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L'ordonnance de la C.I.J. en l'affaire relative à  des questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal), demande en indication des mesures conservatoires

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par Etienne KENTSA
Université de Douala - DEA 2010
  

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CONCLUSION DU CHAPITRE II

La Cour a jugé plausibles les droits invoqués par la requérante dans la mesure où, selon elle, ils pouvaient être fondés sur la Convention contre la torture. Ces droits ont certainement leur source dans le droit international conventionnel et coutumier. La requérante invoque essentiellement le droit au respect de l'obligation de poursuivre ou d'extrader par le Sénégal. A ce droit est ajouté le droit qu'a tout État de participer à la lutte contre l'impunité des infractions graves. En réalité, le droit international prévoit l'obligation de poursuivre ou d'extrader et l'obligation de lutte contre l'impunité. Ces obligations ont un caractère erga omnes. On estime dès lors que les États doivent en même temps les exécuter et revendiquer leur respect.

Les mesures conservatoires ne peuvent être indiquées par la Cour que s'il y a urgence c'est-à-dire un risque réel et imminent de préjudice irréparable aux droits en litige. L'urgence constitue en effet la condition ultime de l'indication de telles mesures. Elle est la justification pratique des mesures conservatoires. On a toutefois pu constater que la Cour a un large pouvoir d'appréciation de l'urgence des circonstances qui se présentent à elle. Cette appréciation est assez relative dans la mesure où l'urgence peut même disparaître en cours de procédure, comme ce fut le cas en l'espèce.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

La Cour a réaffirmé les conditions préalables et indispensables pour l'exercice du pouvoir prévu par l'article 41 de son Statut à savoir l'indication de mesures conservatoires. Elle a marqué son souci de tenir largement compte du consentement des parties à sa juridiction dans l'examen de sa compétence et de la recevabilité de la requête belge, même prima facie. Selon le juge ad hoc Serge SUR, elle s'y estime d'autant plus tenue que le caractère obligatoire des mesures conservatoires est désormais incontestable, et qu'elle estime devoir s'assurer que l'exercice de son pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires repose sur des bases, au départ, plausibles148(*). Ce juge se demande cependant si « la Cour ne fait pas montre d'une prudence excessive et si cette prudence ne risque pas, en réalité, de la conduire à des résultats qui pourraient ultérieurement apparaître fâcheux pour la manière dont ses décisions sont perçues »149(*).

Le soin mis par la Cour dans l'examen de l'existence d'un différend entre les parties relève des considérations logiques et dénote une précaution judiciaire. La Cour a pu constater l'évolution de la portée de ce différend entre la date du dépôt de la requête et le moment du délibéré. On est passé d'un différend manifeste à un différend quasi latent.

Les droits invoqués par la Belgique sont plausibles. L'obligation de poursuivre ou d'extrader est prévue par le droit international conventionnel et coutumier. Le droit de la Belgique au respect de cette obligation ne fait donc pas de doute. La lutte contre l'impunité constitue une obligation internationale de la communauté des États.

L'urgence est constituée en réalité du risque réel et imminent du préjudice irréparable pesant sur les droits en litige. Celle-ci constitue la condition ultime, la justification même de l'indication des mesures conservatoires par la Cour. On a démontré le caractère relatif de l'appréciation de l'urgence par la Cour. Les circonstances évoluent en parallèle avec les attitudes respectives des parties. En l'espèce, on a pu constater, d'abord, que les assurances sénégalaises ont remis en question l'urgence alléguée par la Belgique, ensuite, la disparition de l'urgence du fait des réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD. Par ailleurs, ces assurances du Sénégal de ne pas laisser Hissène HABRE quitter son territoire et ces réponses des parties permettent de mesurer la pertinence de la demande belge en indication des mesures conservatoires.

Comme on a pu le constater, la demande belge en indication des mesures conservatoires n'était pas du tout dénuée de pertinence. La lecture de l'Ordonnance permet en effet de l'affirmer. La Cour n'a pas méconnu, comme certains pourraient le penser, l'urgence du jugement de Hissène HABRE. Il s'est passé une chose très importante au cours de la procédure, qui constitue sans aucun doute la ratio decidendi, c'est-à-dire les motifs décisifs de la décision de la Cour. En effet, la Belgique a saisi la CIJ en prétendant qu'il existait des raisons sérieuses de croire que le Sénégal pourrait laisser l'ex-président tchadien quitter son territoire. Mais le Sénégal a, à maintes reprises et tout au long des observations orales, donné des assurances en disant qu'il ne permettra pas à Hissène HABRE de quitter son territoire avant que la Cour ait rendu sa décision définitive.

Mais plus déterminantes ont été les réponses données par les parties aux questions du juge GREENWOOD. Ces questions et les réponses qui y ont été servies ont permis de jeter un regard particulier sur la fonction médiatrice que la Cour a remplie dans la présente procédure. On peut penser que la Cour aurait indiqué des mesures conservatoires n'eût été la survenance de ces faits. En effet, comme on l'a noté, la saisine de la Cour par la Belgique a marqué énormément l'actualité événementielle à travers la planète150(*). A défaut donc de cette sorte de médiation ou de justice transactionnelle que les questions du juge ont permis de réaliser, l'Ordonnance rendue par la Cour aurait été en marge de la tendance prédominante du droit international pénal à savoir la lutte contre l'impunité. En effet, si l'urgence n'avait pas disparu en cours de procédure, la Cour aurait certainement indiqué les mesures sollicitées par la Belgique. Ceci afin de s'assurer de la possibilité de poursuivre et de juger Hissène HABRE.

La requête et la demande belges visent à empêcher que les crimes attribués à Hissène HABRE restent impunis. On n'est qu'à l'étape des mesures conservatoires et il plane déjà un sentiment du définitif. En effet, rien ne peut permettre aujourd'hui de dire si la Cour aura à statuer sur le fond. Il n'est pas incommodant de préciser que rien n'oblige, en réalité, le Sénégal aujourd'hui à s'activer. Cet Etat peut en effet considérer que l'affaire étant pendante devant la Cour, la seule obligation qui lui incombe est de maintenir Hissène HABRE au Sénégal. Mais la société internationale a le droit d'espérer en la bonne foi du Sénégal qui, de l'avis de Reed BRODY, a un « rôle [...] avant-gardiste dans la promotion du droit international »151(*). L'on se rappellera que, lors des audiences publiques, le Sénégal a parlé du jugement de Hissène HABRE comme étant « son droit »152(*). Il a par ailleurs évoqué les réformes entreprises et les mesures prises en vue de la tenue de ce procès.

La pertinence de la demande belge est perceptible à partir des assurances données proprio motu par le Sénégal (Chapitre I) et de la fonction médiatrice de la Cour à travers les questions du juge GREENWOOD (Chapitre II).

CHAPITRE I : LES ASSURANCES DONNEES PROPRIO MOTU PAR LE SENEGAL

Le Sénégal a entrepris de démontrer, sans y être incité tout au long des audiences publiques, qu'il n'y avait aucun risque que Hissène HABRE quitte son territoire et échappe à toute poursuite pénale153(*). Il a ainsi apporté un certain nombre d'éléments qui, a priori, peuvent démontrer sa détermination à exécuter le mandat à lui donné par l'UA, à savoir poursuivre et juger l'ex-président du Tchad au nom de l'Afrique. Les assurances données par la partie sénégalaise vont du rappel de l'effectivité des mesures relatives à la rétention de Hissène HABRE au Sénégal à l'affirmation de sa volonté ou mieux sa détermination à juger celui-ci.

On peut penser que le Sénégal est conscient de son obligation de poursuivre et juger Hissène HABRE comme l'exigent le droit international conventionnel et le droit international coutumier. En effet, lorsque l'on se souvient un instant des interférences politiques qui se sont produites lors de la première tentative de jugement de Hissène HABRE au Sénégal, tout procès d'intention exclu, le doute peut être permis154(*).

On va tout d'abord faire cas de la teneur des assurances sénégalaises (Section I), après quoi on passera à l'analyse de l'impact desdites assurances sur le sort de la demande belge et sur le différend principal (Section II).

* 148 _ Op. ind. SUR, p. 3, § 6.

* 149 _ Ibid.

* 150 _ Cf. supra, note n° 13.

* 151 _ Reed BRODY, op. cit., (supra note n° 7), p. 311. L'auteur rappelle que le Sénégal a été le premier pays au monde à ratifier le traité du 17 juillet 1998 portant création de la Cour pénale internationale.

* 152 _ Voir CR 2009/9, pp. 44-45 (DIANKO).

* 153 _ Voir CR 2009/9, p. 21, § 57 (THIAM) ; CR 2009/9, p. 42, § 10 (DIANKO) ; CR 2009/9, p. 54, § 11-12 (GAYE) ; CR 2009/11, pp. 19-20, § 17 (SALL).

* 154 _ Cf. infra, note n° 198.

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