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L'ordonnance de la C.I.J. en l'affaire relative à  des questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal), demande en indication des mesures conservatoires

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par Etienne KENTSA
Université de Douala - DEA 2010
  

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CONCLUSION DU CHAPITRE I

En somme, il est regrettable que la Cour n'ait pas souligné le changement de contenu de la demande belge dans la mesure où c'est ce changement qui a vraisemblablement rendu pertinente ladite demande. Pour donner du crédit aux décisions qu'elle rend, la Cour devrait y tenir plus largement compte de l'argumentation développée par les parties au différend.

Il est clair que les conditions posées par l'article 30 de la Convention contre la torture ont été remplies par la Belgique dans cette affaire ; ce qui facilitera certainement la recevabilité de sa requête au fond. Toutefois, au cas où le Sénégal engagerait des poursuites contre Hissène HABRE avant la procédure au fond devant la CIJ, celle-ci pourrait estimer que le différend l'opposant à la Belgique est désormais sans objet, arrêtant alors la procédure. Cela rend intéressante l'analyse des modalités d'organisation du procès Habré par le Sénégal.

CHAPITRE II : LES QUESTIONS RELATIVES AUX MODALITES D'ORGANISATION DU PROCES CONTRE HISSENE HABRE

Les modalités d'organisation du procès contre Hissène HABRE font partie des questions qui n'ont pas été tranchées par l'Ordonnance de la CIJ. Le jugement de Hissène HABRE devrait pourtant revêtir un grand intérêt pour l'Afrique que pour la société internationale toute entière. Il s'agit en effet, selon Alioune TINE et Reed BRODY de « l'affaire test de la justice africaine » 274(*). L'Afrique en général et le Sénégal en particulier ont là l'opportunité de montrer aux yeux du monde qu'un criminel international peut être jugé en terre africaine par des juges africains dans le respect des exigences d'une justice équitable.

La décision de l'UA mandatant le Sénégal de juger Hissène HABRE et l'engagement du Sénégal de s'en charger représentent une étape déterminante dans l'effort de poursuivre en justice l'ancien président du Tchad. Si ce jugement est juste, transparent et équitable, il constituera un précédent historique dans la lutte pour le jugement des responsables des pires atrocités. Ce serait un précédent à valeur de symbole.

Par ailleurs, c'est avec satisfaction que l'on a constaté l'amendement, l'abrogation et l'introduction de certaines dispositions dans le Code pénal et le Code de procédure pénale sénégalais275(*). Cela a permis l'introduction de nouvelles infractions comme les crimes internationaux que sont les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les génocides, crimes prévus du reste par le Statut de Rome que ce pays a été le premier État à ratifier. Il a doté ses juridictions d'une compétence élargie. A travers les dispositions de l'article 669 du Code pénal, il a été prévu qu'en cas de crimes internationaux commis par un étranger, à l'étranger, les juridictions sénégalaises pouvaient être compétentes si cet étranger était appréhendé sur le territoire ou si le gouvernement sénégalais obtenait son extradition. C'est d'une compétence universelle assez large qu'ont été dotées les juridictions sénégalaises276(*). Par ailleurs, le 7 août 2008, le Sénégal a promulgué la loi qui amendait sa Constitution. L'un des aspects capitaux de cette réforme constitutionnelle est l'exception au principe constitutionnel de non-rétroactivité des lois pénales en matière de crimes internationaux notamment le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre277(*). Il est important de relever également que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques278(*), dont l'article 15 (2) prévoit subtilement la rétroactivité des lois pénales pour les crimes les plus graves, a été ratifié par le Sénégal depuis 1978279(*).

D'autres questions juridiques pourraient être soulevées à l'occasion de ce procès. Il s'agit par exemple de la prescription, des immunités et de l'indépendance des autorités judiciaires du Sénégal. Il faut signaler tout de suite que, « pour lutter contre l'impunité, le droit pénal international et national prévoit que certains crimes sont imprescriptibles »280(*). C'est le lieu de noter que cette imprescriptibilité était déjà prônée par Cesare BECCARIA281(*) en 1764. Les crimes imputés à Hissène HABRE sont de ceux-là à savoir les crimes les plus graves du fait de leur caractère odieux. En outre, l'immunité (de juridiction pénale) de Hissène HABRE a été levée par les autorités tchadiennes le 7 octobre 2002282(*). Seule l'indépendance des autorités judiciaires sénégalaises reste à assurer afin que ce procès connaisse l'éclat qu'il mérite.

Au-delà des problèmes juridiques qu'il convient de surmonter dans la conduite de ce procès, il existe des défis à relever. En effet, l'organisation de ce procès met au goût du jour des questions importantes comme celles du financement, de la logistique, du personnel et de sa formation, de l'accessibilité des victimes ou témoins aux procédures, la question de la protection des témoins etc. En effet, le Sénégal a soulevé la question du coût élevé du procès tant lors de la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UA que devant la CIJ pour justifier le retard accusé dans l'affaire Habré. Les questions relatives aux modalités d'organisation du procès contre Hissène HABRE sont donc de deux ordres, à savoir la question relative au coût élevé du procès (Section I) et la question tenant aux actions procédurales préalables au jugement de Hissène HABRE (Section II).

* 274 _ Jeune Afrique du 27 juillet 2008, Non à l'impunité!, http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/09/25/senega19884.htm (consultée le 17 juillet 2009). Italiques ajoutés.

* 275 _ Il s'agit de la Loi n° 2007-02 du 12 février 2007 modifiant le Code pénal et de la Loi n° 2007-05 du 12 février 2007 modifiant le Code de procédure pénale.

* 276 _ Voir CR 2009/9, p. 28, § 39 (KANDJI).

* 277 _ Cf. supra, Deuxième Partie, Chapitre I, Section I, § 2, A.

* 278 _ Adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966. Cet instrument est entré en vigueur le 23 mars 1976.

* 279 _ Amnesty international, Sénégal, terre d'impunité, op. cit. (supra, note n° 2), p. 25.

* 280 _ Françoise BOUCHET-SAULNIER, op. cit. (supra, note n° 2), p. 308.

* 281 _ Cesare BECCARIA, Des délits et des peines, traduit de l'italien par Collin de PLANCY, Éditions du Boucher, 2002, p. 44, http://www.leboucher.com/pdf/beccaria/beccaria.pdf (consultée le 17 septembre 2009). Cet illustre pénaliste s'exprimait en ces termes : « Lorsqu'il s'agit de ces crimes atroces dont la mémoire subsiste longtemps parmi les hommes, s'ils sont une fois prouvés, il ne doit y avoir aucune prescription en faveur du criminel qui s'est soustrait au châtiment par la fuite ».

* 282 _ Voir C.I.J., Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit. (supra, note n° 4), p. 2, par. 5.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius