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Environnement des affaires et relance économique post-crise en Côte d'Ivoire

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par Mathias Yao KOUADIO
Université d'Auvergne - CEFEB - Matser Economie et Développement Internation - Maà®trise d'Ouvrage Publique et Privée 2011
  

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I.1.3. Analyse de la capacité d'appropriation privée

La faiblesse de la capacité d'appropriation privée peut tirer ses sources des déficiences des politiques publiques (elles-mêmes imputables à des hauts risques macro et microéconomiques) et des défaillances du marché en raison de la présence d'externalités d'information et de coordination. Ces différents facteurs seront analysés dans les lignes suivantes.

a) Des incertitudes sur la stabiité des politiques macroéconomiques constituent-elles des contraintes à la croissance en Côte d'Ivoire ?

L'examen du cadrage macroéconomique 1995-2009 a mis en lumière de graves déséquilibres au niveau des comptes macroéconomiques au lendemain de la crise militaropolitique en Côte d'Ivoire. Outre la faiblesse de la croissance économique enregistrée sur la période, ceux-ci ont porté généralement sur des déficits budgétaires et un endettement public insoutenables ayant exacerbé les tensions de trésorerie de l'Etat et provoqué l'accumulation d'importants arriérés de paiement intérieurs et extérieurs.

En tant que membre de l'UEMOA, la Côte d'Ivoire bénéficie d'un régime de change fixe de par l'arrimage du FCFA à l'euro. Dans ce cadre et conformément à la norme communautaire en vigueur, elle a pu contenir l'inflation à moins de 3% au cours des dernières années. Le respect de cet objectif principal de la politique monétaire de l'UEMOA a été jugé positif par la majorité des dirigeants d'entreprises interrogés lors de l'enquête du GTN de mars 2009. En revanche, l'instabilité du taux de change euro/dollar marquée par un euro fort sur la période a été perçue comme un facteur négatif sur la rentabilité des entreprises.

Quant à la politique fiscale, elle est restée globalement stable au cours de la dernière décennie : le taux de pression fiscale a été stabilisé autour de 15,5% depuis 2000, en baisse d'un point par rapport à son niveau moyen d'avant la crise. Par ailleurs, le taux marginal d'imposition maximal pour les entreprises qui était fixé à 35% jusqu'en 2007 a été revu à la baisse à 25% comme au Ghana, alors qu'il est de 38,5% au Cameroun et de 35% au Sénégal. Dès lors, comparée aux pays tels que le Ghana, le Cameroun et le Sénégal, la pression fiscale en Côte d'Ivoire s'avère acceptable et ne devrait pas constituer un obstacle majeur à la croissance.

Le déficit budgétaire et l'endettement public insoutenables sur toute la période de crise sont incontestablement les principales variables d'instabilité du cadre macroéconomique. En réalité, de nouvelles charges liées à la gestion de la crise ont fait leur apparition dans le budget de l'Etat. D'importantes ressources consacrées à ces opérations ont créé, dans un contexte de contraction des recettes publiques notamment extérieures, de vives tensions de trésorerie avec pour conséquences l'irrégularité enregistrée dans le paiement des fournisseurs de l'Etat et l'accumulation d'importants d'arriérés de paiement.

Ces graves déséquilibres budgétaires sont préjudiciables au secteur privé parce qu'ayant annihilé les efforts de plusieurs opérateurs économiques et entrainé, le cas échéant, l'arrêt définitif de leurs activités. Ils constituent donc une sérieuse contrainte à la croissance économique.

b) Des hauts risques microéconomiques constituent-ils des contraintes à la croissance en Côte d'Ivoire ?

L'analyse des indicateurs du Doing Business effectuée en fin de première partie a suggéré l'éventualité de risques microéconomiques qui entraveraient la pratique des affaires en Côte d'Ivoire. L'accent sera mis ici sur la gouvernance politique et économique c'est-à-dire les facteurs de stabilité sociopolitique, les pesanteurs bureaucratiques, la primauté du droit et des règles en vigueur, l'informalité et la fiscalité, la corruption, la sécurité et la criminalité.

La crise sociopolitique qui prévaut depuis fin 1999 constitue le plus gros choc de l'histoire de la Côte d'Ivoire indépendante. Contrairement à beaucoup de pays africains qui ont consolidé leur processus démocratique à l'orée du 21ème siècle, cette crise a instaurée durablement une instabilité sociopolitique en Côte d'Ivoire. Selon l'enquête du GTN et celle de la Banque Mondiale réalisée sur le secteur privé14 en 2009, l'instabilité sociopolitique au cours des dernières années a été perçue par les dirigeants d'entreprises comme l'une des principales contraintes à l'initiative privée en Côte d'Ivoire, en raison du risque pays et politique très élevé. Cette grave crise a consacré la faiblesse et la fragilité des institutions du pays comme l'attestent les données de la Banque Mondiale sur la qualité de la gouvernance et des institutions. L'examen du tableau 6 montre en effet que la qualité de la gouvernance et des institutions s'est globalement dégradée depuis le déclenchement de la crise en Côte d'Ivoire, les scores enregistrés par le pays étant des plus bas en Afrique voire au monde.

Tableau 6 : Qualité de la gouvernance et des institutions en Afrique Subsaharienne

Pays (0 =faible et 6 = élevé)

2005

2006

2007

2008

2009

Côte d'Ivoire

2,5

2,5

2,4

2,5

2,6

Ghana

3,7

3,9

3,9

3,9

3,8

Cameroun

3,1

3,0

3,0

2,9

2,9

Nigéria

2,8

2,9

2,9

2,9

2,9

Sénégal

3,6

3,6

3,5

3,4

3,4

Source : Banque Mondiale

L'étude diagnostique sur la méthodologie d'élaboration d'un Plan National de Bonne Gouvernance et de Lutte contre la Corruption pour la période 2010-201415 a mis en évidence les larges pouvoirs de l'Exécutif en Côte d'Ivoire, ce qui limite la séparation réelle des pouvoirs vis-à-vis du Législatif et du Judiciaire. Aussi, les modalités d'accès aux fonctions de Magistrat et de leur promotion ne permettent-elles pas de garantir leur indépendance. Ce corps de hauts fonctionnaires est en outre affecté par une forte corruption, tout comme celui des forces de défense et de sécurité ainsi que bien d'autres corps de métier de l'Administration publique.

14 Les résultats détaillés de cette enquête dénommée « Enterprise surveys » sont disponibles sur le site http://www.enterprisesurveys.org/ mis à disposition des utilisateurs par la Banque Mondiale.

15 Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire, Plan National de Bonne Gouvernance et de Lutte contre la Corruption 2010-2014, Rapport provisoire, décembre 2009.

La corruption s'est amplifiée de façon endémique sous plusieurs formes au cours de la dernière décennie. En effet, la privatisation informelle est devenue une gangrène qui mine la plupart des services publics au sein desquels le recours à des intermédiaires ou tierces personnes semble devenu la règle. Les pesanteurs bureaucratiques qui caractérisent ainsi ces services occasionnent des surcoûts importants pour les entreprises16 et rendent inefficace l'Administration publique ivoirienne. Cela est confirmé par l'indice de perception de la corruption de la Banque Mondiale qui situe la Côte d'Ivoire ces dernières années dans le denier quart des pays africains avec un score voisin de 2 (Annexe 15).

Par ailleurs, la prolifération et la circulation illicite d'armes légères et de petits calibres, dans le contexte de crises socio-politiques répétées, ont augmenté de façon drastique l'insécurité des personnes et des biens ainsi que l'insécurité transfrontalière (porosité des frontières). Selon la Banque Mondiale, les pertes des entreprises attribuables aux vols, vandalismes et incendies criminels se chiffrent à 3,4% des pertes de totales de chiffre d'affaire en 2009.

L'affaiblissement et la déliquescence de l'autorité de l'Etat se sont également aggravés au cours de ces années par divers actes d'insubordination et de défiance portant notamment sur l'inapplication et le non respect des lois et des textes en vigueur, et l'impunité des responsables auteurs de manquements avérés. Dans cet environnement malsain, les dirigeants d'entreprises déplorent l'incertitude du droit et l'insécurité des biens et des personnes. La pratique des affaires se heurte également à la persistance du phénomène de la fraude et de la contrebande aggravé par la porosité des frontières et la montée en puissance du secteur informel. Par ailleurs, les entreprises ont dénoncé l'obsolescence du cadre réglementaire d'appui à l'initiative privé. Pour celles-ci, le Code de 1995 et les textes régissant les activités du secteur privé sont obsolètes et gagneraient à être actualisés pour tenir compte des différentes évolutions de l'environnement des affaires.

En plus, la Côte d'Ivoire s'est engagée récemment dans le développement durable en encourageant l'adoption des politiques de la Responsabilité Sociétale d'Entreprise (RSE). Mais à ce jour, très peu d'entreprises ivoiriennes ont intégré ce concept dans leur politique managériale. De même, selon la Banque Mondiale, seulement 4,3% des entreprises ivoiriennes ont pu obtenir la certification de l'Organisation Internationale de la Normalisation (ISO) à fin 2009.

Bien que d'importantes avancées soient perceptibles en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux, le système de lutte contre la criminalité financière locale et transfrontalière semble être confronté à l'absence d'une loi sur la cybercriminalité, d'une base de données nationales sur les informations financières et de mécanismes de gel, saisie et confiscation des avoirs dans les affaires de corruption. Il importe aussi de relever que l'absence de lois et de dispositifs institutionnels spécifiques sur la corruption et l'enrichissement illicite, le caractère dérisoire et peu dissuasif de la sanction pécuniaire et pénale y afférente et l'absence de référentiel éthique dans la gestion des affaires publiques, ne permettent pas de lutter efficacement contre ces pratiques déviantes qui ont eu tendance à se développer en constituant ainsi de sérieuses entraves à la croissance économique en Côte d'Ivoire.

16 Dans son intervention lors du forum Doing Business 2010 de novembre 2009, Monsieur Jean Louis BILLON, Président de la CCI-CI a indiqué que la corruption occasionne des pertes au secteur privé évaluées entre 150 et 300 milliards de FCFA par an et exprimé ainsi la nécessité d'une action corrective urgente.

c) Des défailances du marché s'affichent-elles comme des contraintes à la croissance en Côte d'Ivoire ?

Les défaillances du marché portent sur l'existence d'externalités d'information et de coordination. Les externalités d'information proviennent du fait qu'il est difficile de créer mais facile de copier ou d'imiter. Les moyens de protection des droits de propriété sont limités en Côte d'Ivoire, notamment en termes d'instruments juridiques et organisationnels. La contrefaçon touche tous les produits et presque tous les domaines d'activité. La structure institutionnelle régissant l'exécution des droits de propriété et des contrats commerciaux, et le cadre juridique de l'activité économique en général sont déficients. L'intensité de la corruption et de l'insécurité nuit à la sécurité des contrats. Il en résulte un réel problème d'innovations et de diversification productive en Côte d'Ivoire. C'est ce que l'approche HRV baptise le problème de « l'auto-découverte » qui peut aussi faire référence en Côte d'Ivoire à l'absence de diversification des partenaires commerciaux.

En ce qui concerne la coordination, le Comité de concertation Secteur public/Secteur privé, rattaché au Cabinet du Premier Ministre et dont le secrétariat technique est assuré par le Ministère de l'Industrie et de la Promotion du Secteur Privé, n'est plus actif. Ce cadre de dialogue entre le secteur privé et l'Etat semble rompu et non opérationnel depuis sa création. Les problèmes de chaque entreprise sont réglés au cas par cas et impliquent des délais longs et très coûteux pour le secteur privé. Par ailleurs, outre quelques organisations professionnelles représentatives du secteur privé national décrites dans la première partie de l'étude, il n'existe pas de coopérations inter-entreprises dynamiques à l'image des clusters ou systèmes productifs locaux en Occident ou dans certains pays africains tels que le Sénégal, le Nigéria et le Maroc, à même d'impulser une véritable révolution copernicienne dans le monde des affaires en Côte d'Ivoire et créer ainsi des pôles de compétitivité au bénéfice de l'économie nationale. Plus grave, la partition du pays depuis 2002 induit une perte de marchés pour les entreprises nationales. L'étroitesse du marché local est rendue perceptible et contraignante par la non-effectivité de l'accès des entreprises ivoiriennes à certains marchés régionaux et sousrégionaux dans le cadre de l'UEMOA et de la CEDEAO.

En somme, les dernières années ont été marquées par la faiblesse des rendements de l'activité économique liée à des défaillances des politiques publiques et des distorsions de marché qui se sont amplifiées pour réduire la capacité d'appropriation privée en Côte d'Ivoire. Qu'en est-il du coût du financement de l'activité économique ?

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus