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Décentralisation et mise en Å“uvre des stratégies de développement local: analyse du système de gouvernance territoriale du cas de Croix-des-Bouquets

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par Edy FILS-AIME
Université d'état d'Haà¯ti département des sciences du développement - Maitrise en sciences du développement 2012
  

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C. CONSEQUENCE DE L'EXPANSION D'UN SYSTEME-MONDE

Inscrit dans une perspective critique par rapport au paradigme évolutionniste et au paradigme marxiste du développement, les tenants du paradigme historico-systémique- reconnus comme des néo-marxistes pour la plupart- se proposent de dépasser le bipolarisme (centre/périphérique ou avancé/retardé) en soutenant que la notion du développement comme synonyme de `'progrès», serait le produit de l'histoire moderne ou de la modernisation.

Les historiens systémiques recourent au concept système-monde pour tenter de démontrer que le sous-développement des pays du Sud serait dû à leur place dans la structure de l'ordre économique international. Pour cela, ils démontrent la formation du système-monde occidentale qui aurait connu trois (3) phases de la mondialisation26 dans son développement :

(i) La mondialisation mercantiliste (1494-1763)

Les grands voyages maritimes et découvertes- de Bartolomeu Dias en Afrique en 1488
·
; de Christophe Colomb en Amérique en 1492? ; de Vasco de Gama vers les Indes en 1498?- ont permis à l'Europe de mondialiser son empire commercial à la fin du 15eme siècle. Les découvertes des nouvelles routes intercontinentales ont non seulement abouti au désenclavement des continents, mais aussi ont donné accès à un éventail de biens rares

Le concept du système-monde, tiré du concept d'économie-monde de Fernand Braudel, a été développé par Immanuel Wallerstein, Giovanni Arrighi et Samir Amin.

26 Gélinas, Jacques; La globalisation du monde, Ecosociété, Québec, 2000, p. 22-51


· En février 1488, Bartolomeu Dias fait escale avec ses caravelles dans l'océan Indien, à 370 km à l'est de la pointe de l'Afrique. En rentrant à Lisbonne, auprès du roi Jean II, Dias, le portugais, prouve qu'il est possible de contourner le continent africain par le sud pour gagner l'océan Indien et l'Asie des épices. Pour le petit royaume du Portugal, c'est la promesse d'une gloire immense et de richesses infinies. Pour l'Europe tout entière, c'est le début d'une expansion qui va la conduire en quatre siècles de domination sur le monde.

? Christophe Colomb la première personne de l'histoire moderne à traverser l'océan Atlantique en découvrant une route aller-retour entre le continent américain et l'Europe.

et exotiques. Cette période se caractériserait par l'enrichissement rapide des classes marchandes et des pouvoirs publics de l'époque. Ces derniers auraient financièrement et techniquement assisté les marchands, les navigateur-aventuriers, voire les pirates afin de s'attribuer en retour les plus grandes des bénéfices sous des formes de taxes peu transparentes.

Cette période qualifiée d'accumulation primitive et mercantiliste aurait fait le bonheur des pays d'Europe- notamment l'Espagne et le Portugal- qui devenant des puissances financières et commerciales, formeraient l'épicentre, le centre nerveux de la mondialisation mercantiliste qui continuerait à se développer au fil des siècles. Cette mondialisation- atteinte sous fond de violences, de pirateries, et d'exterminations systématiques des peuples- aurait favorisé : a) l'émergence de nouveaux fabricants parmi les marchands nouvellement riches et les premières grandes manufactures à haute intensité de main d'oeuvre ; b) une avance technologique, le développement d'un haut niveau de productivité dans le domaine de l'agriculture ; c) la formation d'un embryon de marché intérieur qui serait déjà une économie-monde
·
conduisant progressivement à l'éclatement du protectionnisme économique et sociale d'alors.

(ii) La mondialisation capitaliste (1763-1883)

Des auteurs définissent le 18eme siècle comme le siècle de la révolution industrielle27 pour signifier l'apparition en Angleterre d'une série d'inventions techniques qui changeront les conditions de la production dans les principales branches de

Des populations autochtones, par exemple, les Tainos et les Arawaks ont été exterminées par les espagnoles qui, pour continuer leur exploitation, font venir à Hispaniola (aujourd'hui Rép. Dominicaine et Haïti) à partir de 1503 des nègres d'Afrique traqués et vendus.

Révolution industrielle, expression créée par Adolphe Blanqui et dont l'utilisation scientifique est contestée par Fernand Braudel qui note le caractère brutal qu'impliquerait l'expression « Révolution Industrielle . Sselon Braudel, il conviendrait mieux de parler d'industrialisation, terme mettant en avant une idée de processus plus progressif.

l'industrie. La révolution industrielle traduit en principe le passage d'une société à dominante agricole et artisanale à une société commerciale et industrielle sous la base d'une idéologie technicienne et rationaliste. Contrairement aux idées reçues d'un Raymond Barre28 selon lesquelles les inventions techniques seraient à la base du progrès économique de l'époque, Paul Bairoch avance que :

`' L'examen des faits démontre assez clairement que ce sont des facteurs économiques, et notamment l'aiguillon d'un accroissement sensible de la production, qui ont permis l'utilisation, sinon l'invention de machines ou procédés nouveaux de travail»29.

Cependant, Bairoch reconnait que les inventions ont aidé à la continuation des progrès en jouant le rôle de briseur de goulots d'étranglement30 jusqu'à l'émergence d'un système de production nouveau (appelé capitalisme), basé sur l'abondance des capitaux et la nouvelle organisation du travail. Contrairement au mercantilisme dépendant toujours des aléas externes pour ses ressources, le capitalisme s'appuie sur une dynamique interne dont l'essence consiste en une transformation permanente du capital en production et de la production en capital de manière illimitée31.

La position de Bairoch permet de soutenir l'idée selon laquelle l'économie-monde dont le coeur bat en Angleterre continue à se développer, dans sa deuxième phase, à partir de deux schémas d'échanges : a) l'échange dit concurrentiel entre les marchands des métropoles européennes en plaine industrialisation, et b) l'échange dit inégal entre les

28 Barre, R., Economie Politique, manuel Thémis, vol 1, Paris 1956

29 Bairoch, P., révolution industrielle et sous-développement, Ed, école de hautes études en sciences sociales, France, 1984, p 19.

30 idem

31 Gélinas, Jacques; La globalisation du monde, Ecosociété, Québec, 2000, p. 22-51

métropoles et leurs colonies ou anciennes colonies. Le deuxième type d'échanges renfermerait les germes du sous-développement32 .

L'échange inégal serait possible, selon l'historien Fernand Braudel33, du fait que les marchands métropolitains détiennent trois (3) avantages sur ses vis-à-vis des colonies. Premièrement, le mécanisme de l'échange n'est pas transparent aux gens des colonies. Ces derniers sont pratiquement sans informations, sans connaissances sur la valeur de ce qu'ils échangent. C'est au marchand capitaliste de fixer les prix et les produits à exploiter ; deuxièmement, les interlocuteurs des colonies sont pauvres en capitaux, ils ont aucun moyen de stockage ni de transport ; en fin, contrairement aux marchands capitalistes dont les pouvoirs publics se font des alliés politiques impliqués, les gens des colonies n'ont aucun pouvoir politique ni pour les protéger ni pour financer leurs entreprises.

C'est dans ce contexte, que l'industrie britannique s'imposerait sur les marchés mondiaux. Accumulant d'important excédent commercial à partir des colonies, l'Angleterre se fait championne du libre-échange et impose donc la libéralisation du commerce à l'échelle planétaire. Cette deuxième phase de la mondialisation permet de poser les bases de la division internationale du travail.

(iii) La mondialisation multi nationaliste (1883-1980)

La deuxième révolution industrielle est marquée essentiellement par le boom de l'acier, le décollage de l'industrie chimique, l'irruption du pétrole et de l'électricité. L'économie entame un cycle de croissance jusqu'alors inimaginable, mais ce boom en

32 idem

33 F. Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris, Editions Artaud, 1985

avant est dominé par les entreprises multinationales et les trust
· qui vont se donner les moyens pour amasser des fortunes colossales non seulement au niveau continental, mais aussi et surtout au niveau mondiale. La Standard Oil la première firme multinationale dès sa création ne manquera de susciter la création d'autres firmes de même genre et d'influencer l'expansion et la direction de l'économie-monde capitaliste déjà en pleine mutation :

`'L'année 1883 marque la création de la première multinationale, le Standard Oil Trust de John D. Rockefeller. A partir de cette date, la mondialisation connait un troisième déploiement avec l'émergence du Big Business américain qui ouvre l'ère de la multinationalisation des entreprises.''34

Cette période- où le coeur de l'économie-monde bat désormais aux Etats-Unis d'Amérique comme première puissance industrielle, même si la grande Bretagne demeure la puissance commerciale- se caractériserait par :

Une entreprise multinationale est en principe une entreprise de grande taille, qui a implanté à l'étranger à partir d'une base nationale, plusieurs filiales dans plusieurs pays, avec une stratégie et une organisation conçue à l'échelle mondiale.


· http://fr.wikipedia.org/wiki/Trust_(economie): `'Un trust est une grande entreprise qui a racheté d'autres plus petites entreprises afin de limiter la concurrence et gagner de l'ampleur au sein du marché... Le plus gros producteur dicte sa loi aux autres membres de l'industrie et règne sur les maillons fractionnés situés en amont et en aval de la chaîne. Si l'un d'entre eux résiste, le volume de ses affaires diminue rapidement jusqu'à l'évincer totalement du marché afin qu'il se fasse racheter pour une bouchée de pain par celui-là même qui l'avait conduit à la perte...Parce qu'il contrôle le marché concerné depuis l'exploitation de sa matière première, jusqu'au stockage et à la distribution du produit fini en passant par l'outil de transformation, le trust peut forcer le prix de vente à la baisse jusqu'en dessous du coût de production et aussi longtemps que nécessaire. Si la vente de ses produits à perte ne met pas nécessairement en danger le capital financier d'un trust, elle conduit rapidement les concurrents individuels à la faillite par la fuite de leurs clients, la perte des marchés puis de leur outil de production... Le trust est différent du cartel, où plusieurs petites entreprises s'associent afin de gagner du pouvoir de marché, de manière à générer plus de profit».

`'Une recherche constante de l'innovation et par l'organisation scientifique du travail dans le but d'utiliser au mieux la combinaison capital-travail''35.

En 1914, un nombre important d'entreprise États-unisiennes disposent déjà des filiales de production dans beaucoup d'autres pays. Et les entreprises européennes mettent en place des filiales dans les colonies ou néo-colonies. Toutes ces entreprises se lancent à la recherche d'un accès direct aux matières premières. Les colonies étant transformées en pays consommateurs voient l'implémentation chez elles qui produisent directement les biens qu'elles consomment. Ainsi les multinationales évitent les tarifs douaniers à l'importation, sans compter la main d'oeuvre à coûts très faibles dont elles bénéficient.

Après la seconde guerre mondiale, les américains qui lient les causes de la guerre au dysfonctionnement de l'économie internationale s'affirment comme seuls capables d'assumer le leadership dont l'économie mondiale a besoin pour se relever et prospérer. L'élite américaine considère trois (3) axes vitaux pour la nation étoilée :

(a) Libre accès aux matières premières du monde entier ;

(b) Libre accès aux marchés extérieurs du monde entier;

(c) Libre circulation de capitaux en vue d'investir facilement dans le monde entier.

Par cette position des États-Unis, c'est la fin des empires européens, plus de zones réservés aux puissances coloniales de l'Europe. Tous les pays sont sommés d'accepter les axes du credo américain. L'économie-monde, tout en développant avec plus de dynamisme, part définitivement de Londres vers Washington et New York.

En 1944 à Breton Woods, le président américain, Delano Roosevelt, établit un ordre économique mondial axé sur le libre-échange, la libre concurrence et la libre entreprise avec le dollar comme la nouvelle et l'unique monnaie du nouveau ordre économique international ; et du même coup trois (3) institutions sont créées pour superviser la mise en oeuvre du nouvel ordre économique établit : le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale (BM), et General Agreement on Tariffs and Trade (GATT).

(iv) La globalisation de la mondialisation à partir de 1980

Dans les années 80, la majorité des multinationales des Etats-Unis se sont transformées en compagnies transnationales. Par cette transformation, ces entreprises traduisent clairement leur volonté de supplanter les États-Nations. Elles transcendent les frontières étatiques et règnent en maitres au-dessus des pays en développement. Les pays développés étant frappés d'impuissance, se mettent à supprimer les législations contraignantes sur les prix, à créer l'environnement dont a besoin la machine de l'accumulation du capital qui réclame toujours davantage de franchises. C'est la privatisation et libéralisation complètes du commerce. En plus de la primauté du principe laisser-faire, les méga-entreprises établissent le principe forcer-à-faire. Les État-Nations sont mis sous pression, voire sous coupe réglé. Devant cet affaissement des pouvoirs politiques la mondialisation- que les pouvoirs publics contrôlaient jusque-là- change de nature et comprend mieux sous un nouveau concept la globalisation afin de prendre en compte les nouvelles dimensions planétaires et globalisantes. La référence pour situer l'économiemonde, qui est désormais tout un système-monde, n'est plus une nation ni une espace géographique défini, mais la planète toute entière sans frontières géopolitiques.

L'économiste Theodore Levitt a été le premier à utiliser le terme «globalisation» dans un article de la Harvard Business Review en 1983.

Relatant une réalité socio-économique et politique du jamais vue dans toute l'histoire humaine, la notion de globalisation ne renvoie point pour autant à une acception précise. Elle est à la fois comme un système, un processus, un alibi, une mythologie et une idéologie36 :

(a) La globalisation comme système : c'est le management stratégique de la planète avec tout qu'elle contient comme matériel et immatériel par des intérêts économiques tout puissants, supra-étatiques, concentrés, et défendus par une élite ultra-réduite dont l'ambition est de transformer le monde entier en un unique marché où tout (santé, éducation, air, sol, loisirs, vie humaine, etc.) est marchandise.

(b) La globalisation comme processus : vu qu'il est y a beaucoup de pays tiers-mondistes, pour la plupart, qui tardent à emboiter le pas. La globalisation constitue en ce sens un processus d'intégration des pays retardataires et des secteurs de la vie humaine dans la logique globale de l'expansion planétaire.

(c) La globalisation comme mythologie moderne : les tenants de la globalisation la présente toujours comme la victoire des vedettes du capitalisme sur le sous-développement, le communisme, et l'État social protectionniste qui sont vues comme des facteurs ou des périodes diaboliques de l'histoire humaine.

(d) La globalisation comme alibi et idéologie : la globalisation de la mondialisation est présentée comme évolution naturelle, inévitable et

36 Gélinas, Jacques; La globalisation du monde, Ecosociété, Québec, 2000, p. 43-51

irréversible devant laquelle personne n'ait le choix. La globalisation est un discours sur le monde, une rationalisation d'un ensemble de croyances, de convictions et d'idées pour tenter de convaincre les populations afin de se faire passer comme voie unique de salut qui soit légitime et digne pour un monde meilleure. L'idéologie de la globalisation pousse les principes du néolibéralisme à ses limites extrêmes.

Vu sous l'angle critique, le paradigme historico-systémique n'aura pas dépassé strictement le bipolarisme des deux paradigmes précédent. Cette tendance à mettre le développement d'un coté, et le sous-développement de l'autre se reproduit subtilement dans l'explication de l'économie-monde ou du système-monde. Cependant, pour Braudel et Wallerstein, il n'aurait pas un centre et une périphérie systématiquement tranchés, mais la réalité serait un continuum allant du développement au sous-développement. Tout comme les évolutionnistes et les dependistas, les historiens systémiques n'ont pas pu échapper à la téléologie rétroactive du développement 37 qui n'explique le sous-développement que rétrospectivement, ni n'ont t-ils pu expliquer le développement en dehors d'une domination hégémonique. Toutefois, le paradigme historico-systémique, notamment avec Braudel, aura le mérite de mettre l'accent sur l'existence ou la possibilité de co-existence de plusieurs économies-mondes. Contrairement donc au paradigme évolutionniste, la culture des pays avancés ne représenterait pas la seule alternative possible pour le développement.

Somme toute, les historiens systémiques du développement ont permis de retracer le parcours, les stratégies, et subterfuges ayant abouti à la globalisation vue comme progrès ou comme développement. Dans le cadre des dernières mouvances politico-idéologiques, le degré de développement d'un pays se calcule désormais par rapport à son degré d'ouverture et d'intégration dans le processus du libre échange, de la libre concurrence et de la privatisation, etc. Le processus de la globalisation- qui ne jure que par la déterritorialisation des pays riches ou

37 Wolfgang, S. et all, Des ruines du développement, Montréal, Ecosociété, 1996

pauvres, la déséconomie des moins intégrés ou des plus faibles- présente le monde comme un vaste espace homogène sans histoires, sans identités. Le globalisation entend détruire tout lien entre habitants et territoires au nom d'un vaste `'marché de marchandisation», sorte de `'territoire virtuel global» où seulement les plus puissants se reconnaissent. Cet initiative n'a pas manqué de créer des résistances visant à rattacher les liens entre populations et sociétés en essayant de reterritorialiser les espaces déshumanisés et déséconomisés.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984