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L'ordonnance de la C.I.J. en l'affaire relative à  des questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal), demande en indication des mesures conservatoires

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par Etienne KENTSA
Université de Douala - DEA 2010
  

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INTRODUCTION GENERALE

L'affaire relative à des Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader1(*), entre la Belgique et le Sénégal, est portée devant la Cour internationale de Justice (ci-après : « la Cour ») au moment où la lutte contre l'impunité2(*) est devenue une préoccupation essentielle3(*) de la société internationale. L'Ordonnance rendue par la Cour le 28 mai 20094(*) est une décision avant-dire-droit c'est-à-dire une décision ayant pour objet de régler un point de procédure sans statuer sur le fond de l'affaire. Il s'agit du résultat d'une procédure incidente5(*) à savoir l'examen de la demande en indication de mesures conservatoires introduite au Greffe de la Cour le 19 février 2009 par la Belgique. Cette procédure est prévue par le Titre III, Section D, Sous-section 1 du Règlement de la CIJ, tel qu'adopté le 14 avril 1978 (entré en vigueur le 1er juillet 1978). Les mesures conservatoires ont une très grande valeur dans le règlement juridictionnel des différends, dans la mesure où elles sont « destinée[s] à assurer qu'en attendant le règlement de droits contestés, ceux-ci soient sauvegardés »6(*). Le contentieux qui oppose la Belgique au Sénégal est inédit dans la mesure où la Cour est invitée pour la première fois à statuer sur la question sensible de l'obligation de poursuivre ou d'extrader les auteurs de crimes internationaux. La Cour devrait en effet dire si oui ou non le Sénégal a l'obligation d'extrader à défaut de poursuivre Hissène HABRE que d'aucuns n'hésitent pas à qualifier de « Pinochet africain »7(*).

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Malgré la gravité et le nombre de crimes imputés à l'ancien président tchadien8(*), « l'affaire Habré » n'a pas beaucoup retenu l'attention de la doctrine publiciste africaine. Peut-être n'a-t-elle pas voulu étudier une espèce inachevée. L'article de Abdoullah CISSE9(*), bien que consacré à « l'affaire Habré », n'analyse que la jurisprudence en la matière au Sénégal et qui plus est, date du 20 mars 200110(*). Pourtant nombreux sont les auteurs non africains qui se sont penchés sur cette affaire11(*).

L'étude de l'Ordonnance en indication de mesures conservatoires du 28 mai 2009, en l'affaire relative à des Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, est intéressante à plusieurs égards. Cette décision est importante et présente un intérêt d'autant plus grand qu'elle a en toile de fond l'opportunité de l'indication des mesures conservatoires. En outre, c'est une décision récente, rendue alors que la question de la compétence universelle12(*) des juridictions internes en matière de répression des crimes internationaux, qui préoccupe particulièrement les dirigeants africains, n'a pas encore connu d'éclairage jurisprudentiel au niveau de la C.I.J. La saisine de la Cour par le Royaume de Belgique le 19 février 2009 a marqué l'actualité événementielle13(*). Elle a également suscité beaucoup d'espoir tant parmi les victimes des exactions de l'ex-président tchadien que parmi les militants de la lutte contre l'impunité des auteurs de crimes contre l'humanité14(*). La décision de la Cour dans cette procédure incidente était donc très attendue dans la mesure où « l'obligation de juger ou d'extrader, [...] qui découle du principe de juridiction universelle, suscite l'intérêt en ces temps où le droit pénal s'internationalise » 15(*).  Sur le plan processuel, c'est la première fois qu'un État (la Belgique) sollicite l'office de la Cour afin que celle-ci indique des mesures conservatoires afin que la compétence universelle soit exercée. Il convient de relever que dans l'affaire relative au Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République Démocratique du Congo c. Belgique), la demande en indication des mesures conservatoires déposée au Greffe de la Cour, le 17 octobre 2000, par la RDC, « tend[ait plutôt] à faire ordonner la mainlevée immédiate du mandat d'arrêt litigieux »16(*). La Cour a ainsi une nouvelle opportunité17(*) de contribuer au développement du droit pénal international18(*). En effet, la Belgique qui fait figure de grande promotrice de la compétence universelle19(*) a connu quelques déconvenues diplomatiques du fait de sa législation en matière de compétence universelle.

De fait, la Belgique, « bras séculier de la lutte universelle contre l'impunité des crimes majeurs »20(*) est confrontée au « mouvement du balancier »21(*) : après un engouement sans réserve en faveur de la compétence universelle (la loi belge de 1999 a été votée à l'unanimité au Parlement), il y a eu un démantèlement de ce principe sous la pression de certains États dont les dirigeants ont été mis en cause dans des plaintes en Belgique. C'est notamment le cas de la République Démocratique du Congo qui a utilisé le canal de la justice internationale22(*) pour faire échouer la tentative de mise en oeuvre de la compétence universelle belge concernant son ministre des Affaires étrangères bénéficiant d'immunités de juridiction pénale. Par ailleurs, les États-Unis et Israël, « États puissants », ont usé de pressions économiques et politiques23(*) pour la pousser à modifier sa législation24(*).

L'intérêt que l'on peut porter à cette étude résulte enfin de l'importance d'une ordonnance25(*), rendue par « l'Organe judiciaire principal »26(*) des Nations Unies, pour la poursuite de la procédure dans l'affaire relative à des Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal). De ce fait, l'étude de l'Ordonnance en indication de mesures conservatoires du 28 mai 2009 s'en trouve pleinement justifiée.

*

Les faits27(*) pertinents de la présente espèce remontent à 1990, année au cours de laquelle Hissène HABRE, président de la République du Tchad du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990, fut chassé du pouvoir par les forces insurgées de Idriss DEBY ITNO. Après une escale au Cameroun, Hissène HABRE se réfugia alors au Sénégal où il vécut en exil paisiblement jusqu'en 2000. Mais suite à une plainte déposée le 25 janvier 2000 par sept personnes et par une ONG, l'Association des Victimes de Crimes et de Répression Politiques au Tchad (AVCRP), l'ex-président tchadien sera inculpé la semaine suivante à Dakar de faits de complicité de « crimes contre l'humanité, d'actes de torture et de barbarie » et assigné à résidence. Cette inculpation fut rejetée par la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Dakar le 4 juillet 2000, au motif que « les juridictions sénégalaises ne peuvent connaître des faits de torture commis par un étranger en dehors du territoire sénégalais quelles que soient les nationalités des victimes, que le libellé de l'article 669 du Code de Procédure Pénale exclut cette compétence »28(*).

Entre le 30 novembre 2000 et le 11 décembre 2001, un ressortissant belge d'origine tchadienne et plusieurs ressortissants tchadiens vont déposer des plaintes similaires auprès de la Justice belge. Depuis fin 2001, les instances judiciaires belges ont adressé de nombreux « devoirs d'instruction judiciaire » (commissions rogatoires) au Sénégal. Le 29 septembre 2005, elles ont délivré, à l'encontre de l'ex-président tchadien, un mandat d'arrêt international auquel la justice sénégalaise a opposé une fin de non-recevoir, motif pris de ce qu'il concernerait des faits commis par un chef d'État « dans l'exercice de ses fonctions ». Pourtant ledit mandat faisait référence à la levée par le Tchad, le 7 octobre 2002, des immunités de Hissène HABRE29(*).

L'on se souviendra en effet que, suite à une lettre ouverte adressée au président Abdoulaye WADE par la FIDH30(*) et ses organisations membres31(*), l'appelant à répondre favorablement à la demande d'extradition de Hissène HABRE vers la Belgique, celui-ci a été arrêté et placé en détention à Dakar, le 15 novembre 2005. Mais quelques jours plus tard, le 24 novembre, le Procureur de la République du Sénégal a recommandé à la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Dakar de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande d'extradition. En conséquence, l'ex-président tchadien a été relâché le lendemain32(*).

L'affaire connaîtra un nouveau rebondissement lorsque le Sénégal décide de solliciter l'"arbitrage" de l'Union Africaine (ci-après : « UA »). La Conférence des chefs d'État et de Gouvernement de l'UA est alors informée lors de sa sixième session ordinaire, tenue à Khartoum (Soudan) du 23 au 24 janvier 2006, que le Gouvernement sénégalais a décidé de transmettre le dossier à l'UA. Cette dernière a adopté une décision appelant à la création d'un Comité d'éminents juristes africains chargé d'examiner « tous les aspects et toutes les implications du procès Hissène HABRE »33(*). Les chefs d'État et de Gouvernement de l'UA, réunis lors du septième sommet ordinaire de l'organisation, tenu à Banjul (Gambie) du 1er au 2 juillet 2006, suivant les recommandations dudit comité, ont mandaté « la République du Sénégal de poursuivre et de faire juger, au nom de l'Afrique, Hissène HABRE par une juridiction sénégalaise compétente avec les garanties d'un procès juste » 34(*). En février 2007, le Sénégal modifiera son Code pénal et son Code de procédure pénale afin d'y intégrer les incriminations de génocide, de crime de guerre et de crime contre l'humanité. Cependant lors du douzième sommet ordinaire de l'UA, tenu à Addis-Abeba du 1er au 3 février 2009, le Sénégal fera part des difficultés financières qu'il rencontre pour l'organisation d'un procès contre Hissène HABRE. Ce qui amène la Conférence à adopter la Décision 240 (XII)35(*) dont il ressort qu'elle :

« 3. PREND NOTE que malgré l'élaboration du budget du procès par l'Union européenne, qui s'est offerte en partenaire, avec le Gouvernement de la République du Sénégal, les ressources nécessaires à la tenue du procès ne sont pas encore disponibles ;

4. CONSIDERE que le budget définitif du procès devrait être élaboré et arrêté par l'Union africaine, en collaboration avec le Gouvernement de la République du Sénégal et l'Union européenne ;

5. LANCE UN APPEL à tous les États membres de l'Union africaine, à l'Union européenne et aux pays et institutions partenaires, pour qu'ils apportent leurs contributions au budget du procès en versant directement ces contributions à la Commission de l'Union africaine». 

Par ailleurs, l'on se souviendra des déclarations médiatiques du président WADE évoquant la cessation éventuelle de la surveillance exercée sur l'ex-président tchadien au cas où le Sénégal ne trouverait pas le budget nécessaire à l'organisation de son procès.

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La Belgique trouvant alors que le jugement de Hissène HABRE au Sénégal devenait hypothétique, a décidé de saisir la CIJ. Elle a introduit une instance contre le Sénégal, par une requête déposée au Greffe de la Cour le 19 février 2009. Cette requête porte sur un différend relatif au « respect par le Sénégal de son obligation de poursuivre [Hissène] Habré [...] ou de l'extrader vers la Belgique aux fins de poursuites pénales»36(*). Le même jour, la Belgique a présenté une demande en indication de mesures conservatoires.

Dès lors, la Cour devait examiner d'urgence cette demande comme le prévoit l'article 74 de son Règlement, aux termes duquel la demande en indication de mesures conservatoires a priorité sur toutes autres affaires (paragraphe 1). Il ressort du paragraphe 2 de cet article que, si la Cour ne siège pas au moment de la présentation de la demande, elle est immédiatement convoquée pour y statuer d'urgence.

A ce stade, deux remarques peuvent être faites. Tout d'abord, en l'absence de juges de la nationalité des deux parties, deux juges ad hoc ont été désignés conformément au paragraphe 3 de l'article 31 du Statut de la Cour. Il s'agit de MM. Philippe KIRSCH et Serge SUR, désignés respectivement par la Belgique et par le Sénégal. Les deux juges ad hoc ont prêté serment le 6 avril 2009, à l'ouverture de la phase orale. Ensuite, il faut relever la rapidité de la procédure. La phase orale a eu lieu les 6, 7 et 8 avril 2009 avec deux brefs tours de plaidoiries. La Cour a immédiatement entamé son délibéré, en Chambre de conseil, qui a duré environ sept semaines ; après quoi elle a rendu son Ordonnance le 28 mai 2009.

*

Dans sa requête, la Belgique prie la Cour de dire et juger que le Sénégal est obligé de poursuivre Hissène HABRE ou, à défaut, de l'extrader vers la Belgique pour qu'il réponde des crimes qui lui sont imputés en tant qu'auteur, coauteur ou complice37(*).

Au titre de mesures conservatoires, la demanderesse sollicitait de la Cour

« d'indiquer, en attendant qu'elle rende un arrêt définitif sur le fond, que le Sénégal doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour que [Hissène] Habré reste sous le contrôle et la surveillance des autorités judiciaires du Sénégal afin que les règles de droit international dont la Belgique demande le respect puissent être correctement appliquées » 38(*).

Au soutien de sa prétention, la demanderesse faisait essentiellement valoir qu'il ressort d'un entretien accordé par le président sénégalais à Radio France Internationale (ci-après : « RFI »), que « le Sénégal pourrait mettre fin à [la] mise en résidence surveillée [de M. HABRE] s'il ne trouve pas le budget qu'il estime nécessaire à l'organisation d[e son procès] »39(*). La Belgique a alors estimé que l'éventualité d'un départ de Hissène HABRE du Sénégal constituait un risque réel que le Sénégal cause un préjudice irréparable à ses droits et que ce risque doit être considéré comme imminent. Selon la requérante, les conditions pour que les mesures demandées soient indiquées sont réunies en l'espèce.

Pour repousser la prétention de la Belgique, le Sénégal a fait valoir qu'il n'existe aucun risque imminent justifiant l'indication de mesures conservatoires en arguant que les mesures que sollicitait la Belgique étaient déjà prises au Sénégal. Le défendeur invitait par conséquent la Cour à rejeter la demande belge comme étant sans objet.

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L'étude de l'Ordonnance de la Cour en l'affaire relative à des Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader est une entreprise délicate, au vu de la multiplicité des problèmes juridiques qu'elle recèle. Il est donc impérieux d'adopter une démarche qui éloigne le travail entrepris du danger de la spéculation abstraite. De fait, lorsque le juriste prend pour objet d'étude une décision du juge international, il doit analyser en profondeur l'interprétation qui a été faite des instruments juridiques internationaux en vigueur. Cela exige non seulement une bonne connaissance des textes en question, mais également celle de la jurisprudence de la Cour.

En effet, l'examen des instruments internationaux, notamment la Convention contre la torture de 1984, des arrêts et des ordonnances (en indication des mesures conservatoires) de la Cour a une valeur essentielle dans le cadre de cette étude. Toutes ces considérations rendront nécessaire le recours à la méthode analytique. Cette méthode est d'autant plus indiquée qu'elle permettra, d'une part, de comprendre l'examen que la Cour a fait des conditions requises pour l'indication des mesures conservatoires et, d'autre part, de mieux appréhender la lecture qu'elle a faite de la demande belge en indication des mesures conservatoires. Le recours à une approche historique rendra facile la compréhension et l'analyse de l'évolution de l'affaire « Hissène HABRE » au Sénégal depuis 2000.

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La question centrale de cette étude est celle de l'opportunité de l'indication des mesures conservatoires par la Cour. Le problème de l'opportunité des mesures conservatoires est apprécié à l'aune de trois paramètres principaux : i) la compétence prima facie de la Cour, ii) le lien entre les droits protégés et les mesures demandées et surtout iii) l'urgence. A cette question majeure se greffent plusieurs interrogations. La première porte sur les conditions requises pour l'indication des mesures conservatoires par la Cour. La deuxième concerne la pertinence de la demande belge en indication desdites mesures. On s'est en effet interrogé sur les conséquences des assurances sénégalaises et des réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD. Par ailleurs, l'on s'est demandé si la nature provisoire de l'Ordonnance et l'importance de l'affaire "Hissène HABRE" ne rendaient pas nécessaire l'examen des questions non tranchées par la Cour dans cette étude.

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L'hypothèse autour de laquelle s'ordonne cette étude est la suivante : lors du dépôt de la demande belge le 19 février 2009, toutes les conditions requises pour l'indication des mesures conservatoires sollicitées étaient réunies. L'on a ainsi entrepris de démontrer que la Cour a décidé de ne pas indiquer ces mesures uniquement pour deux raisons : d'une part, le Sénégal a donné des assurances nécessaires à la Cour, d'autre part, cet Etat s'est engagé solennellement à ne pas laisser Hissène HABRE quitter son territoire tant que l'affaire est pendante devant la Cour ; ce que la Belgique a accepté comme suffisant.

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Appelée à statuer, la Cour a pris une Ordonnance qui est plus le fruit d'un « compromis » que l'admission de l'argumentation du défendeur. En effet, tenant compte des assurances proprio motu du Sénégal et des réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD40(*), la Cour a jugé que les circonstances, telles qu'elles se présentent actuellement, ne sont pas de nature à exiger l'exercice de son pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vertu de l'article 41 de son Statut41(*). C'est le lieu de noter que cette décision est motivée de facto essentiellement, d'une part, par l'engagement du Sénégal de ne pas laisser Hissène HABRE quitter son territoire et, d'autre part, par l'acceptation par la Belgique de cet engagement comme suffisant.

Il importe dès lors d'analyser et surtout d'expliquer la démarche intellectuelle ayant conduit à cette décision. On examinera donc successivement les conditions requises pour l'indication de mesures conservatoires (Première Partie) et la pertinence de la demande belge (Deuxième Partie). Par ailleurs, l'enjeu de la présente affaire rend l'analyse des questions non tranchées par l'Ordonnance de la Cour indispensable (Troisième Partie).

A travers son Ordonnance du 28 mai 2009, la Cour a réaffirmé l'ensemble des conditions requises pour l'indication de mesures conservatoires. Ces conditions constituent la trame de la procédure d'examen de la demande en indication des mesures conservatoires dans la mesure où ces exigences occupent une place de choix dans les décisions de la Cour en la matière. Il suffit de consulter le texte de l'Ordonnance du 28 mai 2009 pour s'en convaincre : du paragraphe 40 au paragraphe 73, la Cour examine peu ou prou ces exigences. Classiquement, la Cour se prononce sur les conditions requises pour l'indication des mesures conservatoires sollicitées par les parties aux litiges dont elle est saisie. Une lecture attentive de l'Ordonnance de la Cour permet de classer ces conditions en deux catégories : les conditions liminaires et les conditions procédurales.

Les conditions liminaires sont au nombre de deux : la compétence prima facie de la Cour et l'existence prima facie d'un différend entre les parties. Lorsqu'elle est saisie d'une demande en indication de mesures conservatoires, la Cour vérifie avant tout s'il existe des bases sérieuses permettant d'établir prima facie sa compétence pour en connaître. A défaut d'une telle compétence, l'affaire est tout simplement et purement radiée du rôle.

C'est le lieu de relever que la Cour ne peut connaître d'un différend qu'à la demande d'un ou de plusieurs États.  Elle ne peut se saisir d'office d'un litige.  Son Statut ne lui permet pas d'enquêter et de statuer à son gré sur les agissements d'États souverains42(*).  Il faut de surcroît que les États en cause aient accès à la Cour et aient accepté sa compétence, c'est-à-dire qu'ils consentent que la Cour examine le différend en question. Le consentement des Etats à la juridiction de la Cour est un principe fondamental du règlement des différends internationaux, les États étant souverains et libres de choisir les moyens pour résoudre leurs différends. Le consentement d'un État peut s'exprimer alors de quatre façons : soit à travers un compromis, soit par une clause dans un traité43(*), soit par une déclaration unilatérale (d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour), soit par le forum prorogatum.

Sans doute il serait inutile et même dangereux pour la Cour d'indiquer des mesures conservatoires alors qu'elle n'a manifestement pas compétence. On est dans cette hypothèse d'incompétence lorsqu'il n'existe aucune base formelle comme une déclaration unilatérale d'acceptation de sa juridiction sur la base de l'article 36, § 2 du Statut de la Cour, ou lorsqu'une réserve écarte manifestement la compétence de la Cour, ou encore lorsqu'il y a absence de toute clause compromissoire dans un traité, ou en cas de la non-acceptation d'une telle clause par une partie. Dans toutes ces situations, l'incompétence de la Cour serait manifeste ; de même serait manifeste l'irrecevabilité d'une requête qui se fonderait sur un traité non en vigueur, ou à l'encontre d'un État qui n'en est pas partie et n'a pas accepté les obligations qui en découlent44(*). L'examen de la question relative à l'existence d'un différend et des bases de compétence forment la toile de fond de la compétence prima facie.  S'il appert prima facie qu'aucun différend n'oppose les parties, il y aurait de sérieux doutes quant à la poursuite de la procédure au fond. L'existence d'un différend permet en effet de justifier la compétence de la Cour.

Les conditions procédurales sont constituées de l'urgence et du lien suffisant entre les droits protégés et les mesures demandées. Ces deux conditions sont non seulement inhérentes à la procédure, mais sont aussi relatives aux droits objet des mesures conservatoires sollicitées. Lorsqu'elle est appelée à statuer sur une demande en indication de mesures conservatoires, la Cour doit vérifier si les circonstances de l'affaire, dont elle est saisie exigent l'usage du pouvoir qu'elle tient de l'article 41 de son Statut. En effet, les circonstances d'une espèce, plus que l'urgence d'une situation, semblent être des facteurs déterminants dans ce genre de décision45(*).

La Cour, ayant constaté l'existence prima facie d'un différend entre les parties, a affirmé sa compétence prima facie. Elle s'est par ailleurs prononcée sur les conditions relatives aux droits protégés invoqués par la demanderesse. L'examen de l'exigence de la compétence prima facie (Chapitre I) précèdera l'analyse des conditions relatives aux droits protégés (Chapitre II).

CHAPITRE I : L'EXIGENCE DE LA COMPETENCE PRIMA FACIE DE LA COUR

La CIJ ne « s'est pas retranchée derrière son incompétence » comme elle a eu à le faire « dans la tourmente de la crise du Kosovo »46(*). Dans son Ordonnance du 28 mai 2009, la Cour a en effet commencé par rappeler qu'en présence d'une demande en indication de mesures conservatoires, point n'est besoin pour elle, avant de décider d'indiquer ou non de telles mesures, de s'assurer de manière définitive qu'elle a compétence quant au fond de l'affaire. Toutefois, la Cour a précisé qu'elle ne peut indiquer ces mesures que si les dispositions invoquées par le demandeur semblent prima facie constituer une base sur laquelle sa compétence pourrait être fondée. C'est le lieu de signaler que la compétence prima facie peut « être confirmée ou infirmée à un stade ultérieur de la procédure »47(*).

La compétence prima facie peut être légitimement considérée comme la condition primordiale pour l'indication des mesures conservatoires. L'on se souviendra que, lorsque la Cour est amenée à examiner une demande en indication de mesures conservatoires et qu'elle se déclare incompétente, la procédure doit tout simplement s'arrêter et l'affaire doit par conséquent être radiée de son rôle48(*). Selon la jurisprudence antérieure, c'est à la date du dépôt de la requête que s'apprécie la compétence de la Cour49(*). Ce qui amène à examiner, d'une part, les bases de la compétence prima facie (Section I) et, d'autre part, l'existence d'un différend justifiant la compétence prima facie (Section II).

Section I : Les bases de la compétence prima facie de la Cour

Dans le cadre de l'affaire qui l'oppose au Sénégal, la Belgique entend fonder la compétence de la Cour sur les déclarations faites, en application du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut, par la Belgique le 17 juin 1958 et par le Sénégal le 2 décembre 1985, ainsi que sur le paragraphe 1 de l'article 30 de la Convention contre la torture50(*). Très souvent en effet, les affaires portées devant l'organe judiciaire principal des Nations Unies ont pour pomme de discorde l'application ou l'interprétation d'un instrument bilatéral ou multilatéral51(*) ; cet instrument étant alors invoqué, parfois ut singulus, pour servir de base de compétence de la Cour. La Cour a estimé avoir compétence prima facie, en vertu de l'article 30 de la Convention contre la torture, pour connaître de l'affaire ; en considérant en outre que la compétence prima facie qu'elle tire de cette Convention est suffisante pour pouvoir indiquer les mesures conservatoires sollicitées par la Belgique si les circonstances l'exigent. Pour la Cour, il n'était donc pas nécessaire, à ce stade de la procédure, de rechercher si les déclarations invoquées par la Belgique pourraient elles aussi fonder prima facie sa compétence52(*). Toutefois, il paraît important de s'attarder tant sur l'article 30 de la Convention contre la torture (§ 1) que sur les Déclarations facultatives d'acceptation de la juridiction obligatoire de la CIJ (§ 2).

§ 1- L'article 30 de la Convention contre la torture

En décidant qu'elle a compétence prima facie, en vertu de cette disposition conventionnelle, la Cour a également examiné sommairement les conditions procédurales y posées. On s'appesantira tour à tour sur le contenu de l'article 30 (A) et sur l'examen prima facie par la Cour des conditions procédurales posées par cette disposition (B).

A. Le contenu de l'article 30 de la Convention contre la torture

Le paragraphe 1 de cet article se lit comme suit :

« Tout différend entre deux ou plusieurs des États parties concernant l'interprétation ou l'application de la présente Convention qui ne peut pas être réglé par voie de négociation est soumis à l'arbitrage à la demande de l'un d'entre eux. Si, dans les six mois qui suivent la date de la demande d'arbitrage, les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur l'organisation de l'arbitrage, l'une quelconque d'entre elles peut soumettre le différend à la Cour internationale de Justice en déposant une requête conformément au Statut de la Cour. »

Cette disposition constitue la clause attributive de compétence inscrite dans la Convention contre la torture. Par celle-ci, un Etat partie s'engage d'avance à accepter la compétence de la Cour si un différend surgit avec un autre Etat partie quant à l'application ou à l'interprétation de cette Convention. Il n'est nullement incommodant de rappeler que Hissène HABRE avait été inculpé le 3 février 2000 de complicité de « crimes contre l'humanité, d'actes de torture et de barbarie » par le doyen des juges d'instruction53(*) du Tribunal régional hors classe de Dakar. Or ces incriminations sont au coeur de la Convention contre la torture. En outre, le Sénégal et la Belgique étant tous les deux parties à cette Convention54(*), c'est de manière pertinente que la demanderesse l'invoque pour fonder la compétence de la Cour. Dans la présente espèce, cette Convention s'imposait même ipso facto dans la mesure où aucune des deux parties n'a fait de réserve au paragraphe 1 de l'article 30. C'est pourtant une faculté servie aux Etats parties par le paragraphe 2 de cet article aux termes duquel :

« Chaque État pourra, au moment où il signera ou ratifiera la présente Convention ou y adhérera, déclarer qu'il ne se considère pas lié par les dispositions du paragraphe 1 du présent article. Les autres États parties ne seront pas liés par lesdites dispositions envers tout État partie qui aura formulé une telle réserve ».

Dès lors, l'établissement de la compétence prima facie de la Cour à partir de l'article 30 de la Convention contre la torture s'en trouvait simplifié. La substance de l'article 30 étant rappelée, il convient de s'attarder sur la façon dont la Cour a examiné les conditions procédurales qu'il prévoit.

B. L'examen prima facie des conditions procédurales de l'article 30

Pour établir sa compétence prima facie à partir de l'article 30 de la Convention contre la torture, la Cour a examiné au préalable si les conditions procédurales posées par cette disposition étaient réunies ; même si cet examen ne s'est fait que de façon sommaire comme on le verra plus loin.

Les conditions procédurales prévues par l'article 30 sont les suivantes : l'existence d'un différend sur l'interprétation ou l'application de la Convention, l'échec des négociations, la demande d'arbitrage et le désaccord des parties sur l'organisation de l'arbitrage au terme d'un délai de six mois.

La Cour a d'abord rappelé que l'article 30 exige que le différend à elle soumis soit de ceux « qui ne peu[vent] être réglé[s] par voie de négociation ». Elle a estimé qu'au stade de l'examen de sa compétence prima facie, il lui suffisait de constater que la Belgique a tenté de négocier55(*). De l'avis de la Cour, les négociations proposées par la Belgique au Sénégal ne sauraient être réputées avoir résolu le différend. Elle en conclut que la première exigence de l'article 30 doit être regardée comme remplie prima facie56(*).

La Cour a noté ensuite que la Convention prévoit aussi qu'un différend entre Etats parties qui n'aurait pas été réglé par voie de négociation devra être soumis à l'arbitrage à la demande de l'un d'entre eux, et qu'elle ne pourra en être saisie que si les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur l'organisation de cet arbitrage dans les six mois à compter de la date à laquelle il aura été demandé. Elle considère que la note verbale en date du 20 juin 2006 contient une offre explicite de la Belgique au Sénégal de recourir à la procédure arbitrale, conformément au paragraphe 1 de l'article 30 de la Convention contre la torture, pour régler le différend concernant l'application de la Convention au cas de Hissène HABRE. La Cour fait observer qu'à ce stade de la procédure, il lui suffit de constater que, même à supposer que ladite note verbale ne soit jamais parvenue à son destinataire, la note verbale de la Belgique en date du 8 mai 2007 s'y réfère explicitement et qu'il est confirmé que cette seconde note a été communiquée au Sénégal et reçue par celui-ci plus de six mois avant la date de la saisine de la Cour le 19 février 200957(*).

A ce niveau, force est de constater que la Cour a fait sienne l'argumentation belge sur la satisfaction des conditions procédurales de l'article 30 de la Convention contre la torture. La manière avec laquelle la Cour a établi sa compétence prima facie, sur la base de l'article 30, est tout simplement remarquable.

Mais la Cour pourrait, selon le juge ad hoc Serge SUR, se contenter de constater dans les autres hypothèses qu'elle n'est pas manifestement incompétente, parce qu'elle peut se référer à une base formelle, et que la requête n'est pas manifestement irrecevable pour estimer que ces circonstances la mettent en mesure d'exercer son pouvoir autonome, soit à la demande d'une partie, soit de sa propre initiative58(*). Ceci permettrait en effet à la Cour de gagner en temps et de se concentrer sur l'examen de la nécessité des mesures conservatoires. Le juge ad hoc Serge SUR propose donc la substitution à la pratique actuelle de la Cour, qui repose sur une démonstration positive ? sa compétence prima facie et la recevabilité prima facie de la requête ? une démonstration négative, celle qu'elle n'est pas manifestement incompétente et que la requête n'est pas manifestement irrecevable59(*). En prenant une position négative au lieu d'une affirmation provisoire, la Cour écarterait toute critique de contradiction de jugement, voire de revirement de position. Elle agirait en outre de façon plus fidèle aux prescriptions de l'article 41 de son Statut, voire de son Règlement qui ne mentionne pas davantage les questions de compétence et de recevabilité à propos des mesures conservatoires (articles 73-78 du Règlement)60(*).

La Cour a limité l'établissement de sa compétence à la Convention contre la torture et n'a pas cru nécessaire de s'étaler sur les déclarations facultatives d'acceptation de sa juridiction obligatoire.

§ 2- Les déclarations facultatives d'acceptation de la juridiction obligatoire de la CIJ

En omettant d'établir sa compétence prima facie également à partir des déclarations facultatives d'acceptation de sa juridiction obligatoire faites par la Belgique et le Sénégal, la Cour a fait preuve d'un laconisme qui peut se justifié par la célérité qui caractérise la procédure d'examen des demandes d'indication des mesures conservatoires. La Cour aurait pu préciser que ces déclarations constituent une base de sa compétence prima facie. De fait, ces déclarations sont l'expression du principe du consentement des parties à la juridiction de la Cour (A) dont la pertinence procédurale (B) ne fait plus de doute dans le contentieux international.

A. Une traduction du principe du consentement des États à la juridiction de la Cour

En plus du fait que la Cour ait jugé que la compétence prima facie qu'elle tire de la Convention contre la torture est suffisante, elle a omis de préciser que les déclarations facultatives d'acceptation de sa juridiction, tout comme l'article 30 de cette Convention, sont l'expression du principe du consentement des Etats à sa juridiction. En effet, les États parties au Statut de la Cour ont la faculté de faire une déclaration unilatérale reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour à l'égard de tout autre État acceptant la même obligation. Ce système dit de la clause facultative revient à créer un groupe d'États ayant mutuellement donné compétence à la Cour pour régler tout différend qui pourrait surgir à l'avenir entre eux. Il s'agissait au départ d'une formule de compromis entre les idéalistes qui voulaient établir la juridiction obligatoire de la Cour pour tous les différends entre les États parties à son Statut, par le simple fait de leur adhésion, et les traditionnalistes, qui envisageaient la Cour comme un simple organe ouvert aux États adhérant au Statut, s'ils décident de lui soumettre un différend par accord spécial61(*).

Selon ABI-SAAB, « la solution ou le moyen terme auquel ils sont parvenus était le système de l'article 36, § 2 du Statut, portant cette fameuse clause facultative de juridiction obligatoire »62(*). Le principe est donc celui d'une juridiction « facultative », l'exception étant une juridiction « obligatoire »63(*) : « facultative » au départ parce que les États sont libres de faire ou de ne pas faire la déclaration unilatérale ; « obligatoire » en fin de compte parce que s'ils le font, ils sont obligés de se soumettre à la juridiction de la Cour pour tout différend les opposant à un autre État ayant fait pareille déclaration64(*). Les déclarations peuvent contenir des réserves tendant à les limiter dans le temps ou à exclure certaines catégories de différends. Elles sont déposées par les États auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

Comme l'écrivait ABI-SAAB, « la justice institutionnalisée a toujours été pour les internationalistes une panacée, un remède miracle à tous les maux et à toutes les faiblesses structurelles du système, une sorte de pierre philosophale du droit international »65(*). Or certains États ne la conçoivent pas toujours de la même façon, la saisine de la Cour étant perçue par certains comme un geste inamical66(*).

La place qu'occupe la Convention contre la torture dans cette affaire, a sans aucun doute permis à la Cour d'éviter de rechercher à travers les déclarations en acceptation de sa juridiction faites par les parties comme autre base de sa compétence prima facie. L'on pourrait penser, pour justifier le raisonnement de la Cour que, par souci de la célérité de la procédure, elle n'ait pas voulu perdre du temps. En examinant les conditions de l'article 30 de la Convention contre la torture, la Cour aurait dû mettre un accent sur le principe du consentement des parties à sa juridiction obligatoire67(*). L'on estime que la Cour aurait dû rappeler que ce principe reste et demeure déterminant dans les procédures devant elle. De fait, comme l'observe Jean-Pierre QUENEUDEC, « sa décision n[e doit pas être] purement prophylactique ; elle [doit avoir] aussi, par certains côtés, valeur pédagogique »68(*). Par ailleurs, « une décision judiciaire est à la fois susceptible d'être un modèle à suivre, une source d'inspiration pour ceux qui ont fonction de participer au mécanisme judiciaire, et un objet d'étude sur lequel peuvent se pencher ceux qui s'intéressent au phénomène du droit », renchérit Régine BEAUTHIER69(*). Les déclarations se sont avérées déterminantes, dans bien des cas, pour fonder la compétence de la Cour70(*).

Les déclarations facultatives d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour expriment donc parfaitement la quintessence du principe du consentement dont il serait intéressant de démontrer la pertinence procédurale devant la Cour.

B. La pertinence procédurale du principe du consentement des Etats à la juridiction de la Cour

Dans son Ordonnance du 28 mai 2009, l'organe judiciaire principal des Nations Unies n'a pas mis un accent sur le principe du consentement des parties à sa juridiction obligatoire. Ce qui est pour le moins étonnant quand on a à l'esprit que ce principe est cardinal dans le cadre des procédures devant la Cour. Car il constitue une limite à l'intervention de la Cour dans la mesure où le cadre du litige est fixé par la volonté des parties. L'on se souviendra pourtant qu'en d'autres espèces, la CPJI et la CIJ ont affirmé cette évidence. La CPJI a en effet eu à rappeler que « la juridiction de la Cour dépend de la volonté des parties »71(*). Pour sa part, la CIJ a déclaré que « la Cour ne peut exercer sa juridiction à l'égard d'un État si ce n'est avec le consentement de ce dernier »72(*). Il n'est pas futile de rappeler que les articles 36, § 5, et 37 prévoient que les déclarations et les traités qui se réfèrent à la CPJI reporteront désormais leurs effets sur la CIJ.

L'on se souviendra que, dans d'autres espèces, la Cour a accordé une grande importance au principe du consentement des parties à sa juridiction obligatoire. En effet, rivée à ce principe pour établir sa juridiction, la Cour en apprécie très souvent la portée pour décider qu'elle est ou non compétente prima facie. Ce fut le cas dans les dix Ordonnances du 2 juin 1999 rendues en l'affaire opposant la Yougoslavie à dix États membres de l'OTAN73(*).

Toutefois, la saisine de plus en plus fréquente de la Cour par les États contraste avec l'augmentation peu significative des clauses conventionnelles et les déclarations unilatérales élargissant la sphère de compétence de la Cour74(*). Fort de ce constat, Luigi CONDORELLI s'est demandé si « la disponibilité croissante des États à prendre le chemin de La Haye n'est [...] pas en contradiction avec la réticence que ceux-ci continuent en même temps à éprouver quant à l'acceptation d'éventuelles clauses conventionnelles (ou à la formulation de déclarations unilatérales) les soumettant à la compétence de la Cour ? »75(*) Il faut préciser qu'en dehors de la clause attributive de compétence inscrite dans des traités et la déclaration facultative d'acceptation de la juridiction obligatoire, les États peuvent aussi saisir la Cour sur la base d'un compromis conclu après l'avènement du différend. Le forum prorogatum est un moyen qui permet également d'établir le consentement des États à la juridiction de la Cour. De toutes les formes de consentement, son institution est de loin la plus souple76(*). L'article 38, § 5 du Règlement de la Cour constitue une modalité de son établissement. Cette disposition se lit comme suit :

« Lorsque le demandeur entend fonder la compétence de la Cour sur un consentement non encore donné ou manifesté par l'État contre lequel la requête est formée, la requête est transmise à cet État.  Toutefois, elle n'est pas inscrite au rôle général de la Cour et aucun acte de procédure n'est effectué tant que l'État contre lequel la requête est formée n'a pas accepté la compétence de la Cour aux fins de l'affaire ».

Une définition nette du forum prorogatum a été fournie par Hersh LAUTERPACHT :

« si un État, l'État A, introduit une instance contre un autre État, l'État B, sur une base de compétence inexistante ou défectueuse, le forum prorogatum consiste en la possibilité pour l'État B d'y remédier en adoptant un comportement valant acceptation de la compétence de la Cour »77(*).

Il arrive parfois que la Cour fasse preuve de beaucoup « d'audace et d'originalité dans la recherche et l'établissement du consentement des parties (...), en faisant sienne la doctrine du forum prorogatum »78(*). On est donc en droit de dire que la Cour aurait dû montrer la place capitale du principe du consentement en le réaffirmant dans son Ordonnance du 28 mai 2009.

De ce qui précède, force est de constater que les bases de la compétence prima facie sont déterminantes dans la procédure devant la Cour. Mais l'existence d'un différend entre les parties est une exigence complémentaire pour l'établissement de cette compétence, et partant, une exigence de la continuité de la procédure incidente en question.

Section II : L'existence prima facie d'un différend justifiant la compétence prima facie

La décision de la Cour d'examiner la question de l'existence prima facie d'un différend entre la Belgique et le Sénégal, a certainement été motivée par des considérations de logique et par une certaine précaution. Lorsqu'elle est saisie d'une demande en indication de mesures conservatoires, la Cour doit toujours vérifier s'il existe prima facie un différend entre les parties. Dans l'arrêt Mavrommatis, la CPJI a considéré un différend comme « un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d'intérêts entre deux personnes »79(*). Il est intéressant de constater que la Cour a distingué deux moments de la constatation de l'existence d'un différend : la date du dépôt de la requête belge et le délibéré. Ce qui lui a permis de relever l'évolution de la portée du différend entre les parties. Aussi il apparaît important d'examiner les justifications de l'examen de la question de l'existence prima facie d'un différend (§ 1) ainsi que la période de constatation de l'existence prima facie d'un différend (§ 2).

§ 1- Les justifications de l'examen de la question de l'existence prima facie d'un différend

Le fait que la Cour ait décidé de vérifier s'il existait prima facie un différend entre la Belgique et le Sénégal, ne surprend pas. En effet, cette position relève tout simplement de la logique et dénote une certaine précaution judiciaire. Les justifications de l'examen de l'existence prima facie d'un différend entre les parties tiennent tant à la logique (A) qu'à la précaution judiciaire (B).

A. Une justification tenant à la logique

La Cour fait remarquer tout d'abord que la Belgique et le Sénégal sont parties à la Convention contre la torture avant de noter que la première condition exigée pour que la compétence de la Cour puisse être établie sur cette base est l'existence d'un « différend entre deux ou plus des États parties concernant l'interprétation ou l'application de la présente Convention »80(*). Il est clair que la Convention contre la torture, invoquée par le Royaume de Belgique comme base de compétence, a eu une certaine influence sur le raisonnement de la Cour. En fait, dans certaines procédures sur les mesures conservatoires, la Cour n'a pas jugé nécessaire de vérifier spécialement l'existence prima facie d'un différend, sûrement parce qu'il allait de soi81(*).

En l'espèce, la Belgique faisait valoir qu'un différend sur l'interprétation ou l'application de la Convention l'oppose au Sénégal. Cet Etat a essayé de montrer, sans convaincre la Cour, qu'un tel différend n'existe manifestement pas, car, selon lui, la requête belge a pour objectif de demander à la Cour de dire et juger qu'il est obligé de poursuivre pénalement Hissène HABRE. Alors même que le Sénégal a déjà pris les dispositions appropriées pour se conformer à cette obligation.

Dès lors, la logique voulait donc que la Cour établît si, prima facie, un différend tel que celui que prévoit la Convention contre la torture existait tant à la date du dépôt de la requête belge qu'au moment du délibéré. En effet, malgré l'adage jura novit curia (le droit est l'apanage du juge), la Cour se devait tout de même de rendre compte aux parties de leurs arguments sur l'existence ou non d'un différend les opposant. Il est clair en effet que les parties ne sont pas d'accord au sujet de l'existence d'un différend. Ce désaccord a sans doute contraint la Cour à analyser minutieusement cette question, faisant preuve d'une certaine précaution.

B. Une justification tenant à la précaution judiciaire

En décidant d'examiner la question de l'existence prima facie d'un différend entre la Belgique et le Sénégal, la Cour a fait montre de prudence judiciaire. En effet, omettre cette question peut causer la perte d'un temps précieux. La Cour pourrait constater, après la procédure en indication de mesures conservatoires, qu'un différend sérieux n'a jamais existé entre les parties. L'on se souviendra ainsi que, dans l'affaire de l'Anglo-Iranian Oil Company (Royaume-Uni c. Iran), arrêt du 22 juillet 1952 sur les exceptions préliminaires, après avoir indiqué des mesures conservatoires, la Cour s'est déclarée incompétente et a dû rapporter lesdites mesures conservatoires82(*).

Même si en matière de mesures conservatoires, la question de l'existence prima facie d'un différend entre les parties n'est souvent examinée que de façon lapidaire ou avec souplesse83(*), cet examen reste indispensable. S'agissant de cette souplesse, on ne doit pas perdre de vue qu'étant par hypothèse en matière urgente, les questions en cause ne peuvent pas être examinées en profondeur, ni les exigences observées strictement. C'est ce que semblait dire Pierre PESCATORE lorsqu'il affirmait que, pour « parer au plus pressé, on ne peut pas poser des exigences trop strictes en ce qui concerne la logique et la perfection formelle des motivations [des Ordonnances de la Cour] »84(*).

Par ailleurs, comme le rappellent les juges Awn Shawkat AL-KHASAWNEH et Leonid SKOTNIKOV, dans leur opinion individuelle commune jointe à l'Ordonnance du 28 mai 2009, la Cour a eu l'occasion de souligner que «[w]hether there exists an international dispute is a matter for objective determination» (Interpretation of Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Romania, First Phase, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1950, p. 74)85(*). Selon ces juges, même prima facie, la Cour est censée faire preuve de minutie et de précision.

La précaution ainsi prise par la Cour est à saluer. De fait, d'un côté, la Cour devrait éviter d'indiquer des mesures conservatoires alors même qu'il n'existerait manifestement aucun différend entre les parties. De l'autre côté, elle ne devrait pas s'abstenir d'indiquer de telles mesures alors même que les droits de l'une des parties risqueraient de subir un préjudice irréparable avant sa décision sur le fond.

Les justifications de l'examen de la question de l'existence prima facie d'un différend étant exposées, il convient à présent de s'appesantir sur la période de constatation de l'existence d'un tel différend.

§ 2- La période de constatation de l'existence d'un différend entre les parties

La Cour a distingué deux moments d'appréciation de l'existence prima facie d'un différend entre la Belgique et le Sénégal, à savoir la date du dépôt de la requête belge (A) et le moment du délibéré (B).

A. A la date du dépôt de la requête belge

La Cour a fait remarquer qu' « en règle générale, c'est à cette date que, selon [sa] jurisprudence (...), sa compétence doit s'apprécier »86(*). La condition relative à l'existence d'un différend étant intimement liée à la compétence prima facie, c'est à la date du dépôt de la requête que doit également être constatée l'existence d'un différend entre les parties au litige.

Il n'est pas incommodant de rappeler que, suite à l'échec de la procédure d'extradition de Hissène HABRE vers la Belgique le 26 novembre 2005, Ousmane NGOM, ministre sénégalais de l'Intérieur, prit un arrêt mettant Hissène HABRE « à la disposition du président de l'Union Africaine », poste occupé à ce moment-là par Olusegun OBASANJO, alors président du Nigéria. L'expulsion de l'ancien président tchadien vers le Nigéria semblait alors imminente. Le Sénégal a informé la Belgique de la saisine de l'UA, par note verbale datée du 23 décembre 2005. En réaction, la Belgique contestera, par la même voie le 11 janvier 2006, que le Sénégal puisse se conformer à l'obligation énoncée à l'article 7 de la Convention contre la torture (aut dedere aut judicare) en déférant une question relevant de cette Convention à une organisation internationale. Or le Sénégal a estimé avoir pris des mesures suffisantes pour s'acquitter desdites obligations et réaffirmé sa volonté de continuer le processus de poursuite de Hissène HABRE. Ceci étant un moyen d'assumer intégralement ses obligations d'État partie à la Convention. Au vu de ces divergences de vues, la Cour considère qu'il « apparaît prima facie qu'un différend sur l'interprétation et l'application de la Convention opposait les Parties à la date du dépôt de la requête »87(*).

On est d'avis qu'il existait un différend manifeste entre les parties le 19 février 2009. L'article 7, § 1 de la Convention contre la torture prévoit en effet que : « L'État partie sur le territoire sous la juridiction duquel l'auteur présumé d'une infraction visée à l'article 4 est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, dans les cas visés à l'article 5, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale ». Or peut-on pertinemment considérer les organes de l'UA comme autorités compétentes du Sénégal ? Certainement pas !

Toutefois, il est certain que le fait de transférer la compétence à une organisation internationale aurait pour conséquence une plus grande efficacité. En effet, l'organisation internationale pourraitt disposer facilement d'énormes moyens financiers qu'exige la poursuite des crimes internationaux. En plus, elle serait peu ou prou épargnée des susceptibilités et influences politiques qui pourraient entacher l'éclat de la procédure pénale devant les juridictions nationales.

B. Au moment du délibéré

Le délibéré est considéré par la Cour comme le deuxième moment d'appréciation de l'existence prima facie d'un différend entre les parties. Il s'est agi pour la Cour de vérifier, comme elle le dit elle-même, si compte tenu de la façon dont les Parties ont présenté leurs positions à l'audience, un tel différend continue, prima facie, d'exister.

La Cour note que le Sénégal a affirmé que ses obligations ne découlent pas du mandat reçu de l'UA en 2006 et qu'un État partie à la Convention contre la torture ne peut s'acquitter des obligations énoncées à son article 7 tout simplement en saisissant une organisation internationale. Ce qui revient à dire que les Parties s'entendent sur ce point. La Cour relève par ailleurs que,

« les Parties semblent néanmoins continuer de s'opposer sur d'autres questions d'interprétation ou d'application de la Convention contre la torture, telles que celle du délai dans lequel les obligations prévues à l'article 7 doivent être remplies ou celle des circonstances (difficultés financières, juridiques ou autres) qui seraient pertinentes pour apprécier s'il y a eu ou non manquement auxdites obligations ; que les vues des Parties [...], continuent apparemment de diverger sur la façon dont le Sénégal devrait s'acquitter de ses obligations conventionnelles » 88(*).

La Cour en conclut que, prima facie, un différend de la nature de celui visé à l'article 30 de la Convention contre la torture demeure entre les Parties, même si sa portée a pu évoluer depuis le dépôt de la requête. On est donc parti d'un différend manifeste à un différend quasi latent.

Toutefois, même ayant voté pour la décision de la Cour, certains de ses membres ne semblent pas d'accord avec son raisonnement sur l'existence prima facie d'un différend entre la Belgique et le Sénégal. C'est notamment le cas des juges Awn Shawkat AL-KHASAWNEH, Leonid SKOTNIKOV et du juge ad hoc Serge SUR. Pour les deux premiers, «the Court could have concluded that, given the explanation by the Parties, no dispute exists and therefore the Application has been rendered moot»89(*). Ils en déduisent que la conclusion à laquelle la Cour est parvenue est peu vraisemblable.

S'agissant du juge ad hoc SUR, il considère que « c'est de façon inappropriée » que la Cour conclut à la persistance du différend. Selon lui, il s'agit en effet de divergences qui ne font pas l'objet de la demande présentée par la Belgique, mais ne sont que des motifs à l'appui de sa requête. Citant Jean COMBACAU, il précise que :

« le désaccord, l'opposition ... ne sont constitutifs d'un différend que s'ils se manifestent à l'occasion d'une réclamation adressée par un État à un autre et à laquelle celui-ci refuse de faire droit ; le contentieux international n'inclut ni les disputes abstraites ... ni même des différences d'appréciation sur la conduite à tenir dans une espèce déterminée : son concept implique l'expression de prétentions, et pas seulement de thèses, contradictoires ; et le différend n'apparaît que là où un État réclame d'un autre un certain comportement et se heurte au refus de celui-ci » (Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit international public, Montchrestien, Paris, 8e éd., 2008, p. 556)90(*).

Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu' « [i]l faut démontrer que la réclamation de l'une des parties se heurte à l'opposition manifeste de l'autre »91(*). Toutefois, il est difficile de suivre Serge SUR lorsqu'il affirme que la Cour aurait dû reconnaître que le différend n'existe plus et en tirer les conséquences, en déclarant, comme dans les affaires des Essais nucléaires ((Australie c. France) et (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt [du 20 décembre 1974], Rec. 1974, p. 272) que, la demande étant désormais sans objet, il n'y avait plus rien à juger.

Certes, comme on le verra plus loin, les assurances proprio motu du Sénégal et les réponses des Parties aux questions du juge GREENWOOD étaient de nature à priver d'objet la demande belge. Mais on ne doit pas confondre la présente procédure incidente, où il est question de l'examen de la demande belge en indication des mesures conservatoires, à l'affaire principale qui porte sur l'obligation de poursuivre ou d'extrader. La demande et la requête belges étant différentes, la perte d'objet de la première n'a aucune conséquence sur l'objet de la seconde.

CONCLUSION DU CHAPITRE I

De ce qui précède, il ressort que la Cour a fait preuve de précision et de minutie dans le processus ayant conduit à l'établissement de sa compétence prima facie. La Cour a joint la logique à l'urgence que commande la procédure incidente. La requérante ayant évoqué comme bases de compétence de la Cour, l'article 30 de la Convention contre la torture et les déclarations facultatives d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, celle-ci ne s'est pas contentée d'affirmer spontanément sa compétence prima facie. La Cour a d'abord vérifié si, prima facie, les conditions procédurales de l'article 30 étaient établies. Un accent particulier a été mis sur l'existence prima facie d'un différend entre les parties. La Cour a déclaré ces conditions procédurales réunies prima facie. Ce qui lui a permis d'affirmer sa compétence prima facie sur la base de la Convention contre la torture ; sans qu'elle ait besoin de vérifier si les déclarations des parties pourraient également fonder, prima facie, sa compétence.

On a pu constater que la compétence de la Cour est largement tributaire de l'existence d'un différend entre les parties. L'appréciation de l'existence d'un différend a permis en l'espèce de remarquer qu'on est passé d'un différend manifeste, à la date du dépôt de la requête, à un différend quasi latent au moment du délibéré. Alors qu'elles étaient très perceptibles à la date du dépôt de la requête de la demanderesse, les divergences de vues des parties avaient presque disparu au moment du délibéré.

En matière de mesures conservatoires, la compétence prima facie est une condition préliminaire et capitale dans la mesure où seul son établissement permet à la Cour de poursuivre l'examen des autres conditions requises. Dans cette affaire, l'affirmation de l'existence d'un différend et donc de la compétence prima facie a amené la Cour à s'étendre également sur les conditions relatives aux droits protégés.

CHAPITRE II : LA CONFIRMATION DES CONDITIONS RELATIVES AUX DROITS PROTEGES

Les exigences liées aux droits invoqués par la Belgique, sont aussi importantes que les exigences de la compétence prima facie et de l'existence prima facie d'un différend entre les parties. En effet, les mesures conservatoires ont pour but de sauvegarder des droits de l'une quelconque des parties ; d'où la nécessité de vérifier à l'occasion de cette procédure incidente l'existence d'un lien suffisant entre ces droits et les mesures demandées. Par ailleurs, la Cour doit toujours vérifier s'il y a urgence à protéger lesdits droits par des mesures conservatoires. L'urgence peut dès lors être légitimement considérée comme une condition essentielle et ultime en matière de contentieux des mesures conservatoires. C'est en effet l'urgence d'une situation qui amène très souvent la Cour à indiquer de telles mesures92(*).

Excepté la compétence de la Cour, l'urgence est la condition qui se dégage facilement des dispositions du Statut et du Règlement de la Cour. En fait, le Statut ne prévoit aucune condition précise ; il autorise tout simplement la Cour à indiquer des « mesures conservatoires du droit de chacun si elle estime que les circonstances l'exigent » (article 41, § 1). L'article 74 du Règlement mentionne tout simplement l'urgence de la procédure en matière de mesures conservatoires et non l'urgence que présentent les circonstances d'une affaire. L'urgence est intimement liée aux droits à protéger dans la mesure où c'est uniquement en cas de risque réel et imminent de préjudice irréparable que la Cour pourra indiquer des mesures conservatoires. Ceci conduit, d'une part, à l'examen de l'exigence du lien suffisant entre les droits protégés et les mesures sollicitées (Section I) et, d'autre part, à l'analyse de l'exigence de l'urgence (Section II).

Section I : La confirmation de l'exigence du lien entre les droits protégés et les mesures demandées

La Cour a commencé par rappeler que le pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires qu'elle tient de l'article 41 de son Statut a pour objet de sauvegarder le droit de chacune des parties en attendant qu'elle statue au fond. Ce qui l'amène à rechercher, à travers de telles mesures, la sauvegarde de droits que son arrêt définitif « pourrait ultérieurement reconnaître, soit au demandeur, soit au défendeur »93(*). L'indication de ces mesures exige qu'un « lien [soit] donc établi entre [elles] et les droits qui font l'objet de l'instance pendante devant la Cour sur le fond de l'affaire »94(*). En plus, l'indication de mesures conservatoires ne serait possible que si les droits allégués par une partie apparaissent au moins plausibles. La vérification d'un tel lien et de la plausibilité des droits allégués nécessite tant l'examen du fondement des droits invoqués par la Belgique (§ 1) qu'un exposé de leur contenu (§ 2).

§ 1- Les fondements juridiques des droits invoqués par la Belgique

Dans sa plaidoirie, la Belgique a revendiqué essentiellement deux droits : le droit au respect de l'obligation de poursuivre ou d'extrader et le droit à la lutte contre l'impunité des crimes les plus graves. Ces droits sont prévus par des instruments juridiques internationaux et ont un caractère erga omnes95(*). L'analyse des fondements conventionnels de ces droits (A) précèdera l'examen de leurs fondements coutumiers (B).

A. Les fondements conventionnels des droits invoqués par la Belgique

L'Ordonnance du 28 mai 2009 mentionne uniquement la Convention contre la torture comme fondement des droits invoqués par la Belgique (le droit au respect de l'obligation de poursuivre ou d'extrader et le droit à la lutte contre l'impunité des crimes les plus graves). Pourtant en dehors de cette Convention, les droits invoqués puisent également leur source dans les Conventions de Genève du 12 août 1949, pour ce qui est des crimes de guerre. Ces Conventions lient la Belgique et le Sénégal depuis, respectivement, le 3 septembre 1952 et le 18 mai 1963. Elles obligent chaque partie contractante à rechercher et à déférer les auteurs d'« infractions graves » à ses propres tribunaux ; l'État concerné peut cependant, s'il le préfère, « les remettre pour jugement à une autre Partie contractante intéressée à la poursuite »96(*).  

Éric DAVID s'est fait l'écho de l'état du droit international conventionnel en rappelant que des traités liant le Sénégal et la Belgique obligent les parties à assurer la répression des crimes attribués à Hissène HABRE par le juge d'instruction belge dans le mandat d'arrêt international et dans la demande d'extradition97(*). Il s'agit des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre, des crimes de torture et de génocide dont les auteurs présumés doivent être soit poursuivis en justice dans l'État où ils se trouvent, soit extradés vers un État qui désire les poursuivre.

S'agissant principalement des crimes de torture, la Convention contre la torture, qui lie les parties (depuis le 21 août 1986, pour ce qui est du Sénégal, et le 25 juin 1999, en ce qui concerne la Belgique) oblige les États parties à poursuivre les auteurs présumés de ces crimes dans les conditions prévues aux articles 5 et 7, ou à les extrader vers un autre État partie en vertu de l'article 8. L'on se souviendra que cette règle, dans le cas particulier de Hissène HABRE, a reçu une « éclatante confirmation » de la part du Comité contre la torture, organe institué par la Convention contre la torture (article 17).

En effet, le Comité avait été saisi par une requête d'anciennes victimes de Hissène HABRE alléguant une violation par le Sénégal des articles 5 paragraphe 2, et 7 de la Convention contre la torture (par son abstention à poursuivre) et demandant, à ce titre, différentes réparations. Dans sa décision du 17 mai 2006, le Comité « considère que l'État partie n'a pas rempli ses obligations en vertu de l'article 7 de la Convention »98(*). Cette disposition prévoit en substance que « L'État partie sur le territoire duquel l'auteur présumé d'un acte de torture est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, dans les cas visés à l'article 5, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale ».

Le Comité contre la torture précise d'ailleurs que : « l'obligation de poursuivre l'auteur présumé d'actes de torture ne dépend pas de l'existence préalable d'une demande d'extradition à son encontre »99(*). L'on suit alors facilement Éric DAVID, selon qui « a fortiori, s'il faut poursuivre, même s'il n'y a pas de demande d'extradition, a fortiori, il faut évidemment poursuivre s'il y a une demande d'extradition »100(*). Le Comité considère par ailleurs « qu'en refusant de faire suite à cette demande d'extradition [du 19 septembre 2005], l'État partie a une nouvelle fois manqué à ses obligations en vertu de l'article 7 de la Convention »101(*). Le Comité reconnaissait donc ce que la Belgique demande à la Cour en l'espèce, à savoir, l'obligation pour le Sénégal de poursuivre pénalement l'ex-président tchadien.

Sur le plan conventionnel, les droits invoqués par la Belgique sont plus que plausibles. La Cour aurait dû relever le fait que ces droits peuvent tirer également leur source tant des Conventions de Genève du 12 août 1949 que du droit international coutumier tel que l'avait exposé la demanderesse lors des plaidoiries.

B. Les fondements coutumiers des droits invoqués par la Belgique

Alors même que la Belgique fondait ses droits également sur le droit international coutumier, la Cour a omis d'en faire allusion en affirmant la plausibilité de ces droits. La Cour a ainsi fait montre d'un laconisme que d'aucuns pourraient expliquer par le caractère urgent de la procédure incidente des mesures conservatoires. Cet argument ne peut cependant être retenu dans le cadre de cette étude. En effet, la Cour aurait pu dire que les droits revendiqués par la Belgique, en tant que fondés sur une interprétation possible des Conventions et du droit international coutumier, sont plausibles. Ceci ne lui aurait pas coûté un temps significatif.

Le principe aut dedere aut judicare, au centre de l'affaire qui oppose la Belgique au Sénégal, est une règle de droit international coutumier exprimée par l'Assemblée générale des Nations Unies (ci-après AGNU)102(*) et par la Commission du droit international (ci-après CDI). C'est presque une lapalissade que de relever, en passant, que la fonction de la CDI consiste, aux termes de son statut, à codifier et à encourager le développement progressif du droit international103(*). Dans sa résolution 3074 (XXVIII), l'AGNU, déclare :

« Les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, où qu'ils aient été commis et quel que soit le moment où ils ont été commis, doivent faire l'objet d'une enquête et les individus contre lesquels il existe des preuves établissant qu'ils ont commis de tels crimes doivent être recherchés, arrêtés, traduits en justice et, s'ils sont reconnus coupables, châtiés »104(*).

Il convient de noter que l'AGNU n'a guère précisé la portée de cette obligation. Dans la mesure, toutefois, où elle insiste sur la nécessité que les auteurs de ces crimes soient « recherchés, arrêtés, traduits en justice et, s'ils sont reconnus coupables, châtiés », on peut en déduire qu'on vise l'État du lieu d'arrestation comme titulaire de l'obligation d'assurer les poursuites s'il n'extrade pas l'auteur vers un autre État105(*). La CDI est beaucoup plus précise dans son Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité adoptée en 1996. Il ressort de l'article 9 de ce projet que : « Sans préjudice de la compétence d'une cour criminelle internationale, l'État partie sur le territoire duquel l'auteur présumé d'un crime visé à l'article 17 [génocide], 18 [crimes contre l'humanité], 19 ou 20 [crimes de guerre] est découvert extrade ou poursuit ce dernier ».

A ce qui précède, l'on peut ajouter les Conventions de Genève de 1949 et la Convention contre la torture qui, selon Éric DAVID, sont autant d'expressions du droit international coutumier106(*). La Cour a d'ailleurs qualifié les Conventions de Genève de « principes intransgressibles du droit international coutumier »107(*). Il va sans dire que l'obligation de poursuivre ou d'extrader lie son titulaire envers tout État, même si le droit international conventionnel peut être plus facilement respecté en la matière. La Belgique revendique en tout cas des droits sur la double base conventionnelle et coutumière ; d'où la nécessité d'exposer leur contenu.

§ 2- Le contenu des droits invoqués par la Belgique

La Cour a estimé qu'« à ce stade de la procédure [elle] n'a pas à établir de façon définitive l'existence des droits revendiqués [...] ni à examiner la qualité de la Belgique à les faire valoir [...]; et que ces droits, en tant que fondés sur une interprétation possible de la Convention contre la torture, apparaissent en conséquence plausibles »108(*). La Belgique a spécialement invoqué son droit de voir le Sénégal soit poursuivre, soit extrader Hissène HABRE. Toutefois, il semble important de s'attarder aussi sur le droit à la lutte contre l'impunité. On examinera donc tour à tour le droit au respect de l'obligation de poursuivre ou d'extrader (A) et le droit à la lutte contre l'impunité des crimes les plus graves (B).

A. Le droit au respect de l'obligation de poursuivre ou d'extrader

En omettant de mentionner clairement le droit de la Belgique au respect de l'obligation de poursuivre ou d'extrader par le Sénégal, la Cour a beaucoup surpris. En fait, on aurait pu penser que la Cour reprendrait ce droit dans un obiter dictum de son Ordonnance. L'on se souviendra que, dans l'affaire Barcelona Traction (Belgique c. Espagne), la Cour a jugé que les obligations des Etats envers la « Communauté internationale » dans son ensemble, vu leur importance, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits [fondamentaux de l'homme] soient protégés109(*). Le principal organe judiciaire des Nations Unies ajoutait que « les obligations dont il s'agit sont des obligations erga omnes »110(*).

La Belgique et le Sénégal, comme la plupart des États du monde, se sont engagés à poursuivre ou à extrader les auteurs présumés des crimes internationaux les plus graves. Cette obligation a en effet un caractère coutumier et erga omnes. Son respect par l'une des parties devient donc un droit pour les autres et vice versa. Celles-ci ont la possibilité de revendiquer le respect d'une telle obligation. Le principe aut dedere aut judicare peut être considéré comme l'un des ferments de l'ordre public international111(*). On ne peut parler d'une société internationale que si la demande de justice, qui accompagne toutes les relations sociales, peut s'exprimer dans son cadre et si elle peut y recevoir des réponses, même partielles. Selon Serge SUR, « si la justice vient à faire défaut, rien ne peut la remplacer »112(*). Pour l'auteur, la justice est comme l'air que l'on respire, invisible mais vitale. D'où la nécessité pour chaque État de respecter et d'exiger des autres le respect de l'obligation internationale de poursuivre ou d'extrader les auteurs des crimes les plus odieux. Ce système est d'ailleurs « la technique la plus efficace pour assurer l'ubiquité de la répression » 113(*) qui est au coeur du droit international pénal.

Les affaires concernant la perpétration des infractions graves au droit international humanitaire et au droit international des droits de l'Homme sont devenues très fréquentes au sein des Etats. Ces infractions graves, parce qu'elles sont faites à l'encontre de l'Homme, heurtent la conscience de toutes les nations civilisées. C'est pourquoi Gérard COHEN-JONATHAN estime que, « face à l'universalité des victimes des violations des droits de l'Homme, il faut sans cesse réaffirmer l'universalité des droits eux-mêmes, et combattre pour la sauvegarde de ce patrimoine commun de l'humanité »114(*). En effet, les souffrances éprouvées par tous ceux qui sont maltraités ou torturés, quelles que soient leur race, leur religion, leur nationalité, sont identiques. Dans cette perspective, l'effort de décriminalisation de la société internationale, à travers la mise en oeuvre du principe aut dedere aut judicare, doit être partagé par tous les États. C'est dire si le droit au respect de ce principe appartient à tous ces États. Comme le note justement Cherif BASSIOUNI,

« les Conventions internationales et régionales, de 1963 à 2001, ont renforcé la notion aut dedere aut judicare et cela a donné à la coopération pénale internationale dans certains domaines un automatisme qui a été en quelque sorte la feuille de vigne qui a couvert la nudité partielle de la souveraineté nationale »115(*).

Le chemin reste toutefois assez long si l'on considère un tant soit peu l'attitude laxiste ou réticente des États pour ce qui est de la mise en oeuvre de cette règle. Xavier PHILIPPE fait d'ailleurs remarquer que

»in many cases the aut dedere aut judicare principle remains purely theoretical, and states that have courageously tried to implement the principles of universal jurisdiction and complementarity in a more systematic and concrete manner through their national legislation have not been long in realizing that the constraints of realpolitik or diplomacy clashed with the concept of universal jurisdiction»116(*).

Au-delà d'un droit spécifique de la Belgique au respect du principe aut dedere aut judicare par le Sénégal, on peut, sur la base du droit international conventionnel et coutumier, affirmer que le respect dudit principe est en même temps un droit et un devoir pour chaque État vis-à-vis de la communauté internationale dans son ensemble. Ce que l'Ordonnance du 28 mai 2009 aurait dû relever dans un de ses obiter dicta. L'on peut en effet relever, à la suite d'Alain PELLET117(*), que dans la droite ligne du dictum de la CIJ dans l'affaire Barcelona Traction, tout Etat peut mettre en cause la responsabilité de l'auteur d'un crime, même sans en être la victime immédiate.

La Belgique, comme tout État, peut également prétendre à un droit plus général à la lutte contre l'impunité.

B. Le droit à la lutte contre l'impunité des crimes les plus graves

Dès l'abord, l'on se doit de préciser que la Cour n'avait pas à se pencher spécialement sur le droit de la Belgique à lutter contre l'impunité des crimes les plus graves. En fait, l'on ne doit pas perdre de vue que l'Ordonnance du 28 mai 2009 n'est que l'aboutissement d'un incident de procédure. A ce titre, la Cour doit tout simplement se préoccuper de sauvegarder par des mesures conservatoires les droits que l'arrêt qu'elle aura à rendre ultérieurement pourrait éventuellement reconnaître à l'une des parties.

Les atrocités qu'a connues la société internationale, d'abord, notamment pendant les deux conflits mondiaux, et ensuite, dans le cadre des conflits armés internationaux et internes récents, ont suscité chez des États une volonté réelle de lutter contre l'impunité de celles-ci. Cette volonté punitive a eu pour résultat le développement d'un arsenal juridique coutumier et conventionnel en faveur de la répression internationale des infractions graves. C'est ainsi que le droit international oblige les États à lutter contre l'impunité des auteurs de telles infractions. Pour s'en convaincre, il suffit de consulter les Conventions de Genève du 12 août 1949 (notamment l'article commun aux quatre Conventions118(*)), la Convention contre la torture (articles 5, 6 et 7), le Statut de la CPI (préambule, considérants 4 à 6119(*)) et les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies de 2003 sur la situation en Côte d'Ivoire120(*), en République Démocratique du Congo121(*) et en Sierra Leone122(*). Ces exemples montrent bien que la volonté de réprimer efficacement les crimes internationaux et d'obvier les cas d'impunité se trouve le mieux assurée par l'obligation faite aux États de traduire les auteurs présumés en justice123(*). L'objet principal de la plupart de ces textes est de combattre l'impunité et d'exercer une répression efficace des infractions graves, en assurant qu'une juridiction nationale sera toujours compétente à l'égard de celles-ci. Le juge CANÇADO TRINDADE pense d'ailleurs que, dans le cas d'espèce, «the right to be preserved is ultimately the right to the realization of justice, the right to see to it that justice is done...»124(*)

L'obligation pour les États de lutter contre l'impunité des crimes internationaux ne faisant plus de doute, ne peut-on pas dès lors affirmer que chaque État a également le droit d'en exiger l'observation des autres ? Certainement dans la mesure où l'État violerait le droit international et où sa responsabilité internationale se trouverait engagée en cas de non respect de son obligation de réprimer les infractions graves. Le non respect de cette obligation par l'amnistie des crimes en cause ne serait pas opposable aux États ayant compétence pour connaître desdits crimes, ceux-ci pouvant toujours entamer des poursuites contre les auteurs présumés125(*).

De fait, certains États (notamment la Belgique126(*) et l'Espagne) affirment avec force l'exigence de mettre fin à l'impunité en se substituant aux juges nationaux ou au for du territoire, « coupables » d'omission, car ils n'engagent aucune poursuite contre les auteurs présumés de crimes gravissimes127(*). Ces États remplissent ainsi leurs obligations conventionnelles au risque de courroucer leurs homologues. Il faut noter, pour le déplorer, que, même si le droit international exige la lutte contre l'impunité, certains États n'y accordent pas toujours beaucoup d'attention. Il s'agit là d'un « décalage frappant entre les potentialités du droit et leur usage effectif » évoqué par Antonio CASSESE128(*), d'un contraste déplorable entre le discours politico-diplomatique et la pratique judiciaire.

De ce qui précède, il ressort que les droits invoqués par la Belgique sont bien fondés et c'est à bon droit que la Cour a affirmé leur plausibilité. Dès lors, il reste à examiner la dernière exigence pour l'indication des mesures conservatoires, l'urgence, pour dire s'il existait en l'espèce un risque de préjudice irréparable aux droits invoqués par la demanderesse.

Section II : La confirmation de l'exigence de l'urgence

L'Ordonnance de la Cour a le mérite de comporter un examen minutieux de la notion d'urgence. L'urgence y est considérée comme une condition déterminante pour l'indication des mesures conservatoires. Celles-ci ont pour objet la sauvegarde d'un droit du fait de l'urgence. L'urgence constitue en réalité la condition ultime et la justification pratique de l'indication des mesures conservatoires par la Cour. De la décision de la Cour, il ressort que l'urgence est constituée par un risque réel et imminent et un préjudice irréparable. On examinera d'abord les éléments constitutifs de l'urgence (§ 1) avant d'analyser son caractère relatif et son effet procédural (§ 2).

§ 1- Les éléments constitutifs de l'urgence

Il ressort de l'Ordonnance du 28 mai 2009 que, l'urgence est constituée, lorsqu'il est possible de démontrer qu'il existe un risque réel et imminent et qu'un préjudice irréparable est susceptible d'être causé aux droits en litige avant que la Cour n'ait rendu sa décision définitive. On examinera donc tour à tour le risque réel et imminent (A) et le préjudice irréparable (B).

A. Le risque réel et imminent

Se référant à sa propre jurisprudence, la Cour a rappelé dans l'Ordonnance du 28 mai 2009 que son pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires ne sera exercé que s'il y a urgence, c'est-à-dire s'il existe un risque réel et imminent qu'un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige avant qu'elle n'ait rendu sa décision au fond129(*). Un risque peut être considéré comme réel lorsque son existence ne fait pas de doute. En l'espèce, la demanderesse a exposé les différentes déclarations médiatiques du président WADE130(*) faisant état du fait que le Sénégal pourrait laisser Hissène HABRE quitter son territoire. La possibilité du départ de l'ex-président tchadien du Sénégal a été évoquée dans les médias internationaux, par la plus haute autorité de ce pays. Cela démontrait à suffisance que les droits de la Belgique étaient susceptibles de subir un préjudice.

S'agissant de l'imminence du risque, c'est le lieu de rappeler que le conditionnel étant de mise dans les propos du président WADE, on ne saurait dire péremptoirement qu'un préjudice irréparable était sur le point d'être causé aux droits en litige. En effet, il ressort des différents propos de ce dernier, que le procès contre Hissène HABRE commencera dès que les moyens financiers nécessaires seront disponibles. La possibilité du départ de Hissène HABRE n'a été envisagée qu'au cas où le Sénégal n'obtiendrait pas ces moyens.

On peut donc affirmer qu'en l'espèce, le risque, même s'il était réel, son imminence faisait défaut. Mais, il faut noter que le doute a commencé à planer sur la réalité du risque avec les assurances données spontanément par le Sénégal et surtout avec les précisions apportées en ce qui concerne les déclarations de son président. Ce risque va disparaître complètement lorsque le Sénégal, répondant à la question du juge GREENWOOD, s'engagera solennellement à ne pas laisser Hissène HABRE quitter son territoire avant que la Cour n'ait rendu sa décision définitive.

B. Le risque de préjudice irréparable

Il importe de noter dès l'abord qu'en matière de mesures conservatoires, la Cour rappelle constamment qu'elle ne peut les indiquer que si un préjudice irréparable est susceptible d'être causé aux droits de l'une des parties131(*). Le préjudice irréparable a été défini par la CPJI comme celui qui ne saurait être réparé « moyennant le versement d'une simple indemnité ou par une autre prestation matérielle »132(*).

La Belgique a estimé que les déclarations médiatiques du président WADE démontrent clairement que ses droits sont menacés. Elle expose que, si l'ex-président tchadien devait être autorisé à quitter le territoire sénégalais, il pourrait se soustraire à toute poursuite et il deviendrait impossible pour le Sénégal de se conformer, notamment, aux obligations énoncées par la Convention contre la torture. Elle ajoute que la violation de l'obligation de poursuivre ou d'extrader ainsi causée ne saurait être réparée par d'autres moyens, notamment par des compensations pécuniaires133(*). Le Sénégal, pour sa part, souligne que la déclaration du chef de l'État ne constitue pas une menace justifiant une demande en indication de mesures conservatoires. Il assure ne pas avoir l'intention de mettre fin aux mesures efficaces de contrôle et de surveillance dont fait l'objet Hissène HABRE134(*), faisant évaporer le risque de préjudice allégué par la Belgique.

La position qu'a adoptée la Cour est conséquente lorsque, tenant compte des assurances données par le Sénégal, elle a constaté que « le risque de préjudice irréparable aux droits revendiqués par la Belgique n'[était] pas apparent à la date à laquelle [son] ordonnance [a été] rendue »135(*). Si l'on ajoute à tout cela les réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD, la conclusion à laquelle est parvenue la Cour est assez compréhensible.

De fait, en acceptant l'engagement solennel du Sénégal (de ne pas laisser Hissène HABRE quitter son territoire tant que la Cour n'a pas rendue un arrêt définitif), la Belgique a tout simplement consacré la disparition du risque de préjudice irréparable.

On peut toutefois s'étonner du fait que le juge CANÇADO TRINDADE n'ait pas été du même avis que les autres membres de la Cour. Pour ce juge, il y avait urgence puisqu'aussi bien des mesures auraient dû être prises pour préserver et respecter le droit à ce que justice soit rendue136(*). Il a précisé en effet que

«[i]n its own case law, the Court, invoking the principle jura novit curia, has clarified that it is not bound to confine its consideration of the case at issue to the pleas or the materials formally submitted to it by the parties. In sum, the Court is the master of its own jurisdiction, and it is empowered to indicate any provisional measures it deems necessary in a case, irrespective of the arguments of the parties, or even in the absence of such arguments»137(*).

On constate dès lors que la Cour a conclu à l'absence de l'urgence tout simplement parce que ses éléments constitutifs n'étaient pas réunis en l'espèce. On a pu ainsi noter le caractère relatif et mesurer l'effet procédural de l'urgence.

§ 2- Le caractère relatif et l'effet procédural de l'urgence

L'Ordonnance de la Cour met en relief la relativité de l'urgence. Les circonstances des affaires dont la Cour est saisie pouvant évoluer, l'urgence n'est pas absolue. Par ailleurs, cette décision permet de mesurer le poids que peut avoir l'urgence sur la procédure incidente des mesures conservatoires. L'existence de l'urgence étant l'exigence ultime pour l'indication des mesures conservatoires, son absence empêche généralement la Cour de le faire. L'analyse du caractère relatif de l'urgence (A) précèdera l'examen de son effet procédural (B).

A. Le caractère relatif de l'appréciation de l'urgence par la Cour

L'Ordonnance du 28 mai 2009 illustre très bien la difficulté qu'il y a souvent à établir l'existence d'un risque, surtout lorsque cela ne relève pas de l'évidence. La Cour a dans ce cas un large pouvoir d'appréciation de la situation ou du comportement préjudiciable de l'une des parties au litige. Le caractère préjudiciable d'un comportement ou l'urgence d'une situation ne sont pas absolus. La Cour peut donc opter soit pour une interprétation restrictive, soit pour une appréciation extensive du caractère urgent des circonstances qui sous-tendent le différend dont elle est saisie. Il arrive en effet que la Cour indique des mesures conservatoires sur la base d'un risque éventuel, voire simplement virtuel138(*) : « si les otages subissaient des atteintes à leur intégrité physique, le préjudice subi serait irréparable »139(*) ; « si des essais nucléaires avaient lieu dans l'atmosphère, il n'est pas exclu que des substances radioactives se déposent sur le territoire d'États tiers, et que ce dépôt cause un préjudice irréparable »140(*).

Dans le cas d'espèce, on a assisté plutôt à une autre dimension de la relativité de l'appréciation de l'urgence. Il s'agit de la disparition d'un risque de préjudice irréparable en cours de procédure devant la Cour. En effet, au moment où la Cour a été saisie de la demande belge en indication de mesures conservatoires, il existait des raisons sérieuses de croire qu'il y avait urgence à sauvegarder les droits allégués par la Belgique. Les déclarations du président WADE justifiaient en tout cas les inquiétudes belges.

La Belgique a démontré le caractère irréparable du préjudice menaçant ses droits du fait du comportement du Sénégal. C'est en réaction que ce dernier a affirmé sa volonté de maintenir Hissène HABRE sur son sol. A ceci s'est ajouté son engagement solennel qui a tout simplement fait voler en éclat l'urgence alléguée par la Belgique. La Cour considère tout d'abord que les déclarations émanant du président sénégalais, même si elles ont pu fonder certaines inquiétudes de la Belgique, ont été précisées par d'autres déclarations du chef de l'État141(*). Par la suite, elle tient compte des assurances données par le Sénégal pour constater que « le risque de préjudice irréparable aux droits revendiqués par la Belgique n'est pas apparent... »142(*). Même si la Cour conclut de tout cela qu'il n'existe « aucune urgence »143(*), en réalité il aurait été plus exact de conclure qu'il n'existe « plus » aucune urgence.

En effet, la Cour en statuant ainsi, a donné l'impression que l'urgence n'avait jamais existé dans l'affaire opposant la Belgique au Sénégal. Or une lecture moyenne des obiter dicta (opinions ou indications occasionnelles du juge) de l'Ordonnance du 28 mai 2009 permet de se faire une idée différente sur la question. Il est presque certain que n'eussent été les assurances données par le Sénégal, la Cour aurait indiqué des mesures conservatoires allant dans le sens du maintien de Hissène HABRE sous le contrôle et la surveillance des autorités sénégalaises. On a ainsi pu constater que l'urgence n'est ni absolue ni définitive, la Cour ayant un large pouvoir d'appréciation des circonstances et l'urgence d'une situation pouvant disparaître avant le délibéré de la Cour. Même si celle-ci a conclu à l'inexistence de l'urgence dans les circonstances de l'espèce, il importe tout de même d'examiner l'effet procédural de l'urgence lorsqu'elle est établie.

B. L'effet procédural de l'urgence

L'Ordonnance du 28 mai 2009 permet de mesurer l'effet procédural de l'urgence. De fait, lorsque l'urgence fait défaut, la Cour ne peut valablement faire usage du pouvoir qu'elle tient de l'article 41, § 1 de son Statut. Aux termes de cette disposition, la Cour a le pouvoir d'indiquer, si elle estime que les circonstances l'exigent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre provisoire. Cette disposition, il faut le rappeler, confère à la Cour un pouvoir et non une obligation. Toutefois, lorsque la Cour estime qu'il existe un risque de préjudice irréparable pesant sur les droits de l'une quelconque des parties, l'indication des mesures conservatoires est inévitable. On remarque d'ailleurs que, dans toutes les espèces où la Cour a eu à indiquer de telles mesures, l'urgence est le plus souvent sa principale motivation.

Certaines affaires illustrent de manière éclatante le caractère décisif de l'urgence pour l'indication des mesures conservatoires. Dans l'affaire du Nicaragua par exemple, l'existence d'un risque de préjudice irréparable, qui est parfois difficile à établir, relevait de l'évidence144(*) ; ce qui a amené la Cour à indiquer des mesures tendant à faire cesser les violences, à protéger les droits du Nicaragua, à éviter l'aggravation du différend145(*) etc. L'affaire LaGrand illustre encore mieux l'effet procédural de l'urgence. L'on se souviendra que la requête et la demande en indication des mesures conservatoires de l'Allemagne furent enregistrées au Greffe de la Cour le 2 mars 1999, à 19h 30 (c'est-à-dire la veille du jour de l'exécution de M. Walter LaGrand). Au regard de l'urgence à protéger le droit à la vie de ce dernier, la Cour a rapidement rendu dès le lendemain une Ordonnance appelant les États-Unis à suspendre l'exécution avant son arrêt définitif. Même si ces derniers ont violé la décision de la Cour en exécutant M. LaGrand le 8 mars 1999146(*), la célérité avec laquelle elle a été prise est remarquable. La Cour a même considéré courageusement qu'elle peut, « en cas d'extrême urgence, procéder [à l'indication des mesures conservatoires] sans tenir d'audience »147(*).

Au total, de même que l'existence de l'urgence amène la Cour à indiquer des mesures conservatoires comme ce fut le cas dans les affaires Nicaragua et LaGrand, le défaut d'urgence la conduit à s'abstenir d'indiquer de telles mesures comme ce fut le cas dans son Ordonnance du 28 mai 2009.

CONCLUSION DU CHAPITRE II

La Cour a jugé plausibles les droits invoqués par la requérante dans la mesure où, selon elle, ils pouvaient être fondés sur la Convention contre la torture. Ces droits ont certainement leur source dans le droit international conventionnel et coutumier. La requérante invoque essentiellement le droit au respect de l'obligation de poursuivre ou d'extrader par le Sénégal. A ce droit est ajouté le droit qu'a tout État de participer à la lutte contre l'impunité des infractions graves. En réalité, le droit international prévoit l'obligation de poursuivre ou d'extrader et l'obligation de lutte contre l'impunité. Ces obligations ont un caractère erga omnes. On estime dès lors que les États doivent en même temps les exécuter et revendiquer leur respect.

Les mesures conservatoires ne peuvent être indiquées par la Cour que s'il y a urgence c'est-à-dire un risque réel et imminent de préjudice irréparable aux droits en litige. L'urgence constitue en effet la condition ultime de l'indication de telles mesures. Elle est la justification pratique des mesures conservatoires. On a toutefois pu constater que la Cour a un large pouvoir d'appréciation de l'urgence des circonstances qui se présentent à elle. Cette appréciation est assez relative dans la mesure où l'urgence peut même disparaître en cours de procédure, comme ce fut le cas en l'espèce.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

La Cour a réaffirmé les conditions préalables et indispensables pour l'exercice du pouvoir prévu par l'article 41 de son Statut à savoir l'indication de mesures conservatoires. Elle a marqué son souci de tenir largement compte du consentement des parties à sa juridiction dans l'examen de sa compétence et de la recevabilité de la requête belge, même prima facie. Selon le juge ad hoc Serge SUR, elle s'y estime d'autant plus tenue que le caractère obligatoire des mesures conservatoires est désormais incontestable, et qu'elle estime devoir s'assurer que l'exercice de son pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires repose sur des bases, au départ, plausibles148(*). Ce juge se demande cependant si « la Cour ne fait pas montre d'une prudence excessive et si cette prudence ne risque pas, en réalité, de la conduire à des résultats qui pourraient ultérieurement apparaître fâcheux pour la manière dont ses décisions sont perçues »149(*).

Le soin mis par la Cour dans l'examen de l'existence d'un différend entre les parties relève des considérations logiques et dénote une précaution judiciaire. La Cour a pu constater l'évolution de la portée de ce différend entre la date du dépôt de la requête et le moment du délibéré. On est passé d'un différend manifeste à un différend quasi latent.

Les droits invoqués par la Belgique sont plausibles. L'obligation de poursuivre ou d'extrader est prévue par le droit international conventionnel et coutumier. Le droit de la Belgique au respect de cette obligation ne fait donc pas de doute. La lutte contre l'impunité constitue une obligation internationale de la communauté des États.

L'urgence est constituée en réalité du risque réel et imminent du préjudice irréparable pesant sur les droits en litige. Celle-ci constitue la condition ultime, la justification même de l'indication des mesures conservatoires par la Cour. On a démontré le caractère relatif de l'appréciation de l'urgence par la Cour. Les circonstances évoluent en parallèle avec les attitudes respectives des parties. En l'espèce, on a pu constater, d'abord, que les assurances sénégalaises ont remis en question l'urgence alléguée par la Belgique, ensuite, la disparition de l'urgence du fait des réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD. Par ailleurs, ces assurances du Sénégal de ne pas laisser Hissène HABRE quitter son territoire et ces réponses des parties permettent de mesurer la pertinence de la demande belge en indication des mesures conservatoires.

Comme on a pu le constater, la demande belge en indication des mesures conservatoires n'était pas du tout dénuée de pertinence. La lecture de l'Ordonnance permet en effet de l'affirmer. La Cour n'a pas méconnu, comme certains pourraient le penser, l'urgence du jugement de Hissène HABRE. Il s'est passé une chose très importante au cours de la procédure, qui constitue sans aucun doute la ratio decidendi, c'est-à-dire les motifs décisifs de la décision de la Cour. En effet, la Belgique a saisi la CIJ en prétendant qu'il existait des raisons sérieuses de croire que le Sénégal pourrait laisser l'ex-président tchadien quitter son territoire. Mais le Sénégal a, à maintes reprises et tout au long des observations orales, donné des assurances en disant qu'il ne permettra pas à Hissène HABRE de quitter son territoire avant que la Cour ait rendu sa décision définitive.

Mais plus déterminantes ont été les réponses données par les parties aux questions du juge GREENWOOD. Ces questions et les réponses qui y ont été servies ont permis de jeter un regard particulier sur la fonction médiatrice que la Cour a remplie dans la présente procédure. On peut penser que la Cour aurait indiqué des mesures conservatoires n'eût été la survenance de ces faits. En effet, comme on l'a noté, la saisine de la Cour par la Belgique a marqué énormément l'actualité événementielle à travers la planète150(*). A défaut donc de cette sorte de médiation ou de justice transactionnelle que les questions du juge ont permis de réaliser, l'Ordonnance rendue par la Cour aurait été en marge de la tendance prédominante du droit international pénal à savoir la lutte contre l'impunité. En effet, si l'urgence n'avait pas disparu en cours de procédure, la Cour aurait certainement indiqué les mesures sollicitées par la Belgique. Ceci afin de s'assurer de la possibilité de poursuivre et de juger Hissène HABRE.

La requête et la demande belges visent à empêcher que les crimes attribués à Hissène HABRE restent impunis. On n'est qu'à l'étape des mesures conservatoires et il plane déjà un sentiment du définitif. En effet, rien ne peut permettre aujourd'hui de dire si la Cour aura à statuer sur le fond. Il n'est pas incommodant de préciser que rien n'oblige, en réalité, le Sénégal aujourd'hui à s'activer. Cet Etat peut en effet considérer que l'affaire étant pendante devant la Cour, la seule obligation qui lui incombe est de maintenir Hissène HABRE au Sénégal. Mais la société internationale a le droit d'espérer en la bonne foi du Sénégal qui, de l'avis de Reed BRODY, a un « rôle [...] avant-gardiste dans la promotion du droit international »151(*). L'on se rappellera que, lors des audiences publiques, le Sénégal a parlé du jugement de Hissène HABRE comme étant « son droit »152(*). Il a par ailleurs évoqué les réformes entreprises et les mesures prises en vue de la tenue de ce procès.

La pertinence de la demande belge est perceptible à partir des assurances données proprio motu par le Sénégal (Chapitre I) et de la fonction médiatrice de la Cour à travers les questions du juge GREENWOOD (Chapitre II).

CHAPITRE I : LES ASSURANCES DONNEES PROPRIO MOTU PAR LE SENEGAL

Le Sénégal a entrepris de démontrer, sans y être incité tout au long des audiences publiques, qu'il n'y avait aucun risque que Hissène HABRE quitte son territoire et échappe à toute poursuite pénale153(*). Il a ainsi apporté un certain nombre d'éléments qui, a priori, peuvent démontrer sa détermination à exécuter le mandat à lui donné par l'UA, à savoir poursuivre et juger l'ex-président du Tchad au nom de l'Afrique. Les assurances données par la partie sénégalaise vont du rappel de l'effectivité des mesures relatives à la rétention de Hissène HABRE au Sénégal à l'affirmation de sa volonté ou mieux sa détermination à juger celui-ci.

On peut penser que le Sénégal est conscient de son obligation de poursuivre et juger Hissène HABRE comme l'exigent le droit international conventionnel et le droit international coutumier. En effet, lorsque l'on se souvient un instant des interférences politiques qui se sont produites lors de la première tentative de jugement de Hissène HABRE au Sénégal, tout procès d'intention exclu, le doute peut être permis154(*).

On va tout d'abord faire cas de la teneur des assurances sénégalaises (Section I), après quoi on passera à l'analyse de l'impact desdites assurances sur le sort de la demande belge et sur le différend principal (Section II).

Section I : La teneur des assurances proprio motu du Sénégal

L'importance des assurances données par le Sénégal peut être mesurée par rapport à la demande en indication des mesures conservatoires. Ces assurances sont relatives, d'une part, à l'effectivité des mesures tenant à la rétention de Hissène HABRE au Sénégal (§ 1) et, d'autre part, à la volonté affirmée de ce dernier de juger l'ex-président tchadien (§ 2).

§ 1- L'effectivité des mesures relatives à la rétention de Hissène HABRE au Sénégal

On s'attardera tour à tour sur l'explication de la déclaration du président sénégalais (A), et la surveillance exercée sur Hissène HABRE et sur son entourage (B).

A. L'explication de la déclaration du président WADE

Le Sénégal a avant tout entrepris de préciser et de justifier les propos médiatiques de son président. Le défendeur prétend en fait qu'il s'agissait d'un « faux prétexte à la demande de mesures conservatoires »155(*). En effet, on se souviendra que la demande belge était principalement justifiée par une déclaration du président de la République du Sénégal sur les ondes de Radio France Internationale (ci-après : « RFI ») le 2 février 2009. L'entretien accordé à RFI est d'ailleurs la seule référence médiatique inscrite dans la demande belge. On peut y lire ce qui suit :

« Actuellement, [Hissène] HABRE est en résidence surveillée à Dakar, mais il ressort d'un entretien donné par le Président sénégalais, A[bdoulaye] WADE, à Radio France Internationale, que le Sénégal pourrait mettre fin à cette mise en résidence surveillée s'il ne trouve pas le budget qu'il estime nécessaire à l'organisation du procès de [Hissène] HABRE »156(*).

On peut donc regretter, avec le Sénégal, que lors des observations orales, la Partie belge ait plutôt mentionné d'autres déclarations médiatiques du président sénégalais157(*), et n'ait pas tenu compte davantage de la déclaration faite sur RFI.

Dans sa plaidoirie, la demanderesse mentionne en premier lieu l'interview accordée au journal espagnol Público et reproduite dans le numéro daté du 14 octobre 2008. Interview qui a d'ailleurs amené Human Rights Watch158(*) à déclarer que le président sénégalais semait le doute sur la tenue du procès contre Hissène HABRE159(*). Le président WADE conditionnait en effet le jugement de Hissène HABRE par l'obtention du financement requis de la société internationale et déclarait qu'il « n['allait] pas garder indéfiniment [Hissène] HABRE au Sénégal »160(*).

La demanderesse mentionne ensuite la déclaration faite dans le journal français La Croix du 18 décembre 2008 :

« Je vais donc mettre en garde mes homologues lors du prochain sommet de l'Union africaine en janvier [2009] et, si des [décisions] ne sont pas prises, peut-être renverrai-je Hissène Habré au Tchad. Mais en tout cas, si le procès ne se tient pas, je ne le garderai pas encore longtemps au Sénégal »161(*).

Enfin, la Belgique fait cas de l'entretien accordé, le 3 février 2009, à l'Agence France-Presse (AFP) qui rapporte ledit entretien comme suit :

« Interrogé pour savoir ce qu'il comptait faire en l'absence de financements, M. Wade a évoqué deux options : « ou je le renvoie chez lui » mais dans ce cas, a-t-il estimé, c'est l'actuel président tchadien Idriss Deby « qui va avoir des problèmes » ; « ou je le renvoie au président de l'Union africaine », [...] le leader libyen Mouammar Kadhafi »162(*).

L'État défendeur a insisté sur le fait que la déclaration faite à RFI, dont se prévaut la demanderesse pour solliciter les mesures conservatoires, a été « complètement distraite de son contexte, et s'est vu attribuer un sens qu'elle n'avait évidemment pas »163(*). Le président sénégalais déclare en effet dans cette interview ce qui suit :

« J'avais dit que si on ne me mettait pas dans les conditions, c'est-à-dire de financement du procès, moi, j'allais rendre le dossier.

J'autorise ces ONG à venir au Sénégal pour qu'on leur dise exactement où nous en sommes... J'ai accepté [que le procès se tienne] parce que je suis contre l'impunité. Nous avons été jusqu'à prendre les textes internationaux et à les intégrer à notre propre droit pour pouvoir juger Hissène Habré. [Après toutes les promesses d'appui qui ont été faites], comme ça traînait un peu, j'ai dit « il faut que le [soutien financier promis] soit réellement disponible... C'était pour pousser un peu pour qu'on accélère... Dès que nous aurons les moyens, le procès va commencer. Il n'y a absolument aucun doute »164(*).

Le défendeur a conclu là-dessus en disant que la « tonalité générale du propos présidentiel se situe (...) dans la perspective de la tenue d'un procès » et qu'une « interprétation contraire serait en effet quelque peu déloyale »165(*).

On conviendra facilement que, même si la Belgique n'a ni versé dans le « caviardage »166(*), ni tronqué les déclarations du président WADE, elle n'en a tout de même présenté que des extraits de nature à dénoter la mauvaise foi du président sénégalais. Cette façon d'opérer, quand bien même elle serait motivée par l'urgence de la situation, peut être pertinemment qualifiée de tentative de manipulation.

B. La surveillance exercée sur Hissène HABRE et sur son entourage

A propos de la surveillance exercée sur Hissène HABRE et sur sa famille, le Sénégal la qualifie de « constante et resserrée ». A l'issu de la plaidoirie des représentants sénégalais, il est clair que la « probabilité que l'ex-président tchadien quitte le Sénégal et échappe à toute poursuite pénale est quasi nulle »167(*). La Cour sera par ailleurs informée de ce que Hissène HABRE ne dispose pas d'un titre de voyage en cours de validité, lui permettant de voyager - ni passeport, ni sauf-conduit168(*).

Sur le plan de la logistique, le défendeur relève que ladite surveillance est exercée au quotidien par le gouverneur militaire, responsable de la sécurité du Palais de la République ; mission de surveillance confiée également à un groupe d'intervention de la gendarmerie sénégalaise. Cette dernière est une unité d'élite dotée de moyens spéciaux, formée et entraînée pour la protection des autorités. Dans la banlieue dakaroise Ouakam, lieu de localisation des deux demeures de Hissène HABRE, cette surveillance est assurée également par une autre brigade de gendarmerie sénégalaise.

Si l'on s'en tient à ce qui précède, l'on constate tout simplement une certaine application, par le Sénégal, de l'une des exigences de la Convention contre la torture à savoir la détention de toute personne présumée auteur d'infractions prévues à l'article 4. Il s'agit des « actes de torture », « tentative de pratiquer la torture » ou « tout acte qui constitue une complicité ou une participation à l'acte de torture ». En effet, il ressort de l'article 6, § 1 de ladite Convention que :

« S'il estime que les circonstances le justifient, après avoir examiné les renseignements dont il dispose, tout État partie sur le territoire duquel se trouve une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction visée à l'article 4 assure la détention de cette personne ou prend toutes autres mesures juridiques nécessaires pour assurer sa présence. Cette détention et ces mesures doivent être conformes à la législation dudit État ; elles ne peuvent être maintenues que pendant le délai nécessaire à l'engagement des poursuites pénales ou d'une procédure d'extradition ».

De ce qui précède, il peut être relevé la capacité et une certaine volonté du Sénégal de maintenir Hissène HABRE sur son sol. L'on se doit de rappeler ici que l'ancien dirigeant tchadien n'est pas détenu. Il n'est pas inutile en effet, de préciser que la « détention » et la « résidence surveillée » sont deux situations nettement différentes. La « détention » est l'état de l'individu retenu à quelque titre que ce soit dans un établissement pénitentiaire169(*). L'on dit par contre qu'un individu est mis en « résidence surveillée », cas de l'ex-président tchadien, lorsque ce dernier, bien que continuant d'habiter sa résidence ou son domicile habituel, est soumis à une surveillance systématique des autorités judiciaires. Cette situation est celle dans laquelle est placé Hissène HABRE au Sénégal.

§ 2- La volonté affirmée du Sénégal de juger Hissène HABRE

Des éléments qui permettent de dénoter une volonté sénégalaise de juger Hissène HABRE, on a retenu les réformes normatives (A) et les négociations internationales (B) engagées en vue de l'organisation du procès contre l'ex-président tchadien par le Sénégal.

A. Les réformes normatives entreprises par le Sénégal

Comme on l'a relevé à l'introduction de cette étude, le Sénégal a modifié sa législation afin de doter ses juridictions de la compétence pour le jugement des crimes internationaux en général et des crimes allégués de Hissène HABRE en particulier. La partie belge s'en est réjouie d'ailleurs lors du premier tour de plaidoiries sur sa demande en indication de mesures conservatoires. Ces « réformes de fond et de forme » touchent non seulement la législation pénale, mais aussi la législation constitutionnelle sénégalaise.

Sur le plan pénal, le Sénégal a promulgué deux lois le 12 février 2007170(*) à savoir :

Ø la Loi n° 2007-02 qui modifie son Code pénal en y incorporant le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité ;

Ø la Loi n° 2007-05 qui modifie son Code de procédure pénale en y introduisant, d'une part, le principe de la compétence universelle pour la répression des crimes énumérés ci-dessus et, d'autre part, l'imprescriptibilité par « nature » de ces crimes171(*).

Le Sénégal a ainsi mis sa législation pénale en conformité avec la Convention des Nations Unies sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité du 26 novembre 1968172(*). Du fait de ces deux lois, relève Raphaël TIWANG WATIO, le Sénégal rentre ainsi, bon gré mal gré, dans le groupe minoritaire d'Etats africains ayant effectivement [intégré dans l'ordre juridique interne] les Conventions internationales protectrices des droits de l'homme173(*).

Il importe de noter qu'à travers les dispositions de l'article 669 dudit Code de procédure pénale, « il a été prévu qu'à l'occasion des crimes internationaux commis par un étranger, à l'étranger, les juridictions sénégalaises pouvaient être compétentes si cet étranger était appréhendé sur [son] territoire ou si le gouvernement obtenait son extradition »174(*). Le défendeur a fait valoir que c'est d'une compétence universelle assez large qu'ont été dotées les juridictions sénégalaises.

Sur le plan constitutionnel, le Sénégal a modi?é sa Constitution par la Loi constitutionnelle n° 2008-33 du 7 août 2008175(*). L'article 1er de cette loi remplace l'article 9176(*) de la Constitution de la République du Sénégal par les dispositions suivantes :

« Toute atteinte aux libertés et toute entrave volontaire à l'exercice d'une liberté sont punies par la loi.

Nul ne peut être condamné si ce n'est en vertu la rentrée en vigueur avant l'acte commis.

Toutefois, les dispositions de l'alinéa précédent ne s'opposent pas à la poursuite, au jugement et à la condamnation de tout individu en raison d'actes ou omission qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels d'après les règles du droit international relatives aux faits de génocide, crimes contre l'humanité, crime de guerres.

La défense est un droit absolu dans tous les Etats et à tous les degrés de la procédure. »

La lecture de ces dispositions nouvelles enseigne sur l'étendue et l'importance de la réforme ainsi opérée. En effet, on constate qu'il existe désormais une exception au principe de la non-rétroactivité de la loi pénale pour le crime de génocide, les crimes contre l'humanité et le crime de guerre177(*).

C'est dire si à présent les juridictions sénégalaises peuvent pertinemment poursuivre les crimes internationaux, ce qui n'était pas vraiment le cas en 2000. Raphaël TIWANG WATIO n'est pas de cet avis. En fait, au sujet du motif d'incompétence tiré de l'article 669 du Code de procédure pénale sénégalais par la Cour d'appel de Dakar le 4 juillet 2000, cet auteur trouve que cet « argument était fallacieux »178(*). Il se justifie en affirmant que l'adoption des mesures de mise en oeuvre de la compétence universelle, à travers les deux lois du 12 février 2007, n'aura pas pour effet de rendre l'Etat sénégalais universellement compétent ; puisqu'il l'était depuis la ratification de la Convention contre la torture179(*) (c'est-à-dire depuis 1986180(*)).

Ces réformes permettent de toutes les façons de donner plein effet aux dispositions de la Convention contre la torture. En effet, comme le rappelle fort à propos Damien VANDERMEERSCH, « en ratifiant l'une des Conventions prévoyant le principe de compétence universelle, les États s'engagent à attribuer compétence à leurs juridictions pour connaître des infractions visées par [lesdites] Convention[s] »181(*). Les États ont en fait une certaine responsabilité dans le renforcement de l'ordre juridique international en général. Michel VIRALLY faisait d'ailleurs remarquer en 1964 que « l'ordre juridique international est (...) incomplet [et a par conséquent] besoin du droit interne pour fonctionner »182(*). John DUGARD renchérissait en affirmant que : «[w]hile international protective measures are important, it is essential, in the first instance, that municipal law provide legal protection to the rights contained in international human rights conventions»183(*).

Les réflexions de ces auteurs soulèvent subtilement la question des rapports entre deux catégories juridiques bien distinctes qui coexistent : d'un côté une pluralité de droits nationaux, cadres et reflets de sociétés fortement intégrées et étroitement hiérarchisées, de l'autre le droit international, qui s'adresse avant tout à des entités souveraines184(*). La doctrine est divisée sur la question des rapports entre les deux ordres juridiques. Il existe ainsi deux grandes écoles ou théories en la matière : la théorie moniste et la théorie dualiste.

La théorie moniste voit une unité voire une consubstantialité entre le droit international et le droit interne. Dans la pratique des Etats, l'on distingue deux types de monisme : le monisme avec primauté du droit interne et le monisme avec primauté du droit international. Ce second type de monisme demeure le plus répandu de nos jours. Le Sénégal a opté pour ce type dans sa constitution (articles 97 et 98185(*)). La lecture de ces dispositions permet de constater que le Sénégal fait une place éminente, parmi les normes applicables dans l'ordre juridique national, aux normes d'origine internationale, en particulier conventionnelle. Les réformes normatives entreprises par le Sénégal en 2007 et 2008 sont en parfaite conformité avec le principe de la primauté du droit international.

Les réactions à ces importantes réformes ont été, d'une part, le dépôt de la plainte du 16 septembre 2008186(*) contre Hissène HABRE, d'autre part, la saisine en octobre 2008 de la Cour de Justice de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)187(*) par les conseils de l'ancien président tchadien et la procédure engagée contre le Sénégal par un partisan de Hissène HABRE devant la Cour africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CrADHP)188(*).

B. Les négociations internationales engagées en vue de l'organisation du procès contre Hissène Habré

Selon la partie sénégalaise, c'est sa préoccupation d'organiser le procès contre Hissène HABRE qui justifie les négociations entreprises avec l'Union européenne (ci-après : « UE ») et avec l'Union africaine (ci-après : « UA »). Ces deux organisations se sont en effet engagées à apporter leur soutien au Sénégal pour l'organisation et la tenue du procès. Procès qui, comme on le verra plus loin, nécessiterait des ressources financières colossales.

Pour ce qui est de l'UE, l'on peut d'abord rappeler que celle-ci a montré un certain intérêt pour la lutte contre l'impunité en Afrique en général et pour l'affaire Habré en particulier. De fait, dans la Résolution législative du Parlement européen sur l'impunité en Afrique, en particulier le cas de Hissène Habré, du 16 mars 2006, l'UE a invité le Sénégal à garantir à Hissène HABRE un procès équitable, conformément à la Convention des Nations Unies contre la torture, en l'extradant vers la Belgique s'il ne devait pas y avoir d'alternative africaine189(*).

Ensuite, le 26 avril 2007, le Parlement européen exhortera l'Union à « encourager et [à] appuyer le gouvernement du Sénégal dans ses efforts, en vue de préparer un procès rapide et équitable de Hissène Habré, a?n qu'il réponde devant la justice des accusations de violations massives des droits de l'Homme »190(*). A cet effet, une délégation européenne s'est rendue à Dakar l'année suivante. Aux termes de cette visite, celle-ci a fait un rapport, et dans une lettre du 15 mars 2008, elle a « constaté avec satisfaction la détermination du Sénégal à mener à bien ce procès »191(*).

Enfin, on peut noter l'élaboration conjointe du budget du procès, par l'UE et par le Gouvernement de la République du Sénégal192(*). Il convient de noter que le 24 novembre 2010, s'est tenue à Dakar la table ronde des bailleurs de fonds pour le financement du procès de Hissène HABRE. Au cours de cette rencontre, l'Union africaine s'est engagée à dégager un million de dollars (près de 500 millions Cfa) ; l'Union européenne s'apprête à donner pour sa part 2 millions d'euros (environ 1 milliard 310 millions Cfa). Le reste du budget sera complété par les engagements unilatéraux d'autres Etats comme la Belgique, le Tchad, la France, l'Allemagne ou les Pays-Bas.

S'agissant de l'UA, tout a commencé avec la décision des autorités sénégalaises de soumettre à cette organisation régionale l'affaire Habré. Les négociations avec l'UA ont conduit à l'adoption d'un ensemble de décisions. Outre la mise en place du Comité d'éminents juristes africains et le mandat donné au Sénégal de « poursuivre et de faire juger » Hissène HABRE, la Conférence des chefs d'État et de Gouvernement de l'UA a demandé à tous les États membres de coopérer avec le Gouvernement sénégalais.

La Conférence a par ailleurs lancé un appel tant aux États membres qu'aux partenaires internationaux et à la communauté internationale pour la mobilisation de toutes les ressources, notamment financières, utiles à la préparation et au bon déroulement du procès193(*). Le Sénégal a été également invité par l'UA à « s'ouvrir à l'expérience et à la contribution des juridictions et juges du continent en vue de l'organisation du procès »194(*).

Après l'analyse des assurances proprio motu du Sénégal dont le caractère convaincant apparaît clairement, il importe d'analyser leur impact tant sur la demande belge que sur le différend principal.

Section II : L'impact des assurances sénégalaises sur la demande belge et sur le différend principal

Les assurances données par le Sénégal ont eu une influence non négligeable sur l'évolution de l'affaire qui l'oppose à la Belgique. Cette influence est très facile à démontrer. En effet, le but recherché à travers la demande belge, était d'empêcher Hissène HABRE de quitter le Sénégal ; hypothèse qui aurait pour conséquence la perte, par la Belgique, de son droit de poursuivre et juger le mis en cause. Or les assurances sénégalaises ont le mérite de battre en brèche les craintes belges. Ces assurances remettent en cause l'urgence alléguée et donnent un caractère superflu aux mesures conservatoires demandées par la Belgique.

Par ailleurs, les assurances données par le Sénégal ont un effet apaisant sur le différend principal opposant les parties en ce qui concerne le respect par le Sénégal de son obligation de poursuivre Hissène HABRE ou de l'extrader vers la Belgique aux fins de poursuites pénales. L'on analysera tout d'abord l'impact des assurances sénégalaises sur la demande belge (§ 1) avant d'examiner cet impact sur le différend principal (§ 2).

§ 1- L'impact des assurances sur le sort de la demande belge

Il s'agit ici de disséquer l'influence des assurances sénégalaises sur la demande belge en indication de mesures conservatoires. Le premier effet ou l'effet indirect de ces assurances a été de rendre discutable l'existence d'une urgence en l'espèce. Pour ce qui est de leur effet direct, elles ont rendu superflues les mesures conservatoires sollicitées par la Belgique. Il importe donc de s'attarder sur la superfluité des mesures conservatoires sollicitées par la Belgique (B) non sans s'être au préalable appesanti sur la remise en cause de l'existence de l'urgence alléguée par la Belgique (A).

A. La remise en cause de l'urgence alléguée par la Belgique

La Cour a tenu compte des assurances données par le Sénégal pour constater que le risque de préjudice irréparable aux droits revendiqués par la Belgique n'est pas apparent à la date à laquelle son Ordonnance est rendue195(*). Elle en conclut par conséquent qu'il n'existe, dans les circonstances de l'espèce, aucune urgence justifiant l'indication des mesures conservatoires.

Il faut relever qu'avant le premier tour d'observations orales du Sénégal, les craintes de la Belgique étaient clairement fondées. En effet, nul ne peut nier que les déclarations médiatiques du président WADE étaient de nature à semer le doute sur l'éventualité du procès Habré au Sénégal. C'est du reste pour cette raison que dès l'ouverture de l'audience consacrée à sa plaidoirie (du 06 avril 2009), l'agent du Sénégal, Cheikh Tidiane THIAM, a reconnu que cette affaire allait donner l'occasion à son pays de faire clairement connaître sa détermination à demeurer un État de droit respectueux du droit international196(*). Tout au long de la phase orale, les représentants du Sénégal ont déclaré à plusieurs reprises que le Sénégal ne permettra pas à Hissène HABRE de quitter son territoire avant que la Cour ait rendu sa décision définitive197(*).

Le Sénégal a fait des précisions en ce qui concerne les déclarations de son président. En effet, lorsque l'on prend connaissance de ces déclarations sur toute leur étendue, il est loisible de reconnaître que leur auteur a voulu faire pression notamment sur l'UA et sur les éventuels donateurs. Mais l'on ne peut pas reprocher à la Belgique d'avoir pris ces déclarations pour argent comptant. Car l'essentiel à retenir de celles-ci était la possibilité ouverte que Hissène HABRE quitte le Sénégal. Les interférences politiques198(*) qu'il y a eu auparavant dans la tentative de jugement de Hissène HABRE au Sénégal confortaient en tout cas les inquiétudes de la Belgique.

En outre, le Sénégal a prouvé sa détermination à poursuivre et à juger Hissène HABRE, notamment en relevant les réformes normatives et les négociations entreprises avec l'UE et avec l'UA en vue de la mobilisation des ressources financières aux fins de l'organisation du procès. Au vu du caractère convaincant des assurances ainsi faites, on peut convenir avec le défendeur qu'il y a absence de risque de préjudice irréparable justifiant l'indication de mesures conservatoires. Toutefois, il faut préciser que l'urgence alléguée par la demanderesse est considérée comme inexistante dans cette affaire parce que le défendeur a donné des assurances suffisantes. Celles-ci ont rendu inutiles les mesures conservatoires sollicitées par la Belgique.

B. La superfluité des mesures conservatoires sollicitées par la Belgique

Les assurances données par le Sénégal ont eu un impact considérable sur la demande belge en indication de mesures conservatoires. Il convient de rappeler que cette demande visait plus précisément une mesure conservatoire, à savoir la prise par le Sénégal de toutes les mesures en son pouvoir pour que Hissène HABRE reste sous le contrôle et la surveillance de ses autorités, en attendant que la Cour rende un arrêt définitif dans cette affaire. Or, dans sa plaidoirie, le Sénégal a fait valoir l'effectivité de la surveillance et du contrôle exercés sur l'ex-président tchadien et sur sa famille. Le Sénégal a aussi rassuré la Cour sur le fait que cette surveillance était exercée au quotidien et de manière resserrée. Le défendeur a par ailleurs relevé que les mesures sollicitées par la demanderesse étaient identiques aux mesures déjà prises par lui.

Le Sénégal ayant démontré l'absence de son intention de laisser Hissène HABRE quitter son territoire, les mesures conservatoires sollicitées par la Belgique devenaient donc superflues. En effet, la Cour, rappelant les assurances tant proprio motu qu'en réponse au juge Christopher GREENWOOD, a conclu qu'il n'existait, dans les circonstances de l'espèce, aucune urgence justifiant l'indication de mesures conservatoires.

Dans leur déclaration commune, les juges KOROMA et YUSUF ont affirmé que les assurances du Sénégal, au cours des audiences, protègent les droits des parties et écartent le risque de préjudice irréparable, exactement de la même façon qu'une Ordonnance indiquant des mesures conservatoires199(*). Ils ajoutent que «the Court should simply have declared that following the declaration by Senegal the request for the indication of provisional measures had ceased to have any object»200(*).

Le juge CANÇADO TRINDADE, pour sa part, n'est pas de cet avis. Ce dernier estime que la décision de la Cour de ne pas indiquer des mesures conservatoires peut être sérieusement contestée201(*). Il est cependant difficile de suivre cette opinion dans la mesure où le fait, pour la Belgique, de demander des mesures qui existent déjà au Sénégal, en plus de la volonté affirmée de celui-ci de les maintenir, rend superflue leur indication par la Cour. Mais ce caractère superflu ne concerne évidemment pas la demande en elle-même. Ces assurances sénégalaises sont susceptibles d'influencer le différend principal.

§ 2 - L'impact des assurances sénégalaises sur le différend principal

Les assurances données par le Sénégal dans le cadre de cette procédure incidente sont de nature à influencer le différend principal. De fait, ces assurances font ressortir en substance la reconnaissance par le Sénégal de son obligation de poursuivre Hissène HABRE. Or, faut-il le rappeler, la requête belge vise la reconnaissance par la Cour de l'obligation pour le Sénégal de poursuivre pénalement l'ex-président tchadien, à défaut, de l'extrader. Dès lors, on ne peut nier que le Sénégal, en prenant cette option, a en quelque sorte réduit l'ampleur du différend. Dans son opinion individuelle, le juge ad hoc Serge SUR a d'ailleurs estimé qu'on ne voyait plus en quoi consiste le différend, la Belgique et le Sénégal convenant que la Convention contre la torture impose aux États qui y sont parties d'établir leur compétence pénale et de poursuivre les personnes accusées des incriminations qu'elle prévoit, à défaut de les extrader202(*).

Mais on ne saurait prendre le risque de conclure péremptoirement, comme Serge SUR, à la disparition de l'objet du différend203(*). Les questions que soulève cette affaire exigent la prudence. En effet, le but ultime de celle-ci est le jugement de Hissène HABRE, le moyen pour l'atteindre étant de poursuivre ce dernier (au Sénégal) ou de l'extrader vers la Belgique aux fins de poursuites pénales. Or, tout dépendra dorénavant de la bonne foi du Sénégal par rapport aux assurances données. L'essentiel n'est pas de reconnaître son obligation. Bien sûr que le faire c'est déjà une bonne chose, une avancée. Mais l'on attend du titulaire de l'obligation moins des déclarations de bonne foi que des actes concrets (les poursuites). C'est pour cette raison que la position de la Cour sur la question de l'existence prima facie d'un différend entre les parties, doit être saluée. En fait, même si les assurances sénégalaises ont pu atténuer la portée du différend, seul l'engagement des poursuites contre Hissène HABRE ou son extradition pourrait faire disparaître définitivement l'objet du différend. De plus, on doit toujours « distinguer du différend substantiel le différend résultant de la divergence des États sur sa réalité même »204(*).

CONCLUSION DU CHAPITRE I

Les assurances proprio motu du Sénégal se sont avérées importantes dans cette procédure dans la mesure où elles ont fait ressortir en substance la volonté de cet État de respecter ses engagements conventionnels. Le Sénégal a apporté des précisions quant aux déclarations médiatiques de son président et présenté les mesures prises pour le contrôle et la surveillance de Hissène HABRE. Par ailleurs, le défendeur a affirmé sa volonté de juger l'ex-président tchadien, la preuve de celle-ci étant notamment les réformes normatives opérées et les négociations internationales entreprises en vue de la recherche des ressources financières nécessaires pour l'organisation du procès contre Hissène HABRE.

Le caractère convaincant de ces assurances est mesurable à l'aune tant de leur effet superfétatoire sur les mesures conservatoires sollicitées que de leur effet atténuant sur la portée du différend principal. Elle a remis en cause l'urgence alléguée par la demanderesse et surtout rendu superflues les mesures par elle sollicitées. Cependant, on espère que cette pléthore d'assurances signifie une réelle volonté d'assurer la poursuite et le jugement de Hissène HABRE, et non l'expression de ruse d'un État qui s'obstinerait dans la voie de l'impunité. Nonobstant l'importance de ces assurances, les réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD semblent avoir été encore plus déterminantes dans la décision de la Cour.

CHAPITRE II : LA FONCTION MEDIATRICE DE LA C.I.J. A TRAVERS LES QUESTIONS POSEES PAR LE JUGE GREENWOOD

L'examen de la demande belge en indication des mesures conservatoires a mis en exergue la fonction médiatrice de la Cour. Le 6 avril 2009, c'est-à-dire à la fin du premier tour d'observations orales des parties, il s'est passé une chose assez intéressante. En effet, le juge GREENWOOD a posé deux questions aux deux parties ; questions qui allaient s'avérer déterminantes pour la suite de la procédure. D'autant plus que les parties y ont répondu positivement. Il s'agit de la déclaration solennelle sénégalaise et de l'acquiescement belge. Il convient d'examiner tour à tour ces questions (Section préliminaire), les réponses des parties à celles-ci (Section I) et l'impact de ces réponses sur la décision du juge (Section II).

Section préliminaire : Les questions du juge

Ces questions se lisent comme suit :

«First, does Senegal give a solemn assurance to the Court that it will not allow Mr. Habré to leave Senegal while the present case is pending before this Court? And secondly, if so, does Belgium accept that such assurance is a sufficient guarantee of the rights which it claims in the present case ?»205(*)

Il n'est pas incommodant de rappeler que la demande belge en indication des mesures conservatoires était justifiée par la crainte d'un éventuel départ de l'ex-président tchadien du Sénégal. L'on voit bien qu'en posant ces questions aux parties, le juge GREENWOOD a voulu non seulement faciliter l'office de la Cour en l'espèce, mais surtout trouver une solution à laquelle celles-ci s'accommoderaient facilement. En effet, ce juge a certainement cherché à trouver une solution acceptable pour les deux parties. Comme le faisait remarquer Frédérique COULEE, « les juridictions internationales sont confrontées à la nécessité d'obtenir et de conserver la confiance des Etats »206(*).

Cette confiance ne peut être confortée qu'à travers les décisions que rend la Cour au sujet des différends que lui soumettent les Etats. Ceci peut alors amener la Cour à se comporter comme un arbitre et donc à chercher un compromis au lieu d'appliquer strictement le droit international. L'on pourrait dès lors se demander si dans son Ordonnance du 28 mai 2009 la Cour ne s'est pas mise sur la « pente glissante de la justice transactionnelle »207(*).

Il existe des cas où la tendance à la « justice transactionnelle » peut s'avérer plutôt salutaire. Ce fut le cas dans le cadre de l'examen de la demande belge en indication des mesures conservatoires. En effet, il s'agissait pour la Cour d'apprécier les circonstances de l'affaire et de décider s'il y avait urgence à sauvegarder les droits allégués par la Belgique. Etant donné que l'urgence dépendait essentiellement du comportement du Sénégal vis-à-vis de Hissène HABRE, c'est de manière judicieuse que le juge a voulu savoir si cet Etat pouvait s'engager solennellement à ne pas laisser l'ex-président tchadien quitter son territoire avant que la Cour ait rendu une décision définitive. L'on pourrait alors penser que le juge a tout simplement cherché une solution juste à travers ses questions. Ce qui rappelle le célèbre aphorisme dont Louis RENAULT se faisait l'écho : « il ne suffit pas que la justice soit juste, encore faut-il qu'elle le paraisse »208(*).

Les questions du juge sont d'autant plus importantes qu'elles ont permis de mettre en exergue la politique transactionnelle que la Cour peut mettre en oeuvre pour faciliter le règlement des différends portés devant elle. L'Ordonnance du 28 mai 2009 a en effet été facilitée par les réponses des parties à ces questions.

Un membre de la Cour peut donc poser des questions aux parties afin de mieux comprendre leurs arguments et rechercher une solution au litige soumis à la Cour. L'on se souviendra en effet, que dans l'affaire des Essais nucléaires (Australie c. France), le juge GROS avait posé deux questions à l'agent de l'Australie le 25 mai 1973 lors de la phase orale de l'examen de la demande en indication des mesures conservatoires australienne209(*). Ces questions étaient formulées de la manière suivante :

1ère question : "[...]M. l'agent du Gouvernement de l'Australie peut-il indiquer quelle position est ainsi réservée; et s'il s'agit d'une réserve de position juridique qui serait un élément du différend soumis à la Cour par le Gouvernement de l'Australie, le point a-t-il été soulevé et traité comme tel dans les entretiens à Paris, en avril 1973, entre les représentants des deux gouvernements?"

2nde question : "Vis-à-vis de quels Etats, en dehors de la France, le Gouvernement de l'Australie estime-t-il être lié par l'Acte général pour le règlement pacifique des différends internationaux de 1928, pour l'ensemble de l'Acte ou pour partie?"210(*)

L'agent de l'Australie, comme les agents de la Belgique et du Sénégal en l'espèce, a fourni des réponses satisfaisantes aux questions du juge211(*).

Section I : Les réponses des parties aux questions du juge

Aux questions du juge, le Sénégal et la Belgique ont apporté des réponses affirmatives. Le premier a fait une déclaration solennelle et la seconde a acquiescé. Il s'est en effet produit un modus vivendi (accord permettant à deux parties en litige de s'accommoder d'une situation en réservant la solution du litige sur le fond) dans la mesure où les parties, en répondant comme elles l'ont fait, se sont tout simplement accordées sur le fait d'empêcher Hissène HABRE de quitter le Sénégal tout au long de la procédure devant la Cour, la solution du litige étant réservée sur le fond. Il est donc important d'analyser la substance desdites réponses. Celles-ci emportent certainement des effets juridiques pour leurs auteurs dans la mesure où elles sont faites devant la CIJ ou mieux dans le cadre de rapports juridiques internationaux. On examinera donc la valeur juridique des réponses des parties (§ 2) non sans avoir au préalable fait cas de leur teneur (§ 1).

§ 1- La teneur des réponses des parties

Les réponses du Sénégal et de la Belgique se résument respectivement en une déclaration solennelle et en un acquiescement. L'analyse de la déclaration solennelle sénégalaise (A) précèdera l'examen de l'acquiescement belge (B).

A. La déclaration solennelle sénégalaise

En réponse à la première question du juge GREENWOOD ci-dessus, le coagent du Sénégal, sur ordre de son Gouvernement, a déclaré : «Senegal will not allow Mr. Habré to leave Senegal while the present case is pending before the Court. Senegal has not the intention to allow Mr. Habré to leave the territory while the present case is pending before the Court»212(*).

Il est loisible de constater que cette déclaration sénégalaise constitue en réalité un engagement répétitif. En effet, le Sénégal a formellement, et à plusieurs reprises, donné l'assurance qu'il ne permettra pas à Hissène HABRE de quitter son territoire avant que la Cour ait rendu sa décision définitive213(*). Il ressort du compte rendu de plaidoiries que « la probabilité pour que [Hissène] HABRE quitte le Sénégal et se soustraie à toute poursuite est quasiment nulle »214(*). Par ailleurs, le Sénégal a fait référence, de manière répétée, à l'effectivité des mesures nécessaires pour assurer la présence de l'ex-président tchadien sur son sol. Cependant, cela n'a pas paru aussi clair qu'une déclaration solennelle. La question du juge GREENWOOD a constitué une opportunité pour le Sénégal de montrer que les déclarations médiatiques de son président, bien qu'ayant pu fonder certaines inquiétudes de la Belgique, ne pouvaient cependant justifier l'indication de mesures conservatoires.

B. L'acquiescement belge

A la deuxième question du juge GREENWOOD exposée ci-dessus, le coagent belge, au nom de son Gouvernement, a fourni la réponse suivante :

« Une telle déclaration solennelle, prononcée par l'agent du Sénégal devant la Cour, au nom de son gouvernement, pourrait suffire au Royaume de Belgique pour considérer que sa demande [de] mesures conservatoires n'aurait plus d'objet, moyennant les précisions suivantes.

Cette déclaration devrait être claire et sans condition : il devrait s'agir d'une déclaration selon laquelle toutes les mesures nécessaires seront prises par le Sénégal pour que M. Hissène Habré ne quitte pas le territoire sénégalais tant que la Cour n'aura pas rendu son jugement final dans le cadre de la présente instance »215(*).

Cette réponse montre que la Belgique n'était pas de mauvaise foi en saisissant la Cour, comme on a pu l'entendre des plaidoiries sénégalaises au départ. Dans le compte rendu du premier tour d'observations orales du Sénégal, on peut en effet lire qu' : « en réalité, en demandant l'indication de mesures conservatoires qui visent à faire débuter le procès dans les circonstances actuelles, la Belgique veut faire provoquer son échec »216(*).

En matière procédurale, l'acquiescement est perçu comme « l'acte par le quel une partie à un différend accepte, expressément ou tacitement, purement et simplement ou sous condition, une obligation ou une prétention de l'autre partie »217(*). La réponse belge correspond à cette définition.

A la suite de sa réponse, la demanderesse a prié la Cour de reprendre la déclaration du Sénégal dans le dispositif de son Ordonnance, afin que cette déclaration ait la même force juridique qu'une mesure conservatoire indiquée par la Cour. Cette préoccupation laissait déjà entrevoir la question de la valeur juridique des réponses des parties aux questions du juge.

§ 2- La valeur juridique des réponses des parties

Les réponses des parties telles qu'elles les ont faites emportent des conséquences juridiques pour chacune d'elles. Il importe de ce fait d'analyser tour à tour le caractère obligatoire de la déclaration sénégalaise (A) et de l'acquiescement belge (B).

A. Le caractère obligatoire inconditionnel de la déclaration solennelle sénégalaise

D'entrée de jeu, il importe de signaler que la déclaration solennelle du Sénégal n'est pas seulement un engagement juridique parce que la Belgique l'a acceptée. Il convient en effet de préciser que, même en l'absence de l'acquiescement belge, cette déclaration n'en serait pas moins un engagement emportant des obligations pour le Sénégal. C'est le lieu de rappelé que, selon la jurisprudence de la Cour, le règlement d'un différend peut être obtenu par l'effet d'une déclaration unilatérale créant une obligation juridique. Ce fut le cas dans l'affaire des Essais nucléaires où la Nouvelle-Zélande ayant admis que le différend pourrait être résolu par une déclaration unilatérale ferme qui serait donnée par la France218(*), le président de cet Etat a décidé la cessation effective des essais atmosphériques219(*). Ce que la Cour a considéré comme étant « un engagement vis-à-vis de la communauté internationale »220(*). Cette déclaration présidentielle, ajoutée à celles d'autres autorités officielles françaises, a permis à la Cour de décider que la demande de la Nouvelle-Zélande était désormais sans objet et qu'il n'y avait plus dès lors lieu à statuer221(*).

La Cour a précisé par ailleurs la portée des déclarations sur le plan international en affirmant que :

« Il est reconnu que des déclarations revêtant la forme d'actes unilatéraux et concernant des situations de droit ou de fait peuvent avoir pour effet de créer des obligations juridiques. Des déclarations de cette nature peuvent avoir et ont souvent un objet très précis. Quand l'Etat auteur de la déclaration entend être lié conformément à ces termes, cette intention confère à sa prise de position le caractère d'un engagement juridique, l'Etat intéressé étant désormais tenu en droit de suivre une ligne de conduite conforme à sa déclaration. Un engagement de cette nature, exprimé publiquement et dans l'intention de se lier, même hors du cadre de négociations internationales, a un effet obligatoire. Dans ces conditions, aucune contrepartie n'est nécessaire pour que la déclaration prenne effet, non plus qu'une acceptation ultérieure ni même une réplique ou une réaction d'autres Etats, car cela serait incompatible avec la nature strictement unilatérale de l'acte juridique par lequel l'Etat s'est prononcé »222(*).

A la suite de ce dictum de la Cour, Jean SALMON précise : « il est traditionnel que les déclarations des agents, qui sont les porte-parole de leur État devant un tribunal international, peuvent constituer un engagement liant leur État »223(*).

Ainsi, dans l'affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute Silésie polonaise, la CPJI nota que, par une déclaration unilatérale, « Le représentant, devant la Cour, de la partie défenderesse, en dehors des déclarations relatives à l'intention de son Gouvernement de ne pas exproprier des parties déterminées de bien-fonds (...) a fait d'autres déclarations analogues (...). La Cour ne saurait mettre en doute le caractère obligatoire de toutes ces déclarations »224(*).

Le même auteur, citant un obiter dictum de la CPJI, ajoute que par des déclarations bilatérales : « il résulte encore des déclarations orales des parties, qu'elles sont d'accord pour demander à la Cour de décider (...) »225(*).

Dans le cas d'espèce, la déclaration solennelle du Sénégal oblige cet État à ne pas laisser Hissène HABRE quitter son sol tant que l'affaire qui l'oppose à la Belgique est pendante devant la CIJ. Le caractère obligatoire de la déclaration sénégalaise est inconditionnel dans la mesure où, même dans l'hypothèse d'un refus belge en l'espèce, la Cour aurait pu tout de même en tirer les mêmes conséquences. En effet, l'hypothèse pour cet État de laisser l'ex-président tchadien quitter son territoire avant une décision définitive de la Cour, constituerait un manquement grave à une obligation internationale. Si la déclaration sénégalaise a un caractère obligatoire inconditionnel, il n'en est pas de même de l'acquiescement belge qui n'est obligatoire que dans la mesure où le Sénégal respecte son engagement.

B. Le caractère obligatoire conditionnel de l'acquiescement belge

Il serait peut être exagéré de dire que l'acquiescement belge a pour effet de valider la déclaration solennelle sénégalaise. Par contre, cet acquiescement est susceptible de créer des obligations à la charge de la Belgique. En effet, le principe « ex consensu advenit vinculum » (le consentement lie ceux qui l'ont exprimé) peut trouver application en l'espèce. L'on se souviendra que la Cour a eu à considérer l'acquiescement comme source créatrice d'une situation de droit à savoir le modus vivendi tacite226(*). Il s'agit d'un accord tacite permettant à deux parties en litige de s'accommoder d'une situation en réservant la solution du litige sur le fond.

Comme on le verra par la suite, la Belgique était tenue par exemple d'accepter la décision de la Cour de ne pas indiquer des mesures conservatoires. En outre, la Belgique ne peut dorénavant demander ces mesures conservatoires qu'en cas de changement de circonstances, comme le prévoit le paragraphe 2 de l'article 76 du Règlement de procédure de la Cour aux termes duquel « toute demande présentée par une partie et tendant à ce qu'une décision concernant des mesures conservatoires soit rapportée ou modifiée indique le changement dans la situation considéré comme pertinent ». Par ailleurs, la Belgique ne doit ou ne peut raisonnablement envisager une demande d'extradition tant que le Sénégal remplit les obligations nées de son engagement.

Il est donc clair que les réponses des Parties ne les obligent pas au même degré. En effet, le caractère obligatoire de l'acquiescement belge dépend du respect, par le Sénégal, de son engagement solennel devant la Cour. Au-delà de leur valeur juridique, les réponses des parties ont eu un impact considérable sur la décision de la Cour.

Section II : L'impact des réponses sur la décision de la Cour

Les réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD peuvent être considérées comme la "ratio decidendi" (« raison de la décision »)227(*) de la décision de la Cour de ne pas indiquer les mesures conservatoires sollicitées par la Belgique. Ces réponses ont en effet rendu inutile l'indication par la Cour de telles mesures. La démonstration du caractère déterminant desdites réponses des parties dans l'Ordonnance du 28 mai 2009 (§ 1) précèdera l'analyse des raisons de l'inutilité de l'indication des mesures conservatoires par la Cour (§ 2).

§ 1- Le caractère déterminant des réponses des parties dans la décision de la Cour

En amenant le Sénégal à déclarer solennellement qu'il ne laissera pas Hissène HABRE quitter son territoire avant une décision définitive de la Cour, le juge a certainement voulu trouver une solution avant même le délibéré. L'acquiescement de la Belgique a constitué un bon moyen de légitimation de l'Ordonnance du 28 mai 2009. Il y a donc eu une sorte de « fuite en avant vers l'équité »228(*), vers une réalisation suprême de la justice229(*). En effet, la Cour peut faire « application, pour la solution d'un litige donné, des principes de la justice, afin de combler les lacunes du Droit positif ou d'en corriger l'application lorsqu'elle serait trop rigoureuse »230(*).

Par leurs réponses, les parties ont en réalité vidé la question de l'indication des mesures conservatoires de tout objet.

Les questions du juge GREENWOOD et les réponses subséquentes des parties ont remis au goût du jour la tendance vers la « justice transactionnelle ». Georges ABI-SAAB affirme qu'il s'agit d'une « technique qu'utilise la Cour pour pouvoir arriver à une solution transactionnelle ou pour éviter de se prononcer sur des questions « délicates » ou qui touchent de trop près la sensibilité d'une des parties dans la mesure du possible » 231(*). Cette tendance a eu cours notamment entre la fin des années soixante-dix et 1986232(*). Dans le cas d'espèce, il s'est agi surtout d'éviter d'indiquer des mesures conservatoires. En effet, la Cour aurait offusqué le Sénégal si elle avait indiqué des mesures conservatoires bien que cet Etat ait démontré qu'il avait pris toutes les mesures que sollicitait la Belgique en l'espèce.

Il était donc clair, pour toute personne ayant suivi la phase orale de la procédure, que la Cour n'indiquerait pas les mesures sollicitées par la Belgique. La Cour ne pouvait plus logiquement indiquer des mesures conservatoires que sur la base de l'article 75, § 2 de son Règlement de procédure. Cette disposition lui donne en effet la possibilité d'indiquer motu proprio des mesures conservatoires « totalement ou partiellement différentes de celles qui sont sollicitées » par l'une des parties233(*). Or l'engagement solennel du Sénégal devant la Cour était déjà de nature à protéger de manière tout à fait satisfaisante les droits invoqués par la Belgique. La déclaration solennelle du Sénégal et l'acquiescement subséquent de la Belgique ont donc rendu les mesures conservatoires superfétatoires.

§ 2- L'inutilité de l'indication des mesures conservatoires par la Cour

Les réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD ont été décisives dans la procédure, dans la mesure où elles ont rendu l'indication des mesures sollicitées par la Belgique inutile. En effet, on peut suivre facilement les juges KOROMA et YUSUF qui ont affirmé que la déclaration solennelle du Sénégal «preserves the rights of the Parties and ensures against the risk of irreparable prejudice in exactly the same way as would an order indicating provisional measures»234(*).

Si par ses questions, et les réponses que les parties allaient y apporter, le juge GREENWOOD a voulu légitimer la décision de la Cour en évitant de heurter la sensibilité de l'une ou de l'autre partie, il va sans dire que ce voeu a été exaucé. La décision de la Cour a en effet, été accueillie favorablement tant par les deux parties, par les victimes (des exactions attribuées à Hissène HABRE) que par les défenseurs des droits de l'Homme.

S'agissant tout d'abord de la Belgique, sa satisfaction était prévisible, du fait de son acquiescement, et a été exprimée à la suite de la décision de la Cour. Au soir de la décision, le ministre belge des Affaires étrangères a indiqué, dans un communiqué, que "l'engagement solennel du Sénégal devant la Cour [internationale] de Justice que Hissène Habré ne pourrait quitter le pays prématurément rend [les] mesures conservatoires superflues"235(*).

S'agissant ensuite des victimes, c'est par la voix de la personne autorisée que s'est exprimé leur sentiment. Il s'agit de Souleymane GUENGUENG, président fondateur de l'Association des Victimes des Crimes et Répressions Politiques au Tchad (AVCRP), qui a déclaré : "Le Sénégal est maintenant sous le regard de la Cour internationale de Justice. Nous espérons que les autorités sénégalaises vont enfin permettre à la justice de faire son travail"236(*).

Pour ce qui est des défenseurs des droits de l'Homme enfin, Reed BRODY, porte-parole et conseiller juridique de Human Rights Watch, a déclaré qu'avec cette promesse du Sénégal dont la Cour a tenu compte, le risque que Hissène HABRE se réfugie dans un État de non droit semble être écarté237(*). Souhayr BELHASSEN, alors présidente de la FIDH, a pour sa part déclaré que « c'est une bonne nouvelle » que la Cour ait tenu compte de l'engagement solennel du Sénégal, avant d'ajouter que le Sénégal "a pris un engagement politique, conforté désormais par une décision judiciaire, d'honorer ses obligations internationales"238(*).

Ces réactions confortent fort bien l'idée de la superfluité de l'indication des mesures conservatoires par la Cour en l'espèce.

CONCLUSION DU CHAPITRE II

Par leurs réponses, les parties ont trouvé un modus vivendi sur la question des mesures conservatoires, réservant la solution du différend sur le fond. La pertinence de la demande belge est ici confortée. Il est évident que le compromis qui s'est opéré entre les parties a permis à la Cour de conclure facilement qu'il n'y avait aucune urgence justifiant l'exercice du pouvoir que lui confère l'article 41 de son Statut à savoir l'indication des mesures conservatoires.

Cette attitude lui offre la possibilité de faire accepter facilement sa décision par les parties au litige dont elle est saisie. Le juge GREENWOOD a ainsi rendu aisée, à dessein ou non, la motivation de la décision de la Cour. Les réponses des parties ont été déterminantes dans la décision de la Cour, dans la mesure où elles ont rendu inutiles les mesures conservatoires. En effet, la Belgique a obtenu du Sénégal ce qu'elle avait initialement sollicité de la Cour. Il importe de noter qu'en matière de mesures conservatoires, l'urgence des circonstances constitue toujours le motif décisif de leur indication.

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

En somme, la pertinence de la demande de la Belgique, telle que modifiée dans ses conclusions finales aux termes du second tour d'observations orales, est confortée par l'étendue des assurances sénégalaises et la fonction médiatrice que la Cour a été amenée à remplir grâce aux questions du juge GREENWOOD. Il a été démontré que ce sont ces assurances et les réponses subséquentes des parties aux questions du juge qui ont constitué la ratio decidendi de la décision de la Cour. Les assurances sénégalaises ont remis en cause l'urgence alléguée par la Belgique, tandis que les réponses des parties l'ont tout simplement fait disparaître, rendant l'indication des mesures sollicitées futile.

On a pu constater l'impact assouplissant des assurances données par le Sénégal sur le différend principal. En effet, le fait que le défendeur reconnaisse son obligation de poursuivre, et considère même le jugement de Hissène HABRE comme un droit et un devoir, réduit considérablement la portée du différend tel qu'il se présentait au moment du dépôt de la requête belge. Toutefois, il serait imprudent et excessif d'y voir la disparition de l'objet du différend comme certains membres de la Cour (notamment le juge ad hoc Serge SUR). Car la question de l'attitude du Sénégal au cas où il ne trouverait pas le budget nécessaire pour l'organisation du procès, reste posée. En effet, jusqu'à date, l'obligation « subsidiaire » d'extrader demeure une pomme de discorde entre les deux parties.

Maintenir Hissène HABRE au Sénégal ne constitue en soi que le respect d'une obligation préliminaire qu'impose à ce pays la Convention contre la torture. Seule l'extradition, à défaut de la poursuite de l'ex-président tchadien, permettrait au Sénégal de remplir pleinement son obligation en l'espèce. Le refus d'extrader en cas d'incapacité de juger constitue un manquement grave au droit international, une telle attitude étant une manifestation de la volonté d'encourager l'impunité des crimes internationaux.

Dans cette affaire, la Cour n'en était encore qu'au niveau des mesures conservatoires et il régnait déjà un sentiment du définitif. L'Ordonnance du 28 mai 2009 a le mérite de contenir l'engagement solennel du Sénégal à maintenir l'ex-président tchadien sur son territoire, et la reconnaissance de son obligation de poursuivre ce dernier, même si elle n'a pas tranché toutes les questions soulevées à ce stade de la procédure.

L'Ordonnance du 28 mai 2009 n'a pas tranché toutes les questions que soulève l'affaire relative à des Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader opposant la Belgique au Sénégal. Il s'agit en fait d'une décision qui règle un point de procédure, à savoir la question des mesures conservatoires. De ce fait, l'examen des questions non tranchées par cette décision pourrait s'avérer intéressant.

Il y a en effet un certain nombre de questions qui ont été évoquées dans le cadre de l'examen de la demande des mesures conservatoires, sans pourtant être tranchées. Il semble opportun de les examiner ici. Parmi ces questions, on peut citer celle relative au changement de contenu de la demande belge en indication de mesures conservatoires. Il est loisible de noter que la Cour n'a fait aucune allusion à la portée de cette modification. A cela, on peut ajouter les questions relatives à la recevabilité de la requête au fond. L'examen de la question des modalités d'organisation du procès contre Hissène HABRE par le Sénégal permettra opportunément d'exposer les enjeux et les contours de ce procès.

Les questions non tranchées par l'Ordonnance du 28 mai 2009 peuvent être regroupées en deux catégories à savoir, d'une part, les questions relevant de la procédure devant la Cour (Chapitre I) et, d'autre part, celles relatives aux modalités d'organisation du procès contre Hissène HABRE (Chapitre II).

CHAPITRE I : LES QUESTIONS RELEVANT DE LA PROCEDURE DEVANT LA COUR

Ces questions n'ont pas été tranchées par la Cour soit par manque de volonté, soit parce qu'il était inopportun de le faire. La Cour aurait pu, mieux, aurait dû en effet se pencher sur la modification, pendant la procédure orale, de la demande belge en indication de mesures conservatoires. D'autant plus que le Sénégal y a fait valoir une argumentation assez solide. De plus, c'est certainement les observations critiques du défendeur sur la demande qui auraient poussé son auteur à la modifier. Par contre, les questions relatives à la recevabilité de la requête belge au fond, ne pouvaient être tranchées définitivement. Comme on l'a déjà mentionné, à plusieurs reprises, la recevabilité n'est examinée que de manière prima facie en matière de mesures conservatoires.

L'analyse de la question du changement de contenu de la demande belge (Section I) précèdera l'examen des questions relatives à la recevabilité de la requête au fond (Section II).

Section I : La question du changement de contenu de la demande belge en indication de mesures conservatoires

Aux termes du second tour d'observations orales, la demande en indication de mesures conservatoires belge a été modifiée (§ 1). Mais la Cour n'a pas cru devoir s'étendre sur la portée de cette modification (§ 2).

§ 1- La modification en question

Une lecture comparative de la demande de la Belgique et de ses conclusions finales à la fin du second tour des plaidoiries, permet de constater l'état de la modification opérée dans ladite demande. Il n'est pas superflu de rappeler qu'aux termes de la demande présentée au Greffe de la Cour, la Belgique priait celle-ci

« d'indiquer, en attendant qu'elle rende un arrêt définitif sur le fond, que le Sénégal [devait] prendre toutes les mesures en son pouvoir pour que M. H. Habré reste sous le contrôle et [sous] la surveillance des autorités judiciaires du Sénégal afin que les règles de droit international dont la Belgique demande le respect puissent être correctement appliquées »239(*).

Dans ses conclusions finales, la Belgique sollicitait de la Cour d'indiquer qu'

« il est demandé à la République du Sénégal de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour que M. Hissène Habré reste sous le contrôle et [sous] la surveillance des autorités sénégalaises afin que les règles de droit international dont la Belgique demande le respect puissent être correctement appliquées »240(*).

L'on constate que les termes « autorités sénégalaises » ont remplacé « autorités judiciaires du Sénégal ». Comme l'a si bien fait remarquer l'agent de l'État sénégalais, l'indication des mesures conservatoires sollicitées par la Belgique dans sa demande initiale aurait constitué un préjugement sur le fond241(*). Cette demande visait à imposer au Sénégal la prise de mesures destinées à faire adopter par le juge une mesure de contrôle judiciaire contre Hissène HABRE. Or relève le défendeur, dans son système juridique, la prise d'une telle mesure par lui suppose qu'au préalable Hissène HABRE soit poursuivi en tant qu'auteur, coauteur ou complice pour les crimes de torture et les crimes contre l'humanité qui lui sont imputés et qu'une information soit ouverte contre lui. Elle suppose aussi qu'il soit inculpé (ou mis en examen selon l'expression en usage dans le système pénal de la plupart d'Etats francophones). Le juge ad hoc Serge SUR renchérit en faisant remarquer que la Convention contre la torture invoquée par la Belgique comme fondement de sa demande, ne prévoit que des « mesures juridiques nécessaires pour assurer [la] présence » de la personne soupçonnée, prises par les États parties, « conformes à la législation » desdits États et non un contrôle judiciaire242(*).

La demande initiale de la Belgique était donc de nature à préjuger du fond de l'affaire relative à des Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader. Il est pourtant interdit aux parties d'empiéter sur les questions de fond lors de l'examen d'une demande en indication de mesures conservatoires. De fait, aux termes de l'instruction de procédure XI243(*),

« Dans leurs exposés oraux sur les demandes en indication de mesures conservatoires, les parties devraient se limiter aux questions touchant aux conditions à remplir aux fins de l'indication de mesures conservatoires, telles qu'elles ressortent du Statut, du Règlement et de la jurisprudence de la Cour.  Les parties ne devraient pas aborder le fond de l'affaire au-delà de ce qui est strictement nécessaire aux fins de la demande ».

En effet, les parties ne peuvent pas par exemple présenter des exceptions préliminaires au stade de l'examen d'une demande en indication des mesures conservatoires. Il convient de noter que la Cour ne peut indiquer des mesures conservatoires que si le caractère distinct de celles-ci par rapport à la requête au fond est établi. Il est donc évident que n'eût été sa modification, la demande belge aurait été rejetée sans difficulté par la Cour. Il est donc regrettable qu'après une telle modification la Cour en ait passé sous silence la portée sur l'issue de la procédure.

§ 2- La portée de la modification de la demande belge

L'attitude adoptée par la Cour n'est rien moins qu'une volonté de choisir la facilité. De fait, en omettant de relever la portée de la modification de la demande belge, la Cour fait preuve d'un laconisme critiquable. Il importe de préciser que n'eût été le changement effectué par la Belgique dans le contenu de sa demande, celle-ci serait dépourvue de toute pertinence. Cette modification a tout simplement rendu recevable la demande belge en indication de mesures conservatoires.

On suit donc volontiers le juge ad hoc Serge SUR, lorsqu'il affirme qu'en substituant l'imposition d'un contrôle des « autorités sénégalaises » à celui des « autorités judiciaires sénégalaises », la Belgique a considérablement modifié la sens de sa demande244(*). Cette attitude est pour le moins surprenante car la Cour aurait dû souligner au moins ce changement, à défaut d'en préciser la portée. En effet, la motivation doit rendre compte aux parties des arguments qu'elles ont utilisés devant la Cour245(*). Au lieu de cela, la Cour s'est bornée à constater implicitement le changement dans les paragraphes introductifs de sa motivation246(*), où elle décrit les positions des parties, et à n'examiner que la demande finale de la Belgique, faisant totalement silence, dans ses analyses propres247(*), sur l'existence et sur l'importance de cette modification248(*).

En procédant de la sorte, la Cour a fait montre de laconisme et manqué à un devoir, si l'on considère qu'elle doit rendre compte aux parties des argumentations par elles développées devant la Cour249(*). Même si l'on considère que le Règlement de la Cour ne lui impose de motiver que ses arrêts250(*), et non ses Ordonnances251(*), lorsqu'elle décide de motiver celles-ci, elle devrait le faire avec précision. En effet, « la motivation ne sert pas seulement à reprendre et à organiser les positions antagonistes telles qu'elles s'expriment dans la procédure écrite et orale, mais elle doit également retracer les étapes du raisonnement de la Cour... »252(*). L'on constate que l'argumentation sur la non pertinence de la demande initiale de la Belgique est tout simplement ignorée dans la décision de la Cour. Or il est évident que c'est cette argumentation qui a poussé la Belgique à modifier, sans aucune explication, ladite demande.

Cette attitude de la Cour pourrait être préjudiciable à long terme pour l'image qu'elle projette à travers les décisions qu'elle rend. En effet, si les justiciables constatent que leurs positions n'ont pas fait l'objet d'un examen objectif ou, au pis aller, qu'il n'en a pas été tenu compte, cela pourrait créer un climat de méfiance vis-à-vis du juge. Selon le juge ad hoc Serge SUR, il aurait suffi que la Cour notât au paragraphe 60 ou au paragraphe 61 que la modification de la demande de la Belgique au cours des audiences conduisait, non plus à imposer une nouvelle attitude du Sénégal par rapport à Hissène HABRE, mais simplement à rendre obligatoire en droit international le maintien de son attitude actuelle ; qu'il était loisible à la Belgique de modifier les termes de sa demande et que la Cour statuait sur la demande ainsi modifiée253(*).

La Cour aurait dû s'attarder sur cette modification dans la mesure où, sans elle, la recevabilité de la demande en indication des mesures conservatoires n'aurait pas été envisagée. Si cette question était traitable par la Cour dans son Ordonnance, les questions liées à la recevabilité de la requête belge au fond ne pouvaient l'être.

Section II : Les questions relatives à la recevabilité de la requête belge au fond

Lors de l'établissement de sa compétence prima facie, la Cour n'a examiné la question de l'existence d'un différend et les conditions procédurales posées par la Convention contre la torture que de façon superficielle. Elle n'a pas tranché ces aspects de l'affaire. Ceux-ci étant étroitement liés à la recevabilité de la requête belge, leur examen dans le cadre de ce travail s'avère intéressant et nécessaire. L'analyse de la question de l'existence d'un différend entre les parties (§ 1) précèdera l'examen de la question relative aux conditions procédurales prévues par la Convention contre la torture (§ 2).

§ 1- La question de l'existence d'un différend entre les parties

Le fait que le Sénégal ait reconnu devant la Cour son obligation de poursuivre Hissène HABRE a fait penser à la disparition de l'objet du différend dans la mesure où on a pu y relever une certaine convergence des positions des parties sur la question. Toutefois, l'on va démontrer que, malgré cette reconnaissance de son obligation par le Sénégal (A), la disparition de l'objet du différend n'est qu'apparente (B).

A. La reconnaissance par le Sénégal de son obligation de poursuivre Hissène HABRE

Il convient de rappeler que, sans y être incité, le Sénégal a assuré à plusieurs reprises qu'il entendait maintenir la surveillance et le contrôle sur Hissène HABRE et sur son entourage254(*). En plus, répondant à la question du juge GREENWOOD, il a déclaré solennellement qu'il ne laisserait pas Hissène HABRE quitter son sol avant que la Cour ait rendu sa décision définitive255(*). Plus importante encore est la reconnaissance non équivoque de son obligation de poursuivre Hissène HABRE. En effet, le Sénégal a fait valoir, lors de sa plaidoirie, son droit de poursuivre ce dernier. Cela était décelable dès la prise de parole par son agent, Cheikh Tidiane THIAM, lors du premier tour d'observations orales du Sénégal le 6 avril 2009. Ce dernier a déclaré que l'« action précipitée [de la Belgique] ne peut que gêner les efforts que le Sénégal entreprend depuis plusieurs années pour remplir ses obligations internationales en assurant des poursuites loyales et un procès équitable et impartial au sieur Hissène Habré [...] »256(*). Par ailleurs, le Sénégal prétend que l'indication des mesures conservatoires demandées reviendrait à le priver de son droit de poursuivre257(*). Pour le Sénégal en effet, le droit de réclamer l'extradition ne peut prévaloir sur celui d'un État assumant son obligation de juger258(*).

La reconnaissance de son obligation de poursuivre par le Sénégal peut également être déduite de l'acceptation du mandat de l'UA et de la recherche des moyens nécessaires à la tenue du procès. En outre, les réformes constitutionnelle, pénale et institutionnelle entreprises par le Sénégal constituent, selon celui-ci, une preuve de sa volonté de poursuivre. A la fin de son second tour d'observations orales sur la demande en indication des mesures conservatoires, le 8 avril 2009, le Sénégal a réaffirmé sa « volonté de continuer le processus [consistant à] assumer intégralement ses obligations d'État partie à la Convention de 1984 (...) »259(*).

Tout cela montre bien que le Sénégal est d'accord avec la Belgique à propos de son obligation de poursuivre Hissène HABRE. Mais il faut relever que le Sénégal a surtout reconnu essentiellement l'obligation de poursuivre. Ainsi, même si cette convergence partielle des vues des parties a pu faire penser à la disparition de l'objet du différend, il faut reconnaître qu'elle n'est qu'apparente et non réelle.

Il est très important de préciser que même si l'objet du différend avait disparu, ce n'est qu'en principe dans la procédure au fond que la Cour pourrait le constater. En effet, en l'état actuel de la jurisprudence de la Cour, il n'est possible de mettre fin à une affaire au stade de l'examen de la demande en indication de mesures conservatoires que lorsque la Cour considère qu'elle n'a manifestement pas compétence. Ce fut le cas par exemple, le 2 juin 1999 dans l'affaire relative à la Licéité de l'emploi de la force où la Cour ayant estimé qu'elle n'était manifestement pas compétente pour les requêtes contre l'Espagne et contre les Etats-Unis, avait rayé ces deux cas de son rôle. L'on peut donc dire qu'il était loisible au Sénégal de déposer une exception préliminaire sur le défaut d'objet de la requête belge après le dépôt du mémoire de la Belgique dont le délai était fixé au 9 juillet 2010260(*), comme le prévoit le Règlement de la Cour261(*).

B. La disparition apparente de l'objet du différend entre les parties

La reconnaissance de son obligation par le Sénégal a fait croire que l'objet du différend avait disparu. Certains membres de la Cour ont même affirmé péremptoirement la disparition de cet objet. C'est notamment le cas du juge ad hoc Serge SUR. Selon ce dernier, c'est de façon inappropriée que la Cour relève que :

« les Parties semblent néanmoins continuer de s'opposer sur d'autres questions d'interprétation ou d'application de la Convention contre la torture, telles que celle du délai dans lequel les obligations prévues à l'article 7 doivent être remplies ou celle des circonstances (difficultés financières, juridiques ou autres) qui seraient pertinentes pour apprécier s'il y a eu ou non manquement auxdites obligations ; que les vues des Parties, par ailleurs, continuent apparemment de diverger sur la façon dont le Sénégal devrait s'acquitter de ses obligations » 262(*).

Le juge ad hoc Serge SUR poursuit en précisant qu'il s'agit en effet de divergences qui ne font pas l'objet de la demande présentée par la Belgique, et qui ne sont que des motifs à l'appui de sa requête263(*). L'on suit volontiers ce juge sur ce point. Mais l'on ne peut le suivre lorsqu'il déclare qu'on ne voit « plus en quoi consiste le différend entre la Belgique et le Sénégal »264(*).

En effet, même s'il est admis qu'il y a différend dès lors « que la réclamation de l'une des parties se heurte à l'opposition manifeste de l'autre »265(*), il est clair que la disparition prétendue de l'objet du différend, en l'espèce, n'est qu'apparente. De fait, la requête de la Belgique vise essentiellement à faire dire et juger que le Sénégal est obligé de poursuivre pénalement Hissène HABRE ou, à défaut, de l'extrader vers la Belgique. Or le Sénégal a reconnu uniquement l'obligation de poursuivre, laissant l'obligation alternative à savoir l'obligation d'extrader266(*). Par conséquent, tant que le Sénégal n'aura pas engagé des poursuites concrètes contre Hissène HABRE, un différend continuera d'exister entre la Belgique et lui. Même si les assurances sénégalaises et les réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD ont pu atténuer la portée du différend, seul l'engagement des poursuites contre Hissène HABRE ou son extradition pourrait faire disparaître définitivement l'objet du différend.

§ 2- La question relative aux conditions procédurales posées par la Convention contre la torture

Pour établir sa compétence prima facie, la Cour a vérifié si les conditions procédurales de l'article 30 de la Convention contre la torture du 10 décembre 1984 étaient réunies. Ce faisant, c'est de manière sommaire qu'elle les a examinées pour conclure qu'elle a compétence prima facie en l'espèce. Ce qui signifie que ces conditions sont réunies (A). Une analyse approfondie de ces conditions s'avère nécessaire. A ce stade, il est opportun de s'attarder sur la recevabilité de la requête belge au fond (B) au vu des éléments dont on dispose à présent.

A. La réunion des conditions procédurales de la Convention contre la torture

Les conditions procédurales dont il est question ici, sont prévues à l'article 30, § 1 de la Convention contre la torture. Cette disposition constitue en réalité la clause attributive de juridiction inscrite dans la Convention. Par cette clause, les États parties s'engagent d'avance à accepter la compétence de la Cour au cas où un différend surviendrait entre eux quant à l'application ou à l'interprétation de ladite Convention. Le paragraphe 1 de l'article 30 de la Convention prévoit quatre conditions à remplir pour que la requête d'une partie soit recevable devant la Cour. Ces conditions sont les suivantes : l'existence d'un différend sur l'interprétation ou l'application de la Convention (1), l'échec des négociations (2), la demande d'arbitrage par l'une des parties (3), et la persistance du désaccord des parties sur l'organisation de l'arbitrage au-delà d'un délai de six mois (4).

1. L'existence d'un différend sur l'interprétation ou l'application de la Convention 

En l'espèce, comme on l'a déjà relevé, un différend continue d'exister entre les parties. Contrairement à ce que d'aucuns ont pu penser, l'engagement solennel du Sénégal de ne pas laisser Hissène HABRE quitter son territoire, ne concerne que la demande en indication des mesures conservatoires. En effet, « l'existence d'un différend [...] ne résulte pas plus de son assertion unilatérale par un État que son inexistence ne peut être inférée de l'assertion contraire de l'autre »267(*). Ceci amène Jean COMBACAU à conclure que l'on doit « distinguer du différend substantiel le différend résultant de la divergence des États sur sa réalité même »268(*). Ainsi, tant que des poursuites ne seront pas engagées au Sénégal contre Hissène HABRE, le différend persistera. Au cas où le Sénégal n'obtiendrait pas les moyens financiers sollicités pour l'organisation du procès, il faudrait envisager sérieusement l'extradition de Hissène HABRE vers la Belgique. Car garder indéfiniment Hissène HABRE impuni constituerait un manquement grave à la Convention contre la torture.

2. L'échec des négociations entre les parties

Il importe de rappeler, avec Jean COMBACAU, que face à un différend qui les oppose, deux États ont, par application du principe très général de bonne foi, une obligation de négocier « en vue de parvenir à un accord »269(*). L' « obligation de règlement pacifique » désigne improprement une obligation de négocier sur l'objet du différend270(*). Selon sir Michael WOOD, coagent de la Belgique, «[t]hat this dispute could not be settled through negotiation is (...) clear»271(*). On est de cet avis si l'on considère, un tant soit peu, le nombre d'échanges272(*) infructueux qu'il y a eu entre les parties depuis l'avis d'incompétence de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Dakar du 25 novembre 2005, sur la demande d'extradition belge. Les vues divergentes des parties sont mises en évidence lorsque le Sénégal soumet l'affaire Habré à l'UA et accepte son mandat pour le juger. En fait, les parties ne s'entendent pas sur la manière dont le Sénégal doit remplir son obligation de poursuivre ou d'extrader selon l'article 7 de la Convention contre la torture.

3. La demande d'arbitrage par l'une des parties

Les divergences de vues des parties ont amené la Belgique à demander que la procédure d'arbitrage soit engagée. Cette proposition a été faite à travers les notes verbales des 4 mai et 20 juin 2006.

4. La persistance du désaccord des parties sur l'organisation de l'arbitrage au-delà d'un délai de six mois

En mai 2007, c'est-à-dire un an après la demande d'arbitrage, la Belgique a constaté que celle-ci n'a reçu aucune réponse. A travers la note verbale du 8 mai 2007, la Belgique avait demandé au Sénégal si des poursuites allaient être menées contre Hissène HABRE ; mais elle n'avait reçu aucune réponse. Par le biais de sa note verbale du 2 décembre 2008, la Belgique a fait une nouvelle tentative destinée à faciliter les poursuites contre Hissène HABRE au Sénégal. Elle y proposait au Sénégal de recevoir les magistrats instructeurs sénégalais et de leur transmettre le dossier d'instruction relatif au cas Habré. Là encore, elle a dû faire face au mutisme sénégalais.

Au vu de ce qui précède, force est de constater que les conditions procédurales de l'article 30 de la Convention contre la torture ont été remplies par l'État demandeur. Ce qui conduit au questionnement sur la recevabilité de sa requête.

B. La recevabilité subséquente de la requête belge

Rendu à ce stade de l'étude, il importe d'examiner la question de la recevabilité de la requête belge, sans vouloir empiéter sur le fond de l'affaire. En effet, la question de la recevabilité ne peut être examinée par la Cour qu'au fond. Elle ne saurait le faire pendant la phase de la demande en indication de mesures conservatoires. Il s'agit donc tout simplement de se demander si, au regard des éléments analysés ici, la requête belge est recevable. De fait, il existe trois raisons qui militent en faveur de la recevabilité de ladite requête.

Tout d'abord, comme on vient de le constater, la Belgique a rempli les conditions procédurales posées par la Convention contre la torture. De ce point de vue donc, la requête est recevable.

Ensuite, comme démontré ci-dessus un différend existe bel et bien entre les parties273(*). La Cour n'aura donc pas du mal à établir sa compétence quant à la procédure au fond.

Enfin, l'enjeu de l'affaire relative à des Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader peut contribuer à la recevabilité de la requête belge. En effet, on peut imaginer que la Cour aura à coeur de contribuer au développement d'une règle essentielle du droit pénal international à savoir le principe aut dedere aut judicare ou compétence universelle conditionnée. Cette volonté pourra amener la Cour à adopter une certaine souplesse dans l'examen de la recevabilité de la requête.

Tout cela relève toutefois de l'ordre des hypothèses, dans la mesure où la Cour pourrait ne pas avoir à examiner cette question. En effet, au cas où le Sénégal engagerait des poursuites contre Hissène HABRE avant l'examen au fond, la Cour pourrait estimer qu'il est désormais inutile de donner suite à la requête belge.

CONCLUSION DU CHAPITRE I

En somme, il est regrettable que la Cour n'ait pas souligné le changement de contenu de la demande belge dans la mesure où c'est ce changement qui a vraisemblablement rendu pertinente ladite demande. Pour donner du crédit aux décisions qu'elle rend, la Cour devrait y tenir plus largement compte de l'argumentation développée par les parties au différend.

Il est clair que les conditions posées par l'article 30 de la Convention contre la torture ont été remplies par la Belgique dans cette affaire ; ce qui facilitera certainement la recevabilité de sa requête au fond. Toutefois, au cas où le Sénégal engagerait des poursuites contre Hissène HABRE avant la procédure au fond devant la CIJ, celle-ci pourrait estimer que le différend l'opposant à la Belgique est désormais sans objet, arrêtant alors la procédure. Cela rend intéressante l'analyse des modalités d'organisation du procès Habré par le Sénégal.

CHAPITRE II : LES QUESTIONS RELATIVES AUX MODALITES D'ORGANISATION DU PROCES CONTRE HISSENE HABRE

Les modalités d'organisation du procès contre Hissène HABRE font partie des questions qui n'ont pas été tranchées par l'Ordonnance de la CIJ. Le jugement de Hissène HABRE devrait pourtant revêtir un grand intérêt pour l'Afrique que pour la société internationale toute entière. Il s'agit en effet, selon Alioune TINE et Reed BRODY de « l'affaire test de la justice africaine » 274(*). L'Afrique en général et le Sénégal en particulier ont là l'opportunité de montrer aux yeux du monde qu'un criminel international peut être jugé en terre africaine par des juges africains dans le respect des exigences d'une justice équitable.

La décision de l'UA mandatant le Sénégal de juger Hissène HABRE et l'engagement du Sénégal de s'en charger représentent une étape déterminante dans l'effort de poursuivre en justice l'ancien président du Tchad. Si ce jugement est juste, transparent et équitable, il constituera un précédent historique dans la lutte pour le jugement des responsables des pires atrocités. Ce serait un précédent à valeur de symbole.

Par ailleurs, c'est avec satisfaction que l'on a constaté l'amendement, l'abrogation et l'introduction de certaines dispositions dans le Code pénal et le Code de procédure pénale sénégalais275(*). Cela a permis l'introduction de nouvelles infractions comme les crimes internationaux que sont les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les génocides, crimes prévus du reste par le Statut de Rome que ce pays a été le premier État à ratifier. Il a doté ses juridictions d'une compétence élargie. A travers les dispositions de l'article 669 du Code pénal, il a été prévu qu'en cas de crimes internationaux commis par un étranger, à l'étranger, les juridictions sénégalaises pouvaient être compétentes si cet étranger était appréhendé sur le territoire ou si le gouvernement sénégalais obtenait son extradition. C'est d'une compétence universelle assez large qu'ont été dotées les juridictions sénégalaises276(*). Par ailleurs, le 7 août 2008, le Sénégal a promulgué la loi qui amendait sa Constitution. L'un des aspects capitaux de cette réforme constitutionnelle est l'exception au principe constitutionnel de non-rétroactivité des lois pénales en matière de crimes internationaux notamment le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre277(*). Il est important de relever également que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques278(*), dont l'article 15 (2) prévoit subtilement la rétroactivité des lois pénales pour les crimes les plus graves, a été ratifié par le Sénégal depuis 1978279(*).

D'autres questions juridiques pourraient être soulevées à l'occasion de ce procès. Il s'agit par exemple de la prescription, des immunités et de l'indépendance des autorités judiciaires du Sénégal. Il faut signaler tout de suite que, « pour lutter contre l'impunité, le droit pénal international et national prévoit que certains crimes sont imprescriptibles »280(*). C'est le lieu de noter que cette imprescriptibilité était déjà prônée par Cesare BECCARIA281(*) en 1764. Les crimes imputés à Hissène HABRE sont de ceux-là à savoir les crimes les plus graves du fait de leur caractère odieux. En outre, l'immunité (de juridiction pénale) de Hissène HABRE a été levée par les autorités tchadiennes le 7 octobre 2002282(*). Seule l'indépendance des autorités judiciaires sénégalaises reste à assurer afin que ce procès connaisse l'éclat qu'il mérite.

Au-delà des problèmes juridiques qu'il convient de surmonter dans la conduite de ce procès, il existe des défis à relever. En effet, l'organisation de ce procès met au goût du jour des questions importantes comme celles du financement, de la logistique, du personnel et de sa formation, de l'accessibilité des victimes ou témoins aux procédures, la question de la protection des témoins etc. En effet, le Sénégal a soulevé la question du coût élevé du procès tant lors de la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UA que devant la CIJ pour justifier le retard accusé dans l'affaire Habré. Les questions relatives aux modalités d'organisation du procès contre Hissène HABRE sont donc de deux ordres, à savoir la question relative au coût élevé du procès (Section I) et la question tenant aux actions procédurales préalables au jugement de Hissène HABRE (Section II).

Section I : La question du coût élevé allégué par le Sénégal

La question du coût du procès contre l'ex-président tchadien n'a pas été tranchée par la Cour malgré son invocation par la partie sénégalaise. C'est pourtant une question qui mérite que l'on s'y attarde. En effet, il est certain que ce procès va occasionner des dépenses énormes. Au-delà des conjectures, le budget d'un tel procès est colossal du fait même de la nature internationale des crimes en cause et des défis logistiques à relever. L'on conviendra que ce serait pervertir la justice que de confier « l'affaire Habré » au Sénégal sans lui octroyer les moyens de le juger efficacement. Ceci conduit à examiner la question du financement du procès (§ 2) non sans avoir au préalable fait cas des raisons du coût élevé du procès (§ 1).

§ 1- Les raisons du coût élevé du procès contre Hissène HABRE

Les facteurs de renchérissement du procès contre Hissène HABRE sont de deux ordres : la nature internationale des crimes imputés à l'ex-président tchadien (A) et la logistique (B) qu'implique son procès.

A. La nature internationale des crimes attribués à Hissène HABRE

La poursuite de l'ancien chef de l'État tchadien au Sénégal suppose des enquêtes à l'étranger sur des crimes internationaux commis à l'étranger par un étranger. Cette extranéité des infractions en cause est un élément de complexification des poursuites et du jugement de Hissène HABRE. De plus, l'établissement des preuves de crimes commis dans un autre pays, il y a plus de vingt ans, représente un défi considérable. Human Rights Watch a noté que le fait que les instances nationales n'aient pas d'expérience dans l'instruction et le jugement des crimes internationaux ou des crimes massifs commis à l'étranger, constitue un obstacle pour mener à bien ce procès283(*). Poursuivre des crimes contre l'humanité peut paraître intimidant et demander beaucoup de ressources et ceci pour plusieurs raisons. Il ne s'agit pas seulement de crimes pour lesquels les procureurs nationaux ont peu d'expérience, mais également d'une affaire où il faut mener à bien des enquêtes extraterritoriales, où il faut faire face à des obstacles linguistiques (nombre de tchadiens ne parlent pas français), où il faut comprendre le contexte historique et politique dans lequel ont eu lieu les crimes en question et où il faut rechercher des éléments de preuves attestant des crimes encore jamais jugés au niveau d'une juridiction nationale284(*).

Tout ceci fait jaillir tout d'abord la nécessité pour les autorités judiciaires sénégalaises de « s'ouvrir à l'expérience et à la contribution des juridictions et juges du continent » comme les y invitait l'UA285(*) en 2007. Ce qui suppose des frais, surtout en honoraires. Ensuite, la traduction est une activité assez coûteuse. Enfin, il est clair que l'instruction de l'affaire par le Sénégal va s'avérer très coûteuse dans la mesure où le lieu de commission de l'infraction en matière pénale est également celui où se déroulent des activités capitales d'une instruction. Il s'agit notamment des perquisitions qui nécessitent très souvent le transport du ou des magistrats instructeurs sur les lieux où les infractions ont été commises. Même si les autorités sénégalaises chargées de l'affaire acceptent d'exploiter les documents belges grâce à une coopération légale, il restera encore beaucoup de travail à faire, comme des visites au Tchad et des analyses plus approfondies de centaines de documents de la DDS286(*). Les auditions et interrogatoires, qu'ils soient faits au Sénégal ou sur place au Tchad, nécessiteront d'énormes moyens financiers.

B. Les exigences logistiques du procès contre Hissène HABRE

La conduite des poursuites et du jugement de l'ancien président tchadien suscitent des problèmes logistiques auxquels il faudra faire face. En effet, des dizaines, voire des centaines de victimes, témoins (à charge et à décharge) et autres experts devront venir déposer et être entendus pendant les audiences, spécialement s'ils n'ont pas pu être entendus pendant la phase d'instruction. Ces personnes viendront, pour leur plus grande majorité, du Tchad, mais certaines viendront d'autres parties du monde. Leur transport et leur hébergement devront être pris en charge. Au cas où les autorités chargées de l'instruction ne pourraient pas se rendre au Tchad ni certains témoins ou victimes au Sénégal, l'on pourrait envisager de prendre leur déposition par transmission vidéo.

Il ressort par exemple d'un rapport de Human Rights Watch que lors du procès, à Londres, du chef de guerre afghan Faryadi ZARDAD, seize témoins ont déposé depuis les locaux de l'ambassade d'Angleterre à Kaboul en direct lors des audiences au moyen d'une connexion vidéo287(*). Reed BRODY a relevé par ailleurs qu'un « aller et retour du Tchad au Sénégal coût[ait] environ 950 $ »288(*). Or, l'on peut supposer que du fait des menaces ou des intimidations289(*) qu'elles peuvent subir au Tchad de la part d'anciens collaborateurs de Hissène HABRE, encore en fonction290(*), certaines victimes aient préféré quitter le pays pour des destinations diverses. Ce qui complique davantage les problèmes de transport.

Les défis logistiques constituent donc une raison évidente du coût élevé du procès contre l'ex-président du Tchad. Le coût élevé de ce procès pose un problème sérieux de financement.

§ 2- La question du financement du procès contre Hissène HABRE

Le financement du procès contre Hissène HABRE, du fait de son importance, exige la contribution de la société internationale toute entière. Cependant, l'UA devrait y jouer un rôle principal. En effet, malgré la nécessité de la contribution (subsidiaire) de toutes les entités de la société internationale, la contribution de l'UA doit être prépondérante. On s'attardera tour à tour sur les estimations du budget du procès (A) et la nécessité des contributions des États membres de l'UA et des autres entités de la société internationale (B).

A. Les estimations du budget du procès

Comme on l'a relevé tantôt, il est évident que le procès Habré va engendrer des dépenses colossales. Pour s'en convaincre, il faut se référer au procès de Faryadi ZARDAD susmentionné291(*) qui aurait coûté, selon les estimations de la British Broadcasting Corporation (ci-après "BBC")292(*), plus de trois millions de livres (soit 5,2 millions de dollars ou 3,4 milliards de francs CFA). Le Sénégal a élaboré, pour le cas Habré, un budget d'un montant de 27.400.000 euros (soit dix-huit milliards de francs CFA)293(*). Comment s'étonner dès lors que ce budget soit jugé exagéré par certains ?

Dans sa requête, la Belgique affirme que les trois procès tenus en Belgique relatifs au génocide commis au Rwanda d'avril à juillet 1994 ont coûté, selon la Direction générale de l'Ordre judiciaire du Service public fédéral belge de Justice :

Ø 233.496,59 euros pour le procès des « quatre de Butare » (Affaire Ntezimana et al.), 2001 ;

Ø 308.345,56 euros pour l'Affaire Nzabonimana et al., 2005 et ;

Ø 219.117,90 euros pour l'Affaire Ntuyahaga, 2007 (estimation provisoire au 31 août 2008)294(*).

Par ailleurs, lorsque l'on considère un tant soit peu l'ampleur du travail d'investigation qui a déjà été abattu depuis près de dix-sept ans par les victimes, soutenues par une coalition d'organisations internationales, et par les autorités judiciaires belges, il est logique que le budget élaboré par le Sénégal surprenne. L'on pourrait penser que ce budget n'est autre chose qu'une manoeuvre dilatoire dans la mesure où son montant élevé pourrait décourager de potentiels donateurs. Ce qui aurait pour résultat final l'impunité de Hissène HABRE.

Toutefois, le bon sens amène à considérer que les défis financiers diffèrent d'une espèce à l'autre. En plus, ainsi qu'il ressort d'une décision de l'UA du 3 février 2009295(*), l'UE a collaboré à l'élaboration dudit budget. Dans la même décision, l'UA considérait « que le budget définitif du procès devrait être élaboré et arrêté par [elle], en collaboration avec le Gouvernement de la République du Sénégal et l'Union européenne »296(*). Quelque soit le budget qui sera arrêté pour ce procès, le Sénégal ne pourra le couvrir seul.

B. La nécessité des contributions des États membres de l'UA et des autres entités de la société internationale

L'UA a fait de l'affaire Habré une priorité, dans ses décisions sur l'affaire297(*). Il suffit de consulter ses décisions sur l'affaire pour s'en convaincre298(*). L'Organisation a certes confié la poursuite et le jugement de l'ex-homme d'Etat tchadien au Sénégal, mais sa participation est nécessaire. En effet, l'on convient avec Joe VERHOEVEN que ce serait « une perversion de la justice que de donner le pouvoir de punir sans accorder les moyens de juger valablement »299(*). La contribution de l'Organisation doit donc être conséquente et même prépondérante, car l'Afrique doit faire du procès Habré un symbole de la capacité des juridictions nationales du continent de juger ses dirigeants auteurs de crimes internationaux. Pour ce faire, tous les États membres de l'UA doivent y participer. L'on se souviendra en effet que certains de ces États, notamment le Cameroun300(*), ont collaboré efficacement à la répression des crimes de génocide commis au Rwanda en 1994.

Lors de la treizième session ordinaire de la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, tenue à Syrte du 1er au 3 juillet 2009, l'UA a exprimé son regret de constater que malgré la décision précédente prise par la Conférence et invitant tous les États membres à apporter leurs contributions volontaires au budget du procès de Hissène HABRE, aucune réaction positive ne s'est manifestée de la part de ces États. Elle a par ailleurs réitéré son appel à tous les États membres de l'Union pour qu'ils « apportent leurs contributions au budget du procès et accordent leur soutien au Gouvernement de la République du Sénégal dans l'exécution du mandat de l'Union africaine d'inculper et de juger Hissène Habré »301(*). En outre, l'Organisation a décidé d'apporter une « contribution symbolique au budget du procès ».

Bien que l'UA en fasse une priorité, dans ses décisions y relatives302(*), « l'affaire Habré » ne concerne pas seulement l'Afrique. Les autres sujets et acteurs de la société internationale y sont également interpelés, même si c'est de manière subsidiaire. L'on pense immédiatement aux ONG : comme on l'a déjà noté, celles-ci ont joué jusqu'ici un rôle déterminant dans la recherche des voies et moyens pour la poursuite et le jugement de Hissène HABRE. Si « l'histoire lointaine et récente de l'humanité interpelle [...] l'ensemble des peuples de la terre sur la nécessité de prendre les droits de l'homme au sérieux »303(*), la collaboration des États est indispensable en matière de répression des crimes contre l'humanité. La nécessité de la contribution des autres entités de la société internationale est ainsi justifiée par le fait même que les crimes en cause sont constitués d'actes tellement odieux qu'ils heurtent la sensibilité de l'ensemble de la communauté des États. Joe VERHOEVEN affirmait d'ailleurs que

« l'obligation qui est faite par plusieurs Conventions [...] d'extrader ou de punir des criminels (aut dedere, aut punire), participe d'une politique de prévention d'infractions jugées particulièrement graves [...] parce qu'elles mettent en cause - par exemple dans le cas de la torture - les fondements sur lesquels repose la communauté des États »304(*).

C'est donc à juste titre que l'UA a lancé l'appel de manière réitérative tant aux partenaires internationaux, qu'à l'UE et à l'ensemble de la société internationale pour la mobilisation des ressources financières nécessaires à l'organisation du procès contre Hissène HABRE. Les ressources envisagées ici ne sont pas forcément pécuniaires, même si c'est ce type de ressources que l'on attend le plus. En effet, les juges sénégalais auront certainement besoin de l'expertise des États ayant une certaine expérience dans la répression des crimes internationaux les plus graves. Il est évident qu'au cas où ces ressources seraient réunies, il faudrait entreprendre certaines actions préalables au jugement.

Section II : La question des actions procédurales préalables au jugement de Hissène HABRE

L'organisation du procès contre Hissène HABRE, outre les questions financières et logistiques, nécessite la prise d'un certain nombre de mesures préalables. En effet, pour être crédible, un tel procès ne devrait pas être tenu dans la précipitation, au risque de porter atteinte tant aux intérêts des victimes qu'à ceux de Hissène HABRE. A ce propos, l'on peut s'accorder avec le Sénégal, lorsqu'il déclare dans sa plaidoirie que

« La lutte contre l'impunité ne doit pas occulter le devoir non moins important que nous avons tous de reconnaître à l'accusé, quelle que soit la gravité des faits dont on l'accuse, une présomption d'innocence jusqu'à ce qu'intervienne contre lui une déclaration de culpabilité à l'issue d'un procès équitable et c'est ce procès équitable que le Sénégal prépare »305(*).

Il est en effet indispensable que les suspects et les accusés bénéficient tous du droit à un procès équitable et rapide qui est prévu par les normes internationales306(*). L'on suit volontiers Jelena PEJIC lorsqu'elle affirme que :

«Justice, it should not be forgotten, means not only doing good by individual victims or segments of society affected by crime, but also insuring that the fair trial rights of suspects and accused in criminal proceedings are fully respected»307(*).

La conciliation des intérêts des victimes avec ceux de Hissène HABRE pourrait se faire d'abord à travers l'examen des diverses plaintes présentées contre ce dernier au Sénégal, ensuite par l'accessibilité des témoins aux procédures et, enfin, par leur protection tout au long de celles-ci. La conciliation des intérêts des deux parties nécessitera également une instruction sérieuse de l'affaire qui comporterait la reprise, par le juge sénégalais, du travail d'instruction fait par son homologue belge et l'approfondissement de l'enquête. L'on s'attardera donc, d'une part, sur les actions relatives aux plaintes contre Hissène HABRE (§ 1) et, d'autre part, sur l'instruction de l'affaire (§ 2).

§ 1- Les actions relatives aux plaintes contre Hissène HABRE et aux témoins

Le jugement de l'ancien homme d'Etat tchadien nécessite qu'au préalable soient exploitées de manière efficace les plaintes faites contre lui. Les témoins devront pouvoir participer aux procédures et être protégés. L'analyse des plaintes présentées au Sénégal contre Hissène HABRE (A) précèdera l'examen des questions d'accessibilité et de protection des témoins (B).

A. L'examen des plaintes déposées contre Hissène HABRE devant la justice sénégalaise

Sans les victimes, point de compétence universelle, est-on tenté de s'exclamer. En fait, l'utilisation récente du principe de compétence universelle est le fruit d'un double constat de la part des victimes des crimes les plus graves et des organisations de défense des droits de l'Homme : « l'incapacité ou la défaillance » des États dans la lutte contre l'impunité au niveau national et la prise de conscience progressive que les victimes pouvaient forcer la main de la justice en portant plainte et en mettant les États face à leurs obligations internationales308(*). C'est ce qu'ont fait les victimes des exactions attribuées à Hissène HABRE en déposant des plaintes avec constitution de partie civile au Sénégal. Les victimes ont ainsi exercé l'action civile par voie d'action, c'est-à-dire avant toute poursuite lancée par le Ministère public, afin de mettre en mouvement l'action publique et d'être partie au procès.

Il s'agit tout d'abord de la plainte du 25 janvier 2000 présentée par sept tchadiens et l'Association des Victimes de Crimes et de Répression Politiques au Tchad (ci-après : « AVCRP »), une organisation pluriethnique, créée après le renversement de Hissène HABRE. Dans cette plainte, déposée devant le Tribunal régional hors-classe de Dakar, les demandeurs, dont plusieurs s'étaient rendus au Sénégal pour l'occasion, ont officiellement accusé Hissène HABRE de torture et de crimes contre l'humanité. Le chef d'accusation de torture était fondé sur la législation sénégalaise contre la torture ainsi que sur la Convention des Nations Unies contre la Torture. La plainte citait également les obligations du Sénégal en droit international coutumier de poursuivre les auteurs de crimes contre l'humanité309(*). Les preuves et documents soumis au juge d'instruction, M. Demba KANDJI, contenaient des informations détaillées, provenant des archives de l'AVCRP, sur 97 assassinats politiques, 142 cas de torture, 100 « disparitions » et 736 arrestations arbitraires imputés à Hissène HABRE. La plupart de ces crimes avaient été perpétrés par la redoutable DDS, l'organe répressif du régime. Un rapport sur la pratique de la torture sous le régime de Hissène HABRE, écrit en 1992 par une équipe médicale française, et celui de la Commission d'Enquête du Ministère tchadien de la Justice ont également été versés au dossier.

Il s'agit ensuite de la plainte déposée le mardi 16 septembre 2008, devant M. Mandiogou NDIAYE, Procureur près la Cour d'appel de Dakar, par quatorze plaignants (deux sénégalais et douze tchadiens, soutenus par une coalition d'organisations africaines et internationales de défense des droits de l'Homme310(*)) contre Hissène HABRE pour crimes contre l'humanité et crimes de torture. Document de 142 pages et de 183 annexes, cette plainte, illustrée de témoignages et d'autres éléments de preuve, ne vise que les exactions commises dans les prisons tchadiennes par la DDS311(*). Me Jacqueline MOUDEÏNA, présidente de l'Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de L'homme (ATPDH), et avocate des victimes tchadiennes, déclara, le jour du dépôt de cette plainte, que celle-ci donnait de l'espoir aux victimes qui à un moment donné étaient complètement aux abois, parce que la lenteur qu'accusait le Sénégal ne pouvait pas faire penser à l'aboutissement de cette procédure judiciaire ; avant d'ajouter que les victimes étaient dès lors rassurées que le Sénégal prendrait en compte cet acte pour pouvoir assurer ses obligations internationales312(*).

Human Rights Watch précise que les accusations portent sur la création et le contrôle exercé par Hissène HABRE sur une police politique de répression, la DDS, qui a systématiquement torturé les opposants politiques et les membres de groupes ethniques perçus comme hostiles à son régime313(*). La plainte démontre que Hissène HABRE utilisait la torture comme méthode de répression et qu'il était constamment informé des actes de torture commis par la DDS. Parfois, il ordonnait lui-même la torture sur un prisonnier. De plus, de certains interrogatoires il ressort qu'il était physiquement présent pendant les séances de torture ou il suivait leur déroulement par talkie-walkie. La plainte établit le caractère systématique et généralisé du recours à la torture.

Parmi la panoplie de preuves qui sous-tendent cette nouvelle plainte, l'on peut citer les archives découvertes par Human Rights Watch au siège de la DDS en 2001. Parmi les dizaines de milliers de documents retrouvés, se trouvent des listes précises et datées sur les prisonniers et les décès en détention, des rapports d'interrogatoires, des rapports de surveillance et des certificats de décès. Les fiches détaillent les rouages de la DDS et révèlent que cette police était sous l'autorité directe de Hissène HABRE qui contrôlait étroitement les opérations. Une première analyse des données par le Data Analysis Group du Benetech Initiative a répertorié les noms de 1.208 personnes mortes en détention314(*). Par ailleurs, les noms de plus de 12.321 victimes d'abus de toutes sortes y sont mentionnés. Il ressort également de ces archives que Hissène HABRE a reçu quelques communications directes de la DDS concernant le statut de 896 détenus. D'anciens agents de la DDS ont témoigné auprès de Human Rights Watch et de la FIDH de ce que Hissène HABRE était régulièrement informé de toutes les activités de la DDS. De plus, les témoignages de centaines de victimes relatent les exactions qu'elles ont subies315(*). Hissène HABRE, en tant que supérieur hiérarchique316(*), encourt une responsabilité pour cause d'omission ou d'infractions commises par des personnes placées sous son contrôle317(*).

Il s'avère donc nécessaire et impérieux pour les autorités judiciaires sénégalaises d'examiner au préalable ces deux plaintes, et notamment les preuves qu'elles contiennent pour décider de l'opportunité de présenter un réquisitoire introductif d'instance contre Hissène HABRE devant le juge qui sera choisi, à l'occasion, pour instruire cette affaire318(*). Les autorités judiciaires sénégalaises devront en outre s'assurer tant de l'accessibilité que de la protection des témoins avant et pendant les procédures relatives à l'affaire HABRE.

B. L'accessibilité et la protection des témoins

S'assurer que le peuple tchadien, qui est le plus touché par cette affaire, puisse accéder au mieux à la procédure judiciaire constitue le défi majeur pour maximiser l'impact du jugement de Hissène HABRE, précisait Human Rights Watch en 2007319(*). Même dans le cadre d'un procès national, la question de l'accessibilité est fondamentale. Sachant que le procès de Hissène HABRE se déroulera à des milliers de kilomètres des victimes et des lieux de commission des crimes présumés, garantir l'accessibilité à ce procès relèvera de la gageure. Le coagent du Sénégal a d'ailleurs relevé, lors du premier tour d'observations orales sur la demande en indication des mesures conservatoires, que la tenue du procès Habré « en terre africaine » aura l'avantage de permettre à toutes les victimes et à tous les témoins d'y accéder sans difficulté320(*).

En effet, il est impérieux d'éviter d'organiser un procès sans témoins. Il faudra donc prévoir des moyens pour le transport et l'hébergement de ces témoins. C'est fort à propos que Human Rights Watch relève qu'il sera difficile, voire impossible, pour nombre de tchadiens d'assister au procès321(*). L'ONG préconise alors la prise des dispositions pour filmer ou enregistrer le procès, ou du moins pour le résumer afin de le diffuser dans des émissions audiovisuelles au Tchad. Selon elle, des journalistes et des représentants de la société civile tchadienne, et plus spécialement des organisations de défense des droits de l'Homme devraient être présents à Dakar pour pouvoir suivre le procès.

S'agissant de la protection des témoins, il est indéniable que l'ampleur d'un tel procès la rend prioritaire et indispensable. Le Sénégal, dans l'optique de remplir ses obligations, tant celles découlant de la Convention contre la torture que celles issues des décisions de l'UA, devra donc prendre au préalable des mesures en vue de la protection des témoins. En effet, dans une affaire aussi chargée politiquement322(*), où les témoignages à charge ou à décharge peuvent mettre en danger la vie des témoins et de leurs familles, la protection des témoins apparaît comme une priorité fondamentale323(*). Hissène HABRE a des ennemis et des supporters tant au Tchad qu'au Sénégal. D'après Human Rights Watch, il a usé de l'argent qu'il aurait volé au Trésor tchadien pour construire un réseau de soutien auprès d'acteurs influents dans la société sénégalaise324(*). Ceci a créé une atmosphère d'intimidation lors des procédures précédentes, ajoute l'Organisation325(*). A titre d'exemple, celle-ci note qu'en janvier 2000, Daniel BEKOUTOU, un journaliste tchadien travaillant à Dakar et couvrant les poursuites contre Hissène HABRE, avait reçu de manière répétée des menaces de mort, avait été physiquement agressé et dû finalement fuir son pays. Lors des audiences en 2005, les supporters de Hissène HABRE ont brutalisé les victimes venues du Tchad pour assister au procès. Les avocats de l'ancien président tchadien sont même allés jusqu'à traiter un membre de l'équipe de Human Rights Watch travaillant avec les victimes, de « juif haineux » et « anti Islam »326(*).

Au Tchad également, les victimes et leurs supporters ont subi des intimidations et même des attaques de la part des supporters de Hissène HABRE, dont beaucoup occupaient jusqu'en 2007 des postes-clés dans l'appareil sécuritaire du pays. Me Jacqueline MOUDEÏNA a ainsi été sévèrement blessée par des éclats d'une grenade lancée par les forces de sécurité commandées par un des acolytes de Hissène HABRE, également accusé. D'autres victimes ont été menacées ou ont perdu leur emploi327(*).

Les exemples ci-dessus montrent à suffisance le caractère crucial de la protection des témoins lorsqu'est envisagé leur accès aux procédures à entreprendre au Sénégal. C'est lorsque les autorités sénégalaises auront satisfait à ces exigences que pourra être sérieusement envisagée l'instruction de l'affaire.

§ 2- L'instruction de l'affaire Habré

Il importe de s'attarder d'abord sur la nécessité l'exploitation du travail d'instruction fait en Belgique (A) avant d'examiner la question de l'instruction prétorienne du juge sénégalais (B).

A. La nécessité de l'exploitation du travail d'instruction fait en Belgique

L'actuel président du Tchad, S.E. Idriss DEBY ITNO, avait invité en 2002 le juge d'instruction belge Daniel FRANSEN, qui à l'époque était chargé de l'affaire Habré328(*) en Belgique. Ce juge avait alors pu interroger au Tchad des victimes, des témoins, mais aussi des anciens membres de la DDS. L'exploitation des acquis en matière d'instruction sur le cas relève tant d'un certain réalisme que d'une nécessité juridico-financière. En effet, comme le précise Françoise BOUCHET-SAULNIER, la « coopération [des États] dans le domaine de l'action pénale générale n'est pas une obligation. Elle s'organise de façon bilatérale sur le mode conventionnel »329(*).

Le fait pour le juge sénégalais d'exploiter le travail effectué par le juge belge, serait tout à fait normal, dans la mesure où leurs pays sont parties à la Convention contre la torture. En effet, ce serait tout simplement conforme au système de coopération ou d'entraide judiciaire prévu par l'article 9, § 1 de cette Convention aux termes duquel :

« Les États parties s'accordent l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure pénale relative aux infractions visées à l'article 4, y compris en ce qui concerne la communication de tous les éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la procédure »330(*).

Plusieurs autres dispositions conventionnelles prévoient la coopération ou d'entraide judiciaire en matière pénale331(*). Cette question a d'ailleurs été posée dans certaines affaires devant la Cour. Il s'agit notamment de l'affaire relative à Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France)332(*) qui a connu son dénouement le 4 juin 2008333(*), et de l'affaire relative à Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France)334(*) qui a été rayée du rôle de la Cour le 16 novembre 2010 à la demande du Congo335(*).

Les autorités belges ont proposé à leurs homologues sénégalais de leur communiquer le dossier336(*). Human Rights Watch suggère en effet l'incorporation de l'intégralité du travail d'instruction déjà diligenté par les autorités belges dans le dossier HABRE, dans la nouvelle instruction qui sera ouverte au Sénégal337(*). Ce travail comprend des procès verbaux des témoins et des victimes, entendus tant au Tchad qu'en Belgique, des photos, des films, des copies de documents de la police politique de Hissène HABRE (la DDS), des notes, des synthèses, des analyses, des commentaires faits par les autorités belges, etc.

L'incorporation du travail du juge belge permettra au juge sénégalais de ne pas faire le même travail une deuxième fois et de se consacrer à d'autres aspects de l'instruction. Ce dernier ne possède pas d'expérience en matière de crimes internationaux et de crimes massifs commis à l'étranger338(*). C'est dire si vouloir faire fi de ces investigations laborieuses du juge belge signifierait tout simplement de la mauvaise foi du juge sénégalais. Car ce serait perdre un temps précieux alors même que les victimes s'impatientent.

Parmi les avantages de l'incorporation du travail d'instruction du juge belge, l'on peut citer le gain de temps, la réduction des frais, le bénéfice d'une instruction menée par de nombreux professionnels hautement qualifiés, la possibilité de joindre au dossier les déclarations de certains témoins capitaux décédés depuis leur audition par les autorités judiciaires belges. En outre, certains documents et lieux peuvent avoir disparus depuis le travail effectué par le juge belge et leur trace officielle ne se retrouve que dans le dossier belge. Enfin, l'incorporation du travail de quatre années du juge d'instruction belge éviterait d'ajouter aux souffrances déjà subies par les victimes, celle de l'attente d'un procès. Cependant, pour donner plus de crédibilité au procès, le juge sénégalais devrait mener sa propre instruction.

B. La nécessité d'une instruction prétorienne du juge sénégalais

Le juge d'instruction sénégalais ne devrait pas se contenter des preuves présentées par les victimes en soutien à leurs plaintes et du travail d'instruction de son homologue belge, à moins que le budget disponible ne l'y oblige.

Les autorités judiciaires du Sénégal devront mener leurs propres investigations sur l'affaire. Il s'agira toutefois d'une instruction préparatoire ou information judiciaire dont l'objectif est de déterminer, d'une part, l'existence ou l'inexistence des crimes allégués contre Hissène HABRE et, d'autre part, si les charges qui pèsent sur ce dernier nécessitent son jugement par la juridiction compétente339(*). L'article 70 du Code de procédure pénale sénégalais dispose d'ailleurs que « l'instruction préparatoire est obligatoire en matière de crime ; sauf dispositions spéciales ». Selon la formule consacrée, il s'agira ici de la « mise en état de l'affaire »340(*). Cette phase peut en effet s'avérer capitale dans la mesure où « l'opportunité » des poursuites dépendra de ce travail d'instruction. Le travail du magistrat instructeur comportera des aspects comme les transports sur les lieux, les perquisitions, les auditions des témoins, les interrogatoires et même des expertises si besoin est.

S'agissant des transports sur les lieux, à savoir en l'espèce le territoire tchadien, ils ont pour but de procéder aux constatations utiles et aux perquisitions comme le prévoit l'article 83 du Code de procédure pénale sénégalais (Loi de base n° 65-61 du 21 juillet 1965). On ne pourrait en fait envisager une instruction sérieuse qu'avec le déplacement du juge d'instruction au Tchad ; ce qu'il n'a pas pu faire en 2000 lors de la première tentative de jugement de Hissène HABRE341(*). Toutefois, une instruction crédible pourrait se faire sans que ce transport sur les lieux au Tchad soit nécessaire si et seulement si une bonne coopération judiciaire s'établissait entre le Sénégal et le Tchad, et au cas où le premier voulait bien « s'ouvrir à l'expérience et à la contribution des juridictions et juges du continent » comme l'y invitait l'UA342(*) en janvier 2007. A l'occasion de ce procès, la juridiction sénégalaise qui en aura l'office pourrait se rendre hybride et se rapprocher du système du tribunal spécial de Sierra Leone et de celui du Cambodge. Ainsi, comme déjà en 2000, le juge sénégalais pourrait par exemple envoyer simplement une commission rogatoire à son homologue tchadien afin que celui-ci procède à certaines activités d'instruction.

Pour ce qui est des perquisitions, l'article 85 du CPP sénégalais (Loi de base n° 65-61 du 21 juillet 1965) prévoit qu'elles « sont effectuées dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité ». De nouvelles perquisitions peuvent tout de même s'avérer inutiles, coûteuses et surtout constituer une perte de temps. En effet, le juge belge et Human Rights Watch ont déjà effectué des investigations importantes sur place au Tchad, notamment dans les locaux de la DDS. Aussi, certaines preuves peuvent avoir disparu ; d'où la nécessité d'exploiter le travail d'instruction effectué par le juge belge. Il importe de relever que les preuves obtenues par Human Rights Watch ont été versées dans les plaintes déposées par les victimes le 25 janvier 2000 et le 16 septembre 2008. Il n'est pas superflu de rappeler que cette organisation a apporté à chaque fois son soutien grandiose aux victimes depuis que celles-ci ont commencé leur quête de justice en 1992.

Les auditions de témoins et les interrogatoires pourraient par contre constituer un aspect important du travail d'instruction préparatoire envisagé. Pour ce qui est des auditions de témoins, comme le rappelle Corinne RENAULT-BRAHINSKY, le principe est que le juge d'instruction instruit « à charge et à décharge »343(*). Cela veut tout simplement dire que le juge reçoit les témoignages tant contre le suspect qu'en sa faveur. Ce qui peut être considéré comme un aspect du procès équitable344(*). Comme on l'a déjà signalé, l'un des grands défis de l'organisation du procès Habré, sera de permettre l'accès du plus grand nombre possible de témoins aux différentes étapes procédurales. Mais le juge d'instruction sénégalais devrait prendre au sérieux l'article 99 du CPP sénégalais (Loi de base n° 65-61 du 21 juillet 1965) aux termes duquel « si le témoin est dans l'impossibilité de comparaître, le juge d'instruction se transporte pour l'entendre ou délivre à cette fin une commission rogatoire ». L'on peut bien déduire, dans le cas d'espèce, soit le transport des témoins vers le Sénégal qui s'avèrerait très coûteux, soit l'aide judiciaire du Tchad, souhaitable parce que limitant les frais.

A la suite de ces auditions de témoins, le juge d'instruction devra alors interroger respectivement de l'inculpé à savoir Hissène HABRE et la partie civile. Puisqu'il s'agit de crimes, Hissène HABRE devra impérativement être assisté d'un défenseur comme le prévoit l'alinéa 4 de l'article 101 du CPP sénégalais (Loi n° 99-06 du 29 janvier 1999). Selon l'alinéa 6 de cet article, « la partie civile régulièrement constituée a le droit de se faire assister d'un conseil dès sa première audition ». Les interrogatoires de l'inculpé et les auditions de la partie civile se font dans les mêmes conditions. Mais d'après l'article 105, alinéa 1 du CPP (Loi de base n° 65-61 du 21 juillet 1965), « l'inculpé et la partie civile ne peuvent être entendus ou confrontés, à moins qu'ils n'y renoncent expressément (...) ». C'est après ces auditions que le juge d'instruction décidera s'il y a lieu d'inculper Hissène HABRE. Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative, il demandera l'ouverture d'un procès aux trois juges de la Chambre d'Accusation. Dans ce cas, et si la Chambre d'Accusation confirme les charges retenues contre Hissène HABRE, ce dernier passera en jugement devant la Cour d'Assises345(*).

CONCLUSION DU CHAPITRE II

La poursuite et le jugement de Hissène HABRE comportent un grand enjeu dans la mesure où ce cas constituerait un symbole, un exemple. La justice africaine a en effet l'occasion de prouver aux yeux de la société internationale qu'elle est à la hauteur d'un procès de cette envergure. Il s'agit là aussi d'une opportunité de mettre en garde les personnes qui, couvertes par l'immunité de juridiction pénale du fait de leurs hautes fonctions, s'obstinent à bafouer les droits fondamentaux de l'homme, que les infractions graves ne peuvent rester indéfiniment impunies.

L'organisation de ce procès soulève de grands défis. En effet, les procès de ce type nécessitent des moyens colossaux du fait notamment de la logistique et de la nature internationale des crimes en cause. L'UA ayant fait de ce procès son affaire, du moins à travers ses décisions346(*), sa contribution est donc prépondérante. Mais toute la communauté internationale y a intérêt dans la mesure où les crimes imputés à Hissène HABRE heurtent la sensibilité de l'humanité dans son ensemble.

Les principes d'un procès équitable commandent ici le respect des étapes du processus répressif. Avant le jugement de Hissène HABRE, des actions procédurales préalables doivent être accomplies. Les autorités judiciaires du Sénégal devraient en effet examiner les différentes plaintes des victimes et surtout s'assurer de l'accessibilité et de la protection des témoins. En outre, elles doivent procéder à l'instruction de l'affaire, la coopération judiciaire internationale étant fortement recommandée à ce niveau. De fait, l'exploitation du travail d'instruction accompli par la justice belge serait économiquement bénéfique dans cette affaire.

Mais au cas où le Sénégal ne trouverait pas les moyens nécessaires pour l'organisation de ce procès, il devra extrader Hissène HABRE vers un État désireux et financièrement capable de le juger. La priorité serait logiquement donnée à la Belgique. En effet, cet Etat est non seulement le seul à s'être particulièrement intéressé à l'« affaire Habré », mais surtout sa capacité financière et la compétence de ses juridictions ne font aucun doute. Le principe aut dedere aut judicare doit être compris comme une règle établissant la complémentarité entre les juges nationaux. Selon cette logique, si un État, sur le territoire duquel se trouve un auteur de crimes internationaux, n'a pas la volonté ou la capacité de le juger, doit l'extrader vers un autre État qui le sollicite et dont les tribunaux sont compétents. Cette hypothèse ne doit pas cependant devenir un moyen pour certains juges nationaux, notamment occidentaux, d'imposer leur idéologie répressive aux autres. Car « s'il existe des crimes tellement odieux qu'ils doivent être réprimés par l'humanité toute entière, celle-ci ne saurait être réduite à quelques juges occidentaux... »347(*).

CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE

Il a été démontré la nécessité de l'examen de certaines questions que la Cour n'a pas tranchées soit volontairement, soit à cause de la nature provisoire de sa décision.

Le silence de la Cour quant au changement de contenu de la demande belge est critiquable. Ce changement a eu une portée importante dans la procédure. En effet, il a permis d'établir une différence entre la demande en indication de mesures conservatoires et la requête principale de la Belgique ; différence sans laquelle ladite demande aurait tout simplement été rejetée par la Cour. Les conditions procédurales posées par la Convention contre la torture, invoquée par la Belgique pour fonder la compétence de la Cour, sont bel et bien réunies dans la présente affaire. La Cour n'aurait donc pas du mal à juger la requête belge recevable ; quoique la célérité dont peut faire montre la République du Sénégal dans le cadre des poursuites contre l'ancien président tchadien, pourrait arrêter l'affaire qui l'oppose à la Belgique.

En effet, les enjeux du procès Habré commandent son organisation le plutôt possible par le Sénégal. Mais cette procédure judiciaire devra respecter un certain nombre de modalités afin que ces enjeux soient préservés. Comme l'ont relevé Alioune TINE et Reed BRODY, « personne ne peut nier que l'Afrique est le continent où se focalisent le plus les investigations de la justice [pénale] internationale »348(*). Or, si ce procès est mené en terre africaine par des juges africains, cela permettrait, un tant soit peu, de ne plus subir la politique du « deux poids deux mesures » qui caractérise la justice pénale internationale.

CONCLUSION GENERALE

L'Ordonnance du 28 mai 2009 a la particularité d'avoir presque systématisé l'ensemble des problèmes que soulève l'indication des mesures conservatoires par la CIJ. Selon le juge ad hoc Serge SUR, ces mesures « correspondent fréquemment à une stratégie judiciaire qui permet à une partie, dans l'hypothèse où elles sont accordées, de prendre un avantage, au moins psychologique, pour la suite de l'instance »349(*). Elles connaissent une certaine vigueur depuis 1990350(*), du fait de leur importance pour la suite de la procédure dans le cadre des affaires dont la Cour est saisie.

Il se dégage de l'attention particulière accordée par la Cour aux conditions requises pour l'indication des mesures conservatoires, une prudence qui, même si on peut la considérer excessive, est plutôt justifiée quand on sait que le caractère obligatoire de ces mesures est acquis depuis l'arrêt LaGrand351(*). Vingt-deux paragraphes de l'Ordonnance du 28 mai 2009 sont en effet consacrés à l'examen des conditions requises pour l'indication des mesures conservatoires et douze paragraphes à la mise en oeuvre du pouvoir d'indiquer de telles mesures par la Cour.

Nonobstant le fait que son Règlement ne lui impose pas la motivation de ses Ordonnances en ce domaine352(*), la Cour a déployé un raisonnement très étoffé et cohérent. En l'espèce, les questions du juge GREENWOOD et les réponses fournies par les parties ont permis à la Cour d'aboutir à une décision "facile". Cette médiation a fait accepter facilement sa décision. Ceci va dans le sens de la pensée de Paul MARTENS lorsqu'il affirmait que « n'ayant plus le secours d'une révélation sûre, d'une législation claire et d'un prestige incontesté, c'est par la validité de ses méthodes que [le juge] rendra ses décisions légitimes »353(*).

Cette affaire montre que le chemin est encore long en matière d'exercice de la juridiction pénale en matière de crimes internationaux, même au cas où un État est disposé à l'exercer354(*). Cette étape des mesures conservatoires a permis d'apporter d'ores et déjà des précisions quant aux obligations des Etats dans le cadre de l'« affaire Habré » en particulier et de la lutte contre l'impunité en général. On espère que la Cour tiendra compte des enjeux de l'affaire relative à des Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, en apportant des éclaircissements au sujet de cette obligation. Le principe aut dedere aut judicare ou compétence universelle conditionnée est aujourd'hui le système le plus efficace de répression des crimes internationaux. Car il permet « d'éradiquer tout conflit négatif de compétence et d'obvier tout déni de justice »355(*). Toutefois, « l'hymne » à la compétence universelle ne doit pas conduire aux abus. En effet, comme le fait remarquer Joe VERHOEVEN, « il n'est pas acceptable que le procès pénal devienne un nouvel instrument, après bien d'autres, de domination des forts sur les faibles, des grands sur les petits... »356(*). Il convient de relever que la compétence universelle est « une idée autant acclamée que décriée »357(*).

L'UA devrait assurer la poursuite et le jugement de Hissène HABRE afin de montrer au monde entier que les États africains sont capables de réprimer leurs propres dirigeants accusés de crimes internationaux. Ce procès a valeur de symbole parce qu'il pourrait mettre un terme à la politique à géométrie variable de la justice internationale pénale. La décision des États membres de l'UA de ne pas coopérer conformément aux dispositions de l'article 98 du Statut de Rome relatives aux immunités dans l'arrestation et le transfert du Président Omar El BASHIR du Soudan à la Cour Pénale Internationale358(*), est révélatrice d'un ras-le-bol de ceux-ci. De fait, la percée des droits de l'homme dans le droit international ne saurait remettre en question le principe de souveraineté359(*). La seule façon, pour les États du Tiers-monde, de se défaire de la justice à géométrie variable est de se donner les moyens d'une répression efficace et d'affirmer avec force leur volonté de réprimer eux-mêmes leurs propres criminels.

Pour ce qui est de l'Afrique, on pourrait doter la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CrADHP) de la compétence pour le jugement des crimes internationaux les plus graves. Ceci constitue en fait un projet en étude au sein de l'UA360(*) depuis la quinzième session ordinaire de sa Conférence tenue à Kampala (Ouganda) du 25 au 27 juillet 2010.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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v C.I.J., Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), mesures conservatoires, ordonnance du 8 décembre 2000, Rec. 2000, pp. 182-203 ;

v C.I.J., LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique), arrêt du 27 juin 2001, Rec. 2001, pp. 466-517 ;

v C.I.J., Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République Démocratique du Congo c. Belgique), arrêt du 14 février 2002, Rec. 2002, pp. 3-34 ;

v C.I.J., Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, Ordonnance du 5 février 2003, Rec. 2003, pp. 77-99 ;

v C.I.J., Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), mesure conservatoire, Ordonnance du 17 juin 2003, Rec. 2003, pp. 102-112 ;

v C.I.J., Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, Ordonnance du 13 juillet 2006, Rec. 2006, pp. 113-135 ;

v Voir C.I.J., Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt du 4 juin 2008, Rec. 2008, pp. 177-247 ;

v C.I.J., Application de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, Rec. 2008, pp. 353-399.

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LISTES DES ANNEXES

Annexe 1 : Ordonnance de la Cour internationale de Justice du 28 mai 2009 sur la demande en indication de mesures conservatoires.

Annexe 2 : Décision Assembly/AU/Dec.103 (VI) de l'UA du 24 janvier 2006 portant sur le procès d'Hissène HABRE et l'Union africaine.

Annexe 3 : Décision Assembly/AU/Dec.127 (VII) de l'UA du 2 juillet 2006 portant sur le procès d'Hissène HABRE et l'Union africaine.

Annexe 4 : Décision Assembly/AU/Dec.157 (VIII) de l'UA du 30 janvier 2007 portant sur le procès de Monsieur Hissène HABRE et l'Union africaine.

Annexe 5 : Décision Assembly/AU/Dec.240(XII) de l'UA du 3 février 2009 portant sur l'affaire Hissène HABRE.

Annexe 6 : Décision Assembly/AU/Dec.246(XIII) de l'UA du 3 juillet 2009 portant sur le cas Hissène HABRE.

Annexe 7 : Décision Assembly/AU/Dec.213 (XII) de l'UA du 3 février 2009 portant sur la mise en oeuvre de la décision relative à l'utilisation abusive du principe de compétence universelle.

Annexe 8 : Décision Assembly/AU/Dec.243(XIII) de l'UA du 3 juillet 2009 portant sur l'utilisation abusive du principe de compétence universelle.

Annexe 9 : Décision Assembly/AU/Dec.245 (XIII) de l'UA du 3 juillet 2009 portant sur le rapport de la réunion des Etats africains parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Annexe 10 : Décision n° Assembly/AU/Dec.292(XV) de l'UA du 27 juillet 2010 portant sur l'utilisation abusive du principe de compétence universelle.

* 1 _ Ce concept, encore appelé « obligation de juger ou d'extrader » et exprimé souvent par la maxime « aut dedere aut judicare » (ou extrader ou juger), « constitue une forme de juridiction inhabituelle pour les États et illustre la volonté de soumettre certains criminels à une juridiction internationale puisque la nature de leurs actes est telle qu'elle suscite la réprobation de la Communauté internationale tout entière ». Voir Marie-Pierre OLIVIER, « L'obligation de juger ou d'extrader dans la pratique contemporaine du Canada », RQDI, n° 10, 1997, pp. 137-170 (spéc., p. 140), http://www.sqdi.org/volumes/pdf/10_-_olivier.pdf (consultée le 07 mai 2009). En l'espèce, cette règle devrait plutôt se traduire par l'expression judicare vel dedere (juger à défaut d'extrader) car la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (du 10 décembre 1984) met d'abord l'accent sur l'obligation de poursuite, ensuite, sur l'obligation d'extradition si l'État du lieu où se trouve le suspect ne le poursuit pas.

* 2 _ Ce terme se réfère à l'absence de punition effective pour sanctionner un manquement ou la violation d'une règle ou norme établie. Voir Françoise BOUCHET-SAULNIER, Dictionnaire pratique du droit humanitaire, 3ème éd., La Découverte, Paris, 2006, p. 308. Cet auteur ajoute que « l'impunité peut découler d'un dysfonctionnement ou d'une disparition de l'appareil judiciaire » (ibid.). Bacre WALY NDIAYE, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, affirmait en 1994 que « L'impunité est la négation de la justice, qui est le socle de toute société démocratique. L'impunité est la ruine de l'état de droit. Elle est la porte ouverte aux explosions de violence. Elle empêche la vérité de triompher, les passions d'être apaisées, le mal d'être éradiqué », in : Commission des droits de l'homme, Question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, où qu'elle se produise dans le monde, en particulier dans les pays et territoires coloniaux et dépendants, Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Rapport présenté le 14 décembre 1994, Doc. ONU E/CN.4/1995/61, p. 142 (cf. Amnesty international, Sénégal, terre d'impunité, Amnesty International publications 2010, Londres, septembre 2010, 42 p. (spéc. p. 5), http://www.amnesty.org/fr/library/asset/AFR49/001/2010/fr/ef4b2e2b-9651-4db2-a76c-46d314900baf/afr490012010fr.pdf (consulté le 17 septembre 2010).

* 3 _ La lutte contre l'impunité occupe une place centrale tant dans des discours politiques que dans des écrits doctrinaux en matière de protection des droits de l'Homme ou de respect du droit international humanitaire. Par ailleurs, la protection internationale des droits de l'Homme est effectivement appréciée comme un élément essentiel du droit international contemporain. Voir Alain PELLET, « " Droits-de-l'hommisme " et droit international », Droits fondamentaux, n° 1, juillet - décembre 2001, pp. 167-179 (spéc. p. 169), http://www.droits-fondamentaux.org/article.php3?id_article=27 (consultée le 24 août 2007).

* 4 _ C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, Ordonnance du 28 mai 2009, version miméographiée, http://www.icj-cij.org/docket/files/144/15148.pdf (consultée le 28 mai 2009). Le choix d'étudier cette décision est surtout justifié par l'objet même de l'affaire à savoir l'obligation de poursuivre ou d'extrader.

* 5 _ La Section D du Titre III du Règlement de la Cour prévoit 6 procédures incidentes à savoir les mesures conservatoires, les exceptions préliminaires, les demandes reconventionnelles, l'intervention, le renvoi spécial devant la Cour et le désistement.

* 6 _ Cf. Jules BASDEVANT (Dir.), Dictionnaire de la terminologie du droit international, Sirey, Paris, 1960, p. 390.

* 7 _ Voir Reed BRODY, « Les poursuites contre Hissène Habré : un « Pinochet africain », in :  SOS Attentats / Ghislaine DOUCET (Dir.), Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, Calmann-Lévy, Paris, 2003, pp. 307-326 ; Voir aussi Abdoullah CISSE, « La Responsabilité pénale des chefs d'État africains en exercice pour crimes internationaux graves », in  : SOS Attentats / Ghislaine DOUCET (Dir.), ibid., pp. 247-254 (spéc., p. 247). Sur l'Affaire Pinochet, voir notamment Anne MUXART, « Immunité de l'ex-chef d'État et compétence universelle : quelques réflexions à propos de l'affaire Pinochet », Actualité et Droit International, 1998, http://www.ridi.org/adi/199812a4.html (consultée le 10 novembre 2008).

* 8 _ Voir Groupe d'action judiciaire (GAJ) de la FIDH, Pour le procès d'un dictateur, Retour sur l'affaire Hissène Habré, n° 511f, novembre 2008, http://www.fidh.org/IMG/pdf/Hissenhabr511fr2008.pdf (consultée le 17 juillet 2009). Il ressort de cette étude que, dans l'exercice de ses fonctions présidentielles, Hissène HABRE aurait commis 40 000 assassinats politiques et torturé 200 000 personnes.

* 9 _ Voir Abdoullah CISSE, op. cit. (supra, note n° 7).

* 10 _ Date à laquelle la Cour de cassation de la République du Sénégal rendit sa décision. Le juge suprême a décidé que les juridictions sénégalaises n'étaient pas compétentes pour poursuivre les infractions de torture reprochées à M. HABRE, celles-ci ayant été commises hors du territoire national. Cet arrêt est disponible sur www.icrc.org/fhl-nat.nsf/ 39a82e2ca42b52974125673e00508144/90e26efa1bb31189c1256b21005549

b0!OpenDocument (consultée le 7 avril 2009).

* 11 _ Il s'agit entre autres de : Reed BRODY (op. cit. (supra, note n° 7) ; Dustin N. SHARP, "Prosecutions, Development, and Justice : The Trial of Hissein Habré", Harvard Human Rights Journal, vol. 16, 2003, pp. 147-177, http://www.law.harvard.edu/students/orgs/hrj/iss16/sharp.pdf (consultée le 24 mai 2010) ; Julien SEROUSSI, « L'internationalisation de la justice transitionnelle : l'affaire Habré », Critique internationale, n° 30, janvier-mars 2006, pp. 83-102, http://www.ceri-sciencespo.com/publica/critique/article/ci30p83_101.pdf (consultée le 24 mai 2010).

* 12 _ La définition de la compétence universelle est assez aisée dans la mesure où on la retrouve dans moult écrits doctrinaux et d'organisations internationales. Voir Françoise BOUCHET-SAULNIER, op. cit. (supra, note n° 2), pp. 101-102 ; Pour cet auteur, « la compétence universelle permet de poursuivre un individu présumé coupable d'une violation grave du droit humanitaire devant n'importe quel tribunal de n'importe quel pays ». Reprenant la définition fournie par Anne-Marie LA ROSA dans son Dictionnaire de droit international pénal (PUF, Paris, 1998), Lison NEEL définit la compétence universelle comme « un système donnant vocation aux tribunaux de tout État sur le territoire duquel se trouve l'auteur de l'infraction pour connaître de cette dernière et ce, quels que soit le lieu de la perpétration de l'infraction et la nationalité de l'auteur ou de la victime » , in : « La judiciarisation internationale des criminels de guerre : la solution aux violations graves du droit international humanitaire ? », Revue Criminologie, vol. 33, n° 2, 2000, pp. 151-181 (spéc., p. 160). Voir également Ian BROWNLIE, Principles of Public International Law, 7th ed., Oxford (University Press), London, 2008, p. 305 ; Xavier PHILIPPE, «The Principles of universal jurisdiction and complementarity: how do the to principles intermesh?», Revue Internationale de la Croix-Rouge (RICR), vol. 88, n° 862, juin 2006, p. 377. ; CICR, Services consultatifs en droit international humanitaire, « Répression nationale des violations du droit international humanitaire », Dossier d'information, Genève, janvier 2004, p. 6 ; etc. Il convient de préciser que l'obligation de poursuivre ou d'extrader est intimement liée au principe de compétence universelle. En effet, le principe aut dedere aut judicare est un système de compétence universelle subsidiaire plus souple qui impose aux États d'extrader l'auteur de l'infraction s'ils ne le punissent pas.

* 13 _ Voir notamment RFI (20/02/2009), Affaire Habré: la Belgique saisit la Cour internationale de Justice, http://www.rfi.fr/actufr/articles/110/article_78560.asp (consultée le 30 avril 2009) ; Jeune Afrique (06/04/2009), Hissène Habré extradé en Belgique ou jugé au Sénégal ?, http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20090406121220/Hissene-Habre-extrade-en-Belgique-ou-juge-au-Senegal?.html (consultée le 30 avril 2009) ; Le Monde (24/02/2009), La Belgique porte plainte contre le Sénégal, réticent à juger Hissène Habré, http://www.lemonde.fr/afrique/article/2009/02/24/la-belgique-porte-plainte-contre-le-senegal-reticent-a-juger-hissene-habre_1159641_3212.html (consultée le 30 avril 2009) ; Courrier international (03/03/2009), Hissène Habré devant les juges ?, http://www.courrierinternational.com/article/2009/03/03/hissene-habre-devant-les-juges (consultée le 30 avril 2009) ; etc.

* 14 _ Voir Courrier international du 3 mars 2009 ; "Cette démarche belge est une très bonne chose", selon Reed BRODY, porte-parole européen de Human Rights Watch (HRW) et conseiller juridique des victimes tchadiennes de l'ancien président tchadien.

* 15 _ Voir Marie-Pierre OLIVIER, op. cit. (supra, note n° 1), p. 139.

* 16 _ Voir C.I.J., Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), mesures conservatoires, Ordonnance du 8 décembre 2000, Rec. 2000, p. 182, § 11.

* 17 _ L'on se souviendra que, lors de l'affaire relative au Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), la Cour décidé que « l'émission, à l'encontre de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi, du mandat d'arrêt du 11 avril 2000, et sa diffusion sur le plan international ont constitué des violations d'une obligation juridique du Royaume de Belgique à l'égard de la République démocratique du Congo, en ce qu'elles ont méconnu l'immunité de juridiction pénale et l'inviolabilité dont le ministre des affaires étrangères en exercice de la République démocratique du Congo jouissait en vertu du droit international » (§ 78). La Cour a ainsi renoncé à trancher la question de la compétence universelle en se limitant à la problématique de l'immunité. Voir en ce sens Marc HENZELIN, « La compétence pénale universelle. Une question non résolue par l'arrêt Yerodia », R.G.D.I.P., vol. 4, 2002, pp. 819-854. On peut espérer que la requête introductive d'instance, déposée au Greffe de la Cour le 9 décembre 2002 par la République du Congo (Brazzaville) contre la République française dans l'affaire relative à Certaines procédures pénales engagées en France, permettra à la Cour de se prononcer cette fois sur la conformité de la compétence universelle au droit international.

* 18 _ Au sujet du développement du droit pénal international, voir Serge SUR, « Le droit international pénal entre l'État et la société internationale », Actualité et Droit International, octobre 2001, 10 p., http://www.ridi.org/adi/200110sur.pdf (consultée le 21 novembre 2008). Pour l'auteur, l'internationalisation du droit pénal comporte trois dimensions correspondant à trois étapes successives à savoir :

· Premièrement, l'établissement conventionnel d'une coopération policière et judiciaire entre États, degré minimal de l'internationalisation ;

· Deuxièmement, une définition des incriminations pénales par des règles internationales ou au minimum une prévision de leur incrimination (généralement par des Conventions multilatérales) ;

· Troisièmement, la constitution de juridictions internationales pénales.

Les deux premières étapes relèvent du registre de l'interétatisme classique et donc correspondent au droit pénal international alors que la dernière « représente un degré d'internationalisation incontestablement supérieur, une internationalisation institutionnelle, conduisant à l'apparition d'un droit international pénal » (p. 2). Cherif BASSIOUNI précise seulement qu'il existe dans la conception française une distinction entre le « droit pénal international » et le « droit international pénal ». Pour cet auteur, cette distinction est « fondée notamment sur les deux sources de droit applicables (sources prenant naissance dans le système juridique international, et sources prenant naissance dans les systèmes de droit interne », Introduction au droit pénal international, 1ère éd., Bruylant, 2002, p. 1, note n° 1.

* 19 _ Voir la Loi belge du 16 juin 1993 relative à la répression des infractions graves aux conventions internationales de Genève du 12 août 1949 et aux Protocoles I et II du 8 juin 1977 qui a été modifiée par la Loi du 10 février 1999 relative à la répression des violations graves de droit international humanitaire, puis par celle du 23 avril 2003 avant d'être abrogée par la Loi du 5 août 2003 (notamment par son article 27 qui, abrogeant la loi de 1993/1999/2003, redistribuait son contenu dans le Code pénal ordinaire et dans le Code d'instruction criminel). Voir Éric DAVID, « Que reste-t-il de la compétence universelle dans la loi du 5 août 2003 ? », Jura Falconis, jg.40, 2003-2004, n° 155, pp. 55-72 (spéc. p. 4, § 8), http://www.law.kuleuven.ac.be/jura/art/40n1/david.html (consultée le 30 novembre 2008).

* 20 _ Voir Philippe WECKEL, « Ingérence, intervention et justice internationale », Questions internationales, n° 4, novembre-décembre 2003, pp. 63-69 (spéc. p. 67).

* 21 _ Voir Damien VANDERMEERSCH, « Le principe de compétence universelle à la lumière de l'expérience belge : le mouvement du balancier », in SOS Attentats / DOUCET (Ghislaine) (Dir.), Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, op. cit. (supra, note n° 7), pp. 463-474 (spéc. p. 473). Sur ces déconvenues, voir également Éric DAVID, op. cit. (supra, n° 19) ; l'auteur relève que, pour concilier les impératifs du droit international avec les contraintes de la politique internationale, la Belgique a opéré un virage, non à 180°, mais à 90°, en prescrivant des critères de rattachement avec la Belgique (à défaut de tout autre lien, présence de l'auteur présumé en Belgique), et en confiant au parquet le soin de filtrer les plaintes qui pourraient sembler abusives tout en respectant les obligations du droit international (p. 13, § 40). Voir aussi Antoine BAILLEUX, « L'histoire de la loi belge de compétence universelle. Une valse à trois temps : ouverture, étroitesse, modestie », Droit et société, 2005, n° 59, Bruxelles, pp. 107-134, http: //www.cairn.info/article.php ?ID REVUE=DRS&ID NUMPUBLIE=DRS 059&ID ARTICLE=DRS 059 0107 (consultée le 20 février 2009).

* 22 _ Cf. C.I.J., affaire relative au Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République Démocratique du Congo c. Belgique), arrêt du 14 février 2002, Rec. 2002, p. 3. Dans cette affaire, la R.D.C. contestait la licéité du mandat d'arrêt international lancé le 11 avril 2000 par le juge, de nationalité belge, Damien VANDERMEERSCH contre M. YERODIA Abdoulaye NDOMBASI, alors ministre des Affaires étrangères du Congo (RDC). La CIJ a donné raison à la R.D.C., en statuant que le ministre des Affaires étrangères bénéficie d'immunités. Cette décision remet ainsi en cause l'exercice par les juridictions belges - et plus largement de n'importe quelle juridiction nationale- de la compétence universelle vis-à-vis d'un certain nombre de personnalités bénéficiant des immunités.

* 23 _ L'on songe ici à l'Affaire SHARON, en Belgique. Une plainte avait été déposée en 2001 devant un juge d'instruction belge par certaines victimes des massacres de Sabra et Chatila, à l'encontre notamment de MM. Ariel SHARON et Amos YARON, respectivement ancien ministre de la Défense et ancien commandant lors de l'invasion de Beyrouth-Ouest, en 1982. Alors que la plainte était finalement déclarée irrecevable à l'égard de M. Ariel SHARON, en raison de son immunité, les poursuites étaient autorisées à l'encontre de M. Amos YARON. A la suite d'un refroidissement diplomatique entre la Belgique et Israël, dû à cette affaire, et au dépôt d'une plainte contre le Président George BUSH, la loi belge de compétence universelle a été modifiée de manière à empêcher la continuation de l'instruction. De fait, la Cour de cassation n'a pu que prononcer, en septembre 2003, la fin de l'action menée à l'encontre de M. Amos YARON. Voir François DUBUISSON, « La Répression des crimes de guerre commis par les responsables politiques et militaires israéliens », Supplément pour la Palestine, n° 55, 2007, http://www.france-palestine.org/article7072.html (consultée le 16 septembre 2008).

* 24 _ Pour les modifications de la législation belge, voir Éric DAVID, op. cit. (supra, note n° 19). Cet auteur précise que « la compétence universelle [des juridictions belges] ne disparaît pas pour autant », mais il relève qu'elle « se réduit désormais à ce que prévoit le DIH », à savoir une compétence universelle conditionnée.

* 25 _ Il convient de préciser que toutes les Ordonnances de la CIJ n'ont pas la même valeur. En effet, il est évident qu'une ordonnance en indication de mesures conservatoires a par exemple plus de valeur qu'une ordonnance fixant les délais de procédure.

* 26 _ V. article 92 de la Charte des Nations Unies (adoptée le 26 juin 1945 et entrée en vigueur le 24 octobre 1945) et article 1 du Statut de la Cour. L'article 7, § 1 de la Charte mentionne déjà la CIJ parmi les organes principaux des Nations Unies. Ces dispositions font formellement de la CIJ un organe principal des Nations Unies ; ce qui n'était pas le cas pour sa devancière, la CPJI. La CIJ est composée de 15 juges élus pour neuf ans par le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale de l'ONU. Elle est renouvelée par tiers tous les trois ans.

* 27 _ Voir C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit. (supra, note n° 4), pp. 2-3, §§ 3-7.

* 28 _ Arrêt n° 135, Ministère public et François DIOUF c. Hissène Habré, http://www.hrw.org/legacy/french/themes/habre-decision.html (consultée le 17 juillet 2009). Suite à cette décision, le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies sur la torture, Sir Nigel RODLEY, et le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies sur l'indépendance des juges et des avocats, M. Dato Param CUMARASWAMY, ont exprimé leur préoccupation à travers un communiqué de presse du 2 août 2000. A cette occasion, ces Rapporteurs spéciaux ont rappelé au Gouvernement du Sénégal ses obligations en tant qu'État partie à la Convention contre la torture. Ils ont également attiré son attention sur la résolution adoptée cette année-là par la Commission des droits de l'homme sur la question de la torture (résolution 2000/43), dans laquelle elle insiste sur l'obligation générale des États d'enquêter sur les allégations de torture et d'assurer que ceux qui encouragent, ordonnent, tolèrent ou se rendent coupables de tels actes soient poursuivis et sévèrement sanctionnés. Voir la décision du Comité contre la torture : Communication n° 181/2001, Suleymane Guengueng et autres c. Sénégal, doc. CAT/C/36/D/182/2001, pp. 3-4, http://www.hrw.org/pub/2006/french/cat051806.pdf (consultée le 17 juillet 2009).

* 29 _ Voir C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 2, § 5.

* 30 _ La FIDH est basée à Paris.

* 31 _ Ce sont la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (ci-après : « RADDHO »), l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme (ci-après : « ONDH ») du Sénégal ; la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme (ci-après : « LTDH »), l'Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l'Homme (ci-après : « ATPDH » ; la Ligue belge des droits de l'Homme et la Liga voor Menschenrechten (Belgique).

* 32 _ La FIDH publie à cette occasion un Communiqué révélateur, intitulé « "Ni juger, ni extrader" : consécration par le Sénégal de l'impunité » (25 novembre 2005).

* 33 _ Voir Décision n° 13 Assembly/AU/Dec. 103 (VI) du 24 janvier 2006 relative au Procès d'Hissène HABRE et l'Union africaine (Doc. EX.CL/Assembly/AU/8 (VI)), http://www.africa-union.org/Official_documents/Assemblee%20fr/ASS06a.pdf (consultée le 23 juillet 2009).

* 34 _ Voir Décision n° 17 Assembly/AU/Dec. 127 (VII), par. 5. ii, du 2 juillet 2006, relative au Procès d'Hissène HABRE et l'Union africaine, http://www.africa-union.org/Official_documents/Assemblee%20fr/ASS06b.pdf (consultée le 23 juillet 2009).

* 35 _ Voir Décision n° 33 Assembly/AU/Dec. 240 (XII) du 3 février 2009 relative à l'affaire Hissène HABRE, http://www.africa-union.org/root/ua/Conferences/2009/Jan/Summit_Jan_2009/doc/CONFERENCE/Assembly%20AU%20DEC%20%20208-240%20(XII)%20Fr.pdf (consultée le 23 juillet 2009).

* 36 _ Voir C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., pp. 1-2, § 1.

* 37 _ Ibid., p. 3, par. 10 ; voir aussi C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal), acte introductif d'instance du 19 février 2009, p. 9, § 16, http://www.icj-cij.org/docket/files/144/15053.pdf (consultée le 3 avril 2009).

* 38 _ Ibid., p. 4, § 15.  

* 39 _ Voir C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 4, § 13.

* 40 _ Cf. Infra, Partie 2, chapitre 2.

* 41 _ Voir C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit. (supra, note n° 4), p. 18, § 76.

* 42 _ Voir Jean-Philippe BUFFERNE, « La fonction de la Cour internationale de justice dans l'ordre juridique international : quelques réflexions », RQDI, vol. 15, n° 1, 2002, pp. 141-178 (spéc. p. 142). L'auteur relève que « la souveraineté étatique est un principe qui innerve l'ordre juridique international et dont la Cour ne peut se départir lorsqu'elle est amenée à se prononcer en droit ».

* 43 _ C'est le cas de l'article 30, § 1 de la Convention contre la torture.

* 44 _ Op. ind. Juge SUR, pp. 3-4, § 9.

* 45 _ Voir Laurence BOISSON DE CHAZOURNES, « La Cour internationale de Justice aux prises avec la crise du Kosovo : à propos de la demande en mesures conservatoires de la République Fédérale de Yougoslavie », AFDI, 1999, pp. 452-471 (spéc. p. 465).

* 46 _ Ibid., p. 470.

* 47 _ Ibid., p. 455.

* 48 _ Voir C.I.J., Licéité de l'emploi de la force (Yougoslavie c. Belgique), mesures conservatoires, Ordonnances du 2 juin 1999, Rec. 1999 [10 Ordonnances au total car la Yougoslavie portait plainte contre dix pays membres de l'OTAN : Allemagne, Belgique, Canada, Espagne, États-Unis, France, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni]. Dans ces décisions, la Cour n'a pas indiqué de mesures conservatoires. De fait, ayant apprécié la portée du principe du consentement des Etats à sa juridiction, elle a décidé qu'elle n'avait compétence prima facie dans aucune des dix instances.

* 49 _ Voir C.I.J., Sud-ouest africain (Éthiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt du 21 décembre 1962, Rec. 1962, p. 344 ; C.I.J., Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt du 20 décembre 1988, Rec. 1988, p. 95, § 66 ; C.I.J., Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique), exceptions préliminaires, arrêt du 27 février 1998, Rec. 1998, p. 130, § 43.

* 50 _ Cf. C.I.J., Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 2, § 2.

* 51 _ Voir C.I.J., Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 11 juillet 1996, Rec. 1996 ; C.I.J., Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique), exceptions préliminaires, arrêt du 27 février 1998, Rec. 1998 ; C.I.J., Application de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, Rec. 2008 etc.

* 52 _ Voir C.I.J., Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 12, §§ 53-54.

* 53 _ Il s'agissait de M. Demba KANDJI, aujourd'hui coagent du Sénégal dans l'affaire relative à des Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader.

* 54 _ Depuis le 21 août 1986 pour ce qui est du Sénégal et le 25 juin 1999 pour la Belgique. La Convention est en vigueur depuis le 26 juin 1987.

* 55 _ Cf. C.I.J., Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 11, § 50. Sur l'exposé des négociations engagées par la Belgique, v. notamment CR 2009/8, pp. 25-27 (DAVID).

* 56 _ C.I.J., Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 11, § 50.

* 57 _ Ibid., p. 12, § 52.

* 58 _ Op. ind. SUR, p. 4, § 9.

* 59 _ Ibid., § 10.

* 60 _ Ibid., 12.

* 61 _ Georges ABI-SAAB, « De l'évolution de la Cour internationale. Réflexions sur quelques tendances récentes », RGDIP, 1992, vol. 2, Paris, pp. 273-298 (spéc. p. 274).

* 62 _ Ibid., p. 275.

* 63 _ Voir Nguyen QUOC DINH et Alii, Droit international public, 7ème éd., L.G.D.J, Paris, 2002, pp. 895-897.

* 64 _ Voir à ce propos Georges ABI-SAAB, op. cit. (supra, note n° 61), p. 275.

* 65 _ Ibid.

* 66 _ Voir Jean-Philippe BUFFERNE, op. cit. (supra, note n° 42), p. 146. Selon cet auteur, « le fait que les Etats conçoivent le recours au juge comme un acte inamical est révélateur de la prédominance accordée au règlement politique des différends internationaux ».

* 67 _ Principe réaffirmé dans le cadre de l'affaire du Timor Oriental (Portugal c. Australie), arrêt du 30 juin 1995, Rec. 1995. La Cour a rappelé dans cet arrêt «que l'un des principes fondamentaux de son Statut est qu'elle ne peut trancher un différend entre des États sans que ceux-ci aient consenti à sa juridiction (...) » (§ 26).

* 68 _ Voir Jean-Pierre QUENEUDEC, « L'affaire de la Sentence arbitrale du 31 juillet 1989 devant la C.I.J. (Guinée-Bissau c. Sénégal) », AFDI, 1991, pp. 419-443 (spéc. p. 419).

* 69 _ Citée par Paul ORIANNE, « Nature et rôle de la jurisprudence dans le système juridique », in : R.R.J., Droit prospectif, Cahiers de méthodologie juridique, n° 8, 1993-4, pp. 1295-1311 (spéc. p. 1295).

* 70 _ Voir C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, Ordonnance du 10 mai 1984, Rec. 1984, p. 169.

* 71 _ Voir C.P.J.I., Droits des minorités en Haute-Silésie (Allemagne c. Pologne), arrêt du 26 avril 1928, Série A, n° 15, p. 22 ; C.P.J.I., Usine de Chorzów (Allemagne c. Pologne), arrêt sur le fond du 13 septembre 1928, Série A, n° 17, pp. 37-38.

* 72 _ Voir C.I.J., Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c. France, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et États-Unis d'Amérique), arrêt du 15 juin 1954, Rec. 1954, p. 32.

* 73 _ Op. cit., (supra, note n° 48).

* 74 _ Voir Rapport de la CIJ (Période du 1er août 2007 au 31 juillet 2008), http://www.icj-cij.org/court/fr/reports/report_2005-2006.pdf (consultée le 13 août 2009). On y relèvera qu'à la date du 31 juillet 2008, 192 États étaient parties au Statut de la Cour et que 66 d'entre eux avaient déposé auprès du Secrétaire général une déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour.

* 75 _ Luigi CONDORELLI, « La Cour internationale de justice: 50 ans et (pour l'heure) pas une ride », EJIL, Vol. 6, N° 1, 1995, pp. 388-400 (spéc. p. 393).

* 76 _ Voir à ce propos Vincent POULIOT, « Le forum prorogatum devant la Cour internationale de Justice : l'affaire Djibouti c. France », JJH, vol. 3, n° 3, 2008, pp. 30-41 (spéc. p. 34), http://www.haguejusticeportal.net/Docs/HJJ-JJH/Vol_3(3)/Journal%20-%20Pouliot%20-%203.3%20-%20FR.pdf (consultée le 18 septembre 2009).

* 77 _ C.I.J., Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), Ordonnance du 13 septembre 1993 (Nouvelles demandes en indication de mesures conservatoires), Op. ind. LAUTERPACHT, juge ad hoc, p. 416, para. 24. Cf. Vincent POULIOT, ibid., p. 35.

* 78 _ Voir Georges ABI-SAAB, op. cit. (supra, note n° 61), p. 282. Ce fut notamment le cas dans l'affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Albanie), arrêt du 25 mars 1948, Rec. 1947-1948, p. 27.

* 79 _ C.P.J.I., Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt du 30 août 1924 sur les exceptions préliminaires, C.P.J.I. série A, n° 2, p. 11 ; cf. Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit international public, Montchrestien, Paris, 7e éd., 2006, p. 554.

* 80 _ Cf. C.I.J., Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 10, § 46.

* 81 _ Voir C.I.J., Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), mesures conservatoires, Ordonnance du 15 mars 1996, Rec. 1996. Dans cette Ordonnance, la Cour n'a fait qu'exposer les circonstances de l'affaire qui montraient clairement qu'un différend opposait les parties : « [...] des événements survenus le 3 février 1996 dans la presqu'île de Bakassi, ainsi que de ceux qui s'y sont à nouveau produits les 16 et 17 février 1996 [...] qu'il ressort à suffisance des déclarations faites par les deux parties devant la Cour qu'il y a eu des incidents militaires et que ceux-ci ont causé des souffrances, des pertes en vies humaines - tant militaires que civiles -, des blessés et des disparus, ainsi que des dommages matériels importants » (§ 38). Voir C.I.J., Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), mesures conservatoires, Ordonnance du 8 décembre 2000, Rec. 2000. Ici, l'existence d'un différend entre les parties ne faisait pas de doute et n'était pas contestée par le défendeur. Voir également C.I.J., Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), mesure conservatoire, Ordonnance du 17 juin 2003, Rec. 2003. 

* 82 _ Voir C.I.J., Anglo-Iranian Oil Company (Royaume-Uni c. Iran), exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 1952, Rec. 1952, p. 93.

* 83 _ Voir C.I.J., LaGrand (Allemagne c. États-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, Ordonnance du 3 mars 1999, Rec. 1999, p. 9, § 17. Yousri Ben HAMMADI déclare à ce propos que : « face aux prétentions de l'Allemagne relativement à l'existence d'un différend concernant les articles 5 et 36 de la Convention de Vienne [sur les relations consulaires du 24 avril 1963], la Cour s'est contentée d'endosser les allégations du demandeur et de noter qu'à la vue des demandes formulées par l'Allemagne dans sa requête, il existait prima facie un différend [...] », in : « La question du caractère obligatoire des mesures conservatoires devant la Cour internationale de Justice, l'arrêt LaGrand (Allemagne c. États-Unis d'Amérique) du 27 juin 2001 », RQDI, vol. 14, n° 2, 2001, pp. 53-81 (spéc. p. 59).

* 84 _ Pierre PESCATORE, « Les mesures conservatoires et les référés », S.F.D.I., Colloque de Lyon (1986), La juridiction internationale permanente, Paris, Pedone, 1987, pp. 315-362 (spéc. p. 337).

* 85 _ Op. ind. com. AL-KHASAWNEH et SKOTNIKOV, p. 3, § 15.

* 86 _ Cf. C.I.J., Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 10, § 46. La Cour a adopté la même position dans les décisions suivantes : C.I.J., Sud-ouest africain (Éthiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt du 21 décembre 1962, Rec. 1962, p. 344 ; C.I.J., Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt du 20 décembre 1988, Rec. 1988, p. 95, par. 66 ; C.I.J., Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. États-Unis d'Amérique), exceptions préliminaires, arrêt du 27 février 1998, Rec. 1998, p. 130, par. 43.

* 87 _ Ibid., § 47.

* 88 _ Ibid., p. 11, § 48.

* 89 _ Op. ind. com. AL-KHASAWNEH et SKOTNIKOV, p. 1, § 7.

* 90 _ Op. ind. SUR, p. 5, § 14 ; cf. également Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit international public, Montchrestien, Paris, 7e éd., 2006, p. 554. N.B : Les deux auteurs ont rédigé chacun des parties respectives de cet ouvrage séparément.

* 91 _ Cf. C.I.J., Sud-ouest africain (Éthiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt, Rec. 1962, p. 328.

* 92 _ Voir C.I.J., Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), mesures conservatoires, Ordonnance du 15 mars 1996, Rec. 1996, p. 22, § 35. La Cour déclare dans cette Ordonnance que « de telles mesures ne sont justifiées que s'il y a urgence ».

* 93 _ Cf. C.I.J., Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, Rec. 1993, p. 19 ; C.I.J., Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 5 février 2003, Rec. 2003, p. 89, § 48 ; C.I.J., Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), mesures conservatoires, ordonnance du 17 juin 2003, Rec. 2003, p. 107, § 22 ; C.I.J., Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), ordonnance du 13 juillet 2006, Rec. 2006, p. 129, § 61, etc.

* 94 _ Voir C.I.J., Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 13, § 56 ; C.I.J., Application de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, Rec. 2008, § 118).

* 95 _ Le respect de ces droits aboutit au respect et à la protection des droits de l'homme. Et c'est le lieu de préciser que « l'obligation de respecter les droits de l'homme [est] une obligation erga omnes » ; cf. Gérard COHEN-JONATHAN, « Responsabilité pour atteinte aux droits de l'homme », S.F.D.I., Colloque du Mans (1990), La responsabilité dans le système international, Paris, Pedone, 1991, pp. 101-135 (spéc. pp. 123-124). Alain PELLET va un peu plus loin en affirmant que « les normes protectrices des droits de l'homme sont, sans aucun doute, le domaine privilégié du jus cogens », in « " Droits-de-l'hommisme " et droit international », op. cit. (supra, note n° 3), p. 173.

* 96 _ Article 49 de la Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (CG I) ; article 50 de la Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer (CG II) ; article 129 de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre (CG III) ; article 146 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (CG IV).

* 97 _ Cf. CR 2009/8, p. 28 (DAVID).

* 98 _ Op. cit. (supra, note n° 28), § 9.9.

* 99 _ Ibid., § 9.7.

* 100 _ CR 2009/8, p. 29 (DAVID).

* 101 _ Op. cit.(supra, note n° 28), § 9.11.

* 102 _ L'article 13 de la Charte des Nations Unies donne mandat à l'AGNU de « provoque[r] des études et [de faire] des recommandations en vue de : [...] encourager le développement progressif du droit international et sa codification [...] ».

* 103 _ Cf. statut de la CDI, articles 1, 18 et suiv., A/Rés. 174 (II) du 21 novembre 1947, modifié en 1950, 1955, 1956, 1961 et 1981.

* 104 _ § 1, A/Rés. 3074 (XXVIII) relative aux Principes de la coopération internationale en ce qui concerne le dépistage, l'arrestation, l'extradition et le châtiment des individus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, adoptée à l'unanimité le 3 décembre 1973.

* 105 _ Voir Eric DAVID, op. cit. (supra, note n° 19), p. 5.

* 106 _ CR 2009/8, p. 30 (DAVID).

* 107 _ C.I.J., Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, Rec. 1996 (I), p. 257, § 79.

* 108 _ C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 13, § 60.

* 109 _ C.I.J., Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique c. Espagne), arrêt du 5 févr. 1970, Rec.1970, pp. 3-53 (spéc. P. 32, § 33).

* 110 _ Ibid.

* 111 _ Voir à ce sujet Cherif BASSIOUNI, op. cit. (supra, note n° 18). Cet auteur pense que « les obligations des Etats requièrent leur exécution en conformité à un axiome « aut dedere aut judicare » » (p. 13). Cette notion provient d'une formulation plus longue mise au point par Hugo GROTIUS en 1624 et abrégée dans la formule « aut dedere aut punire » (Hugo GROTIUS, De jure belli ac pacis, livre II, chapitre XXI, sections III et IV).

* 112 _ Serge SUR, « Justice, justices », Questions internationales, n° 4, novembre-décembre 2003, pp. 4-5 (spéc. p. 4).

* 113 _ Serge SUR, op. cit. (supra, note n° 18), p. 10.

* 114 _ Gérard COHEN-JONATHAN, « Les droits de l'homme, une valeur internationalisée », Droits fondamentaux, n° 1, 2001, pp. 157-164 (spéc. pp. 157-158), http://www.droits-fondamentaux.org/IMG/pdf/df1cjdhvi.pdf (consultée le 18 septembre 2009).

* 115 _ Cherif BASSIOUNI, op. cit. (supra, note n° 18), p. 5.

* 116 _ Xavier PHILIPPE, op. cit. (supra, note n° 12), p. 378.

* 117 _ Alain PELLET, « " Droits-de-l'hommisme " et droit international », op. cit. (supra, note n° 3), p. 174. 

* 118 _ Cf. supra, note n° 96.

* 119 _ Ces considérants se lisent comme suit :

« Affirmant que les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis et que leur répression doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale,

Déterminés à mettre un terme à l'impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes,

Rappelant qu'il est du devoir de chaque Etat de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux, »

* 120 _ S/Rés. 1464 (Côte d'Ivoire), adoptée le 4 févr. 2003, § 7 : « Condamne les graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire intervenues en Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre 2002, souligne la nécessité de traduire en justice les responsables et demande à toutes les parties, notamment le Gouvernement, de rendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher de nouvelles violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, en particulier à l'encontre des populations civiles quelles que soient leurs origines ». 

* 121 _ S/Rés. 1468 (RDC), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 4723ème séance du 20 mars 2003, §§ 6-7. Dans cette résolution, le Conseil de sécurité soulignait notamment que « le gouvernement de transition de la République démocratique du Congo dev[ait] rétablir l'ordre public et le respect des droits de l'homme et mettre fin à l'impunité sur toute l'étendue du territoire » (§ 6).  

* 122 _ S/Rés. 1470 (Sierra Leone), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 4729ème séance le 28 mars 2003, préambule, 7e considérant : « Soulignant qu'il importe que le Tribunal spécial pour la Sierra Leone et la Commission de la vérité et de la réconciliation prennent des mesures efficaces en ce qui concerne les questions d'impunité et de responsabilité et la promotion de la réconciliation ».

* 123 _ Voir Paola GAETA, « Les règles internationales sur les critères de compétence des juges nationaux », in : Antonio CASSESE et Mireille DELMAS-MARTY (dir.), Crimes internationaux et juridictions internationales, Paris, PUF, 2002, p. 191-213 (spéc. p. 203).

* 124 _ Op. diss. CANÇADO TRINDADE, p. 23, § 95.

* 125 _ Voir Paola GAETA, op. cit. (supra, note n° 123), p. 203.

* 126 _ Eric DAVID relève la « transformation de la Belgique en paradis pénal », in « Une règle à valeur de symbole », in : Politique-Revue de débats, Bruxelles, 2002, n° 23, p. 14.  

* 127 _ Voir Antonio CASSESE, « Conclusions générales », in : Antonio CASSESE / Mireille DELMAS-MARTY (dir.), Crimes internationaux et juridictions internationales, op. cit. (supra, note n° 123), pp. 255-261 (spéc. p. 256).

* 128 _ Ibid.

* 129 _ Voir C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 14, § 62. La Cour a adopté la même position dans les cas ci-après : C.I.J., Passage par le Grand-Belt (Finlande c. Danemark), mesures conservatoires, ordonnance du 29 juillet 1991, Rec. 1991, p. 17, § 23 ; C.I.J., Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), mesure conservatoire, ordonnance du 17 juin 2003, Rec. 2003, p. 107, § 22 ; C.I.J., Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du 23 janvier 2007, Rec. 2007, p. 11, § 32 ; C.I.J., Application de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, Rec. 2008, § 129.

* 130 _ Infra, Deuxième partie, chap. 1, Section 1, § 1, A.

* 131 _ Voir C.I.J., Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, mesures conservatoires, ordonnance du 15 décembre 1979, Rec. 1979, p. 19, § 36 ; C.I.J., Convention de Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c. États-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 9 avril 1998, p. 10, § 36 ; C.I.J., LaGrand (Allemagne c. États-Unis d'Amérique), op. cit., p. 23 ; C.I.J., Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), op. cit., § 30 ; etc.

* 132 _ Dénonciation du traité sino-belge, CPJI, Série A, n° 8, p. 7.

* 133 _ Voir C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 15, § 64.

* 134 _ Ibid., § 66.

* 135 _ Ibid., § 72.

* 136 _ Op. diss. CANÇADO TRINDADE, pp. 21 ss.

* 137 _ Ibid., p. 21, § 79. La Cour tient ce pouvoir, dont fait allusion le juge, de l'article 75, § 2 de son Règlement aux termes duquel : « Lorsqu'une demande en indication de mesures conservatoires lui est présentée, la Cour peut indiquer des mesures totalement ou partiellement différentes de celles qui sont sollicitées, ou des mesures à prendre ou à exécuter par la partie même dont émane la demande ».

* 138 _ Voir Claude RUCZ, « L'indication de mesures conservatoires par la Cour internationale de Justice dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci », RGDIP, vol. 1, Paris, 1985, pp. 83-111 (spéc. p. 103).

* 139 _ Voir C.I.J., Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran (États-Unis d'Amérique c. Iran), mesures conservatoires, Ordonnance du 15 décembre 1979, Rec. 1979, p. 20, § 42.

* 140 _ Voir C.I.J., Essais nucléaires (Australie c. France, Nouvelle-Zélande c. France), mesures conservatoires, Ordonnances du 22 juin 1973, Rec. 1973, p. 105, § 29.

* 141 _ Cf. C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 16, § 70.

* 142 _ Ibid., §§ 71-72.

* 143 _ Ibid., § 73.

* 144 _ Voir Claude RUCZ, op. cit. (supra, note n° 138), p. 103.

* 145 _ Voir C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, Ordonnance du 10 mai 1984, Rec. 1984, p. 169, § 41.

* 146 _ Yannick JULIA remarque que « jusqu'à la décision rendue par la Cour en 2001 [arrêt du 27 juin dans l'affaire LaGrand], le droit international était muet sur la portée effective des mesures conservatoires » (italiques ajoutés), in : « La CIJ et la peine de mort : le respect des mesures conservatoires », ECPM, 2è Congrès mondial contre la peine de mort (Montréal, 6-9 octobre 2004), pp. 1-10 (spéc. p. 4), http://www.abolition.fr/Upload/documents//yannickjulia.pdf (consultée le 17 juillet 2009). Selon l'auteur, c'est ce mutisme du droit international qui a permis aux États-Unis de déclarer ces mesures sans effet sur le système judiciaire américain et d'exécuter le ressortissant du Paraguay en 1998 [cf. affaire Breard] et les frères LaGrand en 1999 sans pour autant violer techniquement le droit international, bien qu'agissant ouvertement en total irrespect des décisions de la Cour (ibid.). La Cour a déclaré dans son arrêt du 27 juin 2001 que les États-Unis, ainsi que tous les États parties à son Statut avaient l'obligation d'appliquer les mesures conservatoires (cf. §§ 102-109). Dans son arrêt du 19 décembre 2005 en l'affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Rwanda), la Cour à réitéré le caractère obligatoire de ces mesures pour les parties (§ 263). Pour une étude spécifique de l'arrêt LaGrand, voir notamment Yousri BEN HAMMADI, op. cit. (supra, note n° 83). S'agissant des mesures conservatoires, dans le cadre de cette affaire, voir notamment Michael K. ADDO, «Interim measures of protection for rights under the Vienna Convention on consular relations», EJIL, vol. 10, n° 4, 1999, pp. 713-732, http://www.ejil.org/pdfs/10/4/607.pdf (consultée le 18 septembre 2009).

* 147 _ Voir C.I.J., LaGrand (Allemagne c. États-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, Ordonnance du 3 mars 1999, Rec. 1999, p. 9, § 21.

* 148 _ Op. ind. SUR, p. 3, § 6.

* 149 _ Ibid.

* 150 _ Cf. supra, note n° 13.

* 151 _ Reed BRODY, op. cit., (supra note n° 7), p. 311. L'auteur rappelle que le Sénégal a été le premier pays au monde à ratifier le traité du 17 juillet 1998 portant création de la Cour pénale internationale.

* 152 _ Voir CR 2009/9, pp. 44-45 (DIANKO).

* 153 _ Voir CR 2009/9, p. 21, § 57 (THIAM) ; CR 2009/9, p. 42, § 10 (DIANKO) ; CR 2009/9, p. 54, § 11-12 (GAYE) ; CR 2009/11, pp. 19-20, § 17 (SALL).

* 154 _ Cf. infra, note n° 198.

* 155 _ Voir CR 2009/9, p. 46 (SALL).

* 156 _ Voir Demande en indication de mesures conservatoires du 19 février 2009, p. 1.

* 157 _ Cf. C.I.J., Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 14, § 63.

* 158 _ HRW est basée à New York.

* 159 _ Cf. Human Rights Watch, Le président Wade sème le doute sur la tenue du procès de Hissène HABRE, Communiqué de presse, 21 octobre 2008, http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/10/21/senega20021.htm (consultée le 17 juillet 2009).

* 160 _ Cf. CR 2009/8, p. 33 (DAVID).

* 161 _ Ibid. Les italiques ajoutés.

* 162 _ Ibid., p. 34.

* 163 _ CR 2009/9, p. 47, § 7 (SALL).

* 164 _ Idem, § 8 et 9.

* 165 _ Idem, § 10.

* 166 _ CR 2009/10, p. 15, § 15 (DAVID).

* 167 _ CR 2009/9, p. 42, § 10 (DIANKO) 

* 168 _ Il s'agit d'un permis donné par une autorité d'aller quelque part, d'y séjourner un certain temps et de s'en retourner librement, sans crainte d'être arrêté. CR 2009/9, p. 48, § 14 (SALL) ; CR 2009/11, p. 20, § 17 (SALL).

* 169 _ Voir Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, 8ème éd., PUF, Paris, 2000, p. 286.

* 170 _ Pour une connaissance approfondie de ces deux lois, voir spécialement Raphaël TIWANG WATIO, « Réflexions sur les lois du 12 février 2007 portant modification du Code pénal sénégalais et mise en oeuvre du Statut de la cour pénale internationale », African Yearbook of International Law, vol. 15, 2008, pp. 285-302.

* 171 _ Cf. CR 2009/8, p. 20 (DAVID).

* 172 _ Adoptée et ouverte à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 2391 (XXIII) du 26 novembre 1968, et entrée en vigueur le 11 novembre 1970.

* 173 _ Voir Raphaël TIWANG WATIO, op. cit. (supra, note n° 170), p. 285.

* 174 _ Cf. CR 2009/9, p. 28, § 39 (KANDJI), Italiques ajoutés.

* 175 _ Journal officiel de la République du Sénégal, 8 août 2008, p. 754, http://www.gouv.sn/spip.php?article711 (consulté le 17 septembre 2010). Cf. également CR 2009/8, p. 20 (DAVID).

* 176 _ Les dispositions antérieures de l'article 9 se lisent comme suit : « Toute atteinte aux libertés et toute entrave volontaire à l'exercice d'une liberté sont punies par la loi.

Nul ne peut être condamné si ce n'est en vertu d'une loi entrée en vigueur avant l'acte commis. La défense est un droit absolu dans tous les états et à tous les degrés de la procédure ».

* 177 _ Cf. Groupe d'action judiciaire (GAJ) de la FIDH, op. cit. (supra, note n° 8), p. 42.

* 178 _ Raphaël TIWANG WATIO, op. cit. (supra, note n° 170), p. 287.

* 179 _ Ibid.

* 180 _ Ratification faite par la loi sénégalaise n° 86-26 du 16 juin 1986 publiée au Journal officiel de la République du Sénégal du 8 août 1986.

* 181 _ Damien VANDERMEERSCH, op. cit. (supra, note n° 21), p. 467. L'auteur note que pour assurer la transposition en droit interne des obligations contractées sur le plan international, le législateur national a une double possibilité : soit il élabore, à la suite de chaque ratification d'une Convention créant un ou plusieurs nouveaux chefs de compétence, une législation spécifique de mise en oeuvre (adaptation par incorporation) ; soit il se dote d'une norme générale relative à la mise en oeuvre de telles obligations (adaptation par renvoi). La Belgique d'abord et le Sénégal par la suite semblent avoir opté pour la seconde possibilité. Ainsi, par la Loi du 18 juillet 2001 portant modification de l'article 12 bis de la Loi du 17 avril 1878 contenant le Titre préliminaire du Code de procédure pénale (CPP), la Belgique s'est dotée d'une disposition générale : « Les juridictions belges sont compétentes pour connaître des infractions commises hors du territoire du Royaume et visées par une Convention internationale liant la Belgique, lorsque cette Convention lui impose, de quelque manière que ce soit, de soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice des poursuites » (Idem).

Le Sénégal a fait pareil à travers l'article 669 nouveau de son CPP précité.

* 182 _ Michel VIRALLY, « Sur un pont aux ânes : les rapports entre droit international et droits internes », in : Mélanges offerts à Henri ROLIN, Pedone, Paris, 1964, p. 498 [Cité par Alain PELLET, op. cit., (supra, note n° 3), p. 176].

* 183 _ John DUGARD, «The role of human rights treaty - Standards in domestic law : the southern African experience», in : Philip ALSton and J. CRAWFORD eds., The future of human rights treaty monitoring, 2000, p. 286 [Cité par Alain PELLET, op. cit., (supra, note n° 3), pp. 176-177].

* 184 _ Voir Nguyen QUOC DINH et Alii, op. cit., (supra, note n° 63), p. 84.

* 185 _ L'article 97 prévoit que : « Si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de le ratifier ou de l'approuver ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution ».

L'article 98 se lit comme suit : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ».

* 186 _ Cf. infra, Troisième partie, chapitre 2, Section, para. 1, A.

* 187 _ Amnesty international, Sénégal, terre d'impunité, op. cit., (supra, note n° 2), p. 25. Il ressort de ce rapport que le 14 mai 2010 la Cour de justice de la CEDEAO a déclaré recevable la plainte de Hissène HABRE contre l'État du Sénégal et doit maintenant prononcer un jugement sur le fond.

* 188 _ CR 2009/9, pp. 28-29, § 43 (KANDJI).

* 189 _ Cf. http://hrw.org/french/docs/2006/03/16/chad13077.htm (consultée le 17 juillet 2009).

* 190 _ Cf. Groupe d'action judiciaire (GAJ) de la FIDH, op. cit. (supra, note n° 8), p. 38. Les italiques ajoutés.

* 191 _ Cf. CR 2009/9, p. 48 (SALL).

* 192 _ Décision n° 4 Assembly/AU/Dec.246(XIII), du 3 juillet 2009, portant sur le cas Hissène HABRE, § 3, http://www.africa-union.org/root/AU/Conferences/2009/july/summit/docs/DECISIONS/ASSEMBLY%20AU%20DEC%20243%20-%20267%20(XIII)%20_F.pdf (consultée le 23 juillet 2009). Cette décision a été prise lors de la treizième session ordinaire de la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UA, tenue du 1er au 3 juillet 2009 à Syrte (Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste).

* 193 _ Voir notamment Décision n° 24 Assembly/AU/Dec.157 (VIII), du 30 janvier 2007, portant sur le procès de Monsieur Hissène HABRE et l'Union africaine, http://www.africa-union.org/root/ua/Conferences/2007/janvier/SUMMIT/Doc/Decisions/D%C3%A9cisions%20-%208%C3%A8me%20session%20ordinaire%20de%20la%20Conf%C3%A9rence.doc (consultée le 23 juillet 2009).

* 194 _ Ibid.

* 195 _ C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 16, § 72.

* 196 _ Voir CR 2009/9, pp. 8-9 (THIAM).

* 197 _ Voir CR 2009/9, p. 21, § 57 (THIAM) ; CR 2009/9, p. 42, § 10 (DIANKO) ; CR 2009/9, p. 54, § 11-12 (GAYE) ; CR 2009/11, pp. 19-20, § 17 (SALL).

* 198 _ A propos des interférences politiques exercées dans la première tentative de jugement de Hissène HABRE au Sénégal, voir Reed BRODY, op. cit. (supra, note n° 7), pp. 315-317. Cet auteur note par exemple que, « bien que l'élection de Wade marquât le renouveau de la démocratie sénégalaise, elle eut immédiatement des effets négatifs sur l'affaire Habré, notamment parce que l'avocat de Habré, Madické Niang, était l'un des proches conseillers de Wade. Une fois au pouvoir, Wade nomma Niang au poste de conseiller spécial aux affaires légales, tout en le laissant continuer d'exercer son métier d'avocat et d'assurer la défense de [Hissène HABRE] », p. 315 (les italiques ajoutés). Le 25 mai, ajoute Reed BRODY, le Conseil de l'ordre des avocats du Sénégal décida que tant qu'il demeurait au service de Wade, Niang ne pouvait pas exercer devant une cour de justice. Le président Wade réassigna rapidement Niang à un poste rémunéré de consultant juridique, manoeuvre tactique visant à permettre à Niang de travailler pour le gouvernement, tout en continuant de représenter Hissène HABRE et d'autres clients privés. Le 30 juin 2000, relève encore cet auteur, le Conseil supérieur de la Magistrature, présidé par le chef d'État sénégalais et son Ministre de la Justice, décida de muter le juge d'instruction Demba Kandji de son poste de juge d'instruction en chef du Tribunal régional de Dakar à un poste d'assistant du procureur à la Cour d'appel de Dakar. En conséquence, le juge Kandji dut abandonner l'instruction de l'affaire Habré. Ce transfert constitue sans aucun doute une sanction à l'encontre du Juge Kandji pour la hardiesse avec laquelle il traitait l'affaire. Voir également Abdoullah CISSE, op. cit. (supra, note n° 7), pp. 251-252. Cet auteur relève la promotion du président de la chambre d'accusation Cheikh Tidiane DIAKHATE au Conseil d'État (pendant que l'affaire était en cours de délibéré) comme étant l'un des aspects de ce qu'il a qualifié comme étant « le poids du politique ». Voir aussi le Groupe d'action judiciaire de la FIDH (GAJ), op. cit. (supra, note n° 8), pp. 15-43.

* 199 _ Déc. com. KOROMA et YUSUF, p. 3, § 10.

* 200 _ Ibid.

* 201 _ Op. diss. CANÇADO TRINDADE, p. 20, § 78.

* 202 _ Op. ind. SUR, p. 6, § 15.

* 203 _ Ibid., pp. 5-6, §§ 13-15.

* 204 _ Voir Jean COMBACAU et Serge SUR, op. cit. (supra, note n° 79), 559.

* 205 _ Voir CR 2009/9, p. 59 (GREENWOOD).

* 206 _ Frédérique COULEE, « La « justice universelle » : une demande inépuisable, des réponses partielles », Questions internationales, n° 4, novembre-décembre 2003, pp. 6-16 (spéc. p. 13).

* 207 _ Voir Georges ABI-SAAB, op. cit. (supra, note n° 61), p. 293.

* 208 _ Cité par Christian PHILIP (en collaboration avec Jean-Yves DE CARA), « Nature et évolution de la juridiction internationale », S.F.D.I., Colloque de Lyon (1986), La juridiction internationale permanente, Paris, Pedone, 1987, pp. 3-43 (spéc. p. 6).

* 209 _ Demande enregistrée au Greffe de la Cour le 14 mai 1973 ; cf. C.I.J., Essais nucléaires (Australie c. France), mesures conservatoires, Ordonnance du 22 juin 1973, Rec. 1973, pp. 135-147 (spéc. p. 135, § 1).

* 210 _ Voir Correspondance de l'agent de l'Australie du 31 mai 1973 au Greffier, in : Correspondence, Nuclear tests (Australia v. France ; New Zealand v. France), pp. 337-443 (spéc. pp. 372 et 373), http://www.icj-cij.org/docket/files/59/9456.pdf (consulté le 13 octobre 2010).

* 211 _ Ibid.

* 212 _ Voir CR 2009/11, p. 23, § 6 (KANDJI). Voir également C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 16, § 68.

* 213 _ Cf. C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 16, § 71.

* 214 _ Cf. CR 2009/9, p. 42, § 10 (DIANKO).

* 215 _ V. CR 2009/10, p. 26, § 6 (DIVE).

* 216 _ V. CR 2009/9, p. 45, § 27 (DIANKO).

* 217 _ Voir Jules BASDEVANT, op. cit. (supra, note n° 6), p. 12.

* 218 _ Voir C.I.J., Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt du 20 décembre 1974, Rec. 1974, pp. 457-478 (spéc. p. 473, § 50). Dans la déclaration publique néo-zélandaise du 1er novembre 1974, il était dit : « Tant que nous n'avons pas l'assurance que les essais nucléaires de cette nature ont définitivement pris fin, le différend entre la Nouvelle-Zélande et la France subsiste » (ibid).

* 219 _ Ibid., p. 471, § 40. La déclaration du président de la République française a été faite le 25 juillet 1974 lors d'une réunion de presse en ces termes :

« II avait été indiqué que les expériences nucléaires françaises seraient poursuivies. J'avais moi-même précisé que cette campagne d'expériences atmosphériques serait la dernière... »

* 220 _ Ibid., p. 474, § 53.

* 221 _ Ibid., p. 478, § 65.

* 222 _ Ibid., p. 472, § 46.  

* 223 _ Jean SALMON, « Les accords non formalisés ou « solo consensu » », AFDI, 1999, pp. 1-28 (spéc. p. 17).

* 224 _ C.P.J.I., Certains intérêts allemands en Haute Silésie polonaise (Allemagne c. Pologne), arrêt du 25 mai 1926, série A, n° 7, p. 13. Les italiques ajoutés.

* 225 _ Jean SALMON, op. cit. (supra, note n° 223), p. 17 ; cf. C.P.J.I., Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt du 26 mars 1925, série A, n° 5, p. 28.

* 226 _ C.I.J., Plateau continental (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt du 24 février 1982, Rec. 1982, p. 70. Dans cette espèce, la Cour a fait état de ce que : « [...] Pendant la procédure orale, les deux Parties ont reconnu qu'un compromis de facto ou une solution transitoire avait résulté de l'instauration de cette zone tampon et était restée longtemps en vigueur, sans incident ni protestation de part et d'autres (...) » (§ 94).

* 227 _ Voir Raymond GUILLIEN / Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, 13ème éd., Dalloz, Paris, 2001, p. 459. Ces auteurs définissent la ratio decidendi comme « expression désignant les motifs décisifs qui ont déterminé la décision du juge » (les italiques ajoutés).

* 228 _ Georges ABI-SAAB, op. cit. (supra, note n° 58), p. 292.

* 229 _ Voir Raymond GUILLIEN / Jean VINCENT, op. cit. (supra, note n° 227), P. 240.

* 230 _ Ibid.

* 231 _ Georges ABI-SAAB, op. cit. (supra, note n° 61), p. 292. L'auteur pense que l'arrêt au fond dans l'affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui, a constitué un tournant ou un revirement par rapport à la pente glissante de la justice transactionnelle (ibid.). L'on se souviendra que dans cette affaire, la Cour a rendu un arrêt défavorable pour une grande puissance, en l'occurrence les États-Unis d'Amérique face à un petit pays en développement. Ce qui provoqua, selon Georges ABI-SAAB, la « désaffection occidentale » pour la Cour.

* 232 _ Année de la décision au fond dans l'affaire du Nicaragua.

* 233 _ L'on se souviendra que la Cour a usé de ce pouvoir dans l'affaire du Nicaragua (voir mesures conservatoires, Ordonnance du 10 mai 1984, § 41) et dans l'affaire LaGrand (cf. mesures conservatoires, Ordonnance du 03 mars 1999, § 29, deuxième mesure).

* 234 _ Déc. com. KOROMA et YUSUF, p. 3, § 10.

* 235 _ Source : http://www.lalibre.be/actu/international/article/505867/la-belgique-satisfaite-de-la-position-de-la-cij-dans-l-affaire-habre.html (consultée le 29 mai 2009).

* 236 _ Voir Comité international pour le jugement équitable de Hissène Habré, La CIJ prend acte de l'engagement du Sénégal de maintenir Hissène Habré sur son sol (28 mai 2009), http://www.hrw.org/fr/news/2009/05/28/la-cij-prend-acte-de-lengagement-du-s-n-gal-de-maintenir-hiss-ne-habr-sur-son-sol (consultée le 29 mai 2009). Ce Comité est composé des représentants des organisations suivantes : l'Association des Victimes de Crimes et Répressions Politiques au Tchad, l'Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l'Homme (ATPDH), la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme (LTDH), Human Rights Watch, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme (FIDH), la Rencontre Africaine de Défense des Droits de l'Homme (RADDHO), l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme (Sénégal), Interights, AVRE (France), et Agir Ensemble pour les Droits de l'Homme.

* 237 _ Ibid.

* 238 _ Ibid.

* 239 _ Voir Demande belge en indication de mesures conservatoires du 19 février 2009, p. 2, http://www.icj-cij.org/docket/files/144/15055.pdf (consultée le 20 avril 2009). Italiques ajoutés.

* 240 _ Voir CR 2009/10, p. 27, § 10 (DIVE). Italiques ajoutés.

* 241 _ Voir CR 2009/9, pp. 43-44 (DIANKO).

* 242 _ Voir Op. ind. SUR, p. 2, §. 3. Cf. art. 6, par. 1 de la Convention contre la torture qui prévoit que :

« S'il estime que les circonstances le justifient, après avoir examiné les renseignements dont il dispose, tout Etat partie sur le territoire duquel se trouve une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction visée à l'article 4 assure la détention de cette personne ou prend toutes autres mesures juridiques nécessaires pour assurer sa présence. Cette détention et ces mesures doivent être conformes à la législation dudit Etat ; elles ne peuvent être maintenues que pendant le délai nécessaire à l'engagement et poursuites pénales ou d'une procédure d'extradition » (italiques ajoutés).

* 243 _ Instructions de procédure de la CIJ telles qu'amendées le 20 janvier 2009. La Cour a adopté en octobre 2001 ses premières instructions de procédure à l'usage des États comparaissant devant elle.  Les instructions de procédure n'entraînent aucune modification du Règlement de la Cour, mais viennent s'ajouter à celui-ci.  Elles sont le fruit du réexamen constant, par la Cour, de ses méthodes de travail.

* 244 _ Voir Op. ind. SUR, p. 2, § 3.

* 245 _ Ibid., § 4.

* 246 _ Cf. notamment § 15 et 34 de l'Ordonnance.

* 247 _ Cf. § 56 à 73 de l'ordonnance.

* 248 _ Voir Op. ind. SUR, p. 2, § 4.

* 249 _ Ibid.

* 250 _ Cf. l'article 95, § 1 du Règlement de la Cour : « L'arrêt, dont le texte indique s'il est rendu par la Cour ou par une chambre, comprend :

· l'indication de la date à laquelle il en est donné lecture ;

· les noms des juges qui y ont pris part ;

· l'indication des parties ;

· les noms des agents, conseils et avocats des parties ;

· l'exposé sommaire de la procédure ;

· les conclusions des parties ;

· les circonstances de fait ;

· les motifs de droit ;

· le dispositif ;

· la décision relative aux frais, s'il y a lieu ;

· l'indication du nombre et des noms des juges ayant constitué la majorité ;

· l'indication du texte faisant foi ».

* 251 _ Cf. article 75 du Règlement de la Cour :

«   1. La Cour peut à tout moment décider d'examiner d'office si les circonstances de l'affaire exigent l'indication de mesures conservatoires que les parties ou l'une d'elles devraient prendre ou exécuter.

          2. Lorsqu'une demande en indication de mesures conservatoires lui est présentée, la Cour peut indiquer des mesures totalement ou partiellement différentes de celles qui sont sollicitées, ou des mesures à prendre ou à exécuter par la partie même dont émane la demande.

          3. Le rejet d'une demande en indication de mesures conservatoires n'empêche pas la partie qui l'avait introduite de présenter en la même affaire une nouvelle demande fondée sur des faits nouveaux ».

* 252 _ Voir Op. ind. SUR, p. 2, § 4.

* 253 _ Ibid.

* 254 _ Voir CR 2009/9, p. 21, § 57 (THIAM) ; CR 2009/9, p. 42, § 10 (DIANKO) ; CR 2009/9, p. 54, § 11-12 (GAYE) ; CR 2009/11, pp. 19-20, § 17 (SALL).

* 255 _ Voir CR 2009/11, p. 23, § 6 (KANDJI). V. également C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 16, § 68.

* 256 _ CR 2009/9, p. 8, § 3 (THIAM).

* 257 _ Ibid., p. 44, § 21 et s.

* 258 _ C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit. (supra, note n° 4), p. 13, § 59.

* 259 _ CR 2009/11, p. 21, § 27 (SALL).

* 260 _ Voir C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal), Fixation des délais, Ordonnance du 09 juillet 2009.

* 261 _ L'article 79 (1) du Règlement de procédure de la CIJ prévoit en effet que « Toute exception à la compétence de la Cour ou à la recevabilité de la requête ou toute autre exception sur laquelle le défendeur demande une décision avant que la procédure sur le fond se poursuive doit être présentée par écrit dès que possible, et au plus tard trois mois après le dépôt du mémoire ».

* 262 _ Op. ind. SUR, p. 5, § 14.

* 263 _ Ibid.

* 264 _ Ibid., p. 6, § 15.

* 265 _ Voir C.I.J., affaires du Sud-ouest africain (Éthiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt du 21 décembre 1962, Rec. 1962, p. 328 ; C.I.J., Obligation d'arbitrage selon l'Accord de 1947 relatif au siège de l'ONU, avis consultatif du 26 avril 1988, Rec. 1988, pp. 27-28 ; C.I.J., Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt du 30 juin 1995, Rec. 1995, p. 100 ; C.I.J., Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 11 juillet 1996, Rec. 1996, p.614.

* 266 _ Cf. supra, A.

* 267 _ C.I.J., Interprétation des traités de paix, avis consultatif, 30 mars 1950, C.I.J. Recueil 1950, § 65, p. 74 ; cf. Jean COMBACAU et Serge SUR, op. cit. (supra, note n° 79), p. 559.

* 268 _ Ibid.

* 269 _ Ibid., p. 558.

* 270 _ Ibid.

* 271 _ CR 2009/8, p. 48, § 46 (WOOD).

* 272 _ Ibid., pp. 25-26 ; v. aussi CR 2009/9, pp. 35-36.

* 273 _ Cf. supra, § 1, B.

* 274 _ Jeune Afrique du 27 juillet 2008, Non à l'impunité!, http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/09/25/senega19884.htm (consultée le 17 juillet 2009). Italiques ajoutés.

* 275 _ Il s'agit de la Loi n° 2007-02 du 12 février 2007 modifiant le Code pénal et de la Loi n° 2007-05 du 12 février 2007 modifiant le Code de procédure pénale.

* 276 _ Voir CR 2009/9, p. 28, § 39 (KANDJI).

* 277 _ Cf. supra, Deuxième Partie, Chapitre I, Section I, § 2, A.

* 278 _ Adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966. Cet instrument est entré en vigueur le 23 mars 1976.

* 279 _ Amnesty international, Sénégal, terre d'impunité, op. cit. (supra, note n° 2), p. 25.

* 280 _ Françoise BOUCHET-SAULNIER, op. cit. (supra, note n° 2), p. 308.

* 281 _ Cesare BECCARIA, Des délits et des peines, traduit de l'italien par Collin de PLANCY, Éditions du Boucher, 2002, p. 44, http://www.leboucher.com/pdf/beccaria/beccaria.pdf (consultée le 17 septembre 2009). Cet illustre pénaliste s'exprimait en ces termes : « Lorsqu'il s'agit de ces crimes atroces dont la mémoire subsiste longtemps parmi les hommes, s'ils sont une fois prouvés, il ne doit y avoir aucune prescription en faveur du criminel qui s'est soustrait au châtiment par la fuite ».

* 282 _ Voir C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit. (supra, note n° 4), p. 2, par. 5.

* 283 _ Human Rights Watch, Le jugement de Hissène Habré, le temps presse pour les victimes, n° 2, Janvier 2007, p. 13, http://www.hrw.org/legacy/french/backgrounder/2007/habre0107/habre0107frweb.pdf (consultée le 17 juillet 2009).

* 284 _ Ibid.

* 285 _ Cf. Décision n° 24 Assembly/AU/Dec.157 (VIII) de l'UA du 30 janvier 2007 portant sur le procès de Monsieur Hissène HABRE et l'Union africaine, § 4, http://www.africa-union.org/root/ua/Conferences/2007/janvier/SUMMIT/Doc/Decisions/D%C3%A9cisions%20-%208%C3%A8me%20session%20ordinaire%20de%20la%20Conf%C3%A9rence.doc (consultée le 23 juillet 2009).

* 286 _ Il s'agit de la Direction de la Documentation et de la Sécurité créée le 6 janvier 1983 par décret présidentiel N°005/PR que Reed BRODY qualifiait de « police secrète » avant de préciser que cet appareil « s'est érigé en une machine de répression d'une cruauté rarement atteinte dans l'histoire des services de terreur des dictatures récentes ». Voir Reed BRODY, op. cit. (supra, note n° 7), p. 309. Le GAJ, pour sa part, décrit la DDS comme étant le « symbole d'un régime marqué par la violence envers le peuple tchadien », in Pour le procès d'un dictateur, Retour sur l'affaire Hissène Habré, op. cit. (supra, note n° 8), p. 6.

* 287 _ Human Rights Watch, op. cit. (supra, note n° 283), p. 13.

* 288 _ Reed BRODY, op. cit. (supra, note n° 7), p. 314.

* 289 _ L'on se souviendra par exemple qu'en 2001, lors d'une marche en faveur des victimes de M. HABRE, Mme Jacqueline MOUDEÏNA, présidente de l'Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de L'homme (ATPDH), s'est vue tirer dessus par un policier, « ancien bourreau » contre qui l'ATPDH avait lancé une poursuite judiciaire au Tchad ; cf. Libération du 6 juillet 2007, Le Sénégal bloque le procès de Hissène Habré, http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/05/09/senega18788.htm (consultée le 17 juillet 2009). Voir également Dustin N. SHARP, op. cit. (supra, note n° 11), p. 170.

* 290 _ En 2005, Human Rights Watch a publié dans un rapport une liste de 41 anciens responsables et agents de la DDS occupant, en février 2005, des postes de responsabilité au Tchad ; cf. Human Rights Watch, Tchad : les victimes de Hissène Habré toujours en attente de justice, juillet 2005, Vol. 17, n° 10(A), pp. 39-45, http://www.hrw.org/legacy/french/reports/2005/chad0705/chad0705fr.pdf (consultée le 17 juillet 2009).

* 291 _ Cf. supra, p. 98.

* 292 _ BBC News Online, 18 juillet 2005, Huge Challenge of Afghan Torture Case, http://news.bbc.co.uk/1/hi/uk/4693787.stm, (consultée le 17 juillet 2009).

* 293 _ V. CR 2009/9, p. 29, § 48 (KANDJI).

* 294 _ Cf. C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal), acte introductif d'instance du 19 février 2009, op. cit. (supra, note n° 37), pp. 4-5.

* 295 _ Décision n° 33 Assembly/AU/Dec.240(XII), portant sur l'affaire Hissène HABRE, § 3.

* 296 _ Ibid., § 4.

* 297 _ Cf. annexes 2 à 6.

* 298 _ L'UA a adopté, jusqu'en juillet 2010, 5 décisions au total sur l'affaire Habré ; Cf. Annexes 2 à 6.

* 299 _ Joe VERHOEVEN, « Prétentieuse et bricolée [compétence universelle] », in : Politique-Revue de débats, n° 23, Bruxelles, 2002, pp. 18-21 (spéc. p. 21). Italiques ajoutés.

* 300 _ Voir notamment Solange NGONO, « La Participation du Cameroun à la répression internationale du génocide rwandais : réflexions à propos des décisions de la Cour d'appel de Yaoundé », AFRILEX, n° 4, 2004, pp. 373-396.

* 301 _ Voir Décision n° 4 Assembly/AU/Dec. 246 (XIII) du 3 juillet 2009 portant sur le cas Hissène HABRE.

* 302 _ Infra, annexes 2 à 6.

* 303 _ Léopold DONFACK SOKENG, « Mondialisation et droits de l'homme en Afrique », RCEI, vol. 01, n° 01, 1er semestre 2007, pp. 103-132 (spéc. p. 103). Italiques ajoutés.

* 304 _ Joe VERHOEVEN, « Vers un ordre répressif universel ? Quelques observations », AFDI, 1999, pp. 55-71, (spéc. pp. 59-60). Italiques ajoutés.

* 305 _ Cf. CR 2009/9, p. 30, § 53 (KANDJI).

* 306 _ Amnesty International, La Compétence universelle : 14 principes pour l'exercice effectif de la compétence universelle, Document public, Éditions Francophones d'Amnesty International (EFAI), Londres, juin 1999, p. 12, principe 9.

* 307 _ Jelena PEJIC, "Accountability for international crimes : from conjecture to reality », International Review of Red Cross, vol. 84, n° 845, March 2002, pp. 13-33 (spec. p. 32).

* 308 _ Groupe d'action judiciaire (GAJ) de la FIDH, op. cit. (supra, note n° 8), p. 45.

* 309 _ Cf. Plainte avec constitution de partie civile (25 janvier 2000), http://www.hrw.org/legacy/french/themes/habre-plainte.html (consultée le 17 juillet 2009).

* 310 _ Il s'agit de l'AVCRP, de Human Rights Watch (HRW), de la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme (LTDH), de la Rencontre africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO), de l'ONG française Agir Ensemble pour les Droits de l'Homme (AEDH), l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme (Sénégal), de la Fédération Internationale des ligues des Droits de l'Homme (FIDH) et de l'Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l'Homme (ATPDH).

* 311 _ Jeune Afrique, Nouvelle plainte contre Habré, 21 septembre 2008, http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/09/25/senega19885.htm (consultée le 17 juillet 2009) ; voir également RFI, Les victimes d'Hissène Habré portent plainte, 17 septembre 2008, http://www.rfi.fr/actufr/articles/105/article_72445.asp (consultée le 17 juillet 2009). 

* 312 _ Ibid.

* 313 _ Voir Human Rights Watch, Affaire Habré : Questions et réponses, Communiqué de presse, Septembre 2008, http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/09/15/senega19815.htm (consultée le 17 juillet 2009) ; voir aussi Human Rights Watch, Sénégal : les victimes accusent Hissène Habré de crimes contre l'humanité, Communiqué de presse, 16 septembre 2008, http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/09/15/senega19817.htm (consultée le 17 juillet 2009). 

* 314 _ Ibid.

* 315 _ Ibid.

* 316 _ Voir Nasser ZAKR, « La responsabilité du supérieur hiérarchique devant les tribunaux pénaux internationaux », RIDP, vol. 73, 2002, pp. 59-80.

* 317 _ Ibid., p. 61.

* 318 _ Il importe de noter en effet que d'après l'article Article 42 de la Loi de base n° 65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de procédure pénale sénégalais, avec ses modifications successives, « le juge d'instruction ne peut informer qu'après avoir été saisi par un réquisitoire du Procureur de la République ou par une plainte avec constitution de partie civile... ».

* 319 _ Human Rights Watch, op. cit. (supra, note n° 283), p. 16.

* 320 _ Cf. CR 2009/9, p. 30, § 52 (KANDJI).

* 321 _ Human Rights Watch, op. cit. (supra, note n° 283), p. 16.

* 322 _ Cf. supra, note n° 198.

* 323 _ Human Rights Watch, op. cit. (supra, note n° 283), p. 17.

* 324 _ Ibid.

* 325 _ Ibid.

* 326 _ Ibid.

* 327 _ Ibid.

* 328 _ Libération du 6 juillet 2007, op. cit. (supra, note n° 289).

* 329 _ Françoise BOUCHET-SAULNIER, op. cit. (supra, note n° 2), p.237.

* 330 _ Italiques ajoutés.

* 331 _ Cf. notamment article 146 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949 (ci-après : « Convention IV » ou G IV) ; article 88 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève de 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) ; article 29 du Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (Résolution 827 du Conseil de sécurité des NU du 25 mai 1993) ; article 28 du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda (Résolution 955 du Conseil de sécurité des NU du 8 novembre 1994) ; articles 72, 86 et suivants du Statut de la CPI (ci-après : « Statut de Rome » adoptée le 17 juillet 1998 et entrée en vigueur le 1er juillet 2002) ; article 3 du Statut de l'Organisation internationale de police criminelle (ci-après : « Interpol ») etc.

* 332 _ Cette affaire a été soumise à la Cour le 9 janvier 2006 avec le dépôt au Greffe de la requête introductive d'instance du Djibouti datée du 4 janvier 2006. L'objet du différend devant la Cour portait sur « le refus des autorités gouvernementales et judiciaires françaises d'exécuter une commission rogatoire internationale concernant la transmission aux autorités judiciaires djiboutiennes du dossier relatif à la procédure d'information relative à l'affaire contre X du chef d'assassinat sur la personne de Bernard Borrel » (Voir C.I.J., Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France, Requête introductive d'instance, p. 4, § 2).

* 333 _ Voir C.I.J., Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt du 4 juin 2008, Rec. 2008, pp. 177-247. Dans cette décision, la Cour (à l'unanimité) a dit que, « la République française, en ne motivant pas le refus qu'elle a adressé à la République de Djibouti d'exécuter la commission rogatoire présentée par celle-ci le 3 novembre 2004, a manqué à son obligation internationale au titre de l'article 17 de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre les deux Parties, signée à Djibouti le 27 septembre 1986... » [pp. 246-247, § 205, 2) a)].

* 334 _ Cette instance a été introduite par la requête de la République du Congo enregistrée au Greffe de la Cour le 9 décembre 2002.

* 335 _ Cf. C.I.J., Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), radiation du rôle, Ordonnance du 16 novembre 2010, Rôle général n° 129.

* 336 _ Human Rights Watch, Hissène Habré et les juridictions sénégalaises, Note à l'attention des donateurs internationaux, n° 1, Décembre 2007, p. 2, http://www.hrw.org/legacy/french/backgrounder/2007/habre1207/habre1207frweb.pdf (consultée le 17 juillet 2009.

* 337 _ Human Rights Watch, op. cit. (supra, note n° 283), p. 16.

* 338 _ Human Rights Watch, op. cit. (supra, note n° 283), p. 13.

* 339 _ Voir Corinne RENAULT-BRAHINSKY, L'essentiel de la procédure pénale, 5e éd., Gualino éditeur, EJA, coll. « Les carrés », Paris, 2004, p. 61.

* 340 _ Voir Jean PRADEL, Procédure pénale, 12e éd., Cujas, Paris, 2004, p. 574.

* 341 _ Voir à ce propos Reed BRODY, op. cit. (supra, note n° 7), p. 314.

* 342 _ Cf. supra, note n° 285.

* 343 _ Corinne RENAULT-BRAHINSKY, op. cit. (supra, note n° 339), p. 61.

* 344 _ Ibid.

* 345 _ Voir Human Rights Watch, op. cit. (supra, note n° 314).

* 346 _ Infra, annexes 2 à 6.

* 347 _ Olivier CORTEN, « Une compétence universelle sans communauté internationale ? », in : Politique-Revue de débats, n° 23, Bruxelles, 2002, pp. 24-27 (spéc. p. 26).

* 348 _ Jeune Afrique du 27 juillet 2008, Non à l'impunité!, op. cit. (supra, note n° 274).

* 349 _ Op. ind. SUR, p. 2, § 5.

* 350 _ Voir à ce sujet Michael K. ADDO, op. cit. (supra, note n° 146), p. 713.

* 351 _ Op. cit. (supra, note n° 146). La Cour ne s'est pas pour autant prononcée sur l'applicabilité de l'article 94 de la Charte des Nations Unies [exécution forcée] à ses Ordonnances en indication de mesures conservatoires (cf. § 108, arrêt LaGrand). Mais « pour aboutir à cette conclusion, la Cour accorde un grand poids à l'objet et au but du Statut et fait valoir que le caractère obligatoire des mesures conservatoires est seul de nature à lui permettre "de s'acquitter de sa mission fondamentale, qui est le règlement judiciaire des différends internationaux au moyen de décisions obligatoires conformément à l'article 59 du Statut" (§ 102, arrêt LaGrand) », relèvent Nguyen QUOC DINH et Alii, op. cit. (supra, note n° 63), p. 904.

* 352 _ Cf. supra, note n° 250.

* 353 _ Cité par Paul ORIANNE, op. cit. (supra, note n° 69), p. 1295.

* 354 _ Voir à ce propos Micaela FRULLI, « Le droit international et les obstacles à la mise en oeuvre de la responsabilité pénale pour crimes internationaux », in : Crimes internationaux et juridictions internationales, op. cit. (supra, note n° 123), pp. 215-253 (spéc. p. 216).

* 355 _ Voir Damien VANDERMEERSCH, op. cit. (supra, note n° 21), p. 472.

* 356 _ Joe VERHOEVEN, op. cit. (supra, note n° 299), p. 21.

* 357 _ Human Rights Watch, La Compétence universelle en Europe, état des lieux, vol. 18, n° 5 (D), juin 2006, p. 1. L'illustration de l'absence d'unanimité sur la question a été servie par l'arrestation le 9 novembre 2008 à Frankfort (en Allemagne) de Rose KABOYE, Chef de Protocole du Président de la République du Rwanda, « créant une situation de tension entre l'UA et l'UE » (cf. Décision Assembly/AU/Dec. 213 (XII) de l'UA du 3 février 2009 portant sur la mise en oeuvre de la décision relative à l'utilisation abusive du principe de compétence universelle, § 4, http://www.africa-union.org/root/AU/Conferences/2009/july/summit/docs/DECISIONS/ASSEMBLY%20AU%20DEC%20243%20-%20267%20(XIII)%20_F.pdf (consultée le 23 juillet 2009).

* 358 _ Voir Décision Assembly/AU/Dec. 245 (XIII) de l'UA du 3 juillet 2009 portant sur le rapport de la réunion des États africains parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, § 10, http://www.africa-union.org/root/AU/Conferences/2009/july/summit/docs/DECISIONS/ASSEMBLY%20AU%20DEC%20243%20-%20267%20(XIII)%20_F.pdf (consultée le 23 juillet 2009). La réserve émise par le Tchad à cette décision est surtout due aux relations tumultueuses qu'il entretient depuis quelques années avec le Soudan.

* 359 _ V. Alain Pellet, op. cit.(supra, note n°3), p. 178. Cet auteur relève que le principe de souveraineté semble (si on le définit correctement) un puissant facteur organisateur de la société internationale et une explication, toujours éclairante, des phénomènes juridiques internationaux.

* 360 _ Décision Assembly/AU/Dec.292(XV) de l'UA du 27 juillet 2010 portant sur l'utilisation abusive du principe de compétence universelle, § 5, http://www.africa-union.org/root/AR/index/Assembly%20AU%20Dec%20289-330%20%28XV%29%20_F.pdf (consultée le 30 juillet 2010). A travers cette décision, la Conférence : « DEMANDE à la Commission de finaliser l'étude sur les implications de doter la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples de la compétence lui permettant de juger les crimes internationaux tels que le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre et d'en faire rapport à la prochaine session ordinaire de la Conférence, prévue en janvier 2011, par l'intermédiaire du Conseil exécutif ...» (italiques ajoutés).






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