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Du contentieux constitutionnel en RDC. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2031
  

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CHAPITRE II :
LA COMPETENCE DU JUGE CONSTITUTIONNEL

La problématique de la compétence du juge constitutionnel a toujours suscité un intérêt particulier : celui de déterminer la nature de ce juge tant il est vrai que le législateur congolais, compte tenu de l'importance et de la sensibilité de la matière, a souvent affiché une attitude très circonspecte.

Il en résulte qu'il y a sans nul doute une corrélation entre le type de régime politique avec la compétence attribuée à une juridiction en matière constitutionnelle.

Pour être complet, disons d'un mot, que la compétence d'un juge est son aptitude à instruire et à juger un litige tandis que le juge lui-même est l'autorité investie de ce même pouvoir, dans les limites et l'étendue de ses attributions. Cette définition rejoint la doctrine qui enseigne que la compétence peut s'analyser comme une aptitude légale, pour une autorité publique ou une juridiction, à accomplir un acte ou à instruire et à juger un procès.689(*)

Il s'agira donc dans cette étude de saisir la compétence comme l'étendue et les limites des attributions constitutionnelles et légales reconnues à la juridiction constitutionnelle par le droit positif.

Il faut ajouter qu'à chaque niveau interviendra l'approche diachronique qui nous permettra en même temps que nous étudierons le droit posé de jeter un regard appuyé sur le passé qui est souvent révélateur de l'évolution de nos mécanismes institutionnels. Au demeurant, abordant une matière essentiellement prétorienne690(*), l'approche jurisprudentielle sera ici abondamment utilisée.

Par ailleurs, les attributions de la juridiction constitutionnelle étant de nature différente selon la classification que nous en avions dégagée en droit comparé, il importe d'aborder le sujet par l'analyse des attributions en matière gracieuse avant d'aborder celles que cette juridiction possède en matière contentieuse.

Section 1 : LES ATTRIBUTIONS EN MATIERE GRACIEUSE

Le juge constitutionnel, on l'a vu à travers l'histoire constitutionnelle de notre pays et même au travers de l'étude de droit comparé effectuée dans la première partie de ce travail, est souvent chargé des questions qui ne sont pas contentieuses. Nous les étudions néanmoins parce que, du point de vue technique, elles font bel et bien partie de la compétence matérielle de cette juridiction constitutionnelle. Une approche par rapport au fond de la question soumise au juge aurait à coup sûr empêché l'étude de telles questions qui, disons-le, d'emblée, ne soulèvent aucune question.

Parmi ces questions qui, apparemment, ne soulèvent aucune question contentieuse jusque là figurent la réception du serment présidentiel, le constat de la vacance au poste de Président de la République, la proclamation des résultats électoraux et référendaires, le dépôt de la déclaration du patrimoine familial du Président de la République et des membres du gouvernement ainsi que la déclaration de conformité des ordonnances de l'article 145 de la Constitution du 18 février 2006.

Voyons à présent chacun de ces chefs de compétence dans les détails.

§1. La réception du serment constitutionnel du Président de la République

La constitution énonce qu'avant son entrée en fonction, le Président de la République prête, devant la Cour constitutionnelle, le serment ci-après :...(...).691(*) L'analyse sémantique et téléologique des termes du serment relève du droit constitutionnel substantiel qui n'est pas notre enjeu ici. En revanche, sur la forme, la question que pose cette disposition constitutionnelle est celle de savoir si le juge constitutionnel a quelque compétence à l'égard de la personne qui prête ce serment. L'expression utilisée par le constituant est celle que ses prédécesseurs ont souvent employée, malgré quelques variantes qu'il sied d'épingler. 692(*)

La question acquiert une importance en théorie lorsque le juge constitutionnel qui, ici, est assujetti à une obligation juridique de recevoir le serment du chef de l'Etat élu, là, s'astreint à une obligation que ne lui impose aucun constituant. En effet, par arrêt R.S.002/2001 du vendredi 26 janvier 2001, non seulement le juge constitutionnel s'est senti obliger de rendre ledit arrêt mais bien plus il a affirmé tirer compétence de recevoir le serment du Général Major Joseph Kabila de la décision du 17 janvier 2001 prise par le gouvernement conjointement avec le haut commandement de l'Armée et la résolution n°003 du 24 janvier 2001 par laquelle l'Assemblée constituante et législative- Parlement de transition a investi le même Général Major Joseph Kabila, Président de la République, toutes décisions communiquées par leurs auteurs respectifs à la Cour suprême de justice.

Cet arrêt est symptomatique de l'attachement du pouvoir obtenu par le sang de se blanchir au contact des hommes en peau de lièvre. Il s'agit donc de la décoration politique. Mais du point de vue du droit constitutionnel, non seulement la personne qui a prêté serment n'y était tenue de même que la haute Cour qui l'a reçu a joué de la complaisance que l'on lit du reste dans les attendus de cet arrêt.

En effet, le premier attendu de cet arrêt est ainsi libellé : « attendu d'une part, que l'ordonnance du 14 mai 1886 impose aux cours et tribunaux de recourir aux principes généraux du droit et aux coutumes, pour résoudre une contestation en l'absence d'un texte ».693(*) Cette motivation du juge révèle sans aucun doute son embarras à trouver un fondement légal à sa compétence. Il en trouve deux : les principes généraux de droit et la coutume. En l'espèce, l'on conviendra qu'il n'y a aucun principe général du droit qui oblige quelqu'un à prêter serment avant d'exercer une fonction publique. Il s'agit le plus souvent d'une obligation légale ou statutaire.694(*)

Par ailleurs, la haute Cour qui est souvent vétilleuse avec les juridictions inférieures a manqué de dire expressis verbis quel principe général du droit était visé au moyen accueilli par elle. En revanche, le second argument contenu dans le deuxième attendu est qu'il est dans notre droit constitutionnel un principe général et une coutume selon lesquels un Président de la République n'entre en fonction qu'après avoir prêté serment devant la Cour constitutionnelle en tant que témoin de la Nation.

Cet attendu est le plus problématique du point de vue juridique. Il affirme en effet qu'un même principe peut être à la fois une coutume et un principe général qui est naturellement différent d'un principe général du droit. Cette confusion théorique n'est pas de nature à rendre lisible l'arrêt sous examen. Au surplus, l'attendu sous analyse affirme que le Président de la République devrait, selon cette coutume - principe général, prêter serment devant la Cour constitutionnelle, juridiction inexistante au 26 janvier 2001, la juridiction constitutionnelle définitive à cette date se dénommant Cour suprême de justice, toutes sections réunies.

Comme pour enfoncer le clou de cette confusion inacceptable de la part d'une haute Cour, elle souligne que la même coutume sans indiquer laquelle aurait décidé que la Cour suprême de justice, toutes sections réunies, exercerait les attributions de la Cour constitutionnelle. Nous sommes en plein dans le délire juridique car le raisonnement de la haute Cour consiste à proclamer un dogme hérétique selon lequel une coutume peut attribuer des compétences de droit public à une juridiction. La question théorique que tout constitutionnaliste peut se poser est celle de savoir à partir de quelle date l'opinio juris sive necessitatis se serait formée au cas où l'usage en serait établi de manière répétée.695(*)

La répétition dans le temps est insuffisante dans le cas d'espèce, car l'arrêt précédent rendu en cette matière est celui donnant acte à Laurent Désiré Kabila dit Mzee de sa prestation de serment en qualité de Président de la République le 27 mai 1997. Cet arrêt comme celui que nous analysons souffre de mêmes carences théoriques.696(*)

Au nom de cette coutume certainement, la haute Cour va jusqu'à donner acte avec félicitations les plus ferventes.697(*) Outre qu'une telle sentimentalité n'est pas habituelle dans le langage d'une juridiction suprême qui s'arroge le qualificatif d'une Cour constitutionnelle, en l'absence manifeste des dispositions transitoires de la Constitution, il sied de voir clairement qu'elle a, ce faisant, statué comme pouvoir constituant originaire en modifiant les termes de la Constitution de la transition alors en vigueur en cette matière et en créant un organe constitutionnel : la Cour constitutionnelle.

Après ces critiques purement techniques, affirmons tout de même que la perspicacité des juges était certainement brouillée par des impératifs extrajuridiques et surtout par la fraîcheur de la poudre des armes sorties des camps militaires suite, dans le premier cas, à la victoire de l'AFDL et dans le second cas, à l'assassinat du Chef de l'Etat. Tout ceci révèle au fond que l'indépendance de la justice sera un vain mot si ceux qui doivent l'incarner sont généralement des individus sans caractère. Cet aspect psychologique du tempérament humain ne doit pas être oublié lors de nominations de cadres dans la magistrature de notre pays.

La lecture du texte constitutionnel n'indique pas de façon expresse que la Cour constitutionnelle doive donner acte du serment constitutionnel du Président de la République. Les textes constitutionnels de la période antérieure étaient mieux rédigés à cet égard.698(*) Il est cependant logique qu'un procès-verbal soit établi à la suite de la cérémonie ou plus exactement de l'audience solennelle.

Dès lors, l'arrêt de donner acte revêt ici la valeur juridique d'un procès-verbal constatant l'accomplissement d'un acte juridique. L'intérêt est qu'à dater de cet arrêt qui doit être publié comme tous les arrêts de la Cour constitutionnelle au Journal Officiel, le Président de la République entre effectivement en fonction et son mandat commence donc à courir à l'égard de tous. 699(*)

L'avantage du nouveau texte constitutionnel, c'est qu'il désapprouve les deux arrêts ci-haut analysés en renouant avec la tradition républicaine congolaise.700(*)

Nous venons de voir que le constituant a prévu l'intervention du juge constitutionnel en cette matière comme autorité publique chargée de recevoir l'accomplissement d'une formalité essentielle du pouvoir politique sans toutefois lui confier le pouvoir juridictionnel ; le juge ne tranche aucune question. Il n'est pas juge.

Dans l'abstrait, qu'adviendrait-il si la personne qui se soumet à la prestation de serment n'est pas celle élue par le peuple et proclamé précédemment par la Cour? Il est évident que l'alinéa 1er de l'article 74 de la Constitution déjà invoqué devrait interdire à la Cour constitutionnelle de recevoir tel serment.

Voilà que ce qui n'était qu'une simple matière gracieuse peut donner lieu à contentieux. En est-il de même de la vacance du Président de la République ?

* 689 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes juridiques, 6ème édition, Paris, Dalloz, 1985, p.98

* 690 L'adjectif emprunte ici son sens étymologique latin : praetor : le juge. D'où l'adage : De minimis praetor non curat.

* 691 Constitution de la République démocratique du Congo, article 74, JORDC, 47ème année, numéro spécial, 20 juin 2006, p.19.

* 692 Constitution, article 74, alinéa 2.

* 693 Voy Recueil de textes pour le dialogue intercongolais, JORDC, 42ème année, numéro spécial, Mai 2001, pp.5-7.

* 694 Ibidem, p.6.

* 695 Sans doute la haute Cour fait-elle déjà allusion au serment du 29 mai 1997 recourant lui aussi aux principes généraux de droit constitutionnel non élucidés et qui, de ce fait, relèvent d'une herméneutique ésotérique à laquelle la science du droit n'est pas malheureusement admise. Et même alors, deux hirondelles font-elles le printemps ? Surtout qu'ici, il n'y a qu'un précédent et même pas deux au moment où siège notre juge.

* 696 Lire l'arrêt dans, JORDC, numéro spécial, 38ème année, Kinshasa, 1997, pp.6-13 ; lire aussi les pertinentes critiques de TEKASALA MAWA, La démocratie étranglée ou la problématique de la légitimité du pouvoir du chef de l'Etat et du droit de résistance du peuple en République démocratique du Congo, Matadi, éditions CEC, 2002, pp.65-67.

* 697 L'on peut convenir aisément qu'un arrêt n'a pas pour fonction de présenter des félicitations du reste ferventes au Chef de l'Etat. Tel arrêt ne peut s'analyser que comme une sorte d'excès de pouvoir justifié par une allégeance faite par la haute Cour au nouvel homme fort. Comment une Cour de justice peut-elle autrement féliciter un individu qui accède au pouvoir en dehors des schémas juridiques sans se renier ?

* 698 Lire attentivement les textes et les références reproduites sous la note 612 ci-dessous.

* 699 MABANGA MONGA MABANGA, op.cit, p.23.

* 700 Lire article 56 alinéa 6 de la Constitution du 1er août 1964, M.C., numéro spécial, 1965 ; article 22 de la Constitution du 24 juin 1967 ; article 32 de la Constitution telle que révisée par la loi n°74-020 du 15 août 1974 ; article 39 de la Constitution de la République du Zaïre dans sa mise à jour du 1er janvier 1983, JO, n°1 du 1er janvier 1983, p. 15 ; article 39 modifié par l'article 1er de la loi n°90-002 du 5 juillet 1990 portant révision de certaines dispositions de la Constitution. Tous les textes de la IIème république prévoient ce serment devant une haute juridiction avec des compositions qui varient dans le temps. Les deux textes de transition, en l'occurrence celui contenu dans la loi n°93-001 du 2 avril 1993 portant acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de la transition, JO, 34ème année, numéro spécial, avril 1993 et celui issu de l'Acte constitutionnel de la transition, JO, 35ème année, numéro spécial, avril 1994, ont omis d'indiquer ce serment pour la simple et bonne raison que ces textes s'appliquent au Président Mobutu comme partie prenante aux accords politiques ayant donné lieu à l'écriture constitutionnelle et non à tout Président de la République. Le serment en cette occurrence eut été une formalité inadmissible pour une partie aux accords qui, au demeurant, détenait les rênes du pouvoir.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo