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Du contentieux constitutionnel en RDC. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2031
  

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§3. Le Japon

Le Japon s'est vu imposer une démocratisation de sa vie politique par le gouvernement américain après sa défaite de 1945. C'est ainsi que la constitution qui régit ce pays fut adoptée en 1946. Et, comme pour paraphraser le très regretté doyen Louis Favoreu, on ne conçoit plus aujourd'hui de système constitutionnel ne qui fasse place à la justice constitutionnelle.180(*)

Comme exigence naturelle du mimétisme institutionnel, le Japon adopta le contrôle des lois du type de judicial review. Depuis plus de soixante ans de pratique de justice constitutionnelle, le Japon présente, aux dires du professeur Hajime Yamamoto, une passivité de la production judiciaire. Aussi, au début des années 1990, des personnalités, des partis politiques ainsi que la presse se mirent-ils à proposer le modèle européen.181(*) Il s'agit encore d'un voeu dont la réalisation dépend en grande partie de l'inertie culturelle nipponne.

De lege lata, il existe une hiérarchie judiciaire à trois étages que sont : la Cour suprême, les cours d'appel et les tribunaux au niveau du département. La Cour suprême dont l'étude nous importe ici est composée de 14 juges et d'un président. La nomination desdits juges est soumise à la confirmation par les citoyens lors des élections générales des députés, puis tous les dix ans. Le président de la Cour est nommé par l'Empereur sur désignation du Gouvernement. A ce titre, il assume la direction de l'organisation judiciaire nipponne. Notons même que le protocole d'Etat le place au même rang que le Premier ministre.

A la lecture de l'article 77 alinéa 2 de la Constitution, il s'évince que les juges sont indépendants tant le texte fondamental proclame que « tous les juges se prononcent en leur âme et conscience et sont tenus d'observer exclusivement la Constitution et les lois ». Par ailleurs, les mêmes juges ne peuvent être révoqués que par la voie de la mise en accusation publique, à moins qu'ils ne soient judiciairement déclarés mentalement ou physiquement incapables de s'acquitter de leurs fonctions officielles. Aucune action disciplinaire ne peut être entreprise contre les juges par un organe ou un service dépendant de l'exécutif.182(*)

Cette indépendance qui est affirmée tambour battant est consolidée par l'unicité de juridictions qui caractérise le modèle nippon dans la mesure où l'article 76 de la Constitution proclame de façon péremptoire qu'aucun contentieux ne peut échapper à la Cour suprême.

Dans ce modèle décentralisé, l'on remarque que la Cour suprême est définie comme une Cour de dernier ressort compétente de décider de la constitutionnalité de tous les actes. Aux termes de sa jurisprudence, la Cour suprême a précisé qu'elle ne pouvait être saisie que sur exception dans un litige concret. 183(*) Elle s'est refusée à tout contrôle abstrait.

De ce point de vue, il est tentant de ranger le contrôle de constitutionnalité des lois au Japon dans le modèle américain. Cependant, au regard de sa production jurisprudentielle, il faut voir que le juge nippon est d'une passivité que la doctrine a tenté d'expliquer par l'esprit d'harmonie qui caractérise la mentalité japonaise qui induit à la fois une modestie devant les pouvoirs législatifs et exécutif et une tendance à privilégier la stabilité juridique. Par ailleurs étant une cour régulatrice des contentieux ordinaires, la Cour suprême a tendance également à ne pas se considérer comme une garantie de la Constitution.

Au demeurant, le juge japonais aime la rigidité de la logique et de l'interprétation juridiques de sorte qu'il est peu enclin à la proclamation de droits nouveaux. Enfin, le professeur Yamamoto croit expliquer cette passivité par le fait que le modèle du juge nippon dériverait du droit du vieux continent où un juge sans personnalité et sans originalité y est considéré comme un idéal. Naturellement, ceci ne pousse guère à une interprétation constitutionnelle constructive favorable aux droits fondamentaux.184(*)

L'autre type d'explications est que l'absence d'alternance se répercute sur la composition de la Cour. En effet, le pouvoir étant entre les mains du Parti conservateur japonais hostile à la Constitution de 1946 et la nomination des juges ne dépendant que du gouvernement seul, il est évident que dans ces conditions la Cour ait joué le rôle d'une caisse de résonance du pouvoir dominant et conservateur.

Malgré l'existence du mécanisme de destitution des juges par le peuple, il est à observer une indifférence générale de ce dernier quant à cette faculté entraînant de la sorte une sorte de bureaucratisation des juges qui deviennent ainsi une classe sociale d'intouchables et de conservateurs. Aucun juge n'a été destitué, à ce jour, aux dires de Yamamoto.

En définitive, ceci est du à la mentalité japonaise dont on dit qu'elle est revêche au droit et ne jouit pas des antécédents historiques de l'Occident fondés sur le prestige des professeurs ni sur la tradition anglo-saxonne de Judge made law.185(*)

Ces raisons hypothèquent la formation d'une légitimité politique de la justice constitutionnelle dans la société japonaise.

Dans une telle ambiance, l'on ne peut s'attendre qu'à une maigre moisson de la production jurisprudentielle. Aussi, depuis soixante ans et plus, la Cour nipponne n'a rendu que six arrêts en matière de constitutionnalité par voie d'exception.

Le premier arrêt est du 4 avril 1973 relatif à un article du Code pénal punissant le parricide beaucoup plus sévèrement qu'un meurtre ordinaire ; le deuxième qui est du 30 avril 1975 se rapporte à un article de la loi sur les pharmacies exigeant une certaine distance entre les pharmacies déjà ouvertes et les nouvelles ; le troisième du 14 avril 1976 est relatif à un article de la loi électorale créant un décalage entre les circonscriptions électorales ; le quatrième qui est du 17 juillet 1985 est relatif à une loi électorale créant un décalage atteignant 1 pour 4,4 dans la distribution des sièges des députés ; le cinquième qui est du 22 avril 1987 se rapporte à la loi forestière dont une disposition interdit la demande de partage de la part d'un ou des copropriétaires dont la part ne dépasse pas la moitié de la valeur du domaine intéressé déclarée inconstitutionnelle car contraire à l'article 29 de la Constitution qui garantit le droit de propriété et enfin, le sixième arrêt est relatif à la loi sur la Poste qui a exempté une obligation de la responsabilité de l'Etat dans certains cas de traitement des courriers.186(*)

L'on peut donc en conclure que malgré la parenté d'emprunt du modèle décentralisé d'origine américaine, le système juridictionnel nippon est demeuré ancré dans la longue spécificité historique de son peuple.

C'est le lieu de dire avec Jean Hubert Moitry que le droit dans ce pays s'inscrit dans une tradition très ancienne, dont les effets sont toujours observables. Le droit japonais d'aujourd'hui est le résultat d'une synthèse qui n'a effacé que partiellement les traits hérités du passé.187(*) Le Japon semble s'être inspiré de la méthode comparatiste de Hozumi, Sugiyama et Takanayagoshi qui érige en système la recherche critique au sein de droits étrangers des règles les mieux adaptées et d'en élaborer une synthèse spécifiquement japonaise.188(*)

Examinons à présent un autre cas atypique :

* 180 FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op.cit, p.3.

* 181 YAMAMOTO (Y.), « Sur les projets récents de la création d'une cour constitutionnelle au Japon », http://www.conseil-constitutionnel.fr/cahiers.ccc9/ccsa.htm consulté le 27 février 2008, 8 pp.

* 182 Constitution japonaise, article 78.

* 183 Lire YAMAMOTO (Y.), op.cit, p.2.

* 184 Idem, p.4.

* 185 Karel VAN WOLFEREN, L'énigme de la puissance japonaise, Traduit de l'anglais par Danièle Laruelle, Paris, Laffont, 1990, pp.225 et s.

* 186 Pour une étude fouillée des problèmes dus à la passivité de la Cour suprême nipponne, lire FUKASE(F.) et HIGUCHI (Y.), Le constitutionnalisme et ses problèmes au Japon, p.298 et s. ; MUTSUO NAKAMURO, « Quarante ans de contrôle de constitutionnalité des lois », Annuaire international de justice constitutionnelle, Vol.III, 1987, p.691 et s. ;YASUHIRO OKUDAIRA, The Constitution an its various influences, in PERCEY R.LUNEY Jr and KAZUYUKI TAKAHASHI(eds), Japanese Constitutionnal Law, University of Tokyo Press, 1993, p.20 et s cités par YAMAMOTO (Y.), op.cit, p.2.

* 187 MOITRY (J.-H.), « Culture juridique du Japon », in ALLAND(D.) et S.RIALS (S.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, Lamy, Quadrige, 2003, p.857.

* 188 Idem, p.860.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo