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L'amour comme paradigme de la morale chez Vladimir Jankélévitch

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par Marios KENGNE
Grand séminaire Paul VI-Philosophat de Bafoussam - mémoire de fin de cycle 2002
  

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2. Pour être, il faut aimer

Si pour aimer, il faut être, n'est-il pas possible de penser que la réciproque est vraie, que l'être moral chez Jankélévitch se situe dans cette causalité circulaire ?

C'est en aimant que l'on devient soi-même. Nous pouvons en déduire que la réalisation plénière de l'être se fait dans l'amour. C'est lorsque nous nous donnons tout entier que nous nous possédons le plus. En outre, il faut dire que c'est dans l'acte d'aimer que l'on devient soi-même. L'amour fait être l'être. Il est ici question d'aimer quelqu'un et non le genre humain tout entier.

Au chapitre précédent, nous avons dit que l'homme est un être ontologiquement moral. Jankélévitch affirme que l'être est antérieur à l'amour, mais aussi que l'amour prévient l'être :

« De toute évidence l'être préexiste logiquement et grammatiquement à l'amour (et au devoir) ; l'existence (la préexistence) de l'être-aimant est, par définition même, substantiellement présupposée comme la condition minimale de cet amour. »67(*)

Nous pouvons noter dans cette causalité circulaire de l'être moral une sorte d'ontologie morale de cet être. Voilà pourquoi dans cette réalisation ou affirmation de l'être dans l'amour, nous pouvons faire allusion aux concepts d'acte et de puissance chez le stagirite. Pour Aristote, en effet, il y a deux catégories d'être : l'être en puissance et l'être en acte.

En ce qui concerne l'être en puissance, nous pouvons l'assimiler à l'être jankélévitchien qui n'aime que lorsqu'il existe. Nous l'avons mentionné ci-dessus en disant que pour aimer, il faudrait d'abord être. Seulement lorsque l'être est ou lorsqu'il existe, il n'est pas encore un être authentique, un être réel ou encore un être dans la totalité de sa concrétude. Pour tout dire, il se résume à l'être en puissance d'Aristote. Pour Jankélévitch, l'amour fait être l'être comme nous l'avons mentionné tout à l'heure. C'est donc l'amour qui rend l'être authentique, c'est l'amour qui rend possible la plénitude de l'être. C'est en ce sens que pour être, il faut aimer. Il nous faut donc dire que l'amour fait passer l'être de la puissance à l'acte car il assure la pleine réalisation de l'être-aimant. A ce niveau, nous pouvons dire qu'il n'y a pas d'être sans amour ni d'amour sans être. Il y a comme une complémentarité entre les deux concepts. Cependant, il faut se demander qu'est-ce qui, de manière chronologique prend l'avance sur l'autre ?

Il n'y a pas de doute que l'être préexiste à l'amour car comme stipule Jankélévitch, l'être est le préalable des préalables : « L'être était premier car il est la condition inerte et muette, négative et implicitement sous-entendue dans les choses existantes... Premier parce qu'ancien, voire immémorial. »68(*) Cependant, l'amour selon qu'il est un être en puissance prévient l'être : « L'amour prévient l'être : l'amour n'était pas encore là, donc il intervient, il advient ou survient, il accourt, il devance ce qui pourtant était déjà là depuis toujours. »69(*) On pourrait conclure que par rapport à l'amour l'être est premier. Conclusion sans doute hâtive. Il faut en fait relever qu'il y a une nuance parce que l'être n'a pas une primauté absolue ni l'amour. Platon faisait dire à Agathon dans Le Banquet que l'amour est íåþôáôïò pour signifier la jouvence et la nouveauté de celui-ci70(*) C'est pour cela que dans la mythologie grecque, Eros qui est le dieu de l'amour ne connaît pas de vieillesse. Pour Jankélévitch, l'amour à l'instar de la mort est toujours novice :

« La toujours nouvelle banalité de chaque mort n'est pas sans analogie avec la très ancienne nouveauté de l'amour, avec la vieille jeunesse de tout amour : l'amour est toujours neuf pour ceux qui le vivent, et qui prononcent en effet les mots mille fois ressassés de l'amour comme si personne ne les avait jamais dits avant eux, comme si c'était la première fois depuis la naissance du monde qu'un homme disait la parole d'amour à une femme, comme si ce printemps était le tout premier printemps et ce matin le tout premier matin. »71(*)

Dans le même sens Diotime, qui est philosophe et prophétesse, appréhende l'amour comme un devenir sans fin.72(*) Ceci veut encore signifier davantage la jeunesse de l'amour. En d'autres termes, il s'agit pour nous de signifier jusqu'à quel point et jusqu'à quel degré l'amour anticipe :

« L'amour est toujours naissant, toujours sur le point de...L'amour est commencement ou plutôt un recommencement qui, à l'infini continuera de commencer ! L'amour est un événement qui advient. L'amour est premier en tend qu'il pose et fonde l'être. »73(*)

Il est donc clair que l'être a la primauté à un certain degré, mais aussi que l'amour dans une certaine mesure et suivant une certaine valeur prend l'avance sur l'être. Il faut donc conclure en disant que :

« Pour aimer il faut déjà être, bien entendu, et c'est la vérité triviale, la vérité des carrefours - mais pour être il faut aimer, et c'est la vérité ésotérique des mystères [...] L'être préexiste à l'amour qui le prévient, mais l'amour prévenant prévient l'être qui pourtant lui préexiste...L'être et l'amour se devancent l'un l'autre, ils sont plus forts l'un que l'autre ! »74(*)

Nous devons toutefois rappeler que l'amour qui poserait et fonderait l'être est un amour qui transcende tous les quatenus et tous les hactenus. Un tel amour ne saurait être autrement qu'un amour pur.

* 67 _ Ibid., p. 132.

* 68 _ Ibid., p. 132.

* 69 _ Ibid., p. 132.

* 70 _ Cf. PLATON, Le Banquet, Agathon, 195 a, c.

* 71 _ JANKELEVITCH V., La mort, op. cit., p. 8.

* 72 _ Cf. PLATON, Le Banquet, Diotime, 203 d.

* 73 _JANKELEVITCH V., Le paradoxe de la morale, op. cit., p. 135.

* 74 _ Ibid., p. 133.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus