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Décentralisation et mise en Å“uvre des stratégies de développement local: analyse du système de gouvernance territoriale du cas de Croix-des-Bouquets

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par Edy FILS-AIME
Université d'état d'Haà¯ti département des sciences du développement - Maitrise en sciences du développement 2012
  

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B. PRODUIT DE LA DOMINATION ET DE LA DEPENDANCE

Adoptant une visée critique par rapport au paradigme évolutionniste, le paradigme marxiste réunit un éventail de penseurs, les dependistas, qui s'accordent, dans des perspectives diversifiées, pour mettre en évidence les échanges inégaux prédominant dans les relations entre les pays riches et les pays pauvres.

instruments stratégiques de la production de la pauvreté et du développement du sousdéveloppement du tiers-monde.

Selon Pierre Jalée13, la dépendance politique et militaire du tiers monde aurait été principalement établie lors de la colonisation. Cette dépendance militaire et politique devait favoriser la dépendance économique. Aujourd'hui encore plus que jamais les survivances de la colonisation participeraient de la subordination du tiers monde par rapport au centre dominant. Cette subordination se manifesterait sous les formes de:

o La dépendance économique : Elle se manifesterait d'abord au niveau des échanges. Par exemple en 1969, le tiers monde et les pays du centre auraient échangé des marchandises valant 40 milliards dollars qui auraient représenté trois quarts du commerce extérieur total du premier et environs un cinquième du commerce extérieur du second. Ceci expliquerait dans ce cas précis que les pays du tiers monde seraient près de quatre fois dépendants des pays du centre14. Cette inégalité de forces constatées aurait pour effet une aggravation de la pauvreté des pays du tiers monde.

o La dépendance commerciale : Elle s'expliquerait notamment par le fait que les pays du centre auraient la possibilité d'offrir dans le cadre de l'échange international une gamme variée de produits, tandis que les pays tiersmondistes n'offriraient qu'un nombre de produits considérablement limités. Ainsi la production des principaux secteurs de l'économie d'un pays tiers mondiste se trouverait t-elle dominée par des facteurs externes qui influeraient négativement sur la rentabilité.

13 Jalee, P., Le Pillage du tiers monde, 1973, FM/petite collection maspero, Paris

14 Idem

o La dépendance financière : celle-ci serait étroitement imbriquée avec la dépendance économique, elles se conditionneraient mutuellement. Toutes les ponctions surtout commerciales effectuées par les pays capitalistes sur les économies du tiers-monde se répercuteraient sur les finances, particulièrement les finances extérieures des pays du tiers-monde. Si ces derniers se limitaient à leurs propres ressources, ils connaîtraient la catastrophe au plan économique et financier 15 . D'où la nécessité de l'aide internationale publique. Ainsi s'expliquerait t-il une dépendance fondamentale.

Une fraction importante des recettes d'exportation- qui appartiendraient en principe aux pays du Sud- serait récupérée par les pays impérialistes. Par exemple, les transports maritimes entraîneraient un prélèvement considérable des recettes des pays périphériques. L'exploitation s'opèrerait également par le rapatriement au centre des profits réalisés dans la périphérie où très peu des ces profits seraient réinvestis16.

Analysant le système de la subordination des pays du Sud à ceux du Nord, Albertini, J.-

M 17 a conclu que la dépendance et l'exploitation entraîneraient pour le tiers-monde des conséquences structurales au plan économique, politique, social et culturel:

o Au plan économique, la dépendance et l'exploitation auraient provoqué la déformation, le déséquilibre, et la déstructuration de l'économie. L'impérialisme en fonction de la période et des besoins ne ferait qu'exploiter une ou deux potentialités d'un pays périphérique au détriment d'autres qui ne répondraient pas à leurs besoins. Par voie de conséquence, l'économie des pays du Sud deviendrait déséquilibrée avec des secteurs modernisés,

15 ibidem

16 ibidem

17 Albertini, J.-M, les mécanismes du sous-développement, les éditions ouvrières, Paris, 1972, p.52

technologiquement très poussés avec de haut niveau de productivité, et d'autres secteurs archaïques avec des niveaux de productivité extrêmement bas. Les secteurs de l'économie ne seraient donc pas intégrés. Ceci empêcherait la réalisation simultanée du plein emploi du capital et de la main d'oeuvre. Il serait souventefois constaté un problème de structure caractérisé à la fois par un dualisme territorial (des régions économiquement développées et d'autres ayant des conditions proches de la misère) et un dualisme fonctionnel (des secteurs produisant exclusivement pour l'extérieur sans prendre en compte les besoins nationaux, des industries locales transformant des matières premières importées, etc.).

o Au plan politique et socioculturel, la dépendance et la domination- mettant en contact des hommes, des rapports économiques inégaux- suscitent inévitablement un complexe d'infériorité culturelle. En termes d'influence, les sociétés industrielles perturberaient gravement le mode d'organisation sociale des pays du tiers-monde dont le social s'appuierait sur un mode d'économie traditionnelle. Il arriverait presque toujours que la modernisation d'une économie tiers-mondiste s'amorce en parfaite inadéquation avec l'organisation sociale et les normes culturelles. La dépendance et domination politique des sociétés du tiers-monde s'expliqueraient avant tout par le colonialisme par lequel

`' Les colonisateurs tente de modeler les esprits et les institutions indigènes afin de rendre les populations locales semblables aux populations métropolitaines. Mais en même temps, il les maintient dans un état d'infériorité ; l'assimilation n'est jamais voulue.''18

Les séquelles, les traumatismes et l'automatisme de la colonisation ne seraient pas tout à fait disparus. Ils favoriseraient l'acceptation de l'idée selon laquelle les pays du tiers-monde ne seraient pas capables d'orienter le développement de leurs sociétés. Ainsi beaucoup de dirigeants tiers-mondistes laisseraient t-ils le champ libre aux instances internationales pour déléguer auprès de leurs ministres et/ou directeurs généraux des assistants techniques qui exerceraient le plus souvent la substance du pouvoir. L'assistance technique prendrait souvent la forme d'une `'mise sous tutelle» qui tuerait tout dynamisme endogène.

A la recherche d'une solution au sous-développement, Raúl Prebisch soutient que l'enrichissement des pays riches serait inversement proportionnel à celui des pays pauvres19, il serait donc impossible que les pays périphériques se développent au même temps que les pays du centre. Samir Amin, étant hostile à tout évolutionnisme, suppose que l'aide internationale ne pouvant déboucherait sur le développement ne ferait qu'éviter dans une certaine mesure que le sous-développement ne soit explosif. Selon lui, les pays du centre ne reflèteraient pas l'image de ce que seraient demain les pays périphériques, donc l'enjeu pour le tiers-monde ne serait pas `'le rattrapage» comme prescrit par le courant évolutionniste, mais plutôt l'édification d'une autre société en pratiquant une déconnexion comprise comme la soumission des rapports extérieurs à la logique du développement interne ou endogène.

L'idée du développement endogène a été lancée comme un nouveau discours qui intègrerait `'la culture comme fondement, dimension et finalité essentielles du développement. `'20 Le développement endogène se caractériserait par : (i) une attitude culturelle négative à travers le rejet des valeurs de la modernisation (industrialisation, schéma unique de

19 BELHEDI, A., PROBLEMATIQUE DE L'ESPACE LOCAL: Développement et aménagement de l'espace local, pp: 69 - 84, in "L'espace local. Développement et aménagement", Actes du VII° Colloque de Géographie Magrébine, mars 1996, Association des Géographes Tunisiens (AGT).

20 Tri, C. H. et all, Développement endogène : aspects, qualitatifs et facteurs stratégiques, Unesco, Parsi, 1988

développement, etc.), (ii) la critique de la notion capitalistique des besoins, (iii) le refus de confondre industrie et développement, (iv) et la promotion d'une vision qualitative du développement.

Le développement ne devrait pas être l'imitation servile de la trajectoire des peuples dits développés, mais de préférence le produit de la créativité, du génie globalement exercé d'un peuple. Le développement devrait résulter de la valorisation des ressources internes, de la répartition équitable des tâches et des bénéfices. Ce serait le lieu de la dignité reconquise de chaque être humain en puisant en lui et dans les formes de pensées et d'action propres aux nationaux pour s'enrichir et enrichir la culture humaine.

`'Chaque société doit vivre sa propre modernité à travers ses propres innovations multiples, multiformes et multidimensionnelles aussi bien dans les domaines technologique que social, culturel et idéologique par l'adoption des voies originales et diversifiés dans le développement»21.

Samir Amin propose de développer des actions systématiques en vue de construire un monde polycentrique capable d'ouvrir des espaces d'autonomie au progrès d'un socialisme mondial afin de transiter vers un au-delà du néoliberalisme22.

Convaincu que le développement du sous-développement tirerait son origine dans la structure même du système mondial capitaliste dominant, Andre Gunder Franck a conclu pour

21 Unesco, doc.115 /EX/SP/RAP 1, p. 60.

22 Amin Samir, Le Développement inégal- Essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique, Editions de Minuit, Paris, 1973

sa part que la seule issue possible au problème du sous-développement serait une révolution socialiste, à la fois nécessaire et possible23.

Face aux critiques du paradigme marxiste, les tenants de l'approche évolutionniste du développement rétorquent que leur approche ne recouperait point l'explication marxiste du développement. Selon eux, les étapes de la croissance de Rostow ne seraient que décalées par rapport à celles de Marx qui seraient: le féodalisme, le capitalisme, le socialisme et le communisme.

Quant à la thèse selon laquelle le sous-développement résulterait d'une situation de dépendance, l`explication marxiste serait sans fondement réel selon les évolutionnistes. Car l'évolution à travers l'histoire ne se serait jamais faite à un rythme égal. Certains pays prendraient de l'avance pour être rejoints plus tard par d'autres sur la voie du développement. C'est dire que chaque pays connaîtrait à un moment donné une relative dépendance par rapport d'autres. Le sous-développement ne résulterait point de la dépendance, il ne serait que la preuve d'un certain retard de croissance qui peut donner une impression de dépendance et de vulnérabilité aux pays moins avancés. En plus et plus fortement, les tenants de l'approche évolutionniste affirment que l'histoire du développement ne ferait que contredire les théories marxistes selon lesquelles les nations arriérées devraient refuser la coopération internationale sous prétexte d'éviter les méfaits du capital étranger.

Il a été permis de voir que le paradigme évolutionniste et le paradigme marxiste du développement s'inscrivent tous deux dans les théories de la sociologie du changement social. Étant des théories du progrès, elles promeuvent le même modèle culturel des sociétés industrielles, elles se révèlent de la même idéologie du développement que les sociétés développées ont produite pour donner sens à leurs pratiques de développement. Les deux approches ont laissé la notion du développement imprécise tant sur son origine que sur sa compréhension. L'approche évolutionniste, présentant le développement à la fois comme une

23 Frank, A., Gunder; Dependent Accmulation and Underdevelopment, Editions MacMilan, Londres, 1978

avance naturelle et comme un niveau de culture, a nourri un ensemble de contradictions : Si le développement est un processus naturel, pourquoi les pays qui seraient en retard devraient-ils subir une accélération à la fois externe et artificielle? Ne serait-il pas contre-nature que de vouloir acculturer l'autre sous prétexte d'accélérer son développement? Cette accélération du développement en vaudrait-il la peine? A cette interrogation, Paul Bairoch répond :

`'Non, le développement rapide n'est pas inéluctable, il constitue une option dont il faut peser soigneusement l'actif et le passif.»24

L'auteur a ainsi répondu en considérant :

» le caractère effroyable du rouleau compresseur que constitue le processus du développement économique accéléré, ... la masse de souffrances qu'a entraînée en Occident la révolution industrielle, .... [que] l'harmonie de tant de sociétés risque en effet de se trouver complètement détruite et des traditions (folklore et art de vivre) irrémédiablement perdues.25

Toutefois, peu de contradictions de l'approche évolutionniste sont résolues par l'approche marxiste. Cette dernière a même renforcé certaines des contradictions: ethnocentrisme, linéarisme, holisme, etc. L'approche marxiste n'évalue la situation des pays du Sud qu'en référence aux standards du Nord, et elle tente de généraliser son explication du sousdéveloppement en mettant tous les pays sous-développés dans une même et unique catégorie, sans considérer leurs profondes disparités socioéconomiques et culturelles. Le développement endogène- comme alternative proposée à la modernisation- ne constitue pas en soi un modèle cohérent. Il se pressente de préférence comme un ensemble d'idées à la fois radicalement revendicatives et inatteignables dans le concret.

24 Bairoch, P., Le tiers-monde dans l'impasse, Editions Gallimard, 1983, p. 69

25 Idem

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe