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Placement sous écrous et dignité de la personne

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par Malick BA
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2010
  

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CHAPITRE 2 : VERS L'HUMANISATION ET LA REINSERTION DES DETENUS

Quel est le rôle de la prison aujourd'hui ? Doit-elle garder sa fonction de "lieu de privation de liberté", ou bien guider les prisonniers vers leur réinsertion ? La première technique ne fonctionne pas du tout. Elle fabrique de la récidive, elle fabrique de la violence. Elle transforme les condamnés en véritables fauves. Il s'agit en réalité d'un schéma électoral : les méchants, qui ont fait des choses horribles doivent bien sur payer. Nous avons tous le même réflexe. Seulement, si nous prévoyons que ces derniers sortent, il nous faut repenser la façon dont ils sont détenus. Il faut bien les traiter. La plupart des délinquants sont fragiles socialement et psychologiquement. Si en plus, on les détient dans des conditions inhumaines contraires au respect de la dignité et que l'on ne leur apprend rien, il est évident que l'on va aggraver le problème. Nous livrons alors à la société des gens en pire état qu'ils ne l'étaient en rentrant. Les personnels se sont installés dans une sorte de rivalité en miroir avec la population pénale, alimentée par l'idée « qu'on en donne plus » aux détenus qu'à eux-mêmes, « qu'on fait tout pour les détenus » et rien pour eux-mêmes. L'image est, en fait, celle des vases communicants : ce qui est accordé à l'un est retiré à l'autre, ce qui avantage l'un désavantage l'autre. Alors que les améliorations de conditions de vie des détenus ont un effet direct sur l'amélioration des conditions de travail du personnel et réciproquement. Plus fondamentalement, rappeler l'existence d'un droit commun, défini par ceux qui édictent les règles de la vie quotidienne de leurs concitoyens, c'est créer un pont et faciliter les passages entre la prison, les prisonniers et l'ensemble de la société. Associer de manière trop univoque sécurité et droit, d'une part, réinsertion et éducation des détenus, dispositifs sociaux et mesures d'accompagnement, d'autre part, contribue à creuser un hiatus artificiel. Retrouver sa place dans la société, après un temps de mise à l'écart nécessaire, n'est-ce pas, d'abord, pour tout homme, redevenir pleinement sujet de droit93(*) ? Ainsi après l'humanisation des conditions de détention (Section 1) il nous faut également penser au défi non négligeable qu'est la réinsertion (Section 2)

SECTION 1 : L'HUMANISATION DES CONDITONS DE DETENTION

Au sein de l'article 8 de la CEDH, la vie privée est entendue dans un sens strict (de secret et d'intimité), mais aussi dans un sens large. Ce dernier comprend, entre autres droits, le droit de nouer et d'entretenir des contacts avec autrui.  Concernant le respect de ce droit en prison, Commission et Cour ont reconnu que la détention constitue en soi une ingérence dans la vie privée, entraînée par la simple mise en détention d'une personne. Dès lors, pour que ces ingérences soulèvent des questions au regard de l'article 8, il faut qu'elles dépassent cet effet automatique de la détention. Ce dépassement peut ainsi être provoqué par l'intervention mais aussi par l'abstention des autorités pénitentiaires. Car la détention crée à l'égard de l'administration pénitentiaire également une obligation positive, celle de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer au détenu l'exercice effectif du droit au respect de sa vie privée94(*). Pour ce qui est du droit des détenus de maintenir et de nouer des rapports privés avec autrui, les détenus ont le droit de nouer de tels contacts avec l'extérieur mais aussi avec la communauté carcérale. Il est donc évident que la surpopulation peut aggraver les difficultés, inhérentes à la détention, d'assurer aux détenus le respect effectif de cet aspect de la vie privée et familiale (PARAGRAPHE 1). De même, quand le surveillant ne sait plus vraiment ce qu'on attend de lui, parce qu'il est soumis à une double injonction contradictoire (le double band), il est mis dans l'impossibilité de remplir sa mission. D'un côté, il fait respecter la discipline et applique le règlement et on lui reproche amèrement ses lacunes. D'un autre côté, on lui demande de faire en sorte qu'il « n'y ait pas de problèmes » et de régler au mieux les situations conflictuelles. Acceptera-t-il d'affronter l'incident quand la situation l'exige au risque d'être critiqué pour l'avoir mal négocié, ou consentira-t-il à quelques entorses au règlement, se montrant plus complaisant pour que son service se déroule calmement, au risque de se voir soupçonné d'être trop laxiste et « social » avec la population pénale ? L'attente de l'administration à son égard n'est pas toujours claire et lisible et il faut nécessairement encadrer certaines pratiques carcérales (PARAGRAPHE 2)

PARAGRAPHE 1 : LE DROIT A LA VIE PRIVEE ET FAMILLIALE

Les principaux moyens de l'entretien des contacts avec l'extérieur sont la correspondance et les visites, mais plus particulièrement ces dernières. Or, si le nombre des détenus ne constitue plus une raison justifiant des limitations du nombre des lettres et des correspondants, en revanche, tel est bien le cas concernant les visites. Ces contacts peuvent être sérieusement limités par des obstacles forts pratiques ne permettant pas d'effectuer des visites fréquentes ou d'une qualité assurant que celles-ci constituent de véritables moments de vie privée. Force est de constater que le problème le plus évident que pose la surpopulation carcérale concerne l'intimité des rapports entre détenus. Sa garantie exigerait d'assurer aux détenus au moins le droit de vivre seuls dans la cellule, et, à défaut, le droit de choisir leurs compagnons. Aussi, le droit des détenus au droit au respect de la vie privée dans leurs rapports avec les codétenus est limité dans un sens négatif, celui de ne pas être involontairement mis à l'écart de la communauté carcérale par les mesures d'isolement. Les visites et les correspondances étant garanties(A), l'intimité du détenu doit tant bien que mal être respecté(B)

A- LES VISITES ET LA CORRESPONDANCE

Les instances sénégalaises laissent une grande marge d'appréciation à l'administration pénitentiaire pour organiser les visites Elles n'en exercent pas moins un contrôle afin de s'assurer que toutes les mesures nécessaires aient été prises afin de permettre aux détenus d'entretenir des contacts effectifs avec leurs proches  comme l'affectation du personnel nécessaire, l'aménagement des lieux et de l'emploi du temps des détenus. On doit normalement entendre par « contacts effectifs » à propos des visites, celles qui ont lieu dans des conditions telles qu'elles puissent constituer de véritables moments de vie privée à savoir de moments de vie affective et intime. Les visites ont lieu le dimanche, mercredi et jours fériés. Les horaires de visites sont fixés par le régisseur suivant l'emploi du temps établi dans l'établissement. Ils ne devront pas cependant être inférieur à trois heures le matin et trois heures l'après-midi. La durée d'une visite est de 15 minutes au moins95(*). La correspondance de tous les détenus doit être lue tant à l'arrivée qu'au départ à l'exception, cependant, des lettres adressées par les prévenus et accusés à leur défenseur ou que ce dernier leur fait parvenir, sous les garanties que détermine l'Administration pour assurer que la lettre émane bien du défenseur96(*). Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l'autorise, par les permissions de sortir des établissements pénitentiaires. Les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d'autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine.
L'autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions97(*). L'autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s'il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d'autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer .Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l'autorité judiciaire .Les décisions de refus de délivrer un permis de visite sont motivées. Enfin, un effort particulier doit être entrepris pour maintenir les liens familiaux. D'abord, l'accueil des familles doit être amélioré. Les familles sont aujourd'hui culpabilisées lorsqu'elles rendent visite à leurs proches. Certes, le " trafic " au parloir existe, mais dignité et fermeté doivent être conciliées pour éviter de stigmatiser les familles et, d'une manière plus générale, l'ensemble des visiteurs. Il convient aussi d'introduire des améliorations élémentaires dans les établissements, en aménageant une salle d'attente avec des chaises en nombre suffisant et un coin enfants, des toilettes propres à la disposition des visiteurs, des parloirs suffisamment grands et clairs pour accueillir toute une famille .En plus le détenu peut à ses frais téléphoner à partir d'un appareil fixe installé à cet effet entre 09h et 17h les jours ouvrables98(*)

B- L'INTIMITE DU DETENU

La priorité des priorités c'est de voir consacrer un droit à l'intimité généralisée et généralisable et voir enfin émerger une vraie révolution pénitentiaire. Dans son rapport pour 2008, le Contrôleur général des personnes privées de leur liberté pointe également de très mauvaises conditions matérielles de détention qui, ajoutées à la promiscuité en cellule, sont « la cause d'une atteinte manifeste à l'intimité des personnes et même une véritable atteinte à la dignité99(*) ». On feint de découvrir que le détenu n'a aucun droit à « l'intégrité physique », pas de droit à la vie privée (puisque cela implique qu'il puisse bénéficier d'une intimité en cellule) ; pas de droit à un parloir intime ni même d'un droit au travail ; sans parler des fouilles étroites, de l'isolement à discrétion ; des droits électoraux, de la liberté d'expression et du téléphone bannis. Mais citoyen libre ou incarcéré, la garantie des droits est la même. Le détenu n'étant privé que de sa liberté d'aller et venir. Or, l'enquête nous montre qu'ici, comme partout ailleurs, les ruses de la dissimulation s'organisent, les secrets nécessaires prolifèrent, malgré l'oppression et les sujétions de chaque instant. Sans elles, l'homme privé n'existe pas. Jouissance et « disposition de soi » interdites, le détenu ne peut guère s'engager ou se perdre, s'identifier ou promettre, se ressaisir ou se rallier à un désir, une idée ou une cause. Replié ainsi sur chacun de ces instants qu'on lui dérobe, il ne reste plus à l'homme amputé de soi que quelques occasions à soustraire des coulisses. La sauvegarde de la société se gagne lorsque l'homme privé, son fort intérieur, sa grandeur d'âme ainsi que la mesure et l'ordre de ses actes et de ses paroles sont libres et protégés100(*). Essentiellement opérationnelles, les intimités infusent dans l'institution un peu de leurs propres fins, une réflexivité stratégique ou une rétrospective personnelle favorable, s'approprient même ponctuellement une marge de jeu, luttent pour arracher un bref moment secret, sauvegardent un geste du regard, ou protègent, ne serait-ce qu'un instant, la confidence d'un échange. Se glissent aussi des changements dans la façon dont les individus sont amenés à prêter sens à leurs conduites, à leurs devoirs, à leurs plaisirs et à leur résistance. La bataille est sur chaque instant, fragile et menacée, toujours minée et négociée avec le personnel pénitentiaire. Mais le détenu comprendra vite, devant l'étalage des morceaux de son intimité, qu'en prison l'usuelle distinction entre ce qui relève du privé et du public n'a plus cours101(*) .

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe