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Problématique de la pacification des communautés du Nord Kivu à  travers la justice militaire

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par Etienne MBUNSU BINDU
 - Licence 2010
  

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VI. LA PROBLEMATIQUE DE LA NATIONALITE ET SES IMPLICATIONS

Cette déculturation fait appel au tribalisme, synonyme de la division dans une société ; début de la guerre. La plus grande problématique de la pacification du Nord Kivu rentre dans le problème fondamental de la RDC, celui de la nationalité, avec comme corollaire, le problème foncier coutumier étant entendu que certains peuples issus de l'immigration ont été naturalisés en bloc sans pour autant savoir quelles terres ils allaient occuper. Si les gens se battent dans la plupart des cas, si des groupes armés homogènes sont constitués, c'est essentiellement parce que chaque groupe cherche à se protéger et à protéger ses terres. Il est connu que l'Africain est fondamentalement attaché à la terre que l'y soustraire pose éventuellement un problème.

Le problème de nationalité intervient dans la crise de la cohabitation pacifique suite à une mauvaise gestion des flux migratoires particulièrement à l'Est de la RDC et à une volonté effrénée, des certaines populations, suivant que nous l'avons précédemment indiqué, de dominer les autres en les imposant leur leadership.16(*)

En effet, les empoignades entre les populations originaires et non originaires du Congo remontent au milieu de l'époque coloniale à l'Est de la RDC. Depuis lors, périodiquement, rebondissent des massacres, on ne peut plus déplorables, entre les deux groupes désormais irréductibles.17(*) La plupart du temps, c'est à l'approche des échéances électorales que des hostilités se ravivent. Quoi de plus normal, en ce moment de profonde mutation dans la vie politique du Congo, que tous les records de conflits interethniques ne soient battus ? Du coup une question se pose, comment peut-on arrêter définitivement ces tueries inutiles qui interdisent tout développement dans la région.

Depuis la fin de la guerre de libération du Congo, comme pendant le régime despotique passé, une série de délégations officielles, civiles et militaires, défilent en vain au Nord Kivu et au Sud Kivu avec la mission de pacifier ces deux provinces. Mais, par quelle magie va-t-on obliger les belligérants à fumer le calumet de la paix sans s'être, au préalable, donné la peine de déraciner la cause des confrontations armées ? Cette réflexion cache vraisemblablement une longue série de points d'interrogations : quelle est l'origine de ces conflits sempiternels des provinces du Kivu ? Est-elle de la même nature que celle de l'holocauste rwandais de 1994 ? Comment faut-il s'y prendre pour éradiquer ce mal qui provoque régulièrement tant de victimes ?

Le pogrom né de l'intolérance au Rwanda et au Burundi entre les ethnies Hutu d'une part, et Tutsi d'autre part, a entraîné le massacre des centaines de milliers de personnes en l'espace de quelques jours dans des atrocités effroyables. C'est la haine raciale plus que l'intolérance religieuse, linguistique ou culturelle qui a prédominé. Le massacre des réfugiés Rwandais sur lequel les Nations Unies ont initié une enquête au Congo constitue un prolongement de ce comportement.18(*)

Ce massacre n'a donc qu'un lien indirect avec les conflits interethniques qui mettent souvent en scène les Hutu et les Tutsi contre les tribus autochtones, dans la mesure où ici les hostilités reposent plutôt sur un soubassement socio politique.19(*)

Tout le problème ici réside dans la difficulté insurmontable de pouvoir dire qui est congolais, qui ne l'est pas ; qui a droit à quoi. En d'autres mots, c'est le droit ou plutôt l'absence de l'application de droit à la nationalité congolaise qui tue au Nord Kivu. En vérité, il ne s'agit pas de conflits interethniques comme ceux qui ont endeuillé plusieurs familles de Kasaïens au Katanga. C'est plutôt des conflits de nationalité congolaise. La déclaration de Banyamulenge au début de la guerre de libération ainsi que leur mitunerie de Bukavu en Février 1998 et en 2004 sont très significatives sur ce point. Le mobile évoqué pour justifier ce comportement était la revendication de la nationalité congolaise.20(*) Laurent NKUNDA déclarait par ailleurs en 2004 lors de sa progression vers Bukavu qu'il allait sauver son peuple Tutsi qui était entrain de perdre.

Les mêmes causes entraînant toujours les mêmes conséquences, il a fallu d'abord tirer au clair la question de nationalité congolaise pour espérer pacifier durablement le Congo, partant, le Nord Kivu. C'est peut être le lieu de rappeler que dans la Déclaration sur le Droit des Peuples à la Paix de 1984, les Nations Unies énoncent solennellement que promouvoir la réalisation de ce droit constitue une obligation fondamentale pour chaque Etat.

Par ailleurs, BOUTROS BOUTROS GHALI, alors secrétaire général de l'ONU, préconisait, pour prévenir les différends ou apaiser les tensions, que les faits soient connus rapidement avec exactitude et que la bonne compréhension des événements et des tendances se fondent sur les solides analyses.

- La politique coloniale d'immigration et ses conséquences

Pour savoir en fait comment ces populations d'expression rwandaise sont arrivées au Congo, il faut réviser la politique d'immigration belge, la présence des Ethnies Hutu et Tutsi dans cette région mais surtout de l'arrivée des réfugiés Hutu en 1994, et les questions humanitaires qui s'en aient suivi, la démographie et la pression sur la terre et la propriété privée, la résistance populaire contre l'invasion.21(*) En effet, suite à la surpopulation du Rwanda et du Burundi, le colonisateur belge avait dès les années 1930 mis en place une politique d'immigration des sujets rwandais vers le Congo Belge. La majorité sera installée au Nord Kivu.22(*) Cette présence qui a eu du mal à se marier avec les réalités locales (chefs coutumiers locaux, notion de propriété, alliances entre ethnies) est à signaler comme étant un des facteurs ayant favorisé la pérennité des conflits à l'Est de la RDC.

- Pourquoi la pérennité des conflits au Nord Kivu ?

Après la victoire militaire des FPR sur les FAR, près de 2000000 de réfugiés rwandais ont traversé la frontière de la RDC en majorité des Hutu. Ils vont briser l'équilibre précaire entre hutu et tutsi maintenu difficilement par le régime Mobutu.23(*) Cette présence massive des Hutu rwandais, renforçant ainsi la position des Hutu congolais, sera l'occasion d'une montée de tension entre Hutu et Tutsi en RDC. Une façon pour le conflit au Rwanda de s'exporter sur le territoire congolais. La continuation de la guerre exportée par le Rwanda sur le territoire congolais et surtout la forte présence de l'armée rwandaise à l'Est dont le pouvoir était concentré entre les mains des soldats tutsi aura comme conséquence la montée de la méfiance entre communautés au Kivu et l'escalade des conflits.

Plus au sud, la population tutsi, dite Banyamulenge, dont la revendication de nationalité avait été utilisée comme prétexte à l'invasion du pays par les armées du Burundi, de l'Ouganda et du Rwanda en 1996, chercheront à jouer un rôle de leadership militaire et politique dans la région du Kivu, sans en avoir les moyens.24(*) Le Rwanda soutiendra la promotion de certains parmi eux à la tête de certaines rébellions créées de toutes pièces. Leur rôle dans l'entreprise guerrière minera leur fragile cohabitation avec leurs voisins immédiats, Bembe, Fuliro, Vira dans le Sud Kivu ; Hunde, Nyanga, Tembo, Kano, Kumu, Nandé et Mbuti dans le Nord Kivu.

Prises en étau par ce prolongement de la guerre rwandaise sur le territoire congolais, les populations locales dites autochtones (Hunde, Nyanga, Tembo, Nandé...) seront fortement déstabilisées. Leurs prétentions séculaires d'être les chefs des terres seront battues en brèche par les conflits. Ils se trouveront donc dans l'obligation de se défendre et de défendre leurs territoires contre le tourbillon qui s'est crée autour d'eux et leurs territoires traditionnels.

Alors que les Tutsi avaient l'armée rwandaise pour les protéger (APR) et les Hutu l'ancienne armée rwandaise (FAR), les autres groupes vont recourir à la création de groupes armés pour défendre les populations et protéger leurs terres, car au démarrage de la guerre, les leaders d'opinion étaient systématiquement assassinés.25(*)

- L'aspect foncier du conflit

Les multiples mouvements des populations, l'entrée massive en RDC des réfugiés rwandais, feront de la question de la terre un enjeu majeur. Les personnes déplacées et les réfugiés voyaient automatiquement leur propriété occupée par les nouveaux arrivants. Après chaque trêve, toute tentative pour retourner sur sa propriété devenait un casus belli, une raison de conflit d'affrontements. L'immigration successive sur ces territoires et la non application des lois foncières favorisant ce conflit foncier ou le refus de leurs obtempérer.

Cependant, tout le problème est celui de savoir effectivement pourquoi le problème des terres se pose avec acuité seulement dans les régions où ces populations issues de l'immigration rwandaise se trouvent installées au Congo ? La question mérite d'être posée surtout lorsqu'on sait que la RDC est une mosaïque des tribus et ethnies issues des multiples immigrations et des peuples séparés suite au découpage de l'Afrique au terme de la conférence de Berlin de 1885. Nous trouvons par exemple les Teke qui sont tout à la fois en RDC, au Congo Brazza, en République Centre Africaine, et au Gabon ; les Bahemba qui sont installés en RDC, en Zambie et au Zimbabwe ; les Bakongo qui sont en RDC, au Congo Brazza et en Angola ; les Manianga qui vivent en dans les deux Congo ; les Lunda installés en Angola et en RDC ; les Nandé qui vivent en RDC et en Ouganda où ils sont appelés les Bakondjo...

De tous ces groupes ethniques éparpillés sur différents territoires nationaux, aucun ne pose le problème de terre comme celui des Hutu et Tutsi venus du Rwanda. En même temps, le Teke Gabonais ne vient pas au Congo en Congolais du seul fait que la RDC a également les Teke parmi ses ethnies. Quand il rentre au Congo, c'est en tant qu'étranger qu'il vient et ne peut alors poser aucun problème quant à la nationalité, encore moins créer des conflits avec les autochtones pour de problème de terre.

C'est dans cet environnement que s'est incrusté et développé le conflit en cours au Nord Kivu.

* 16 KAJIGA G, Cette immigration séculaire du Congo, In Bulletin Trimestriel du CEPSI, n°32, Elisabethville, mars 1956.

* 17 KAMBERA MUHINDO M Léonard, Regard sur les conflits des nationalités au Congo, Cas des Hutu et Tutsi (Banyamulenge) aux Kivu, 1ière partie, Aspect juridique, Kinshasa, Editions YIRA, 1998, p.17.

* 18 Il faut indiquer ici que ce rapport des Nations Unies vient d'être publié et il accable plusieurs pays au point où les populations autochtones de la RDC réclament alors l'instauration d'une juridiction pénale internationale pour sanctionner les auteurs de ces violations de droits de gens dont les congolais ont été victimes parfois par la négligence de la communauté internationale et même du gouvernement congolais.

* 19 KAMBERA MUHINDO M Leonard, Op.cit. p.17.

* 20 Ibidem, p.19.

* 21 Lire à ce propos De DORLOT Philippe, Les réfugiés rwandais à Bukavu, Paris, Groupe Jérémie- l'Harmattan, 1999.

* 22 Lire à ce propos MAFIKIRI Tshongo, S MUGANGU, Cohabitations imposées et tensions politiques au Nord Kivu, 1939-1994 ; Enjeux fonciers, déplacements de population et escalades conflictuelles (1930-1995) ; In P. MATHIEU et J.C. WILLAME, Conflits et guerre au Kivu et dans la région des Grands Lacs entre tensions locales et escalade régionale, Cedaf- l'Harmattan, 1999.

* 23 F. REYNTJENS et S. MARYSSE, Conflit au Kivu : antécédents et enjeux, Anvers, 1996.

* 24 Nombre insuffisant, force économique, rôle social et intellectuel faible. Lire à ce sujet MINANI BIHUZO Rigobert s.j, Op.cit, p.181.

* 25 MIGABO KALERA Jean, Génocide au Congo ? Analyse des massacres de populations civiles, Bruxelles, Ed BD, 2002.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand