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Du contentieux constitutionnel en RDC. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2031
  

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CHAPITRE IV :
QUEL MODELE POUR LA REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO ?

Nous savons, depuis le doyen Gicquel, que « le droit constitutionnel participe de la culture de l'Occident », mais que sa généralisation ou plutôt son universalisme s'est opéré au détriment de sa spécificité485(*) Une telle profession de foi ne peut que faire tiquer le constitutionnaliste congolais qui se rappellera que déjà Aristote en classant les Constitutions des cités grecques n'avait pas omis de les ranger selon le tempérament de chaque peuple.

Du reste, l'on peut dire avec le Professeur Ntumba Luaba Lumu, qu'il a existé le constitutionnalisme précolonial dont la fonction était double : légitimer le pouvoir au moyen de la sacralité de ce dernier et éviter que le pouvoir ne devienne tyrannique.486(*) A pris pas sur ce constitutionnalisme, celui de la colonisation qui n'avait comme but et fonction que de légitimer ce phénomène d'asservissement du peuple. A cette occasion, un droit et des institutions d'origine européenne sont greffés sur le corpus normatif autochtone. La greffe n'a pas pris, à voir comment de larges zones de non droit écrit subsistent et résistent à l'avancée du droit moderne.487(*)

Après une longue période de mimétisme institutionnel, l'Afrique noire postcoloniale semble s'être rangée dans un déclic d'autochtonie constitutionnelle.488(*) Là, à notre avis, il s'éclaire la question du choix du modèle classique occidental ou d'un modèle postmoderne qui serait reconnaissable par la population congolaise dans son ensemble parce qu'issu de son schème de pensée traditionnelle sur la justice. Mais avant d'élaborer un modèle théorique qui aurait la prétention de rencontrer les aspirations populaires, il est utile de voir comment déjà en Afrique noire certaines nations ont tenté de résoudre cette question. Par un choix presque arbitraire, l'option a été levée en faveur de l'étude de trois pays africains émergents du point de vue de la justice constitutionnelle : le Sénégal, le Bénin et la République sud-africaine.

Le choix de ces pays est naturellement fondé sur l'avancée de la justice constitutionnelle qui s'y remarque et vide le problème théorique mineur, à notre avis, du champ géographique ou linguistique de l'étude. Faute de bibliothèques bien garnies, nous avons gardé un profil modeste devant l'ambition certes légitime de parcourir plusieurs pays africains de culture presque similaire.

L'on peut légitimement aussi remarquer d'emblée que le constituant sud-africain est à ranger dans le mouvement postmoderne d'autochtonie constitutionnelle par le jeu des institutions tant de justice transitionnelle489(*) qu'il a instituées que par celles de la justice constitutionnelle dont les spécificités constituent des pépites d'or pour le constitutionnaliste qui veut s'en approprier.

En revanche, tant dans son modèle que même dans ses applications, le juge constitutionnel sénégalais ou béninois, malgré son abondante productivité, est une copie servile du Conseil constitutionnel français. Nous pouvons dire que la marque de la colonisation française par le biais de l'assimilation a laissé de profondes traces qu'il sera difficile d'effacer.

Au demeurant, faut-il tout effacer ? Ne s'agit-il pas en définitive de faire accorder l'universel avec les spécificités de la justice en Afrique ? Il suffit de voir au sortir du palais de justice comment les plaideurs profanes sont désemparés tant par le langage du droit qui est manifestement ésotérique mais aussi et surtout par l'étiquette judiciaire qui se déroule comme une cérémonie d'initiés ou même « des sorciers des temps modernes », avec de longues robes noires490(*) avec chausse garnie de peau de léopard ou même de fourrure dont la signification est tout autant mystérieuse, pour ressentir la nécessité vitale de rendre la justice accessible.491(*)

Même l'Occident éprouve ce besoin malgré des siècles d'éducation qui ont reculé les frontières de l'analphabétisme à ses portions les plus congrues.492(*) Existe-t-il un modèle africain de justice constitutionnelle sur lequel nous pourrions être obligé d'ériger notre propre modèle théorique?

Section 1 : VERS UN MODELE AFRICAIN ?

La réponse à cette question, pour capitale qu'elle pourrait être, passe nécessairement par un essai de parcours même furtif des institutions de justice constitutionnelle des pays choisis. Ne fut-ce que par sa proximité géostratégique et l'intérêt qu'elle présente du fait de sa sortie récente des limbes de la dictature et de l'oppression de l'apartheid, commençons par la République sud-africaine.

§1. La République sud-africaine

Malgré sa nouveauté dans le paysage institutionnel sud-africain, il faut reconnaître que la Cour constitutionnelle de ce pays présente un intérêt majeur du point de vue de l'élaboration d'un modèle congolais. En effet, sortie de limbes de l'apartheid qui est une sorte de négation de l'homme en tant qu'il est expression d'une différence de couleur, la République sud-africaine a suivi en cela les traces historiques de tous les peuples qui ont connu les horreurs de l'histoire.

La Cour constitutionnelle est le fruit des négociations constitutionnelles des années 1992-1993 qui ont abouti à sa consécration dans la constitution intérimaire de 1993. La doctrine la plus en vue sur la question indique que sa caractéristique principale est de n'être fondée ni sur le modèle américain ni de s'apparenter pleinement au modèle européen.493(*)

Pour de raisons plutôt politiques que techniques, la République sud-africaine a opéré un choix vers ce modèle métissé car il s'agit pour elle d'avoir un juge garant de la Constitution mais qui ne soit pas un juge de l'époque de l'apartheid. Il se développait en effet la crainte légitime de ne pas voir s'exercer pleinement la protection de la Constitution et des droits fondamentaux tant les juges antérieurs ne s'étaient guère distingués dans la protection des droits fondamentaux au point qu'il eut été illusoire de leur confier la tâche de gardien de la Constitution. Si la Cour constitutionnelle a le dernier mot en matière constitutionnelle, la possibilité est donnée aux autres juridictions supérieures qu'elle coiffe de trancher des questions de droit constitutionnel à l'occasion d'un litige.

Il faut noter, en passant que le système juridictionnel de la République sud-africaine est fondé sur l'unicité de juridictions. Au bas de la pyramide, il y a les Magistrates Courts et les Regional Courts qui statuent au premier degré, suivis des juridictions d'appel qui jouent en même temps le rôle de juridictions de premier degré pour ce qui est des juridictions supérieures appelées High Courts. Compte tenu de la nature de l'affaire, elles peuvent être saisies au premier degré ou en appel. Au sommet de la pyramide, trône la Cour suprême appelée Supreme Court of Appeal qui est l'exact pendant de la Cour de cassation tant elle n'examine que des moyens de droit.

Il y a là mélange du modèle centralisé et décentralisé à la fois. Les juridictions supérieures saisies de la question de constitutionnalité l'examinent tantôt comme une question préalable et la vident à leur niveau tantôt comme une question préjudicielle et en renvoient l'examen devant la Cour constitutionnelle. Toutes les juridictions participent au contrôle de constitutionnalité même si le monopole final est réservé à la Cour constitutionnelle.

Le contentieux constitutionnel sud-africain, affirme Xavier Philippe, se situe à la croisée des chemins et des systèmes, reflet de l'Afrique du Sud elle-même.494(*) Du point de vue l'architecture institutionnelle, la Cour constitutionnelle est organiquement intégrée au pouvoir juridictionnel. Elle figure au chapitre 8 consacré au système judiciaire et elle est placée en tête de toutes les juridictions de la République. 495(*) En revanche, une compétence de cette Cour va au-delà du pouvoir d'une juridiction soit-elle constitutionnelle. En effet, le juge constitutionnel sud-africain a la mission d'homologuer des textes constitutionnels adoptés par le constituant. Cette mission spéciale fait du juge sud-africain un cas type d'un choix de « chemin de traverse mêlant classicisme et innovation ».496(*)

S'agissant de la composition, la Cour est composée d'un Président, d'un vice-président et de neuf autres juges soit onze membres au total. Le quorum est de huit membres. Les juges sont nommés pour un mandat non renouvelable de douze ans mais ils doivent se retirer dès qu'ils ont atteint l'âge de soixante-dix ans. 497(*) Le président et son adjoint sont nommés par le Président de la République après consultation de la Commission du service judiciaire ainsi que des chefs de partis politiques représentés à l'Assemblée nationale.

Les autres juges sont nommés par le Président de la République après consultation du Président de la Cour constitutionnelle et des chefs des partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. Ce système de nomination aboutit concrètement à ceci que la Commission du service judiciaire propose et le Président de la République dispose au sein de la seule liste établie par cette dernière. L'on peut noter que les juges doivent être de nationalité sud-africaine, être juges au moment de la nomination et tenir compte de la représentation par race et par sexe.

Enfin, ils doivent être fit and proper c'est-à-dire capables et dignes, ce qui voudrait dire posséder les qualifications techniques et professionnelles requises pour le boulot. En cas de vacance, sans consultation de la Commission du service judiciaire requise, le Président de la République nomme un juge suppléant sur recommandation conjointe du Ministre de la justice, du Président de la Cour constitutionnelle et du Président de la Cour suprême.

S'agissant, en revanche, de la compétence de la Cour constitutionnelle sud-africaine, il importe de noter que l'article 167 de la Constitution définitive de 1996 confie à cette haute instance la compétence en matière constitutionnelle mais uniquement en matière constitutionnelle. Elle tranche les questions de constitutionnalité ou statue sur les décisions relatives à ces questions rendues par les autres juridictions. Cette innovation institutionnelle a engendré ce que le professeur Xavier PHILIPPE appelle le contrôle concentré diffus.

La constitution reconnaît en effet à toutes les juridictions le pouvoir de statuer sur une question de constitutionnalité mais en même temps la Cour doit être saisie automatiquement pour confirmer la décision juridictionnelle ainsi rendue. A notre sens, il s'exerce là un double contrôle : sur la constitutionnalité mais également sur la validité du jugement rendu par le juge inférieur. De ce point de vue, la Cour constitutionnelle joue le rôle de juge d'appel en ce qui est des décisions rendues par les autres juridictions en matière constitutionnelle.

Aucune décision d'inconstitutionnalité ne peut échapper au contrôle final de la Cour constitutionnelle. Il s'agit là, à n'en point douter d'un trait important de son originalité qui s'accouple cependant avec d'autres caractéristiques que nous verrons plus loin.

En outre, il sied de noter que la Cour constitutionnelle sud-africaine est dotée sur pied des dispositions de l'article 167(4) de la Constitution de 1996 des attributions généralement confiées à un tribunal constitutionnel dans une fédération. A ce titre, elle est compétente pour régler les questions de compétence entre pouvoir central et provincial.

De même, l'on observe que la Cour constitutionnelle peut être également saisie dans le cadre d'une saisine parlementaire nationale ou provinciale ; au niveau national, l'Assemblée nationale dispose en effet de la possibilité juridique de saisir la Cour dans le les 30 jours de la promulgation de la loi par le Président de la République et ce, moyennant la signature de la requête par un tiers des membres de l'Assemblée nationale. Il en va de même au niveau provincial sauf à préciser que le nombre des signatures exigées s'élève plutôt à un cinquième des membres de l'assemblée provinciale.

De l'avis de la doctrine, le point le plus original de la technique de contrôle de constitutionnalité en République sud-africaine est sans nul doute le contrôle de constitutionnalité des révisions constitutionnelles. 498(*)

Il suffit de se rappeler les débats nombreux et intenses sur la supraconstitutionnalité pour se rendre à l'évidence que ce contrôle est tout de même original. Par définition, en effet, le pouvoir constituant fut-il dérivé est souverain et à ce titre non susceptible de contrôle ; dès lors il est curieux de voir l'enserrer dans les lumières d'une Cour constitutionnelle.

Cependant, l'explication que tente Xavier Philippe peut apaiser les esprits car, selon lui, ce contrôle est d'abord limité à certaines dispositions de la Constitution tout comme il s'exerce ensuite sur les dispositions relatives au pouvoir de révision. Les dispositions de fond ne semblent guère être concernées par ce contrôle.499(*)

La thèse ainsi soutenue nous parait quelque peu confuse car le fait de vérifier la régularité d'une révision constitutionnelle à l'aune des principes constitutionnels antérieurement adoptés ne s'analyse pas en un contrôle juridictionnel de la constitutionnalité, la Cour étant ici prise comme un des mécanismes de la révision constitutionnelle elle-même. En effet, la Cour avait été invitée à certifier que le texte définitif de la Constitution était conforme aux principes constitutionnels. L'invitation provenant du « contrôlé », elle ne saurait, à notre sens, s'analyser en un contrôle juridictionnel.500(*)

Il importe toutefois de noter que le juge constitutionnel sud-africain possède un pouvoir d'autosaisine en cas d'incompétence négative du Parlement ou du Président de la République.

Elle dispose de même de la compétence d'homologuer les constituions provinciales et leurs révisions. Il importe de souligner cependant que la plupart de ces compétences sont exercées par la Cour avec d'autres organes, dans le cadre d'un appel ou d'un recours direct.

S'agissant de ces compétences partagées, Xavier Philippe opine que la Cour constitutionnelle apparaît davantage comme une Cour d'appel intégrée au système juridictionnel spécialisé dans le contentieux constitutionnel.501(*) Il faut d'emblée affirmer que le contrôle de constitutionnalité dans le système sud-africain est un contrôle diffus concentré ou plus exactement à double détente. Notons cependant que les juridictions de première instance ordinaires n'exercent ce contrôle qu'à l'égard des actes administratifs essentiellement individuels, vis-à-vis des dispositions de la common law et du droit coutumier. Le droit sud-africain reconnaît le droit coutumier à la condition qu'il se conforme au chapitre 2 de la Constitution relatif à la protection des droits fondamentaux.

Les juridictions supérieures, par contre, ont l'obligation, aux termes de l'article 172 de la Constitution, de censurer tout grief d'inconstitutionnalité. Si le grief est rejeté, la décision ainsi rendue étant exécutoire, le juge procède à l'examen du fond.

En revanche, si le grief est admis et l'acte querellé enchaîné dans les liens de l'inconstitutionnalité, la décision sera suspendue jusqu'à la confirmation par la Cour constitutionnelle. La haute Cour joue ici et ainsi le rôle d'un juge d'appel objectif des questions constitutionnelles.

Deux situations sont possibles : ou la décision du premier degré est contestée par les parties par la voie d'appel, auquel cas la Cour constitutionnelle statue sur l'incident avec le tour particulier des spécificités de la cause en examen, ou la juridiction de première instance proprio motu saisit la Cour constitutionnelle aux fins de faire confirmer sa décision, auquel cas cette dernière statue comme juge constitutionnel sans égard ni aux arguments des parties ni aux particularités du litige.

Par la voie d'appel en effet les parties disposent ainsi de la possibilité de discuter indéfiniment ou à tout le moins avec bonheur les questions d'interprétation des textes constitutionnelles ou de leur application sans qu'aucun filtrage ne soit exercé à ce niveau. Il convient de conclure avec Xavier Philippe que « cette compétence partagée constitue un principe auquel la Cour constitutionnelle est très attachée car elle estime que la protection de la Constitution et sa suprématie dépendent de l'ensemble de l'ordre juridictionnel et non pas d'elle seule. Le contrôle de constitutionnalité n'est pas envisagé en Afrique du Sud séparément des autres questions ».502(*)

Une autre spécificité du modèle sud-africain réside à coup sûr dans la technique de recours direct devant la Cour constitutionnelle depuis n'importe quelle juridiction de quel que niveau qu'elle soit. Un filtrage de l'intérêt de la justice est fait préalablement par la Cour constitutionnelle seule. Une forte similitude avec le pourvoi dans l'intérêt de la loi du droit congolais peut être notée à ce niveau sauf à voir que l'initiative en est laissée aux particuliers pour ce qui est du recours direct.

Il suffit alors que non seulement la requête recueille quelques chances de réussite mais aussi que la résolution du cas soit nécessaire dans l'intérêt de la justice. Entre en ligne de compte souvent la fréquence avec laquelle la question posée pourrait se reproduire devant les autres juridictions.

En dehors de l'appel direct devant la Cour constitutionnelle, il existe le recours direct en inconstitutionnalité qui est inspiré vraisemblablement de celui qui existe en Allemagne et que nous avons vu plus loin. Toutefois, bien que prévu à l'article 167 (6) (a) de la constitution, ce recours est enchâssé dans un trio des règles prévues à l'article 17 du règlement intérieur de la Cour. Le recours doit ainsi indiquer en quoi il favorise l'intérêt de la justice, les effets recherchés et apporter des preuves ou offrir de les apporter relativement à l'objet de la requête.

La Cour, comme dans le cas d'appel direct, garde une large marge d'appréciation de la réalisation de ces trois conditions. Sans critiquer le droit anglo-saxon dans son ensemble, l'on peut légitimement se poser la question de savoir s'il est cohérent dans un système de droit que le juge soit appelé à appliquer des normes par ailleurs établies par lui-même.503(*)

Quant à la forme, il est utile de remarquer que les recours sont adressés à la Cour constitutionnelle par le biais du « huissier auprès des Hautes Cours » ; ce qui est l'équivalent d'un avoué à la Cour dans le système romano-germanique. Mais des dérogations sont possibles à la seule discrétion de la Cour. Les parties sont représentées par des « avocats auprès des Hautes Cours ».504(*) Ils doivent néanmoins avoir un mandat accepté par la Cour.

Il convient de remarquer que les requêtes sont déposées par les parties sous la forme d'une motion c'est-à-dire recours introductif d'instance soutenue par un affidavit c'est-à-dire une déclaration écrite faite sous serment. Les parties échangent les mémoires dans un délai de quinze jours maximum. Le président en cas d'urgence peut déroger à ces délais en les abrégeant. Outre le caractère écrit des arguments des uns et des autres, l'audition des parties demeure un principe appliqué par la Cour. Aux yeux des juges et des parties, il reste que l'attachement à l'oralité des débats est une valeur de la tradition juridique sud-africaine. Comme mélange avec le système anglo-saxon, le système sud-africain reconnaît l'intervention des amicus curiae c'est-à-dire des personnes intéressées par le procès et qui, avec l'accord des parties et celui du Président de la Cour, souhaitent intervenir dans le litige. Il ests entendu que cet accord détermine les droits et obligations des amicus curiae.

Outre l'indication de leur intérêt à agir, les amicus curiae doivent de même décrire la position soutenue et dire en quoi elle serait utile à la Cour, endéans dix jours et dans le strict respect de l'accord des parties et l'approbation du Président de la Cour. Ce dernier peut restreindre les droits découlant de l'accord ainsi donné.

Quant au jugement, la forme empruntée est celle d'un jugement dans le système anglo-saxon permettant des opinions séparées et dissidentes. Par ailleurs, la transparence qu'impose un tel système est de nature à permettre le suivi des tendances jurisprudentielles de la Cour sud-africaine. Le président n'a pas de voix prépondérante. C'est un des traits saillants du modèle sud-africain.

L'autre caractéristique fondamentale de ce modèle est que le juge sud-africain peut soit invalider purement et simplement une disposition inconstitutionnelle, soit demander au Parlement de modifier les dispositions législatives de façon à les rendre conformes à la Constitution, soit, et c'est cela la meilleure, suppléer la carence législative en ajoutant elle-même certaines dispositions de manière à rendre compatible la disposition censurée avec la Constitution. 505(*)

L'on ne peut clore ce sujet sans dire un mot sur le caractère totalement protecteur des droits fondamentaux vis-à-vis des autorités publiques dont tous les actes sont désormais soumis à la censure du juge constitutionnel. Avec Xavier Philippe, nous devrions reconnaître qu'en peu de temps elle a fait ses preuves en prenant des décisions parfois à contre courant de l'opinion majoritaire et en censurant les actes présidentiels même ceux qui sont habituellement parés de l'immunité juridictionnelle comme les grâces présidentielles.506(*)

Si tel est l'excellent état des lieux que la doctrine spécialisée établit sur la Cour constitutionnelle en République sud-africaine, voyons à présent ce qu'il en est du Sénégal qui passe pour un modèle démocratique sur le continent malgré quelques ratés du reste peu négligeables au regard d'énormes catastrophes que connaît l'Afrique centrale.

* 485 GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op.cit, p.33.

* 486 NTUMBA LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, Kinshasa, EUA, 2005, p.116.

* 487 Lire BOSHAB (E.), Pouvoir et droit coutumiers à l'épreuve du temps, Louvain-la-neuve, Academia Bruylant, 2007, 338p. L'auteur indique de façon magistrale comment les pouvoir et droit coutumiers opposent une résistance aux pouvoir et droit de l'Etat. N'est-ce pas la résistance des vaincus dont parle Ziegler contre un Etat et son droit perçus comme les avatars d'une domination extérieure ? Ou, tout simplement, s'agissant d'une greffe, la durée n'est-elle pas insuffisante pour que celle-ci prenne sur le corps social congolais ? En tout cas, la réflexion peut continuer sur ces rivages.

* 488 Lire ROBINSON, « Constitutional Autochthony in Ghana », Journal of Commonwealth Political Studies, 1961, n°4, cité par NTUMBA LUABA LUMU (A.-D.), op.cit, p.117.

* 489 Nous pensons à la fameuse « Commission Vérité et Réconciliation » qui a fait ses preuves dans ce pays africain.

* 490 Lire avec intérêt l'excellent article de Bruno NEVEU, « Costume des juristes », Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, Lamy, Quadrige, 2003, pp.309-313.

* 491 Lire FACULTE DE DROIT DE LA KATHOLIEKE UNIVERSITEIT BRUSSEL, (sous la direction de), Le langage du droit accessible à tous ?, Actes du colloque tenu le 17 novembre 1999 à la faculté de Droit de la Katholieke Universiteit Brussel avec le concours de Recherches et Documentation juridiques africaines Asbl, Bruxelles, éditions RDJA, 2000, 138 pp.

* 492 YOKO YAKEMBE (P.), L'UNESCO et le développement de l'éducation en Afrique noire indépendante, Thèse de doctorat de spécialité en droit public, Université de Dijon, 1970.

* 493 PHILIPPE (X.), « La Cour constitutionnelle sud-africaine. Présentation de la Cour constitutionnelle sud-africaine », Cahiers du Conseil constitutionnel, n°9, 18 pp in http://www.conseil-constitutionnel.fr/cahiers/ccc9/ccsa.htm consulté le 27 février 2008.

* 494 Ibidem

* 495 Voy article 166 de la Constitution définitive de 1996.

* 496 Après avoir passé six ans en Afrique du Sud, participé aux travaux et débats de l'Assemblée constituante pour aboutir à la rédaction de la Constitution sud-africaine, et suivi les travaux de la Commission Vérité et Réconciliation, ce thème est devenu, depuis 1997, le thème de recherche privilégié du Professeur Xavier Philippe. Il a donné lieu aux réalisations suivantes pendant la période de référence : Xavier Philippe, "La justice transitionnelle : une nouvelle forme de justice ?", L'Observateur des Nations Unies, septembre 2003 ; " Commission Vérité et Réconciliation et droit constitutionnel ", in Rhétoriques et Droits Vérité et Réconciliation après l'Apartheid, in «Vérité, Réconciliation et Réparation», sous la dir. de B. Cassin, O. Cayla et P-J Salazar, pp.219-241, Coll. Le Genre Humain, Seuil, 2004 ; " Plurijuridisme constitutionnel et droits coutumiers en Afrique du sud ", Association Internationale de Méthodologie Juridique- 8ème Congrès mondial Aix-en-Provence - 4 au 6 septembre 2003, RRJ 2004 ; " Le droit, l'État de droit et les cultures africaines dans la transition post-apartheid " Revue Projet Mars 2005 ; " Le rôle du constitutionnalisme dans la construction des nouveaux États de droit " Mélanges offerts à Loïc Philip, 2005 ;" La famille dans la guerre ", Mélanges offerts à F. Ringel, 2006 (à paraître) ; " The principles of universal jurisdiction and complementarity: how do the two principles intermesh? ", Revue Internationale de la Croix Rouge Vol. 88, n°862, 2006 ; " Justice Transitionnelle et Nations Unies ", L'Observateur des Nations Unies, Octobre 2006s; " Breaching the Principle of Proportionality between the Gravity of the Crime and the Weight of the Sanction in Transitional Justice Systems ", San Remo Institut International de Droit Humanitaire Table Ronde - 7-9 Sept 2006.

* 497 Voy article 167 de la Constitution de 1996.

* 498 PHILIPPE (X.), op. cit, p.5.

* 499 Idem, p.6.

* 500 Il s'agit d'une liste de 34 principes, nous dit Xavier PHILIPPE, adoptés par les partis politiques ayant participé aux négociations constitutionnelles originaires. Avant même que la Constitution intérimaire ne soit adoptée, les partis s'étaient mis d'accord sur une liste des principes qu'ils s'étaient engagés à respecter lors de l'écriture de la Constitution de 1993 mais également lors de l'élaboration de la Constitution définitive. Afin que cela ne reste un voeu pieux, la Constitution intérimaire avait confié à la Cour constitutionnelle le rôle de vérifier le respect de ces principes fondamentaux (article 74 de la constitution intérimaire de 1993).

* 501 PHILIPPE (X.), op.cit, p.6.

* 502 PHILIPPE (X.), op.cit, p.7.

* 503 Dans le système de droit de la Cour pénale internationale, l'on peut noter la présence dans l'arsenal juridique du règlement de la Cour et du règlement du greffe qui contiennent tous les deux des dispositions relatives à la procédure devant cette juridiction internationale. Ces deux instruments internationaux sont ici aussi l'oeuvre des juges même s'ils ont été adoptés par l'assemblée des Etats parties.

* 504 En RSA, les avocats près les Hautes Cours sont des Advocates.

* 505 La décision National Coalition for Gay and Lesbian Equality v.Minister of Home Affairs du 2 décembre1999 dans laquelle la Cour a ajouté les termes « ou de partenaires du même sexe » après les mots « époux » de façon à supprimer la discrimination pour l'entrée et le séjour de personnes vivant avec un résident permanent sud-africain. Voir traduction et commentaire de cette décision, http : www.law.wits.ac.za/judgements/1999/natcoal.html

* 506 Voir http s: www.law.wits.ac.za/judgements/1999/natcoal.html

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote