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Du contentieux constitutionnel en RDC. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2031
  

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§7. Le règlement des juges judiciaire et administratif

L'on peut d'emblée affirmer que la notion de règlement des juges s'inscrit tout naturellement dans la logique de pluralité de juridictions ou celles de spécialisation des juridictions. C'est dire que dans le cadre de l'unité des juridictions stricte comme c'est le cas aux Etats-Unis, il n'est pas envisageable de songer à une telle notion. Le règlement des juges s'entend, aux dires de Raymond Guillien et Jean Vincent, d'une procédure par laquelle, lorsque deux juridictions sont saisies de la même affaire ou de deux affaires connexes, on peut régler le conflit de compétence.958(*)

Le droit congolais n'étant pas isolé dans le système romano-germanique dont il est issu, il importe de jeter un regard croisé dans le pays dominant du système qui est la France avant de voir ce que traditionnellement aura été la solution congolaise et de finir par des propositions de lege ferenda.

A. Solution du droit comparé

La France présente la particularité d'avoir instauré deux ordres de juridiction. Chacun de ces deux ordres est coiffé soit par le Conseil d'Etat pour ce qui est des juridictions administratives soit par la Cour de cassation pour ce qui est des juridictions judiciaires.

Très vite, il s'est posé la question de la négation de compétence par l'un et l'autre en même temps, soit celle de la déclaration de compétence de tous les deux en même temps entraînant ainsi soit un déni de justice soit une contrariété des décisions.

Dès lors, la question de règlement de juges devait être résolue.

Lorsque deux tribunaux se déclarent soit tous les deux incompétents soit compétents, il y a manifestement conflit de compétence qui se résout par le biais du règlement des juges.

Il suffit ici d'indiquer que ce type de conflit, en France, est de la compétence, soit de la Cour de cassation, soit du Conseil d'Etat, soit lorsque le conflit concerne ces derniers, du Tribunal des conflits.

Celui-ci exerce ses compétences de régulateur des compétences entre les juridictions sans juger du fond sauf exception exceptionnelle portée par la loi du 20 avril 1922 dont le vote a été rendu nécessaire pour résoudre un cas concret, posé par un litige :l'affaire Rosay qui a été, elle-même, la première application de la loi.959(*) Les détails techniques sont fournis par la loi indiquée et par la doctrine française la plus autorisée.960(*)

L'on peut retenir qu'au-delà de sa mission régulatrice des conflits de compétence entre les deux cours suprêmes, le Tribunal des conflits tient de la loi une mission de prévention de conflits.

En effet, le décret du 25 juillet 1960 a ouvert aux juridictions statuant souverainement, et nommément au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, le droit de renvoyer au Tribunal des conflits la résolution des questions de compétence « soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des autorités administratives et judiciaires ».961(*)

Composé du Ministre de la Justice et d'une composition paritaire (quatre Conseillers d'Etat et quatre Conseillers à la Cour de cassation), le Tribunal des conflits semble n'avoir pas produit une jurisprudence abondante tant sa saisine est aussi rare. Cette formule n'a pas été celle adoptée par la République démocratique du Congo.

B. Solution traditionnelle en République démocratique du Congo

Le droit congolais, dès l'installation de sa Cour suprême de justice, non seulement adoptait le système d'unité des juridictions mais également confiait le règlement des juges à cette haute juridiction. La Cour suprême de justice a donc traditionnellement rempli les fonctions de régulatrice des compétences entre les différentes juridictions qu'elle coiffait par ailleurs.

Dans cette occurrence, il est difficile d'affirmer qu'il s'agit d'un véritable conflit de compétence des juridictions. La preuve : c'est que le greffe de la haute Cour n'a enregistré aucune affaire de règlement des juges.

En revanche, le renvoi de juridiction selon la matière de chacune des juridictions organisé par la loi autorisait la Cour suprême de justice de procéder par ce biais audit règlement.

De même, le pourvoi en cassation surtout dans l'intérêt de la loi962(*) permettait toujours de corriger une déclaration simultanée ou alternative de compétence d'une juridiction ou d'une autre.963(*)

Le futur législateur organique semble avoir résolument pris une autre option en ce qui est du règlement des juges rejoignant ainsi le droit français dans la logique mais non dans la structure et dans le mode de fonctionnement.964(*)

C. Proposition de lege ferenda

Le futur législateur organique dispose en effet dans les articles 57 à 60 de son projet que la Cour constitutionnelle ne statue en cette matière que si un déclinatoire de juridiction a été soulevé par ou devant la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat.

Les arrêts rendus par l'un ou l'autre doivent être transmis au Ministre de la Justice, pour information. Ce dernier par ailleurs dispose du droit de saisir comme toute personne intéressée la Cour constitutionnelle dans le délai de deux mois suivant la signification de la décision.

Il peut également le faire motu proprio ou sur demande de toute personne ayant intérêt. La haute Cour prend l'avis motivé de chacun de deux ordres de juridictions. Nous approuvons cette option qui est de nature à trancher définitivement la querelle relative à la compétence mais en connaissance de cause.

Par contre, nous ne donnons guère nos suffrages aux dispositions du projet de l'article 60 dans la mesure où il dispose que l'arrêt de règlement se limite à indiquer l'ordre de juridiction compétent sans dire quel tribunal précisément. De ce point de vue, le texte actuel de la procédure devant la Cour suprême de justice offre l'avantage de la clarté en disant simplement que celle-ci désigne la juridiction qui connaîtra de la cause.965(*)

En raison de l'analphabétisme des usagers de la justice au Congo et du caractère non obligatoire du ministère d'avocat devant la Cour constitutionnelle adopté malheureusement jusque là, il importe que la haute juridiction indique plus précisément le juge compétent sans se borner à montrer l'ordre des juridictions compétent. Il s'agit d'une imprécision légistique du législateur qu'il faut absolument corriger à cette étape car elle est susceptible d'engendrer d'autres difficultés de compétence à l'intérieur de l'ordre des juridictions désigné.966(*)

De même, nous ne comprenons pas pourquoi la juridiction de l'ordre déclarée compétente serait saisie par la requête de la partie la plus diligente.

S'agissant d'une procédure de caractère objectif et instituée dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il est tout à fait concevable d'appeler toutes les parties à cette instance et de rendre ainsi un seul et même arrêt qui serait alors signifié automatiquement à la juridiction désignée sans frais ni perte de temps.

La partie la plus diligente au Congo peut être un vieillard vivant à deux mille kilomètres du siège de la Cour constitutionnelle et sachant à peine de quoi il retourne. Ceci est d'autant vrai que le projet in fine affirme que l'arrêt de règlement du conflit d'attribution lie l'ensemble des ordres juridictionnels sur l'attribution de la compétence considérée.

Telle affirmation, l'on s'en doute, n'est juridiquement solide que si la publicité en est faite. Ainsi, il est également utile que l'arrêt de règlement non seulement soit signifié à chacun des ordres des juridictions mais aussi et surtout publié au journal officiel pour son opposabilité erga omnes.

Ces quelques propositions de lege ferenda sont l'occasion de suivre la marche de la Cour constitutionnelle surtout lorsqu'elle exerce des attributions non proprement contentieuses comme la répression pénale des comportements déviants des plus hauts dirigeants du pays.

* 958 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes juridiques, op.cit, p.381, verbo : règlement de juges.

* 959 POULET-GIBOT LECLERC (N.), Droit administratif, sources, moyens, contrôles, 3ème édition, Paris, éditions Bréal, 2008, pp.185-187.

* 960 CHAPUS (R.), Droit administratif général, tome 1, op.cit, pp.989-1008.

* 961 Idem p.1007.

* 962 Article 36 de la procédure devant la Cour suprême de justice qui porte ce qui suit : « Le procureur général de la République ne peut se pourvoir en toute cause et nonobstant l'expiration des délais que sur injonction du commissaire d'État à la Justice ou dans le seul intérêt de la loi. Dans ce dernier cas et, sous réserve de ce qui est prévu à l'article 50, la décision de la Cour ne peut ni profiter ni nuire aux parties.

Lorsque le procureur général de la République se pourvoit sur injonction du commissaire d'État à la Justice, le greffier notifie ses réquisitions aux parties qui peuvent se faire représenter à l'instance et y prendre des conclusions ».

* 963 Article 69 de la procédure devant la Cour suprême de justice qui dispose : « Il y a lieu à règlement de juges lorsque deux ou plusieurs juridictions judiciaires statuant en dernier ressort se déclarent compétentes pour connaître d'une même demande mue entre les mêmes parties.

Le règlement de juges peut être demandé par requête de toutes parties à la cause ou du Ministère public près l'une des juridictions concernées. La Cour suprême de justice désigne souverainement la juridiction qui connaîtra de la cause. »

* 964 Voy projet de loi organique susmentionnée, p.16.

* 965 Lire article 69 in fine de l'ordonnance-loi n°82/017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour suprême de justice.

* 966 C'est l'occasion de suivre les judicieux conseils de légistique donnés par MUKADI BONYI, Projet de constitution de la République démocratique du Congo. Plaidoyer pour une relecture, Kinshasa, C.R.D.S., 2005. En effet, une aporie linguistique peut mener à une impasse sociale. Ainsi donc, il est demandé au législateur d'être prévenant en ce qui est de sa cohérence linguistique et de sa rationalité à la fois praxéologique, axiologique et normative.

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