lui est imputable ou résulte d'une faute lourde de sa part.

On observe en outre que la validité par la loi des interdictions contractuelles de concurrence intervient uniquement en cas de rupture par démission, ce qui constitue une atteinte à la liberté de démissionner, ou en cas de licenciement pour faute lourde, ce qui fait de la clause, non pas un instrument fondé sur la protection de l'entreprise, mais une sanction supplémentaire imposée au salarié fautif.

Le salarié fautif ou démissionnaire supporte une interdiction de concurrence à l'égard de l'ancien employeur qu'il respecte ou méconnait. L'obligation de non-concurrence doit être respectée par l'ancien salarié de même que tout nouvel employeur.

Cependant, en droit du travail français, même en cas de licenciement pour motif économique, l'ancien salarié est tenu de l'obligation de non-concurrence. Selon une partie de la doctrine «  si le chef d'entreprise a résilié irrégulièrement le contrat à durée indéterminée, cela veut dire que le rapport de travail n'aurait normalement pas dû s'éteindre et que, en conséquence, l'obligation de non-concurrence n'aurait pas dû naitre. Le salarié licencié abusivement ou contraint à démissionner ne peut donc être tenu d'assumer son engagement ». Cette analyse avait été en un premier temps, retenue par la jurisprudence. Mais la cour de cassation devait affirmer, en 1974, un principe nouveau, auquel elle s'est tenue jusqu'à présent : «  si les conditions abusives dans lesquelles (l'employeur) avait mis fin au contrat étaient susceptibles d'entrainer la réparation du préjudice en résultant pour le salarié, elles ne dispensaient pas par elles-mêmes les parties de l'exécution des obligations découlant de leur convention. Dés lors que la clause est conçue en termes généraux, l'obligation de non-concurrence qui en résulte doit s'appliquer après la rupture du contrat de travail, qu'elle qu'en soit la cause et même si elle est entachée d'irrégularité. Lorsque les parties désirent limiter l'application de l'engagement restrictif de concurrence aux seuls cas de démission ou de licenciement pour faute grave, par exemple, elles doivent l'indiquer expressément.

Le « devoir » ainsi mis à la charge du nouvel employeur ne sera invoqué qu'en cas de violation par le salarié de son obligation de non-concurrence : c'est à ce moment-là que l'on pourra en appeler à une méconnaissance par le nouvel employeur de son devoir, afin de sanctionner, le cas échéant, son comportement. C'est donc le problème de la sanction du non-respect de l'obligation de non-concurrence qui est ici posé. (section2)

SECTION2 : sanctions de la violation des clauses de non-concurrence

Un salarié, assujetti à l'obligation de non-concurrence envers son employeur peut voir sa responsabilité mise en oeuvre en cas de non respect d'une telle obligation. Autrement dit, le salarié encoure diverses sanctions du fait de la violation d'une clause de non-concurrence légalement instituée dans son contrat de travail. (parag1) Aussi le débauchage d'un salarié soumis à une obligation de non-concurrence présente-t-il des risques considérables pour le nouvel employeur qui peut voir sa responsabilité engagée envers l'ancien employeur. (Parag 2).

Paragraphe 1 : les sanctions encourues par le salarié

Le salarié, auteur de la violation d'une clause de non-concurrence, insérée dans son contrat de travail peut être condamné au paiement de dommages-intérêts(A) en plus de la perte de son droit à la contrepartie pécuniaire prévue (B).

A : La condamnation du salarié au paiement de dommages-intérêts

D'origine volontaire parce que expressément prévue par une clause de non-concurrence ou d'origine légale parce que comprise comme contenue dans la réglementation légale d'un contrat, l'obligation de non-concurrence est une obligation contractuelle et devrait obéir aux règles qui gouvernent tant les conditions de mise en oeuvre des sanctions d'une obligation contractuelle que les conséquences qui s'attachent à la violation d'une telle obligation.

Créancier d'une obligation de résultat, le créancier de non-concurrence n'a pas à prouver la faute du débiteur de non-concurrence, celle-ci résulte de l'inexécution même de l'obligation de non-concurrence. La prestation due par le débiteur de non-concurrence consiste en une inaction, une abstention. S'il agit dans le domaine qui lui est interdit, il viole alors son obligation de ne pas faire et commet par là une faute.

L'acte de concurrence qui réalise la violation de l'obligation de non-concurrence est celui qui sollicite la clientèle du créancier de non-concurrence. Peu importe que l'action concurrentielle débouche sur la réalisation effective de la vente d'un produit ou de la fourniture d'un service. Autrement dit, ce qui constitue essentiellement la transgression de l'obligation de non-concurrence réside dans le fait pour son débiteur de se mettre en situation de concurrence avec le créancier de non-concurrence dans les limites d'espace et de temps prohibées et cela en exerçant une activité concurrente pour son propre compte ou pour le compte d'autrui.

Si le créancier de non-concurrence n'a pas à démontrer la faute du débiteur de non-concurrence, celle-ci résultant de l'inexécution de l'obligation de non-concurrence, il doit en revanche rapporter la preuve de cette inexécution.

La preuve de la violation de l'obligation de non-concurrence peut se faire par tous les moyens, notamment par témoins puisqu'il s'agit d'un fait juridique et cela même si ce fait consiste dans la conclusion d'un acte juridique, d'un contrat de travail par exemple.

Ainsi, les conventions collectives qui prévoient une obligation de non concurrence, généralement assortie d'une contrepartie pécuniaire, envisagent fréquemment les conséquences d'une inexécution par l'une ou l'autre partie. En effet, une lecture des dispositions de l'article 17 de la convention collective interprofessionnelle ainsi que celles de l'article L-35 du code du travail sénégalais, régissant l'existence des clauses de non- concurrence dans les contrats de travail, ne permet pas de déceler de manière précise les sanctions que peut risquer un salarié, auteur de la violation d'une obligation de non- concurrence licite. Il n'en demeure pas moins qu'une telle violation est sanctionnée par le juge sénégalais.

Par ailleurs, le salarié qui viole l'obligation de non-concurrence s'expose donc à diverses sanctions. Le salarié responsable d'une telle violation peut par ailleurs être condamné à réparer le préjudice subi par son ancien employeur et se voir interdire par le juge, éventuellement sous astreinte, et même en référé de poursuivre son activité ou même ordonner la fermeture de l'entreprise ouverte en violation de la clause. Très souvent, l'employeur se garantie contre le non-respect de la clause de non-concurrence par le travailleur au moyen d'une clause pénale l'assurant d'une indemnité forfaitaire.

La cour d'appel, dans une de ces décisions, a estimé que le non respect de la clause de non- concurrence par le salarié l'expose au paiement de dommages-intérêts pour la réparation du préjudice effectivement subi par l'employeur. Elle a donc considéré que : « la condamnation du travailleur à payer à l'employeur un franc symbolique pour la réparation du préjudice effectivement subi n'est pas justifiée si le préjudice est réel et important »44(*)

Le droit du travail considère la violation d'une clause de non-concurrence par le salarié pendant la durée de son contrat de travail comme étant un motif de licenciement pour faute lourde. Il y'a lieu de rappeler qu'en droit du travail sénégalais, la clause de non- concurrence ne s'impose au travailleur que si la rupture du contrat de travail résulte d'une démission ou d'un licenciement pour faute lourde de sa part. Dans ces conditions, le salarié est alors tenu d'observer l'obligation de non-concurrence et en cas de manquement à cette obligation, l'employeur est en droit de lui réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé. L'employeur, victime d'un tel préjudice, peut demander en justice d'une part, l'exécution en nature de son obligation et d'autre part, une exécution par équivalent c'est-à-dire la condamnation du débiteur de l'obligation de non-concurrence à lui verser des dommages-intérêts. En outre, il peut aussi se prévaloir de l'exception d'inexécution ou demander la résolution ou la résiliation pure et simple du contrat de travail.

Dans certains contrats lorsque le débiteur de non-concurrence ne respecte pas son engagement, le créancier de non-concurrence peut mettre en oeuvre la faculté reconnue au créancier d'une obligation inexécutée qui lui permet de suspendre l'exécution de ses propres obligations à laquelle prétendrait son cocontractant. En ce sens, il a été jugé que l'exploitation par le vendeur d'un fonds de commerce dans les conditions prohibées par une clause de non-concurrence permet à l'acquéreur de suspendre le paiement du prix sans s'exposer pour autant à une action en résolution de la part du vendeur.45(*)

Aussi, en application du droit commun des contrats, le créancier d'une obligation de non-concurrence inexécutée peut, dans certaines hypothèses, poursuivre et obtenir l'anéantissement du contrat dont cette obligation de non-concurrence constitue un élément.

La sanction de la violation de l'obligation de non-concurrence inexécutée peut tout d'abord résider dans la décision unilatérale du créancier de non-concurrence de mettre fin au contrat. La violation de l'obligation de plein droit dont est tenu le salarié pendant la durée du contrat de travail constitue toujours une faute dans laquelle la jurisprudence voit une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Autrement dit, la résolution entrainant l'anéantissement rétroactif du contrat, le juge en la prononçant ne peut, en même temps, ordonner l'exécution d'obligations qui étaient contenues dans le contrat résolu. Comme l'indique l'article 1184 C.civ dans son deuxième alinéa, le créancier de l'obligation inexécutée se voit offrir le choix entre deux possibilités : l'exécution forcée ou la résolution mais l'une est exclusive de l'autre.

On peut pourtant se demander si cette solution doit toujours recevoir application en ce qui concerne la clause de non-concurrence. Ainsi, M.M. Weill et Terré, après avoir indiqué que le contrat résolu est privé d'effet pour l'avenir, remarquent-ils : « certaines clauses du contrat sont toutefois maintenues pour l'avenir, précisément celles qui étaient relatives à la cessation du contrat, par exemple la clause stipulant que l'ouvrier, après la rupture de son contrat, ne pourra se faire embaucher chez un concurrent »46(*)

Concernant l'exécution en nature, malgré la règle posée par l'article 1142 du code civil français selon laquelle  « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur», les juges décident qu'un employeur peut obtenir en justice la condamnation du salarié à cesser immédiatement tout acte de concurrence vis-à-vis de son ancien employeur, éventuellement sous astreinte. Le salarié sera condamné à démissionner de son nouvel emploi.

Soucieux de faire respecter sans délai l'obligation de non-concurrence, l'ancien employeur saisit le plus souvent le juge des référés qui est compétent pour ordonner les mesures conservatoires ou de remises en l'état qui s'imposent (il peut statuer «  même en présence d'une contestation sérieuse ». Selon l'objet de la demande, celui-ci ordonnera au salarié de cesser de travailler pour le compte du nouvel employeur ou à l'employeur de « cesser tout emploi » du salarié.47(*) 

Cependant, ce droit pour l'employeur d'obtenir l'exécution en nature de l'obligation de non-concurrence est reconnu avec une particulière netteté. La cour de cassation décide, en effet, que les juges du fond n'ont pas le choix d'ordonner ou de ne pas ordonner la rupture du contrat de travail qui a été conclu en violation d'une clause de non-concurrence. Lorsque le créancier de l'obligation de non-concurrence formule une telle demande, le juge doit ordonner cette rupture. Il ne peut pas, au motif qu'il condamne le salarié à verser une indemnité à l'employeur en réparation du préjudice causé par la violation de la clause, débouter l'employeur d'une demande d'exécution en nature.48(*)

Cette solution révèle non seulement que le juge du fond est contraint d'ordonner l'exécution en nature de l'obligation de non-concurrence lorsque celle-ci est licite et que l'exécution en nature est demandée par le créancier, mais également que la condamnation à une réparation par équivalent ne fait pas obstacle à une exécution en nature. Le caractère continu de l'obligation de non-concurrence explique ce cumul de sanctions. Il s'ensuit que la réparation par équivalent permet de réparer le préjudice qui a été subi par l'employeur du fait de la violation de la clause, mais cette réparation ne protège pas l'ancien employeur contre les nouveaux actes de concurrence que le salarié peut encore commettre. Seule l'interdiction sous astreinte de continuer l'exercice de l'activité prohibée assure le plein respect de l'engagement souscrit par le salarié.

Le recours à l'exécution forcée en nature suppose, en effet, qu'il s'agisse là du moyen le plus adéquat pour réparer les conséquences préjudiciables résultant de la violation de l'obligation conventionnelle. Il ne s'agit pas d'ordonner une sanction disproportionnée au regard du préjudice subi : ainsi pourrait-on s'interroger sur l'opportunité de la décision de fermeture de l'entreprise concurrente indument créée par l'ancien salarié, alors que cette fermeture priverait d'emploi plusieurs personnes.

Il appartient au juge saisi de l'affaire de décider de l'exécution forcée en nature de l'obligation de non-concurrence. Ainsi, doit-il rejeter toute demande en ce sens dés lors qu'il est établi que le créancier de l'obligation de non-concurrence ne fait valoir aucun intérêt justifiant le prononcé d'une telle mesure. Tel est le cas s'il a cessé son activité professionnelle ; il n'est pas légitime, dans cette hypothèse, d'ordonner au débiteur de cesser l'activité concurrentielle litigieuse.

Par conséquent, le cumul d'une exécution en nature et d'une exécution par équivalent est écarté en droit du travail lorsque la clause de non-concurrence contient une clause pénale en cas de violation par le salarié de son obligation de non-concurrence. Ce n'est là une application de l'article 1229 du code civil aux termes duquel le créancier « ne peut demander en même temps le principal et la peine, à moins qu'elle n'ait été stipulé pour le simple retard ». Pour le professeur Y. Serra, cette conception n'a qu'une portée limitée, car cet article n'est pas un texte d'ordre public. Les parties contractantes peuvent donc tout en insérant une clause pénale dans le contrat de travail, préciser que le versement de l'indemnité forfaitaire convenue n'ôte pas à l'employeur le droit de faire cesser la violation de l'obligation de non concurrence.49(*)

S'agissant de l'exécution par équivalent, pour que le salarié soit condamné à payer des dommages-intérêts à l'employeur, il faut que ce dernier rapporte la preuve du préjudice subi. Par application des règles du droit commun, le montant des dommages et intérêts correspond à l'importance de celui-ci, les juges du fond étant souverain pour apprécier la valeur du préjudice subi par l'employeur. En cas d'action en concurrence déloyale fondée sur un détournement de clientèle, l'ancien salarié pourra être condamné à réparer le manque à gagner de l'ancien employeur.

Ainsi, l'évaluation des juges du fond du préjudice est, dans ces conditions, difficilement prévisible, et les employeurs préfèrent souvent fixer forfaitairement le montant de l'indemnité qui sera due en cas de violation de l'obligation de non-concurrence par le salarié, en insérant dans le contrat de travail une clause pénale. Malgré la force obligatoire du contrat, les juges peuvent modérer la peine qui a été convenue si elle est excessive comme ils peuvent d'ailleurs l'augmenter si elle est manifestement dérisoire.

Dans un arrêt du 13 décembre2000, la cour de cassation a refusé de réduire le montant de la clause pénale.... En l'espèce, la clause pénale prévoyait le versement de 2ans de salaire en cas de violation de la clause. Le salarié avait fait établir par expertise que le préjudice réel était bien inferieur. Peu importe, dit la C.cass, « le montant de la clause pénale n'est pas nécessairement égal à celui de la réparation du préjudice résultant de l'inexécution d'une clause contractuelle »50(*)

Il a été aussi précisé que si la clause de non-concurrence est illicite, l'employeur peut toutefois obtenir réparation du préjudice subi du fait du comportement déloyal de son ancien salarié postérieurement à la rupture des relations contractuelles. A défaut d'une clause pénale, le salarié peut être condamné à des dommages et intérêts au profit de son ancien employeur, dont le montant est laissé à l'appréciation du juge.

Hormis les dommages-intérêts, le salarié fautif verra son droit à l'indemnité de non-concurrence anéanti (B).

B : la suppression du droit à l'indemnité de non-concurrence

L'existence d'une indemnité compensatrice de l'obligation de non-concurrence n'est pas, de façon générale, une condition de validité de la clause de non-concurrence, mais nous avons déjà eu l'occasion de le mentionner, les conventions collectives et les contrats individuels de travail prévoient très souvent l'existence d'une telle indemnité.

Cependant, la violation de la clause de non-concurrence par un salarié entraine donc la suppression de son droit à l'indemnité. Puisqu'il ne respecte pas l'engagement qu'il avait souscrit, il ne peut évidemment pas prétendre à l'indemnité qui a pour but de compenser les inconvénients résultant de la limitation apportée à sa liberté de travailler.51(*)

Ce qui est plus original, c'est que le salarié ne peut plus prétendre au versement d'une indemnité mensuelle de non-concurrence si, après avoir violé son engagement, il cesse de concurrencer son ancien employeur. La violation, même passagère, de l'obligation de non-concurrence fait perdre au salarié l'intégralité de l'indemnité de non-concurrence. Dés lors qu'il s'y soustrait, il perd tout droit à l'indemnité convenue. Peu importe qu'il ait respecté pendant quelques semaines ou quelques mois la clause de non-concurrence : la contrepartie pécuniaire est attachée à un respect total des engagements pris ; leur méconnaissance partielle l'exclut pour le tout. Si l'indemnité de non-concurrence a déjà été versée à l'intéressé, il doit en restituer le montant.

Le créancier de l'engagement de non-concurrence peut également essayer d'en obtenir le respect par le jeu d'astreintes conventionnelles dont le principe et le montant ont été par avance arrêtés dans l'accord initial, ou d'astreintes judiciaires, le cas échéant demandées en référé.

En revanche, si le salarié commence par respecter l'obligation de non-concurrence avant de la violer, il a droit à l'indemnité pour toute la période pendant laquelle il a tenu son engagement. Elle est aussi due en partie si le salarié commence par respecter la clause puis, constatant l'absence totale de paiement de la contrepartie par son ancien employeur, il l'enfreint alors qu'elle court toujours. Pour les juges, l'indemnité de non-concurrence doit être évaluée proportionnellement à la période pendant laquelle le salarié a respecté l'interdiction. Cette position n'est pas nouvelle52(*), mais c'est la première fois qu'elle l'adopte lorsque le non-respect de son obligation par le salarié était consécutif à l'absence de versement de l'indemnité par l'employeur.
Cette solution admet implicitement que l'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence s'acquiert mois par mois pendant toute la durée de la clause53(*). Cette position tient au fait qu'il s'agit d'une obligation issue du contrat de travail, et qui continue de s'appliquer après la rupture de ce dernier. À ce titre, l'indemnité a la nature d'un salaire, et son versement doit s'interrompre dès que le salarié n'exécute plus son obligation. La somme versée par l'employeur vient rémunérer le salarié en contrepartie du respect de la prohibition54(*).

En résumé, le salarié qui manque à son obligation de non-concurrence perd définitivement son droit à indemnité. De surcroit, il peut se voir condamné à rembourser la contrepartie pécuniaire qu'il avait indument perçue sous forme d'une augmentation de salaire durant l'exécution du contrat de travail.

A l'instar du salarié, auteur de la violation d'une obligation de non-concurrence, le nouvel employeur peut voir sa responsabilité engagée dans certains cas. (Parag 2)

Paragraphe 2 : les sanctions encourues par le nouvel employeur

Le contentieux relatif à l'obligation de non-concurrence a fourni de nombreuses occasions aux tribunaux pour élaborer la théorie générale du tiers complice de la violation d'une obligation contractuelle. Le nouvel employeur ayant engagé un salarié tenu par une clause de non-concurrence peut voir sa responsabilité être engagée sur le fondement de la concurrence déloyale (A) et ainsi être condamné en paiement de dommage-intérêts(B).

A : Engagement de la responsabilité du nouvel employeur pour concurrence déloyale

Très souvent, en effet, le débiteur de non-concurrence viole son obligation en contractant avec un tiers, employeur, ou encore en exerçant l'activité prohibée par l'intermédiaire d'un prête-nom ou à travers une société concurrente ou en se réembauchant dans une telle entreprise.

Dans cette hypothèse, une jurisprudence française constante sanctionne le tiers qui se rend ainsi complice de la violation de l'obligation de non-concurrence en le condamnant pour concurrence déloyale et cela en application du principe selon lequel « toute personne qui, en connaissance de cause, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur elle, commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction. »55(*)

La liberté qu'à un employeur de faire des prépositions d'emploi aux salariés appartenant à des entreprises concurrentes trouve cependant des limites dans le cadre des dispositions relatives au débauchage fautif ainsi que dans celui de l'action en concurrence déloyale.

Lorsque la concurrence déloyale est constituée par l'embauchage d'un salarié lié par une clause de non-concurrence, l'ancien employeur peut exercer non seulement une action contractuelle dirigée contre le salarié, pour non respect de ses obligations, mais aussi une action délictuelle cette fois contre le nouvel employeur. Le nouvel employeur peut alors voir sa responsabilité engagée envers le précédent.

Ainsi, aux termes de l'article L 57 C. travail, si un salarié a rompu abusivement son contrat de travail et engage à nouveau ses services, le nouvel employeur est solidairement responsable du dommage causé à l'employeur précédent dans les cas suivants :

ü s'il est démontré qu'il est intervenu dans le débauchage ;

ü s'il a embauché un salarié qu'il savait déjà lié par un contrat de travail ;

ü s'il a continué à occuper un salarié après avoir appris que celui-ci était encore lié par un contrat de travail.

Dans ce cas, la responsabilité du nouvel employeur cesse si, au moment où il a été averti, le contrat de travail abusivement rompu par le salarié était venu à expiration soit, s'il s'agit d'un contrat à durée déterminée par l'arrivée du terme, soit s'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée par l'expiration du délai-congé ou si un délai de 15 jours s'était écoulé depuis la rupture du contrat.

Le nouvel employeur est considéré comme étant complice s'il connaissait l'existence de l'engagement, même s'il ne l'a appris qu'après l'embauche. On peut semble-t-il affirmer aujourd'hui que le moment où le tiers a connaissance de l'obligation de non-concurrence à la violation de laquelle il participe est indifférent, la seule réserve étant cependant qu'il est nécessaire que cette connaissance ait lieu pendant la durée d'application de l'interdiction de concurrence.

La cour de cassation française a même admis la responsabilité de l'employeur qui s'était abstenu de procéder à des vérifications56(*). Toutefois, le nouvel employeur ne commet aucune faute si, dés qu'il a eu connaissance de la clause, il procède à la mise en pied conservatoire du salarié et aménage le contrat de travail de façon à respecter cette clause.

Par conséquent, le salarié qui dissimule sciemment à son nouvel employeur l'existence d'une clause de non-concurrence commet une faute grave ne permettant plus son maintien dans l'entreprise pendant le préavis, en raison notamment des conséquences qu'une telle faute pouvait entrainer pour le nouvel employeur. Une telle faute justifie aussi la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée. Il importe peu que la clause de non-concurrence ait une faible portée pratique. Le législateur sénégalais, à la lumière de l'article L-57 C.trav, sanctionne le débauchage fautif en disposant que «  l'employeur n'est pas autorisé à engager un travailleur encore sous contrat avec un autre.» ce débauchage est formellement interdit en raison de considération d'ordre moral. D'ailleurs, il est réprimé tant sur le plan pénal que civil : « sont passibles d'une amende de 500 mille à 1millon de franc et d'un emprisonnement de trois mois à un an, tout employeur, fondé de pouvoir ou préposé qui aura engagé ou tenter d'engager ou conserver dans son service un travailleur encore lié à un autre employeur par un contrat de travail. » L'interdiction vaut aussi bien pour les apprentis liés à un contrat d'apprentissage que pour les stagiaires en cours de formation professionnelle.

Le délit n'est établi que si le travailleur a rompu abusivement sa relation de travail soit sur instigation de l'employeur, soit en dehors. Dans cette dernière hypothèse, l'employeur n'est incriminable que s'il a embauché le salarié alors qu'il le savait lié encore à un autre employeur ou si après l'avoir appris il continu à l'occuper.

Il ressort des termes de cet article que pour que la responsabilité du second employeur puisse donc être retenue à l'égard du premier, il est nécessaire, d'une part, qu'il y ait rupture abusive du premier contrat par le salarié et, d'autre part, qu'il y ait provoqué la rupture anticipée abusive ou l'ait connue au moment ou postérieurement au débauchage.

Il s'avère nécessaire de préciser que lorsque la violation de la clause est caractérisée, le salarié s'étant fait embaucher au service d'une entreprise concurrente, l'employeur n'a pas à justifier d'un préjudice actuel et certain. Il n'est pas non plus nécessaire pour caractériser la violation de la clause qu'un acte de vente ait été conclu ou que des actes de concurrence soient consommés.

Si la clause de non-concurrence prévoit une interdiction de s'intéresser ou de collaborer directement ou indirectement à une société concurrente, la diversité aurait permis de confier au salarié un travail sans relation avec ses anciennes activités importent peu.57(*)

Il a été aussi jugé qu'un salarié qui s'engage à ne pas reprendre contact avec les clients de son ancien employeur en vue de leur proposer une affaire s'interdit d'entrer en relation de quelque manière que ce soit avec ses clients, même si des clients se sont spontanément présentés à lui pour faire appel à ses services.58(*)

En effet, recruter le personnel d'une entreprise concurrente pour s'approprier son savoir faire et sa clientèle, le principe est admis. Mais il peut être qualifié de concurrence déloyale si l'ancien employeur démontre qu'il a subi un préjudice, a fortiori lorsque le salarié est tenu par une clause de non-concurrence. Ainsi, une entreprise avait envoyé aux salariés d'un concurrent une lettre circulaire dans laquelle elle leur proposait un embauchage et s'engageait implicitement à prendre en charge les frais de procédure résultant des poursuites éventuelles de l'ancien employeur. Pour les juges, il s'agissait d'une incitation déloyale à quitter leur emploi.59(*)

L'action en concurrence déloyale dirigée contre le nouvel employeur qui a embauché un salarié lié par une interdiction de concurrence est recevable nonobstant l'existence d'une action contractuelle de l'ancien employeur contre ce salarié et alors que ces deux actions, l'une délictuelle, et l'autre contractuelle, qui tendent à la réparation d'un préjudice différent, peuvent se cumuler.60(*)

La responsabilité du nouvel employeur dans ce cas est la responsabilité délictuelle du tiers complice de la violation d'une obligation contractuelle.

L'étude de la jurisprudence française sur la question révèle en effet, que les juges recherchent, dans chaque affaire, si le débauchage s'accompagne de circonstances particulières susceptibles de caractériser un acte de concurrence déloyale.

Comme le souligne le professeur Y. Serra, « les tribunaux s'appuient sur diverses considérations telles que la manière dont le débauchage s'est réalisé : sur incitation ou pas du nouvel employeur et, si plusieurs salariés sont concernés, selon que les départs ont eu lieu successivement ou simultanément, l'importance du personnel débauché comparée à l'ensemble du personnel de l'entreprise considérée, la qualification professionnelle de ce même personnel : plus celle-ci est élevée, plus la désorganisation de l'entreprise sera plausible et inversement ; ou enfin, le fait que le débauchage a été effectué afin d'obtenir la connaissance des secrets de l'entreprise délaissée. »

Ainsi, il a été considéré que l'embauchage simultanée de plusieurs salariés d'une même entreprise par une entreprise concurrente pour y remplir les mêmes fonctions et ou après avoir offert des conditions de rémunération plus favorables constitue, indépendamment de toute clause de non-concurrence, un acte de concurrence déloyale. 61(*)

Doit également être condamnée, du fait de ses actes de concurrence déloyale, une société qui avait embauché simultanément la moitié du personnel d'une autre société, soit 7 sur 14, cette société ne pouvait ignorer la complète désorganisation de sa rivale qui devait nécessairement résulter de l'ampleur de ce transfert de salariés.62(*)

En revanche, il a été jugé que n'était pas constitutif d'un acte de concurrence déloyale, le fait pour une société d'avoir embauché plusieurs salariés précédemment au service d'une société concurrente, ces embauchages ayant eu lieu à la suite soit de petites annonces parues dans la presse locale, soit sur l'initiative de salariés qui s'étaient adressés spontanément au nouvel employeur.63(*)

Certaines décisions considèrent qu'il y a manoeuvre de désorganisation de l'entreprise lorsqu'un concurrent offre des conditions de rémunération plus favorables aux salariés de cette entreprise.64(*) Le débauchage peut désorganiser l'entreprise à cause du nombre de salariés concernés ou de leur qualification.

Pour les juges, le démarchage de la clientèle d'un concurrent est punissable dés lors que des moyens déloyaux sont utilisés. C'est notamment le cas de la prospection systématique des clients du concurrent. Il en va de même pour les manoeuvres déloyales qui consistent à se présenter faussement comme envoyé par le concurrent pour faire des propositions aux clients de celui-ci.

Les juges admettent que le départ d'un salarié vers une nouvelle  entreprise peut entrainer un déplacement de clientèle non fautif. Seule condition : qu'aucun procédé déloyal n'ait été utilisé. Une entreprise n'a pas de droit privatif sur ses clients. La manoeuvre de détournement doit être clairement établie. La jurisprudence révèle de ce fait trois catégories de débauchage fautif : le débauchage massif ou systémique de salarié du concurrent, le débauchage concerté révélé par le départ simultané de plusieurs salariés stratégique pour le concurrent, et le débauchage sélectif en vue de détourner le savoir faire du concurrent.

Concernant la mise en oeuvre de la responsabilité du tiers complice, la question s'est posée de savoir si le fait que la clause de non-concurrence à la violation de laquelle il est prétendu qu'un tiers a participé soit litigieuse, fasse l'objet d'une instance en justice relativement à sa validité, constituait une cause d'exonération de la responsabilité du tiers en le constituant de bonne foi.

La jurisprudence a répondu par la négative dans le domaine de la clause de non-concurrence en droit du travail en affirmant que le nouvel employeur qui embauche un salarié ayant souscrit une interdiction de concurrence engage sa responsabilité «  même si la validité de la clause était litigieuse... »65(*)

La solution s'impose sinon la porte serait ouvert à des abus manifestes de la part des intéressés qui introduiraient à dessein une demande en justice en arguant de la nullité de l'engagement de non-concurrence, ce qui conduirait en pratique à priver cette convention d'une partie de son efficacité.

En revanche, la nullité d'une clause de non-concurrence interdit l'engagement de la responsabilité du tiers complice de la violation de cette interdiction. Dans cette perspective il

a été jugé « que la clause de non-concurrence invoquée... étant nulle, cette société ne peut soutenir que le nouvel employeur se serait rendu complice de la violation de cette clause... »66(*). Une autre solution ne se comprendrait pas. La mise en jeu de la responsabilité du tiers suppose en effet que l'obligation de non-concurrence soit licite car on ne voit pas comment un tiers pourrait être condamné en tant que complice de la violation d'une obligation de non-concurrence dont le créancier ne pourrait poursuivre l'exécution à l'encontre du débiteur parce que cette obligation a un caractère illicite. L'établissement de la faute délictuelle du nouvel employeur entraine ipso facto sa condamnation au paiement de dommages-intérêts(B)

B : condamnation in solidum au paiement de dommages-intérêts

Le nouvel employeur qui embauche une personne qu'il savait liée par une clause de non-concurrence engage sa responsabilité délictuelle envers le précédent employeur.

Par ailleurs, le tiers complice auteur d'un débauchage fautif, peut être condamné à verser des dommages-intérêts au profit de l'employeur précédent, dans le cadre d'une action en concurrence déloyale.

Le nouvel employeur, complice de la violation de l'obligation non-concurrence est alors déclaré solidairement responsable avec le débiteur de non-concurrence des conséquences dommageables qui résultent de l'inexécution de l'interdiction de concurrence : condamnation in solidum au paiement des dommages intérêts ou condamnation in solidum au paiement de la clause pénale prévue par les parties à la convention de non-concurrence.67(*)

La constatation que la responsabilité du débiteur de non-concurrence est de nature contractuelle alors que celle du tiers complice relève du domaine de la responsabilité délictuelle ne constituant nullement un obstacle à une condamnation in solidum.

Le créancier de non-concurrence a donc la faculté de poursuivre à la fois, devant des juridictions différentes le plus souvent par le jeu de la compétence, le débiteur de non-concurrence sur le terrain de la responsabilité contractuelle et le nouvel employeur sur celui de la responsabilité délictuelle en condamnation in solidum à la réparation du dommage causé par la violation de l'obligation de non-concurrence, ce qui lui assure une chance d'indemnisation effective plus grande.

Le bénéficiaire de la clause peut également demander au juge des référés d'imposer au nouvel employeur de cesser sous astreinte d'employer le salarié.

Il faut préciser que le législateur sénégalais ,à travers les dispositions nouvelles du code du travail a prévu en effet une formation de référé social, composée du président du tribunal du travail et du greffier qui pourra, d'une part ordonner toutes les mesures qui ne heurtent à aucune contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un danger imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite .

Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé pourra prescrire des astreintes. Désormais il n'est plus nécessaire pour l'ancien employeur désireux d'astreindre le nouvel employeur à cesser d'employer le salarié de recourir au juge civil selon la procédure dessinée par le code de procédure civile.

L'ancien employeur peut enfin attraire le nouvel employeur devant le tribunal du commerce s'il est commerçant ou devant le tribunal du travail s'il ne l'est pas, afin de lui réclamer les dommages intérêts en réparation du préjudice subi.

CONCLUSION

Insérée au contrat de travail ou plus rarement stipulée lors d'un accord ultérieur, la clause de non-concurrence interdit au salarié de se faire embaucher par un concurrent à l'expiration de son contrat. Un tel engagement du salarié doit être exprès et ne saurait se présumer.

Au sortir de ces différentes analyses, il apparait que la clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail constitue un instrument fondé sur la protection de l'entreprise. En effet, pour être valable, la clause de non-concurrence doit avant tout avoir pour but de protéger les intérêts légitimes de l'entreprise. En d'autres termes, il faut que l'entreprise soit susceptible de subir un préjudice réel au cas où le salarié viendrait à exercer son activité professionnelle dans une entreprise concurrente.

Cependant, la manière dont la clause de non-concurrence est encadrée par le droit du travail sénégalais montre qu'il reste encore « du chemin à faire ». Ainsi, par exemple, la prohibition de plein droit de toute clause portant interdiction pour le travailleur d'exercer une activité quelconque à l'expiration de son contrat de travail est susceptible d'entrainer des conséquences néfastes pour l'ancien employeur. Cette disposition signifie que le salarié à l'expiration de son contrat de travail peut, directement ou indirectement, concurrencer son ancien employeur. Psychologiquement, une telle concurrence a des apparences de « trahison » et ce d'autant plus que le salarié tend aujourd'hui à être reconnu comme faisant partie intégrante de l'entreprise de l'employeur.

Ayant pris conscience de ces conséquences, les juges français ont admis la possibilité pour l'employeur de prévoir une clause de non-concurrence interdisant au salarié d'exercer une activité concurrente même après l'expiration du contrat de travail. À coté de la protection des intérêts de l'employeur, le droit du travail français semble être plus protecteur des intérêts du salarié que le droit sénégalais du travail dans la mesure où il est fait obligation à l'employeur de verser au salarié soumis à une clause de non-concurrence une contrepartie financière. La jurisprudence française fait donc de la contrepartie financière une condition de validité de la clause de non-concurrence.68(*) La nouveauté tient donc dans le fait que la clause de non-concurrence qui ne comporte pas de contrepartie financière n'est pas licite. Ceci vaut quelle que soit la date de rédaction de la clause (avant ou après l'arrêt précité).

En revanche, la jurisprudence sénégalaise ne semble pas faire de la contrepartie financière une condition de validité de la clause de non-concurrence.69(*)

En résumé, la clause de non-concurrence est une clause dont il faut se méfier et qui mérite une attention particulière, car elle peut s'avérer contraignante tant pour le salarié que pour l'employeur.

BIBLIOGRAPHIE

TEXTES DE LOI

Loi n°97-17 du 1er décembre 1997 portant code du travail de la République du Sénégal

Loi n°61-34 du 13 juin 1961 (JOS n°3462 du 3juill 1961) portant ancien code du travail de la République du Sénégal

Jurisprudence

Cass civ 26 mars 1928 DP 1928

Trib trav Dakar 3 févr. 1966 Soc.5 janv. 1984 D.1984 I.R, 443

Cass soc18 oct. 1952et cass soc 27fevr 1996

Cass soc 18 sept 2002 N°00-42-904 Gan vie, Recueil Dalloz 2002 JURIS P.3229

Cass soc 1ermars 1995

Trib trav Dakar, 4 janv. 1973, précité, (motifs)

Cass soc, 10 juill 2002, M.MOLINE c/Sté MSAS cargo international

Cass soc 18 oct. 1972, précité

Cass soc, 16 avril 1991, n°88- 40 -557

Soc.12 févr. 1975, Bull.civ. V, n°68, (rendu à propos d'un litige relatif au paiement d'une indemnité de clientèle)

Cass soc, 28 oct. 1997 SA GENERAL ELECTRIC cgr, Dr social 1998.78 obs., G.COUTURIER

Soc. 10 janv. 1985 I.R. 476

Versailles, 11 juill. 1986, D.1987, Somm.268

Soc.4 mars 1970 Bull.civ. V, n°155V.

Cass soc 11 DEC 1990 Bull civ V n°474

Cass soc 25 mars 1998 Dr soc 1998

Cass soc 18 SEPT 2002 D.2002

Soc.16 mai 1972, Bull.civ.v,n°348

Com.8 févr, 1965 B civ III n° 96

Paris 20 sept 1988 D.1989 somm 260

Cour d'appel Paris 20 sept. 1988 D. 1989 somm.260

Soc. 20 févr. 1989. Bull. civ. V, n°84, D.1989

Versailles, 2mars 1989, D.1990 Somm.81

Com.8fevr 1965 Bull.civ. III, n°96

Paris, 7 avr.1986, D.1987, Somm.265

Versailles, 26 juill 1989, D. 1990, Somm. 335 et les obs.

Paris, 23 nov. 1989, D.1990, somm. 335 et les obs.

Paris, 4 nov.1981 : Gaz. Pal.1982, 1, somm.82

Versailles, 9 juin 1986 D.1987 somm.263 et les obs.

Paris, 5 avr 1990 D.1990 somm. 335 et les obs.

Trib trav Dakar, 20 mars 1967 TPOM n°220, p4880,

C.A. 3AVR 1968, Sodack c/Lucas ABreu

C.A 7 mai 1969, TPOM, 1969, N°267 P.5910

Nancy, 20 févr.1959, D. 1959 ,233

Cass soc13 janv.1998 .Dr soc 1998

V. Cass soc 25 OCT 1990 Bull civ V. n°495

Cass soc 24 janv. 1979 D. 1979.619 note Y.SERRA

CASS.SOC 20 fevr1975 D.1976.142 Y.SERRA

Cass soc 13 déc. 2000 MARIUSSE C/ SA FIDUCIAIRE DE France

Cass. Soc.22 oct.1997.Bull. civ. v, n°119

Cass. soc. 27 mars 1996, n° 92-41.992)

(Cass. soc. 18 février 2003, n° 01-40.914)

(Cass. soc. 8 juin 1999, n° 96-45.616)

Com, 5 févr. 1991 D.1991 I.R.69

Cass com. 5 févr. 1991

Cass soc 15 FEVR 1995

Cass soc, 22 janv. 1991

CA Paris, 1er mars 1984

C. Cass com. 24 1998 N°96-15-694 Recueil Dalloz 1999

CA Paris, 17 févr. 1993 D. 1994 somm 223

CA Rouen, 24 janv. 1993 Rjs 10/1993 N° 981

Cass.com 13mai 1975 D.1975 IR 164

Cass com., 6 mai 1996

Soc. 10 mai 1983, Bull. civ. V, n°251

Paris, 25 nov. 1986, D.1987, Somm.272

Angers, 6 mars 1989, D.1990, Somm. 79

Cour de cassation arrêt du 10/07/2002 

Trib trav Dakar 4/01/1973 

OUVRAGES

BERNARD TEYSSIE : Droit du Travail : 1/Relation individuelle de travail 2ieme édition LITEC 1992

JOSEPH ISSA SAYEGH : droit du travail sénégalais

FRANCIS LEFEBRE : Droits du Travail et Sécurité Sociale Social 97 Mémento Pratique

MARTIN KIRSCH : le Droit du Travail en Afrique (Afrique francophone au sud du Sahara) Tome II : Le contrat de travail (suite) Le Salaire Ediéna 1977

CATHERINE PUIGELIER : droit du travail 3 Ed

G.H. CAMERLYNCK, GERARD Lyon-Caen : Droit du Travail 9ieme édition DALLOZ

JEAN PELISSIER, Alain Supiot, Antoine Jeammaud : Droit du Travail 20ieme édition Dalloz 2000

LAMY SOCIAL 1996

DROIT SOCIAL 1999  Dalloz

Dalloz Action1999 : Droit de l'emploi

Dalloz -Sirey jurisprudence générale 1996

Gérard Couturier : Droit du Travail : 1/Les Relations individuelles de travail 2ieme édition PUF 1994

Philippe Le Tourneau, Loic Cadiot : Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action 2002/2003 édition Dalloz 2002

Gérard Lyon-Caen, Jean Pélissier, Alain Supiot : Droit du Travail 17ieme édition Dalloz 1994

Raymond Lemesle : Le Droit du travail en Afrique Francophone UREF (université des réseaux d'expression française)

Jean-Claude Javillier : Manuel droit du travail L.G.D.J 6ieme édition

Jean Pélissier : Droit de l'Emploi Dalloz Action 1999

Yves Serra : La clause de non-concurrence en matière commerciale sociale et civile (Droit interne et communautaire) Dalloz Affaire 1991

Jacqueline Amiel-Donat : Les clauses de non-concurrence en Droit du Travail édition Litec 1988

TABLE DES MATIERES

Remerciements...................................................................................1

Dédicaces...............................................................................2

Abréviations..........................................................................3

Sommaire.............................................................................................4

Introduction...........................................................................7

CHAPITRE1 : la licéité des clauses de non-concurrence ......12

SECTION1: les conditions de validité des clauses de non-concurrence........................................................................12

PARAGRAPHE1 : les conditions légales de validité des clauses de non-concurrence............................................12

A : une limitation de la clause dans le temps et dans l'espace..................................................................................13

B : interdiction portant sur une activité de nature concurrentielle...............................................................16

Paragraphe2 : les conditions jurisprudentielles de validité des clauses de non- Concurrence...................................20

A : intérêt légitime de l'employeur, cause de l'obligation de non-concurrence du salarié..............................................21

B : la licéité des clauses sans contrepartie pécuniaire........................................................................23

SECTION 2 : le sort des clauses de non-concurrence irrégulières .......................................................................27

PARAGRAPHE1: la nullité relative des clauses irrégulières.............................................................................27

A : différentes limites à l'annulation des clauses irrégulières.......................................................................27

B : Les effets de l'annulation des clauses irrégulières......................................................................31

PARAGRAPHE : la possibilité d'une révision judiciaire des clauses excessives............................................................33

A : la condition indifférente : la cause de l'irrégularité....................................................................34

B : la condition nécessaire : la violation par le salarié de l'obligation de non concurrence....................................36

CHAPITRE2 : LA MISE EN OEUVRE DE LA CLAUSE DE NON CONCURRENCE....................................................38

Section1 : La portée de l'obligation de non-concurrence....................................................................39

Paragraphe1 : obligation générale de non-concurrence pendant la durée du contrat de travail........................39

A : une interdiction de concurrence par obligation d'exclusivité....................................................................39

B : une interdiction de concurrence assortie d'aménagements............................... ..............................46

Paragraphe2 : la liberté de la concurrence à l'expiration du contrat de travail sous réserve d'exception ..........................48

A : la nullité de plein droit des clauses interdisant l'exercice d'activité concurrentielle à l'expiration du contrat de travail...............................................................................49

B : la validité exceptionnelle des clauses interdisant l'exercice d'activité concurrentielle............................................53

Section2 : Les sanctions de la violation des clauses de non- Concurrence.......................................................................56

Paragraphe1 : les sanctions encourues par le salarié.............56

A : la condamnation du salarié au paiement de dommages-intérêts............................................................................56

B : la suppression du droit à l'indemnité..........................62

Paragraphe2 : les sanctions encourues par le nouvel

Employeur........................................................................63

A : l'engagement de la responsabilité du nouvel employeur pour concurrence déloyale..................................................63

B : condamnation in solidum au paiement de dommages-intérêts................................................................................69

Conclusion....................................................................71

Bibliographie.................................................................73

Table des matières.........................................................78

* 1 _ Cette définition est tirée du lexique des termes juridique édition Dalloz

* 2 _ YVES SERRA : la clause de non-concurrence en matière commerciale, sociale et civile

* 3 _ P.CATALA, « La transformation du patrimoine dans le droit civil moderne », Rev. trim. dr. civ. 1966, p.185

* 4 _ Cass civ 2 juill 1900, précité

* 5 _ Ancien code du travail : Loi n° 61- 34 du 13juin 1961(Jos n°3462 du 3 juill 1961)

* 6 _ Loi n°97-17 du 1erdécembre1997 portant code du travail de la République du Sénégal

* 7 _ Cass civ 26 mars 1928 DP 1930

* 8 _ Trib trav Dakar 3 févr. 1966

* 9 _ Soc.5 janv. 1984 D.1984 I.R, 443

* 10 _ Cass soc18 oct. 1952et cass soc 27fevr 1996

* 11 _ Cass soc 18 sept 2002 N°00-42-904 Gan vie, Recueil Dalloz 2002 JURIS P.3229

* 12 _ Cass soc 1ermars 1995

* 13 _ Trib trav Dakar, 4 janv. 1973, précité, (motifs)

* 14 _ Cass soc, 10 juill 2002, M.MOLINE c/Sté MSAS cargo international

* 15 _ Cass soc 18 oct. 1972, précité

* 16 _ Cass soc, 16 avril 1991, n°88- 40 -557

* 17 _ Soc.12 févr. 1975, Bull.civ. V, n°68, (rendu à propos d'un litige relatif au paiement d'une indemnité de clientèle)

* 18 _ J.GHESTIN Traité de droit civil, tome2,le contrat, n°778,L.G.D.J.,1988, 2e éd.

* 19 _ CA AIX en PROVENCE 10 mai 1989 RJS3/1990 N°202

* 20 _ Cass soc, 28 oct. 1997 SA GENERAL ELECTRIC cgr, Dr social 1998.78 obs., G.COUTURIER

* 21 _ Soc. 10 janv. 1985 I.R. 476

* 22 _ Versailles, 11 juill. 1986 , D.1987, Somm.268

* 23 _ Art 1134 : les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

* 24 _ Soc.4 mars 1970 Bull.civ. V, n°155

* 25 _ V. Cass soc 11 DEC 1990 Bull civ V n°474

* 26 _ Cass soc 25 mars 1998 Dr soc 1998

* 27 _ Cass soc 18 SEPT 2002 D.2002

* 28 _ Soc.16 mai 1972, Bull.civ.v,n°348

* 29 _ Com.8 fevr,1965 B civ III n° 96

* 30 _ Paris 20 sept 1988 D.1989 somm 260

* 31 _ Cour d'appel Paris 20 sept. 1988 D. 1989 somm.260

* 32 _ Soc. 20 févr. 1989. Bull. civ. V, n°84, D.1989

* 33 _ Versailles, 2mars 1989, D.1990 Somm.81

* 34 _ Com.8fevr 1965 Bull.civ. III, n°96

* 35 _ Paris, 7 avr.1986, D.1987, Somm.265

* 36 _ Versailles, 26 juill 1989, D. 1990, Somm. 335 et les obs.

* 37 _ Paris, 23 nov. 1989, D.1990, somm. 335 et les obs.

* 38 _ A.BRUN, L'évolution du régime de la concurrence irrégulière dans les rapports du travail : Mélanges Roubier

* 39 _ Paris, 4 nov.1981 : Gaz. Pal.1982, 1, somm.82

* 40 _ Versailles, 9 juin 1986 D.1987 somm.263 et les obs.

* 41 _ Paris, 5 avr 1990 D.1990 somm. 335 et les obs.

* 42 _ Trib trav Dakar, 20 mars 1967 TPOM n°220, p4880, C.A. 3AVR 1968, Sodack c/Lucas ABreu

* 43 _ Art .21, C.C.N., personnel du service interentreprises de médecine du travail

* 44 _ (C.A 7 mai 1969, TPOM, 1969, N°267 P.5910

* 45 _ Nancy, 20 févr.1959, D. 1959 ,233

* 46 _ Droit civil, Les obligations, Dalloz, 4é éd n°490

* 47 _ Cass soc13 janv.1998 .Dr soc 1998

V. Cass soc 25 OCT 1990 Bull civ V. n°495

* 48 _ Cass soc 24 janv. 1979 D. 1979.619 note Y.SERRA

* 49 _ CASS.SOC 20 fevr1975 D.1976.142 Y.SERRA

* 50 _ Cass soc 13 déc. 2000 MARIUSSE C/ SA FIDUCIAIRE DE FRANCE

* 51 _ Cass. Soc.22 oct.1997.Bull. civ. v, n°119

* 52 _ (Cass. soc. 27 mars 1996, n° 92-41.992)

* 53 _ (Cass. soc. 18 février 2003, n° 01-40.914)

* 54 _ (Cass. soc. 8 juin 1999, n° 96-45.616)

* 55 _ Com, 5 févr. 1991 D.1991 I.R.69

* 56 _ Cass com. 5 févr. 1991

* 57 _ Cass soc 15 FEVR 1995

* 58 _ Cass soc, 22 janv. 1997

* 59 _ CA Paris, 1er mars 1984

* 60 _ C. Cass com. 24 1998 N°96-15-694 Recueil Dalloz 1999

* 61 _ CA Paris, 17 févr. 1993 D. 1994 somm 223

* 62 _CA Rouen, 24 janv. 1993 Rjs 10/1993 N° 981

* 63 _ Cass.com 13mai 1975 D.1975 IR 164

* 64 _ Cass com., 6 mai 1996

* 65 _ Soc. 10 mai 1983, Bull. civ. V, n°251

* 66 _ Paris, 25 nov. 1986, D.1987, Somm.272

* 67 _ Angers, 6 mars 1989, D.1990, Somm. 79

* 68 _ Cour de cassation arrêt du 10/07/2002 : une clause de non-concurrence n'est licite que si elle (....) comporte une contrepartie financière.

* 69 _ Trib trav Dakar 4/01/1973 : « sauf clause contraire de la conv coll ou du contrat de travail, il n'est pas nécessaire, pour que la clause soit valable ou efficace qu'une indemnité soit stipulée en faveur du travailleur

pour constituer la cause juridique de son obligation »






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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo