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De la reconnaissance de l'individu en tant que sujet de droit international: controverse doctrinale et perspectives d'avenir

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par Edison MUTELA MBAU
Université de Kinshasa - Licence en droit 0000
  

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§2 : La radicalisation du modèle interétatique

Quoiqu'il en soit, cette longévité de la notion de communauté humaine à travers la grande période du classicisme et de l'interétatisme ne doit pas non plus masquer les coups qui lui sont insensiblement ou explicitement portés. La présentation doctrinale de la communauté des Etats est encore réellement universaliste chez les derniers théoriciens de l'Ecole du droit naturel. Mais elle s'accompagne par la suite de compléments profondément réducteurs, tels celui de communauté des nations civilisées qui restreint le cercle des sujets de la communauté interétatique aux Etats européens et américains.

En outre, si le principe d'une réelle communauté entre Etats est acquis, celui d'une communauté cosmopolitique s'estompe parfois, pour indiquer plus un avenir, vers lequel il faut tendre, qu'une réalité présente à observer.

A cet égard, on peut citer d'autres auteurs qui doutent fortement de la réalité de cette communauté universelle. Dans son ouvrage de 1896, A. Rivier décrit, par exemple, comme « une noble exagération » le principe « d'une union de l'humanité toute entière », mais concède que « plus le sentiment de la communauté internationale se généralisera », plus les individus « se rendront compte qu'ils ne sont pas seulement des citoyens de leur pays, mais encore, par l'intermédiaire de leur pays, de la Société même des Nations », et qu' « au patriotisme national se joindra, sans l'affaiblir, un patriotisme international, un cosmopolitisme d'ordre supérieur».126

D'autres auteurs n'en parlent même plus sinon de façon infime. Par ailleurs, lorsqu'ils entrecroisent les notions de communauté humaine et de communauté d'Etats, les auteurs du XVIIIème et des XIXème siècles ne leur superposent pas deux ensembles normatifs de droit positif, mais le droit des gens positif, qui est le système interétatique c'est-à-dire le droit international classique, et le droit naturel dont les hommes - comme les Etats d'ailleurs- sont les sujets. Certes on ne saurait sous-estimer le fait que les premiers théoriciens du droit international

125 HALPERIN(JL), Entre nationalisme juridique et communauté de droit, PUF, Paris, 1999, p.62 et ss

126 MUIR-WATT(H), Droit naturel et souveraineté de l'Etat dans la doctrine de Vattel, APD, Paris, 1987, p.69

classique comme Wolff et Vattel considèrent encore ce droit naturel comme réellement juridique. Mais en même temps comment ne pas voir qu'en le reléguant dans l'ordre du droit imparfait, c'est-à-dire d'un droit dont la violation ne donne pas lieu à réparation, ils annoncent une liquidation à terme de l'idée d'un droit directement applicable à l'ensemble des hommes ?127 On ne sera donc pas surpris de voir que ce droit naturel imparfait perd quasiment toute sa juridicité au fil du temps pour ne garder qu'en apparence le nom de droit.

L'idée d'un véritable droit naturel resurgira parfois, notamment durant les périodes de crise, mais de manière générale, il n'en demeure pas moins que le principe d'un système dual est neutralisé en quelque sorte par cette absence de portée juridique du droit naturel applicable aux individus comme aux Etats. Du même coup, perdant sa valeur juridique pour devenir surtout une communauté morale ou sociologique, la communauté du genre humain reste une image qui ne peut masquer la réalité positive et juridique de la communauté interétatique. La définition du droit international classique sert alors de référence immédiate pour les praticiens et commentateurs qui occulteront très souvent la survivance chez certains théoriciens de la vieille idée de communauté universelle.

De façon plus franche et plus brutale, tout un courant de pensée va nier le principe même d'une communauté du genre humain, et cette implication fondamentale qui semblait peu à peu en découler, selon laquelle l'homme serait aussi sujet de droit international. La première césure dans l'histoire de la pensée juridique internationale se situe avec l'interétatisme qui signe la disparition du ius gentium des anciens, mais on a vu, que, passé ce cap majeur, l'interétatisme n'empêche pas la persistance de la notion de communauté humaine et la prise en considération ultérieure de certains droits fondamentaux de l'homme128.

La seconde césure ne survient donc réellement que de façon tardive, dans le premier tiers du XXème siècle, avec le rejet clairement revendiqué par certains de ce qu'ils considèrent comme une présentation désuète du passé.

Très emblématique et surtout très largement entendu car excellent théoricien et président de la Cour permanente de Justice internationale, D. Anzilotti a

127 MUIR-WATT(H),op.cit, p.71

128 www.droits fondamentaux.org/les droits de l'homme, consulté le 29 juin 2011

ainsi voulu mettre un terme, dans son Cours de droit international de 1912, à ce qu'il considère être une « opinion désormais vieillie » où l'homme est présenté comme « sujet de droit international » et « membre de l'humanité », aurait « des droits inviolables partout » comme la liberté personnelle, la propriété ou encore la liberté de conscience ; ce qui de surcroît lui donnerait « une capacité129.

C'est une erreur selon D. Anzilotti car c'est alors confondre l'ordre juridique international avec un « prétendu droit de l'humanité ». Il peut exister, sans aucun doute, une certaine exigence en faveur des droits de l'homme, mais qui ne peut se réaliser qu'à l'intérieur de chaque Etat national, d'autant plus que « tous ces prétendus droits sont bien loin d'être universellement reconnus ».130 Ce sont exactement les mêmes termes qu'utilise E. Nys à la même époque.131

L'ordre juridique « consiste en un complexe de normes qui tirent leur valeur obligatoire d'une norme fondamentale ». Les destinataires des « normes du droit international » en sont les « sujets juridiques ou personnes » et il n'y a pas de « personne par nature » mais selon chaque ordre juridique.132 Or l'identification des anciens ensembles normatifs « le droit public et le droit des gens » à des ordres juridiques tend indéniablement à les cloisonner de telle sorte que la vision ancienne d'une vaste communauté humaine mondiale, rassemblant les individus par de-là Etats, ne peut s'y intercaler qu'avec difficultés.133

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille