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Développement financier et croissance économique au Bénin

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par Mathieu AVOUTOU
Université d'Abomey-Calavi - Master 2009
  

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Paragraphe II : Revue de littérature

Il existe une flopée de travaux sur le lien entre le développement financier et la croissance économique. Dans cette revue de littérature, une distinction se fera entre les analyses théoriques et les travaux empiriques.

A- Travaux théoriques et empiriques sur le lien entre développement financier et croissance économique

1- Travaux théoriques sur la liaison entre développement financier et croissance économique

Sur le plan théorique, plusieurs études justifient un lien positif du développement financier sur la croissance économique. La plupart de ces travaux tentent dans un premier temps de justifier le bien fondé de l'intermédiation financière en s'appuyant sur les asymétries d'information puis débouchent sur une conséquence positive de la sphère financière sur la sphère réelle. Ainsi Levine (1996) recense cinq arguments qui peuvent fonder théoriquement l'existence d'une liaison positive entre développement financier et croissance. Ces arguments, pour la plupart justifiés par la théorie de l'information, sont les suivants :


· Le système financier faciliterait la protection contre le risque et le partage de celui-ci;


· Il permettrait une allocation optimale des ressources ;


· Il permettrait un meilleur contrôle des dirigeants et de l'entreprise par les actionnaires ;


· Il faciliterait la mobilisation de l'épargne domestique ;


· Enfin, la présence d'un système financier suffisamment développé faciliterait l'échange de biens et services

Tout investisseur est principalement confronté à deux types de risques : un risque de liquidité et un risque individuel. Le premier est lié à l'incertitude concernant la conversion d'un actif financier en moyen d'échange. Cette transformation est plus difficile lorsqu'il existe des asymétries d'information ou des coûts de transaction. L'existence d'un secteur financier peut réduire l'importance de ces imperfections de marché, réduire le risque de liquidité et favoriser ainsi le développement de la sphère réelle. En effet, les projets dont les rendements sont les plus élevés nécessitent souvent une immobilisation longue du capital. Or, ceci n'est pas forcément compatible avec les intérêts de l'épargnant. En l'absence de système financier, le risque de liquidité peut inciter les agents à financer des projets moins rentables mais qui requièrent une immobilisation plus courte des fonds (Diamond & Dybvig 1983). En revanche, la présence d'une banque qui transforme des ressources courtes (dépôts) en emplois longs (crédits) ou des instruments financiers liquides en investissements longs et illiquides favoriserait la réduction du risque de liquidité. En fournissant un service de dépôts à l'épargnant et en réalisant un mixage judicieux entre actifs liquides et illiquides, la banque améliore le bien-être des déposants en leur garantissant un rendement indépendant de l'état du monde connu par l'emprunteur (Bencivenga & Smith 1991). De plus, les institutions financières permettent d'éviter les liquidations prématurées de capital. Cela réduit le risque de liquidité, favorise le financement d'investissements de long terme et élève ainsi le taux de croissance de l'économie. Le même raisonnement s'applique au risque individuel. En effet, un investisseur individuel peut préférer financer des projets à faible risque et donc à faible rendement. La présence du système financier favorise la diversification du portefeuille de l'investisseur (Gurley & Shaw 1960, Goldsmith 1969) et l'incite à financer des projets plus risqués (parce que plus longs) mais également plus rémunérateurs (Saint-Paul 1992, Pagano 1993). De plus, la présence d'asymétries d'information ou de coûts de transaction rend difficile l'allocation optimale des ressources. La présence d'un coût individuel élevé d'acquisition de l'information sur les projets d'investissement peut inciter les agents à se regrouper pour socialiser la dépense ou à déléguer à une institution (une banque, par exemple), le soin d'obtenir ces informations (Diamond 1984 ou Boyd & Prescott 1986). L'économie ainsi réalisée peut conduire à une meilleure allocation des ressources et favoriser le développement de la sphère réelle (Greenwood & Jovanovic 1990). Schumpeter (1935) avait déjà insisté sur le rôle essentiel joué par le banquier dans l'allocation des ressources, qui permet à l'entrepreneur d'innover en « détournant » des moyens de production. Les travaux de King & Levine (1993) ou les études empiriques de Gerschenkron (1962) et Cameron (1972) sur le développement industriel au XIXe siècle s'appuient en partie sur l'analyse schumpetérienne. L'impact positif du développement financier sur la croissance passe aussi par la mise en place d'un contrôle accru des actionnaires sur les dirigeants et sur l'entreprise. L'idée est que le développement financier peut favoriser la croissance par la réduction du coût d'acquisition de l'information à la fois ex ante et ex post. Ex ante, l'existence d'un marché d'actifs peut permettre à l'investisseur d'acquérir des informations sur la valeur de l'entreprise et de sa direction avant l'achat de titres. Ex post, il peut être onéreux pour un investisseur externe de vérifier les rendements d'un investissement entrepris par le dirigeant de l'entreprise. Ce dernier peut avoir intérêt à dissimuler les résultats (asymétrie d'information). Si la vérification du rendement ex post est coûteuse, alors le contrat optimal est un contrat de dette dans lequel sont spécifiés les cas où le prêteur va vérifier le rendement de l'investissement (Townsend 1979, Gale & Hellwig 1985). Plus la vérification est coûteuse et moins l'investisseur externe est incité à vérifier. Cela peut conduire, en liaison avec le point précédent, à une mauvaise allocation des ressources. La présence d'un système financier où existe une multitude de contrats financiers et où une institution spécialisée se charge des vérifications ou met en place un système de caution (Williamson 1987, Bernanke & Gertler 1989, 1990) peut donc favoriser la croissance, sous réserve de savoir quel type de contrôle s'exerce sur l'institution vérificatrice. L'idée selon laquelle le développement financier a un impact sur la croissance du fait d'une meilleure mobilisation de l'épargne à la fois domestique et externe se retrouve souvent dans la littérature. En l'absence de système financier, les agents en seraient réduits à autofinancer leurs projets d'investissement. C'est le paradigme du «petit paysan pauvre » présenté par McKinnon (1973) qui, en l'absence de système financier, est incapable de financer la mise en place de techniques de production plus efficaces parce que cela représente un sacrifice trop important en termes de consommation. Ainsi, comme l'épargne constitue un préalable à tout investissement et que l'accumulation du capital est à l'origine de la croissance, il est nécessaire que se développent les structures financières destinées à faciliter la constitution de l'épargne financière. Pour McKinnon (1973), comme pour Shaw (1973) le développement de la sphère financière constitue donc une condition nécessaire au développement économique. On peut compléter cette première explication en ajoutant que la collecte de l'épargne sur une grande échelle induit des coûts de transaction difficilement supportables par un seul individu. Dans ces conditions, la mobilisation de l'épargne est facilitée par la mise en place du système financier. Enfin, une mobilisation accrue de l'épargne et une meilleure allocation des ressources dans l'économie doivent permettre une extension des possibilités de production et l'adoption de techniques plus efficaces. Cela peut conduire les entrepreneurs à se spécialiser. Cependant, une plus grande spécialisation requiert davantage de transactions qu'une situation où chaque agent produirait l'ensemble des biens dont il a besoin. En réduisant les coûts de transaction, le développement financier faciliterait la spécialisation et donc la croissance de la sphère réelle (Greenwood & Smith 1995).

L'ensemble de ces arguments plaide en faveur d'un sens de causalité univoque entre développement financier et croissance de la sphère réelle. C'est l'approfondissement financier qui faciliterait l'accumulation du capital et donc le développement économique. Pourtant, et à la suite des travaux de Patrick (1966), il convient de s'interroger sur l'existence d'un lien de causalité inverse : en quoi le développement économique peut-il induire le développement financier ? Patrick (1966) distingue deux étapes dans le développement économique d'un pays. Dans la première, c'est le développement financier qui induit le développement économique. C'est la phase de « supply leading » où l'approfondissement financier permet, comme chez Schumpeter (1911), le transfert des ressources d'un secteur traditionnel peu productif vers un secteur moderne plus efficace. Transfert nécessairement progressif, eu égard aux risques de faillite des institutions financières qu'il peut provoquer (Patrick imagine même un soutien provisoire de l'Etat à ces dernières). Une fois cette première étape franchie, le sens de causalité s'inverserait. C'est la phase de « demand following » où le système financier répond de manière passive à la demande de services qui s'adresse à lui.

Pagano (1993), par un modèle basé sur la théorie de la croissance endogène montre comment le secteur financier pourrait impacter le secteur réel. Il part du modèle développé par Rebelo (1991) dans lequel la production agrégée est une fonction du stock de capital :

(1)

Il y introduit une équation relative à l'investissement brut It

It=Kt+1-(1-ä)Kt (2)

Où le coefficient ä représente le taux de dépréciation du capital sur une période.

Il suppose qu'une fraction (1- ) de l'épargne est perdue dans le processus d'intermédiation financière (il s'agit du coût de l'intermédiation et des règles prudentielles telles que les réserves obligatoires) :

It=St (3)

Le taux de croissance de l'année t+1 s'écrit en tenant compte de (1) :

(4a)

Les équations (2) et (3) permettent de déduire le taux de croissance stationnaire g :

(4b)

représente le taux d'épargne brut

L'équation (4b) indique les trois canaux par lesquels le système financier peut affecter la croissance. (i) D'abord en augmentant la proportion de l'épargne nationale allouée aux investissements productifs. Selon Pagano (1993) l'augmentation de peut être du à la baisse de l'inefficacité de la sphère financière. Lors de la libéralisation du secteur bancaire, l'on peut penser aussi à la baisse des réserves obligatoires ou des taxes associées aux transactions. (ii) Ensuite en augmentant la productivité marginale A, grâce à la collecte d'informations et à l'incitation des investisseurs à replacer leurs argents dans des projets plus risqués à cause d'un partage du risque plus significatif de la part des intermédiaires. (iii) Enfin le secteur financier influence la croissance par l'intermédiaire du taux d'épargne s de l'économie.

Même si la plupart des travaux théoriques tentent de légitimer l'existence d'un lien causal et univoque entre approfondissement financier et croissance de la sphère réelle, un sens inverse de causalité peut également être envisagé. Ainsi Pagano (1993) montre également que le développement financier, quoique généralement favorable à la croissance, peut également lui être défavorable, en raison du risque de réduction de la collecte de l'épargne. Ceci peut se produire si la meilleure protection contre le risque que fournissent les intermédiaires et les marchés financiers conduit à une réduction de l'épargne (en cas d'aversion au risque supérieure à un). De plus, la fourniture de crédit aux ménages peut accroître leur consommation et réduire leur taux d'épargne. Compte tenu du faible niveau de revenu par habitant dans les pays d'Afrique sub-saharienne, nous devions cependant nous attendre à trouver un sens de causalité allant du financier au réel plutôt que l'inverse.

D'autres économistes ne croient pas qu'il y ait une relation importante entre système financier et la croissance économique. Ainsi, Robert Lucas (1988) pense que le rôle des facteurs financiers dans la croissance économique est exagéré par les économistes qui le défendent. Mayer (1988) affirme qu'un marché boursier développé n'est pas important pour le financement de l'entreprise. Robinson (1952) qui croit que le développement financier est seulement un côté du développement économique vient soutenir l'idée d'un sens de causalité inverse qui mérite d'être mise en lumière. Stiglitz (1991) affirmait déjà que la liquidité des marchés financiers n'a pas d'impact sur le comportement des gestionnaires de compagnies et donc n'exerce pas un certain contrôle corporatif.

2-Travaux empiriques sur le développement financier et croissance économique

Plusieurs études ont tenté de valider empiriquement le lien entre la sphère financière et la sphère économique. Goldsmith (1969) est l'un des pionniers dans l'étude des liens entre croissance et développement financier. Son étude portée sur un échantillon de 35 pays sur la période 1860- 1963 a abouti au fait qu'il existe une liaison entre le secteur financier et le secteur réel. Son étude cependant présente des limites : d'abord il ne tient pas compte des variables de contrôle pouvant influencer la croissance économique et ensuite il n'identifie pas le sens de causalité. D'autres travaux également étudient directement la corrélation entre approfondissement financier et croissance. Si l'on s'en tient à un exercice du genre, on obtient un lien très fort entre les finances et la croissance. Ainsi, Saint Marc (1972) avait montré que les pays les plus riches de l'UEMOA se caractérisaient aussi par des ratios d'approfondissement financier plus élevés. Spears (1992) obtient une corrélation proche de 1 entre approfondissement financier et croissance dans 9 des 10 pays africains qui composent son échantillon. Mais, évidemment, l'absence de prise en compte d'autres variables susceptibles d'influencer la croissance économique peut laisser supposer un problème d'identification, et donc une surévaluation de l'impact du développement financier sur la croissance de la sphère réelle. C'est pourquoi la plupart des études postérieures intègrent d'autres variables inspirées des modèles traditionnels de croissance ou des théories de la croissance endogène, de manière à contrôler la relation entre approfondissement financier et croissance, et utilisent des panels (plusieurs pays sur plusieurs périodes). Les résultats sont alors beaucoup plus mitigés.

King et Levine (1993), ont porté leur analyse sur un échantillon de 80 pays développés sur une période allant de 1960 à 1989 en examinant l'ensemble des facteurs financiers susceptibles d'influencer la croissance à long terme. Dans leur conclusion, ils notent une contribution positive et statistiquement significative des variables financières sur le secteur réel. A cet effet, ils ont considéré comme variables financières trois indicateurs qui sont : les engagements liquides du secteur financier rapportés au PIB et représentés par le ratio (M2/PIB) ; les dépôts auprès des banques commerciales rapportés à ces même dépôts majorés des dépôts des banques commerciales auprès de la banque centrale et enfin le montant des crédits accordés aux entreprises privées toujours rapportés au PIB.

De Gregorio et Guidotti (1995) obtiennent un effet positif du ratio « crédit au secteur privé/PIB » sur la croissance. Cet effet est même plus fort pour les pays à faible revenu, conformément à la thèse de Patrick (mais l'effet est négatif pour 12 pays latino-américains).

Savvides (1995) traite un échantillon de 28 pays africains (dont les trois pays du Maghreb). Le ratio « quasi-monnaie / PIB » apparaît exercer un impact positif sur la croissance, mais significatif au seuil de 10 %, et uniquement si la variable « libertés politiques » n'est pas prise en compte.

Odedokun (1996) étudie un panel de 71 pays, dont 21 d'Afrique sub-saharienne. Les deux indicateurs d'approfondissement financier utilisés (ratio « stock moyen des actifs liquides / PIB » et taux de croissance de l'intermédiation financière) exercent un effet positif et significatif au seuil de 10 %, mais ceci n'est vérifié que pour un tiers environ des pays d'Afrique sub-saharienne de l'échantillon.

Collier et Gunning (1997) reprennent l'échantillon de King et Levine, et montrent que l'effet de l'approfondissement financier sur la croissance est positif en Afrique, mais plus réduit que dans les autres pays en développement

Levine et Zervos (1998) ont essayé dans leur étude d'évaluer l'incidence de la bourse et le développement du secteur bancaire sur la croissance économique. Ils ont utilisé à cet effet un échantillon de 49 pays sur la période 1976-1993 et ont considéré comme variables financières : le ratio de rotation des actifs, le ratio de capitalisation boursière, la volatilité du marché et les indicateurs du développement bancaire. Ils considèrent comme variables endogènes: le taux de croissance du PIB réel, du capital, de la productivité et de l'épargne comme l'ont considéré King et Levine (1993). Leur résultat met en lumière l'impact des variables financières sur la croissance économique. Selon la conclusion de ces deux auteurs, il existe deux mécanismes à travers lesquels l'impact du développement financier se manifeste: Le premier concerne l'augmentation de l'efficacité du capital, grâce à la meilleure allocation des ressources ; le second concerne la mobilisation de l'épargne qui accroît le volume d'investissement. Ils concluent enfin dans leur étude que les économies ayant un niveau élevé de développement financier présentaient des taux de croissance assez importants.

Ces différents résultats peu satisfaisants peuvent se justifier par les interactions à double sens susceptibles d'exister entre la croissance économique et le secteur financier. En effet Berthélemy et Varoudakis (1998) développent une approche qui montre la possibilité d'équilibres multiples.

Berthélemy et Varoudakis (1998) ont porté leur analyse sur la contribution du développement financier à la croissance économique sur 82 pays pendant six périodes quinquennales dès le début des années soixante jusqu'aux années quatre vingt dix. Toutefois ils traitent différemment la variable M2 / PIB considérée comme un indicateur de développement financier d'un pays. En effet, le traitement de cette variable est modifié par rapport aux travaux antérieurs dans la mesure où ils introduisent le rôle de la répression financière. Ils ont choisi de synthétiser son incidence par une variable indicatrice binaire qui vaut 1 pour les périodes précédentes à la réforme financière et 0 pour les périodes suivantes y compris la période de sa mise en place. Ces auteurs ont ajouté donc cette variable pour différencier l'impact du développement financier selon les périodes de répression financière et de libéralisation financière. Ils ont obtenu une influence minimale de la croissance du système financier en période de répression financière. Le coefficient associé à cette variable indicatrice multiplié par le ratio (M2 / PIB) est négatif et significatif. De là, les deux auteurs ont conclut q'un système financier réprimé, semble avoir une influence nuisible sur la croissance. Ce résultat confirme la position des défenseurs de la libéralisation. Par ailleurs, les deux auteurs ont constaté que le développement du système financier n'a pas un effet significatif sur la croissance. Le seul effet mis en évidence est un effet négatif lorsqu'il est associé à un régime de répression financière. L'explication proposée pour interpréter cette situation concerne la possibilité d'existence d'équilibres multiples de croissance en liaison avec le niveau du développement financier :

Un « équilibre haut » avec forte croissance et développement normal du système financier et un « équilibre bas » avec faible croissance, où l'économie ne réussit pas à développer son secteur financier. Entre les deux, il y a un équilibre instable qui définit un effet de seuil du développement du système financier sur la croissance. Au-delà de ce seuil, l'économie converge vers l'équilibre avec forte croissance, alors que, en déça de celui-ci, elle reste bloquée dans une situation de piège de pauvreté. Par le biais de cette analyse, ils ont validé l'idée suivant laquelle l'impact de l'approfondissement financier sur la croissance ne se manifeste qu'à partir d'un certain seuil (M2/PIB) au moins égal à 36,5%. Cela signifie que dans les pays ayant un faible ratio (M2/PIB) l'impact du développement financier sur la croissance ne sera pas significatif.

Mais la recherche empirique a mis en oeuvre parallèlement une démarche très différente, fondée sur l'analyse statistique de causalité (le test le plus fréquemment utilisé dans ce cas étant le test de Granger).Ce test peut mettre en évidence plusieurs cas de figure : une causalité de l'une des variables vers l'autre, sans que la réciproque ne soit vraie (causalité unidirectionnelle), une causalité dans les deux sens (bidirectionnelle), ou pas de causalité du tout.

Un des premiers travaux utilisant l'analyse de causalité est l'article de Jung (1986), effectué sur 56 pays, industrialisés ou en développement. En ce qui concerne les pays en développement, l'analyse de la causalité unidirectionnelle montre que 24 pays présentent une causalité allant du financier vers le réel, contre 14 en sens inverse. L'analyse de Patrick semble donc globalement validée, mais de façon non systématique. De plus, Jung n'intègre que deux pays d'Afrique sub-saharienne dans son échantillon (Nigeria et Kenya).

L'étude de Spears (1992) présente une analyse en termes de causalité consacrée spécifiquement à des pays d'Afrique sub-saharienne. Spears montre ainsi que l'intermédiation financière (mesurée par M2/PIB) est une cause, au sens de Granger, de la croissance du PIB par tête au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Kenya et au Malawi. Le Burkina Faso présente la particularité d'avoir une causalité bidirectionnelle. En revanche, les tests rejettent l'hypothèse suivant laquelle l'approfondissement financier mesuré par le rapport de la quasi-monnaie à M2 puisse être la cause de la croissance réelle. Toutefois (comme dans l'article de Jung), la stationnarité de séries n'a pas été testée, ce qui laisse planer un doute sur la qualité des résultats.

Anne Joseph, Marc Raffinot et Baptiste Venet (1998) dans une étude intitulée «l'approfondissement financier et croissance : analyses empiriques en Afrique subsaharienne », pour la période 1970-1995 ont conclu que l'approfondissement financier joue un rôle dans la croissance réelle d'une grande majorité des pays de l'U.E.M.O.A, ainsi que dans le cas du Cameroun entre 1963 et 1995. Ils ont utilisé dans leur étude d'une part la croissance économique mesurée par le PIB réel par tête comme régresseur et d'autre part les variables financières telles que : le ratio M2/PIB étant donné le faible nombre d'institutions financières non bancaires dans les pays d'Afrique sub-saharienne ; le ratio quasi-monnaie/M2, variable destinée à rendre compte des progrès de l'intermédiation financière dans la mesure où c'est au travers de la croissance des dépôts à terme et d'épargne que les intermédiaires financiers sont supposés pouvoir pleinement jouer leur rôle de promoteur de l'accumulation de l'épargne domestique et d'orientation des ressources vers l'allocation optimale des ressources ; l'encours nominal de crédits au secteur privé et l'encours réel de crédit par habitant. La relation entre croissance et approfondissement financier dans le cas de l'U.E.M.O.A. a été étudiée de deux manières : par l'économétrie de panel, d'une part, et par l'analyse de causalité d'autre part. Ils concluent à partir de leurs résultats qu'il existe dans six cas sur sept (non compris la Guinée Bissau dû à son intégration récente à l'union), un lien de causalité au sens de Granger entre approfondissement financier (mesuré par M2/PIB) et croissance de la sphère réelle. Seul le Niger n'exhibait aucun lien de causalité significatif (ce résultat n'implique pas forcément l'absence de lien économique entre les deux secteurs dans ce pays). Par ailleurs ils observent que dans la moitié des cas, c'est la croissance du secteur réel qui impliquerait l'approfondissement financier et non l'inverse (contrairement au sens de causalité postulé par Patrick 1966). Le Burkina Faso, le Sénégal et le Togo connaîtraient des phénomènes de « demand following » tandis que le Bénin, la Côte d'Ivoire et le Mali seraient dans une configuration dite de « supply-leading » où la croissance serait positivement influencée par le développement de la sphère financière. Pour ce qui concerne le Bénin dans cette étude, les deux auteurs ont conclu donc qu'il existait un lien unidirectionnel allant du secteur financier au secteur réel.

Condé Laciné (1999) dans une étude sur l'intermédiation financière et croissance économique dans l'UEMOA conclut qu'il existe une liaison causale significative entre les sphères réelles et financières des pays de son échantillon. L'auteur affirme qu'en Côte d'Ivoire et au Sénégal, le sens de causalité va des finances au réel mais par contre au Togo, on observe une liaison dans le sens inverse.

En dépit de cette floraison d'études basées sur l'approche de panel, il existe néanmoins quelques études qui se sont intéressées au cas isolé d'une telle économie ou d'une autre.

Mally Komla (1998) dans une étude sur l'épargne, l'investissement et croissance économique au Togo, révèle qu'à long terme la ressource extérieure a un impact positif et significatif sur l'investissement alors que la ressource domestique a une influence positive mais non significative sur l'investissement ; de plus son étude a révélé l'existence d'une relation négativement significative entre la production réelle et l'investissement public, alors que l'investissement privé influence négativement et presque significativement la production réelle à long terme.

Mba Nguéma B. (2000) a pour sa part réalisé une étude sur l'intermédiation financière et la croissance au Gabon. Il conclut que malgré les périodes régulières de surliquidité du système bancaire gabonais, les banques ne finançaient pas la croissance. Le modèle de Levine qu'il a utilisé et qui met en relation le taux d'investissement et les indicateurs du système financier montre que les indicateurs du système financier gabonais n'influencent pas la croissance de ce pays. Il aboutit au fait que la contribution du secteur financier à la croissance ne s'est pas accrue.

Boujelbène Younes et Chtioui Slim (2006) ont réalisé une étude sur la libéralisation et l'impact du développement financier sur la croissance économique en Tunisie. S'inspirant des travaux de Levine et Renelt (1992), King et Levine (1993), et Levine (1997), les deux auteurs ont confirmé l'étroite liaison positive entre les variables financières et réelles. Leurs résultats vérifient la relation positive et statistiquement significative entre les indicateurs de développement financier utilisés. Ils déduisent à cet effet que le système financier peut donc contribuer à la performance de l'économie en Tunisie à partir des équations à correction d'erreurs analysées.

Ayira Blaise KOREM 2004, dans un mémoire intitulé « Développement financier et croissance économique au Togo » étudie le lien entre le secteur financier et le secteur réel au Togo entre 1965 et 2002.Il a, contrairement aux travaux cités ci-dessus, pris en compte la contribution de la microfinance au secteur financier. Les résultats de ses travaux ont montré qu'au Togo, le développement financier a un impact positif sur la croissance économique mais n'ont pas permis de trancher sur le sens de causalité entre les différentes variables financières et la mesure de la croissance économique.

Les différentes analyses empiriques qui ont fait l'objet de cette revue de littérature présentent les limites suivantes :

La plupart des études empiriques concernent plusieurs pays à la fois avec l'utilisation des données de panel. Cette technique ne permet pas de rendre compte de la spécificité de chaque pays.

Très rares sont les études qui se sont d'abord intéressées à l'analyse préalable de la stationnarité des variables avant les estimations. Une telle estimation peut sans nul doute produire des résultats fallacieux.

Nombre de ces travaux empiriques se sont contentés de vérifier la nature du lien qu'il existe entre les variables financières et la croissance économique et sont restés muets sur le sens de causalité de ce lien.

Enfin, aucune des études empiriques citées dans cette revue sauf celle de Ayira Blaise KOREM 2004, n'a mis l'accent sur la microfinance en tant qu'un autre sous-secteur de la sphère financière. En effet, le secteur informel joue un rôle important dans la mobilisation de l'épargne, dans l'allocation des microcrédits et donc dans l'investissement national en ce sens que dans les pays en développement, une marge importante des populations exercent dans l'informel et donc ne peut accéder aux services financiers des banques classiques. Il convient alors de souligner la contribution du sous-secteur de la microfinance à la croissance économique.

B- Microfinance et croissance économique

La microfinance désigne l'activité de collecte d'épargne et de refinancement des petits producteurs ruraux et urbains. Elle peut être aussi définie comme un système d'offre de services financiers (épargne, microcrédit,etc.) de proximité aux pauvres économiquement actifs (tirée du documents de la cellule de microfinance intitulé « Bilan et perspectives à court et moyen termes de la microfinance au Bénin »).La microfinance se démarque du système financier classique par deux critères à savoir :la population bénéficiaire, relativement pauvre ou tout au moins exclue du système bancaire classique puis les opérations d'épargne et de crédits de faibles montants.

Ce secteur est actuellement régi par la loi PARMEC (Projet d'Appui à la Réglementation sur les Mutuelles d'Epargne et de Crédit) au niveau de l'UEMOA. Cette loi constitue au niveau communautaire le cadre légal de reconnaissance, de gestion et de viabilité des Systèmes Financiers Décentralisés (SFD).

La microfinance a un double objectif : d'abord favoriser l'accès des petits producteurs exclus du circuit bancaire à des services financiers de proximité et adaptés à la taille de leurs activités (microentreprises/microcrédits) et ensuite, réaliser une meilleure collecte de l'épargne des ménages et des petits entrepreneurs pour la réinjecter dans le circuit économique. Cette activité de microfinance est exercée par des sociétés de droit privé ayant titre d'Institutions Financières Décentralisées (IFD) qui se divisent en trois catégories : les Institutions Financières Mutualistes (IFM), les Institutions Financières Non Mutualistes (IFNM) et les autres Structures de la Microfinance.

1-Microfinance : sous secteur de moindre importance

Selon Kamalan (2006), les IMF représentent une quantité négligeable lorsqu'on compare les données de crédits et d'épargne avec les banques commerciales. Les données actuelles sur les institutions de microfinance dans les différents pays de l'UEMOA ne poussent guère à l'optimisme en ce qui concerne l'idée d'une relation et d'une incidence de ces institutions sur le développement des institutions financières dans l'union. L'auteur conclut également que les IMF qui ont émergé dans ces pays et se sont consolidées au milieu des années 1995 ne contribuent pas au développement des institutions financières en terme d'accroissement des capacités de création monétaire et de mobilisation de l'épargne.

Selon cet auteur si l'on s'en tient à cette perception du développement économique sacralisée autour de la variable PIB, on peut alors valider l'idée que les IMF sont proprement inefficaces en tant que programmes de développement d'un pays vu leur contribution négligeable dans la variable déclencheur de croissance qu'est le développement financier. Pour apprécier la contribution des IMF en tant que programme de développement dans les pays francophones d'Afrique de l'Ouest, on a besoin de développer une microfinance pérenne.

Dossou (2003), dans son étude portant sur 5 pays (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali et Sénégal) a utilisé le ratio encours de crédit des IMF rapportés au crédit accordé au secteur privé par les banques. Il a abouti à un faible impact macroéconomique des IMF car tous les taux sont en dessous de 12% et surtout que dans certains pays ce taux se situait à moins de 2%. La figure ci-dessous est celle qu'il a utilisée pour traduire les mécanismes relationnels entre la microfinance et la croissance

Economie réelle

Flux financiers

Economie Financière

Epargne

Services d'épargne

Intérêt

Ménages

Individus

Groupe d'individus pauvres

Institution de microfinance

Remboursement

Microentreprises

Service de crédits

Microcrédits

Figure 1 : Lien entre microfinance et économie réelle.

Néanmoins, Dossou (2003) estime que du point de vue qualitatif, la microfinance a bel et bien un impact spécifique sur des populations bien spécifiques. En effet, selon cet auteur, la microfinance est pour les pauvres entrepreneuriaux, un outil bien adapté pour réduire la pauvreté en débloquant la contrainte du capital, permettant l'investissement, le lissage de la consommation dans le temps et de répondre aux besoins urgents de liquidités.

2- Microfinance : puissant outil de lute contre la pauvreté

Kacou (2006) affirme qu'en dépit de ce consensus sur le rôle de la microfinance, dans de nombreux pays en développement et en Afrique plus particulièrement, une partie importante de la population n'a pas accès aux services financiers de base et s'enfonce dans la paupérisation. Cette exclusion financière des populations constitue un frein important au développement économique des pays dans la mesure où il est désormais unanimement reconnu que l'accès au crédit, à l'épargne, à un emploi décent, à des moyens de paiement sécurisés, aux services d'assurance favorisent le développement économique, social et humain des populations. L'auteur pour évaluer l'impact de la part des crédits de la microfinance dans le crédit à l'économie utilise le ratio du crédit accordé par les institutions de microfinance rapporté au crédit bancaire. La conclusion de cet auteur soutient le fait que la microfinance est un facteur de développement économique.

Pour Lustin (2005), la microfinance est un puissant outil de développement avec le potentiel d'atteindre les populations pauvres, d'élever leur niveau de vie, de créer des emplois, de créer la demande pour de nouveaux biens et services, et de contribuer à la croissance économique. La microfinance joue un rôle d'instrument de réduction de la vulnérabilité des pauvres aux chocs économiques.

Toutes ces analyses qui ont été menées sur la relation entre la finance et la croissance ont été menées dans des contextes différents.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe