WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les enfants d'immigrés italiens dans les écoles françaises (1935-1955)

( Télécharger le fichier original )
par Louise CANETTE
Université de Nantes - Master 2 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

A). L'arrivée dans l'école :

Globalement, les enfants d'immigrés sont scolarisés plus tôt que leurs homologues français. En effet, il est plus courant, dans ses familles, que les deux parents travaillent lorsque la situation financière est particulièrement critique, comme c'est souvent le cas pour les jeunes d'origine étrangère.

? Les inscriptions.

L'enfant peut-être scolarisé dès ses trois ans (plus rarement vers ses deux ans et demi) si toutefois l'école l'accepte, cette décision étant laissée à la discrétion du directeur. En réalité, peu de familles en font la demande, les femmes de l'époque étant encore majoritairement au foyer (même à la fin de notre période, on ne comptabilise pas plus d'un enfant sur trois dans les structures correspondant à l'actuelle école maternelle). Cependant, sans pour autant pouvoir avancer de chiffres précis, se dessine une tendance : les enfants italiens sont plus fréquemment scolarisés à l'école maternelle que les petits français. Cette différence s'explique par le fait que, dans une situation critique, les parents, lorsqu'ils ont immigré, sont souvent obligés, pour des raisons financières, de travailler tous les deux. Les primo arrivants scolarisent donc globalement plus tôt leur progéniture. Citons par exemple Nuncio Titonel qui évoque l'école du Lot-etGaronne qui l'a accueilli très jeune sur ses bancs :

67 « Je me rappelle, je suis arrivé à l'école à deux ans et demi. J'étais plus souvent dans les culottes de l'institutrice que dans les miennes parce que je me salissais encore. »189

Scolarisés jeunes, les enfants d'Italiens diront, lors des entretiens, tantôt que cette habitude de la collectivité et de la vie à l'école fut une des raisons de leur réussite scolaire, tantôt que cet « abandon » dans les bras de l'Institution Scolaire explique leurs échecs. Soyons donc attentifs à ne pas tirer de trop rapides conclusions : nous sommes là face à des récits d'expériences humaines dans lesquelles bien d'autres données que celle liées à l'immigration entrent en jeu, c'est d'ailleurs ce qui rend l'étude aussi difficile que passionnante.

Au cours de la période 1935-1955, l'obligation scolaire commence à six ans et se termine à quatorze ans190. Les écoles maternelles, souvent appelées « asilio » par nos témoins utilisant ainsi le vocable d'Outremont, accueillent filles et garçons dans les mémes structures jusqu'à leurs six ans. Les adultes chargés de s'occuper de ces jeunes enfants sont alors exclusivement des femmes.

? Le premier jour d'école.

En quoi le premier jour d'école d'un enfant issu d'au moins un parent étranger est-il différent de celui d'un petit français ? Le premier regard sur l'enfant est bien souvent celui du Français sur l'étranger, en effet, lorsque les deux parents sont Transalpins, le jeune élève ne s'exprime la plupart du temps qu'en italien lors de sa première rentrée. C'est alors par l'école que l'élève va s'apercevoir de sa différence191. Dès lors quelles sont les premières réactions face à l'écolier étranger ? Couramment, l'afflux d'une population immigrée peut provoquer deux attitudes différentes : l'ethnocentrisme et la stigmatisation. L'ethnocentrisme consiste à juger de façon négative la culture de l'étranger. Ce contact réaffirme des réactions chauvines, xénophobes voire racistes. La stigmatisation attribue aux immigrés une étiquette les catégorisant comme déviants, et bien souvent, comme dangereux et inassimilables. Un des aspects de notre travail est d'analyser les réactions apparemment ethnocentristes ou visant à la stigmatisation des enfants de migrants dans l'enceinte de l'Ecole. Précisons ici que ces réactions n'ont été évoquées pour la

189 Retranscription de l'interview de Nuncio TITONEL, dans le reportage du 17 octobre 1997 pour France 3.

190 C'est en 1936 que l'obligation scolaire est portée de 13 à 14 ans, à l'initiative de Jean Zay, ministre du Front Populaire.

191 « Je me sentais complètement Français, pas du tout immigré mais c'était les autres qui me traitaient de macaroni ».

Entretien avec Jean BURINI, (14 janvier 2010 -- Vigneux).

68 toute petite enfance que par deux des témoins que j'ai directement interrogés. Au premier contact avec le futur élève et ses parents, elles semblent être inhabituelles et se présenter essentiellement dans des régions ou l'immigration était rare. Un des témoins interrogés m'a demandé de ne pas raconter en détail ce premier jour qui reste encore un souvenir très douloureux, quatre-vingt-cinq ans après. Quant à Maria C., scolarisée à la campagne au sud de Nantes, elle explique :

« Je me rappelle du jour de ma première rentrée. J'étais terrorisée, tout le monde parlait français. J'avais déjà été scolarisée un an en Italie mais ici ce n'était pas pareil... Ma mère m'a emmenée, elle ne comprenait pas non plus ce que lui disait ma maîtresse. Ma maîtresse avait l'air de nous mépriser, en tout cas, c'est ma vision des choses mais... c'était il y a longtemps... »192.

Albert Balducci, interviewé par Pierre Milza fait le même constat sur son arrivée à l'école alors qu'il a sept ans :

« L'instituteur [...] le premier jour, il me dit d'aller au tableau. Alors j'y vais, je vais au tableau. Mais je ne comprends rien aux questions qu'il me pose. Alors il me balance deux paires de claques »193.

Cette réaction, apparemment peu commune, peut aussi, et c'est d'ailleurs sous-entendu par Maria, avoir été transformée par le temps dans l'esprit du témoin. Globalement, à la demande de leurs sensations sur cette arrivée dans l'école française, les témoins répondent de la même manière qu'aurait pu le faire des Français : soit ils ont tout oublié de ce premier jour lorsqu'ils ont été scolarisés jeunes, soit ils se souviennent de leur crainte de quitter le rassurant foyer familial. Si l'on observe que « la situation d'émigré réduit la vie à l'extérieur de la famille et conduit à faire de la vie familiale l'essentiel »194, pour ce premier jour, on ne peut pour autant pas parler de différences notables à grande échelle entre les sensations « d'abandon » des élèves Français et des étrangers.

192 Entretien avec Maria C. (24 novembre 2009 -- Nantes).

193 A. BALDUCCI, interviewé par P. MILZA, Voyage en Ritalie, Paris, 1993 (p. 329).

194 D. SCHNAPPER, « Centralisme et fédéralisme culturels : les émigrés italiens en France et au EtatsUnis », Annales ESC, n°5, septembre et octobre 1974 (p. 1150).

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King