6.4. Intérêt de l'ensilage
La conservation par ensilage permet la récolte du
fourrage à un stade optimal assurant une meilleure valeur nutritive du
produit. D'où l'intérêt que portent les éleveurs
à ce mode de conservation depuis déjà longtemps. Il
importe donc de récolter la plante dès l'apparition des premiers
épis pour les graminées et au stade boutons floraux pour les
légumineuses, si on veut obtenir à la fois un produit de bonne
qualité et une quantité maximale d'éléments
nutritifs à l'hectare. Une fauche à ce stade permet en outre
d'obtenir des repousses plus importantes et plus précoces dans les
conditions favorables (Demarquilly, 1973).
L'ensilage présente d'autres intérêts
comme:
- intérêt agronomique (cultures nettoyante);
- intérêt fourrager (avoir des fourrages verts
à des périodes où il n'est pas possible de l'avoir); et
- intérêt économique (permet une
réduction du coût de l'unité fourragère et
améliore la production des animaux).
6.5. Principe de l'ensilage et appréciation
L'ensilage est une méthode de conservation des
fourrages à l'état humide. Son but essentiel est de conserver les
plantes avec le minimum de perte de nutriments. L'ensilage est une technique
qui repose dans la plupart des cas sur une acidification de la masse
végétale; résultant de l'activité fermentaire
d'espèces bactériennes au métabolisme lactique dominant et
qui a pour objectif de conserver les fourrages à l'état frais
avec la plus grande partie de leur valeur nutritive (Demarquilly, 1995).
6. 5.1. Phases de l'ensilage
Afin de mieux comprendre les principes de l'ensilage, on doit
examiner de plus près les différentes phases qui se passent dans
le silo et qui sont :
La respiration : Après la coupe du fourrage,
tant qu'il y a de l'oxygène, les cellules continuent à respirer,
ce qui entraîne une dégradation des hydrates de carbone et la
production d'acide carbonique, d'eau et de chaleur. Cette respiration engendre
donc une perte d'éléments nutritifs de l'aliment. Tant qu'il y a
de l'air dans le silo, la respiration se poursuivra longtemps et plus grande
sera la quantité de chaleur dégagée, ce qui se traduit par
une élévation de la température.
Des températures supérieures à 30°C ne
doivent pas se produire dans un silo, sinon les pertes seront
considérables (Soltner, 1989).
L'acidification: L'acidification consiste à
bloquer l'action protéolytique des enzymes végétales qui
se manifeste dès la coupe du fourrage et inhibe le développement
d'espèces bactériennes nuisibles (Gouet, 1968).
L'acidification peut être subdivisée en quatre
étapes:
- Le début de l'acidification par des
colibactéries ou pseudo-bactéries lactiques: après
remplissage du silo, l'air est chassé petit à petit et il
s'opère une sélection graduelle de la flore microbienne. Avec la
disparition de l'oxygène, la majorité des bactéries
aérobies est éliminée. Le groupe des colibactéries
se développe en premier lieu. Deux facteurs freinent essentiellement
leur développement, la température élevée et le
faible degré d'acidité (Gouet, 1989). Dans un ensilage direct de
graminée (sans préfanage), un pH inférieur à 4,5
est fatal aux colibactéries. Plus le pH est élevé plus il
se forme d'acide formique. Cette dégradation ne se fait pas en
aérobiose. Outre les sucres, ces colibactéries décomposent
aussi les protéines, provoquant la formation d'ammoniaque et d'amines
toxiques (Gouet, 1989).
- Le démarrage de la fermentation lactique:
à peine 1% du nombre total. Des bactéries présentes
sur la plante appartiennent au groupe le plus important pour l'ensilage,
à savoir le groupe des bactéries lactiques (anaérobies
strictes). C'est de leur développement que dépend la
réussite ou l'échec de l'ensilage. Leur activité est
influencée par trois facteurs: i) le nombre des bactéries d'acide
lactique présents sur le fourrage au moment de la récolte; ii) la
présence des sucres fermentescibles en quantité suffisante et
libérés de façon opportune dans le fourrage au moment de
la récolte; et iii) - l'absence totale de l'air dans le silo.
- Stabilisation par production optimale d'acide
lactique: si les conditions sont bonnes, les sucres se transforment en
grande partie en acide lactique, qui est le véritable agent conservateur
de l'ensilage. Il s'ensuit une forte acidification du silo qui, après
stabilisation, le pH varie entre 3,5 et 4,2. Dans un ensilage de fourrage vert,
cette acidité est obtenue avec une concentration de 1,5 à 2,2%
d'acide lactique sur la matière fraîche. Si bien que la croissance
de toutes les autres bactéries est paralysée; toute
activité enzymatique, et finalement la croissance des bactéries
lactiques ellesmêmes, est inhibée.
Une stabilité est alors atteinte, qui permet de
conserver les fourrages de façon presque indéfinie. Le silo reste
stable tant qu'il est maintenu en anaérobiose. Car un bon silo peut
être détruit, une fois ouvert, par le développement de
moisissures, qui résistent à un pH faible (Gouet, 1979).
- Les fermentations nocives: si pour l'une ou autre
raison, les conditions nécessaires à assurer la multiplication
des bactéries lactiques (absence d'air et présence des sucres
fermentescibles) ne sont pas atteintes dans le silo, le pH reste
supérieur à 4,2 des processus indésirables de
dégradation de la matière végétale se
développent. Ceux-ci provoquent des pertes pouvant atteindre 20 à
50% de la matière sèche. Le silo ne devient jamais stable, au
contraire les bactéries butyriques et de putréfaction deviennent
prédominantes et l'emportent dans la lutte contre les
microorganismes.
Il existe en effet un risque de développement des
bactéries butyriques (qui sont strictement anaérobies). Ces
dernières, amenées via le sol, transforment les sucres en acide
butyrique, acide acétique, CO2 et hydrogène. En même temps,
ces bactéries peuvent faire fermenter l'acide lactique initialement
formé. Deux molécules d'acide lactique se transforment en une
seule molécule d'acide butyrique et le milieu devient moins acide. Les
bactéries butyriques agissent également sur les protéines
qu'elles décomposent en ammoniac (Gouet, 1979). Les bactéries
protéolytiques agissent par oxydoréduction, désamination
et décarboxylation (Soltner, 1989):
- 1 alanine + 1 glycine 3 acides acétiques + NH3 + 1 CO2
(Oxydoréduction)
- 3 alanines 2 acides propioniques + 1 acide acétique + 3
NH3 + 1 CO2 (Désamination)
- Histidine Histamine
- Lysine Cadaverine
- Arginine Putrescine (Décarboxylation)
Il y a donc une dégradation importante de la valeur
azotée du fourrage avec formation des produits diminuant
l'appétibilité de l'ensilage (NH3, AGV (acides gras volatils), et
amines) et plus ou moins toxiques pour l'animal (amines). Selon
l'intensité de ces transformations, la qualité de conservation
peut être médiocre ou mauvaise (Gouet, 1989).
|