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Intégration des marchés céréaliers dans l'UEMOA. Une analyse par les prix

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par Salissou MALAM SOULEY
Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée - Ingénieur statisticien économiste 2007
  

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2. GENERALITES

Traiter de l'intégration entre deux ou plusieurs pays, c'est avant tout montrer l'intérêt que celle-ci procure à ces pays. Dans cet ordre d'idées, nous présenterons dans ce chapitre les effets attendus d'une intégration économique avant de nous pencher sur le cadre de l'étude. Au préalable de ces développements, certains termes pivots méritent d'être mieux explicités.

2.1. Définition de quelques concepts

Cette section vise à définir les termes qui structurent notre sujet ainsi que certaines notions connexes.

2.1.1. Concept d'intégration économique régionale

Phénomène multidimensionnel, l'intégration régionale présente divers contours comme l'a souligné Koulakoumouna (2000). C'est ainsi que dans la littérature économique, plusieurs qualificatifs lui ont été attribués: intégration politique, intégration institutionnelle, intégration volontariste, etc. Par exemple, l'intégration volontariste consiste en la formation d'une coalition du pouvoir de négociation, d'industrialisation et de complémentarité entre pays. Elle nécessite la création des institutions et autorités régionales, la protection de l'espace régional vis-à-vis des pays tiers, l'accroissement des investissements publics et des échanges régionaux, le développement des infrastructures régionales, etc. C'était ce type d'intégration qui régissait les rapports économiques des ex-républiques socialistes soviétiques. Cette conception a été également défendue par la Commission Economique de l'Afrique (CEA) notamment lors du plan de Lagos de 1980.

Une conception plus libérale de l'intégration économique est le régionalisme ouvert dont les objectifs sont entre autres la libre circulation des personnes et des biens, l'amélioration du bien-être des consommateurs et l'impulsion des économies d'échelle Il implique la mise en place de certains accords commerciaux comme zone de libre échange, union douanière, etc. (nous y reviendrons dans les lignes qui suivent).5(*)

Malgré la pluralité des formes que revêt cette notion d'intégration économique, on retrouve certains aspects communs à ses différentes définitions. Ainsi, de façon synthétique, le dictionnaire Le Petit Larousse illustré en 2006 a défini l'intégration économique comme étant « l'ensemble des procédés par lesquels deux ou plusieurs pays créent un espace économique commun ». En des termes plus spécialisés, Balassa identifie, dans le processus d'intégration économique entre deux ou plusieurs pays, cinq degrés6(*) définis par emboîtements successifs (théorie des unions). Le premier correspond à la zone de libre-échange ou d'accord commercial préférentiel. A cette étape, les pays membres suppriment les droits de douane et les restrictions quantitatives à l'entrée et à la sortie des marchandises originaires de la zone. Toutefois, chaque pays reste autonome quant à sa politique douanière à l'égard des pays tiers. L'élimination des quotas et des tarifs douaniers peut porter sur l'ensemble des échanges ou sur certains secteurs spécifiques. Le deuxième degré d'intégration économique est l'union douanière. Il s'agit d'une étape supérieure de la zone de libre-échange dans laquelle un tarif extérieur commun (TEC) est institué. Le TEC impose l'application des mêmes droits de douane sur les produits provenant d'un pays extérieur à la zone et ce, quel que soit le pays par lequel ces produits entrent dans l'union. Appelé marché commun, le troisième degré constitue l'étape où l'union douanière est accompagnée de la libre circulation des personnes et des capitaux. L'union économique (quatrième degré) englobe toutes les caractéristiques du marché commun auxquelles s'ajoute l'harmonisation des politiques économiques nationales aussi bien conjoncturelles que structurelles. Enfin, le dernier degré est l'intégration économique totale ou l'union monétaire qui correspond à la phase où, en plus de l'union économique, les politiques monétaires fiscales et sociales sont unifiées.

Tableau n°1: Résumé des étapes de l'intégration économique

Etape

Caractéristiques

Zone de libre-échange (ZLE)

Suppression des droits de douanes

et des restrictions quantitatives

Union douanière (UD)

ZLE + TEC

Marché commun (MC)

UD + libre circulation des personnes

et des capitaux.

Union économique (UE)

MC + harmonisation des politiques

nationales

Union économique totale

UE + Unification des politiques monétaires,

fiscales et sociales.

Source: M. Holden, 2003, p.2.

La théorie des unions a fourni un cadre de référence sur la base duquel plusieurs systèmes régionaux se sont construits. Mais, au regard du traité de Maastricht7(*) et de l'avènement des communautés économiques et monétaires dans la zone franc, une union peut être désirée sans que certaines conditions définies par cette théorie ne soient satisfaites (Biao, 1998). Ainsi, la tendance commune de l'évolution de certains indicateurs ou critères de convergence est de plus en plus considérée comme une opportunité d'une coordination économique ou monétaire.

2.1.2. Critères de convergence

Ces critères portent sur certains indicateurs clés qu'on appelle quelquefois déterminants. Il s'agit en général du taux d'inflation, du déficit public, du déficit extérieur, de la productivité, du niveau du salaire réel, etc.

Par exemple, pour les pays de l'UEMOA, les critères de convergence ont été initialement définis dans l'Acte Additionnel n°04/99 portant sur le pacte de convergence, de stabilité, de croissance économique et de solidarité entre Etats membres de l'union. Cet Acte a été adopté sur recommandation du Conseil des Ministres de l'UEMOA lors de sa réunion du 27 janvier 2003. Les critères de convergence se répartissent en critères de premier rang et critères de second rang (article 17).

Les critères de premier rang sont ceux dont le non respect entraîne la formulation explicite des directives par le Conseil demandant à l'Etat membre concerné d'élaborer et de mettre en oeuvre un programme de mesures restrictives (article 1). Ils sont au nombre de quatre (article 18)  à savoir : le solde budgétaire devrait être positif en 2005 (critère clé), le taux d'inflation doit être maintenu à 3% maximum par an, le ratio de l'encours de la dette intérieure et extérieure rapporté au PIB nominal ne devrait pas excéder 70% à l'an 2005 et enfin la non accumulation des arriérés de paiement intérieur et extérieur sur la gestion de la période courante.

Les critères de second rang sont traités comme des repères structurels indicatifs qui font l'objet d'un suivi rigoureux mais dont le non respect ne fait pas l'objet des recommandations (article1). Ils sont également au nombre de quatre (article 19) à savoir : le ratio de la masse salariale sur les recettes fiscales ne devrait pas excéder 35%, le ratio des investissements publics financés sur ressources internes rapportés aux recettes fiscales devrait atteindre au moins 20%, le ratio du solde extérieur courant hors transferts publics par rapport au PIB nominal devrait être supérieur ou égal à -5 % et enfin le taux de pression fiscale ( rapport entre les recettes fiscales et le PIB nominal) devrait être supérieur ou égal à 17 %.

Pour assurer la convergence de ces indicateurs, certains rôles ont été attribués au processus de libéralisation des économies visant principalement l'intégration des marchés. L'idée est que, en tissant des relations économiques plus intenses par le biais d'un accroissement des échanges et des investissements internationaux, on peut arriver à garantir des prix bas aux consommateurs et compétitifs aux producteurs. C'est pourquoi, on a vu se développer une analyse d'intégration économique donnant un rôle capital aux prix. Connue sous le nom de l'intégration spatiale, cette approche clame les vertus d'une élimination des obstacles aux échanges internes.

2.1.3. Notion d'intégration spatiale

L'analyse de l'intégration spatiale est une approche plus axée sur les prix. Précisons d'abord que quand les économistes parlent des prix, en fait, ils parlent de plusieurs choses à la fois. Le taux de salaire nominal est le prix du travail. Le taux de change nominal est le prix d'une monnaie en termes d'une autre. Le taux d'intérêt nominal est le prix de la renonciation à la liquidité. Ce sont là quelques-uns des exemples qui reflètent le caractère polysémique du terme.

Dans cette présentation, cette notion est utilisée dans son sens étroit désignant le nombre d'unités monétaires nécessaires pour obtenir un bien ou un service à un moment donné dans un lieu donné et pour une qualité spécifique précise8(*)

Ceci dit, deux ou plusieurs marchés sont dits spatialement intégrés dès qu'il existe des échanges entre eux. Sous l'hypothèse que les obstacles majeurs aux échanges sont éliminés notamment grâce à l'institution d'une monnaie unique ou d'un régime de changes fixes, cette définition appelle deux commentaires. Premièrement, elle sous-entend que la loi de prix unique - selon laquelle le prix d'un bien homogène est partout le même à quelques frais (coûts de transport et autres ) près, si on le convertit dans une même monnaie - s'applique. Les écarts des prix entre les pays coéchangistes ne tiennent qu'aux coûts de transaction. Les arbitrages ne portent que sur le différentiel des prix. Ainsi, par exemple, les échanges ne nécessitent aucune opération de couverture de risque de change. En achetant les produits là où ils sont moins chers et en les revendant là où ils coûtent plus cher, les commerçants profitent du différentiel des prix pour réaliser des bénéfices.. Bien évidemment, cette opération n'est rentable que si les marges bénéficiaires qu'elle procure couvrent au moins les coûts qu'elle induit (en termes de recherche de l'information, transfert du bien, publicité, etc.). Si ce n'est pas le cas, alors les échanges n'auraient pas lieu car aucun commerçant rationnel ne peut s'investir dans des transactions qui lui coûtent plus cher qu'elles ne lui rapportent. Mais, en réalité, il est possible que les marges bénéficiaires ne couvrent pas les coûts de transaction surtout dans les pays en voie de développement du fait de l'importance de coûts de transports, du non respect des règles communes etc. Dans ce cas, les marchés sont dits segmentés. Définie ainsi par l'absence des échanges entre les marchés, la segmentation peut être source de pénuries alimentaires localisées surtout quand elle s'inscrit dans la logique zones excédentaires/zones déficitaires..

Deuxièmement, cette définition renoue indirectement avec la théorie de l'égalisation spatiale des prix des facteurs, selon laquelle, en même temps que deux ou plusieurs pays s'ouvrent aux échanges des biens, ils s'échangent indirectement les facteurs de production incorporés dans la production de ces biens. Ainsi, on assiste à la séquence suivante : échanges des biens ? convergence des prix relatifs des biens ? convergence des prix relatifs des facteurs ? égalisation spatiale des prix des facteurs (capital, travail, terre).

De façon formelle, si nous considérons un produit quelconque, le problème de l'intégration spatiale des marchés i et j de ce produit revient à comparer et. (respectivement) désigne le prix du produit sur le marché i (respectivement sur le marché j) à la date t et représente le coût induit par le transfert de ce produit du marché i vers le marché j à la date t.

Si <. les échanges ne sont pas profitables car le gain commercial marginal est négatif. Dans ce cas, les marchés sont segmentés et les prix qui y sont observés évoluent indépendamment.

En revanche, si >, les arbitrages sont défaillants car il existe des gains marginaux positifs non exploités. Pour Catherine et al. (2005), il ne s'agit que d'une situation de déséquilibre transitoire due à l'imperfection de l'information, aux délais de transport, etc.

Finalement, les marchés sont intégrés lorsque l'égalité = est vérifiée. Les opérateurs sont alors indifférents entre commercer et ne pas commercer.

Cette formulation dérive de l'analyse proposée par Parsley et Wei (2002). Selon ces derniers, les coûts de transactions imposent les deux contraintes suivantes: et. . Le symbole est mis pour logarithme népérien. De ces deux inégalités, résulte ce que ces auteurs ont appelé "bande de non-arbitrage" définie par l'encadrement suivant : . De façon équivalente, cette relation s'écrit: ou encore . Le premier membre de cette dernière relation représente la déviation par rapport à la loi de prix unique. L'idée défendue par Parsley et Wei est que l'existence de coûts d'arbitrage ne détermine pas une valeur particulière des prix relatifs mais définit plutôt une fourchette dans laquelle ils s'établissent.

Du point de vue statistique, cette analyse se ramène à une étude de la similarité des mouvements (co-intégration) des prix. Bien que cette conception ait été critiquée, elle reste d'une utilisation fréquente. L'idée sous-jacente est que la co-intégration des prix résulte de l'action des commerçants cherchant à profiter du différentiel des prix pour réaliser des bénéfices. De ce fait, ce n'est pas tant l'existence des échanges qui importe que leur intensité.

En résumé, les coûts de transactions sont au coeur de l'analyse de l'intégration spatiale des marchés. Il est donc intéressant de dire un mot sur ce qu'ils signifient.

2.1.4. Coûts de transactions

En se référant à un agent fictif (commissaire-priseur walrasien) dont le rôle est d'annoncer gratuitement les prix, l'analyse néoclassique postule que l'information est parfaite. Chaque agent économique (offreur ou demandeur) peut donc formuler ses offres et ses demandes sans aucun coût en ne faisant que respecter sa contrainte budgétaire. Mais, en réalité, la mise en contact des agents (offreurs et demandeurs) et l'échange effectif entre eux impliquent un certain nombre d'opérations coûteuses (obtention de l'information, transport, vérification de la qualité des produits, négociation des contrats, risques divers, etc.). Ce sont les coûts de transactions.

On peut donc définir les coûts de transaction comme étant l'ensemble des coûts induits par la mise en place et le suivi de l'exécution des contrats d'achats et de ventes des marchandises. Adegbid et al. (2003) en distinguent trois types: les coûts de transfert, les coûts de transformation et les coûts de commercialisation. Selon eux, les coûts de transfert sont « des coûts de terre, du travail, du capital et de la connaissance entrepreneuriale nécessaires pour transférer les droits de propriété d'un individu à l'autre ». Quant aux coûts de transformation, ils englobent « des coûts de terre, du travail, du capital et de la connaissance entrepreneuriale nécessaires pour transformer physiquement les inputs en outputs». Enfin, les coûts de commercialisation «incluent tous les coûts supportés par les opérateurs dans le circuit de commercialisation depuis la production du bien jusqu'à sa livraison au consommateur». Dans cette optique, les coûts de transport, du stockage et du traitement sont considérés comme des coûts de transformation dans la mesure où ils changent l'attribut physique des biens (espace, temps, forme). Les coûts dus à la collecte de l'information, la distribution et la promotion des produits, le financement et l'exécution des échanges, etc., sont des coûts de commercialisation. Tous les autres coûts (risques divers, transfert du droit de propriété, etc.) sont considérés comme des coûts de transfert

Au-delà de ce distinguo, il y a lieu de souligner que les coûts de transactions sont en général inconnus. Toutefois, leur liaison avec certaines variables, dont la distance est l'exemple le plus illustratif, semble naturelle. Ainsi, comme nous le verrons plus tard dans la présentation des modèles de gravité, bon nombre de travaux utilisent la distance (réelle ou à vol d'oiseau) comme un proxy pour les coûts de transactions.

Certes la pluralité des facteurs susceptibles d'influer sur les coûts de transactions oblige à recourir à des restrictions mais, ne tenir compte que de la distance semble a priori être une simplification assez abusive.

Ainsi d'autres paramètres sont de plus en plus pris en compte. Plus généralement, Combes et al. (2005) ont énoncé quatre types de barrières aux échanges. Tout d'abord, il existe des barrières naturelles relevant de la géographie physique (distance, montagne, enclavement, etc.). Les coûts que ces obstacles naturels font supporter sont regroupés dans les coûts de transports (désignons par les coûts de transport entre deux localités r et s). Ensuite, on distingue les coûts liés aux politiques commerciales (quotas à l'importation, droits de douanes, frais de change pour les pays ne disposant pas d'une même monnaie, etc.) qui sont ici désignés par. Enfin, les coûts informationnels () et ceux liés aux variables culturelles () sont également indiqués.

Il est souvent malaisé de définir les mécanismes par lesquels ces coûts interviennent. Dans les modèles dits DSK (des noms de leurs auteurs Dixit, Stiglitz et Krugman), on considère que ces différents coûts produisent des effets log-séparables si bien que les coûts de transactions entre r et s () peuvent être spécifiés de la façon suivante: . Les coûts dus aux facteurs culturels (partage d'une même langue ou contiguïté des pays par exemple) sont pris en compte à travers le coefficient de préférence des consommateurs () défini par .

Au total, les transactions impliquent des coûts aux dépens des annonces gratuites du commissaire-priseur walrasien. Cela est particulièrement le cas des pays africains. Dès lors, il convient de considérer ces coûts au même titre que les coûts de production. La question qui se pose immédiatement est alors de savoir comment les minimiser. C'est de l'intégration économique qu'on attend cela et bien d'autres avantages.

2.2. Avantages attendus de l'intégration économique

Il serait superflu de s'étaler ici sur les théories du commerce international pour présenter les avantages attendus. On se contentera d'en évoquer une vue synthétique.

Le miracle de l'échange, c'est qu'il est créateur de valeur (Salin, 1991). En effet, dans l'acte de l'échange, chacun obtient un bien qui a plus de valeur pour lui que le bien qu'il cède en contrepartie. Il existe donc des avantages liés au schéma de libéralisation des échanges. Ces avantages résultent, du moins théoriquement, de la combinaison de trois effets : un effet de dimension, un effet de diversification et un effet de concurrence.

Quand deux ou plusieurs pays s'ouvrent au commerce international, l'un des premiers soucis de chacun est de créer ou d'améliorer les conditions de la compétitivité des entreprises domestiques notamment en terme de coûts. Cette préoccupation se traduit souvent par le non gaspillage des facteurs c'est-à-dire par le fait de ne pas utiliser des facteurs plus qu'on en a besoin alors que des demandes insatisfaites existent chez ses partenaires. Ainsi, chacun des pays coéchangistes cherche à n'utiliser les facteurs de production que dans les secteurs où ils sont relativement plus productifs. La production dans ces secteurs se fera donc à une échelle plus grande (effet de dimension) car les firmes saisissent l'opportunité d'accroître leurs parts de marchés tant par le développement de leurs exportations que par l'intensification de leurs investissements internes et externes. Ce qui leur occasionne des avantages (comparatifs ou absolus) sur leurs partenaires commerciaux. Ce raisonnement trouve ses origines dans la théorie des avantages absolus (d'Adam Smith) ou comparatifs avancée par David Ricardo et reprise dans le théorème de Hecksher-Ohlin-Samuelson (HOS).

En ce qui concerne les produits agricoles africains, les avantages absolus tiennent plus aux données naturelles qu'aux effets de l'échange. Ils découlent essentiellement de la nature et de la fertilité des sols, des facteurs topographiques, de la différence des climats, etc. Ainsi, il est évident que la Côte d'Ivoire dispose des avantages absolus dans la production des bananes et des ananas sur le Niger ou le Sénégal.

L'analyse des échanges fondés sur les avantages absolus passe sous silence la question suivante: les échanges sont-ils possibles entre deux pays si l'un a des avantages absolus sur l'autre dans la production de tous les biens? C'est à cette question que s'attaque la théorie des avantages comparatifs. Dans son approche ricardienne, la théorie des avantages comparatifs retient le travail comme le seul facteur de production et les rendements d'échelle sont considérés constants. Un pays a un avantage comparatif si la productivité du travail est plus élevée et les coûts salariaux sont plus faibles chez lui que chez ses partenaires commerciaux. Le modèle HOS pousse l'analyse en prenant en compte d'autres facteurs de production (capital, terre). IL soutient que les avantages comparatifs peuvent également provenir de la proportion des dotations factorielles. Ainsi, si les cultivateurs ivoiriens produisent plus des bananes que leurs collègues sénégalais, il n'y a ,a priori, aucune raison de croire que les premiers ont plus d'ardeur au travail que les seconds.

Toutes ces analyses prônent que chaque pays gagnerait s'il s'emploie à produire les biens dans la production desquels il dispose d'un avantage (absolu ou comparatif) et à acheter chez ses partenaires les biens qui lui coûtent plus cher à produire qu'à acheter. Elles clament ainsi les vertus du libre-échange: convertibilité des monnaies, suppression des barrières tarifaires ou non, etc. On attribue à ce libre-échange le rôle d'être une source d'économies d'échelles en terme de réduction de coûts unitaires ou d'apprentissage.

L'effet de diversification profite à la fois aux producteurs et aux consommateurs.. En effet, selon Krugman et Obstfeld (2001), l'ouverture donne la possibilité à tout consommateur de faire des choix dans un ensemble suffisamment varié des produits pour satisfaire un même besoin. De même, tout producteur a la possibilité de diversifier ses choix entre divers biens de production.

Enfin, du fait que les marchés nationaux se caractérisent généralement par une certaine dose du monopole (naturel ou de droit), l'effet de concurrence peut améliorer le bien-être collectif. En effet, la théorie microéconomique nous montre que comparativement à la concurrence, le monopole induit un niveau de prix élevé et un niveau de production faible. Il est préjudiciable aux consommateurs et à l'économie dans son ensemble bien qu'il avantage les entreprises. Avec l'ouverture des économies, les défaillances des marchés (pour celles dues aux aspects asymétriques de l'information, voir encadré n°1) qui empêchent des transactions d'être mutuellement bénéfiques tendent à être corrigées. Par exemple, avec l'existence des transactions qui s'inscrivent dans une longue durée, les acheteurs capitalisent de plus en plus de l'information sur les vendeurs car, comme le souligne Laffont (1985), ces derniers transmettent involontairement une partie de leur information privée. De plus, des systèmes d'informations sur le marché ont été mis en place. Leur rôle est non seulement de collecter les informations notamment sur les prix auprès des acteurs du marché. Ces informations sont centralisées, triées et diffusées à travers les médias (radio, journaux, télévision, etc.) le plus rapidement possible.

Encadré n°1: Asymétrie de l'information dans l' échange des produits agricoles en Afrique.

Dans un échange bilatéral entre deux agent (ou deux groupes d'agents), on parle de l'asymétrie de l'information lorsque l'un de ces agents (ou des groupes d'agents) dispose de plus d'information ou d'une information plus complète que l'autre. Dans le cas des marchés agricoles africains, l'asymétrie de l'information ne porte pas seulement sur la qualité des biens mais aussi sur la connaissance des prix des marchés: de petits producteurs isolés ayant un accès restreint à l'information sur les prix moyens sont en situation d'infériorité vis-à-vis des commerçants et grossistes. Un des objectifs des systèmes d'information sur les marchés (SIM) est de limiter les asymétries d'information entre les différents acteurs des filières et les acheteurs.

Lorsque les acheteurs observent imparfaitement la qualité des produits qu'ils désirent acquérir, les vendeurs ont intérêt à surestimer la qualité de leurs produits afin de les vendre au prix le plus élevé possible. Les acheteurs ne peuvent donc ni avoir confiance aux vendeurs ni déduire qu'un prix élevé signifie une bonne qualité. Dans un tel cadre, les vendeurs des biens de qualité qui valent effectivement un prix élevé peuvent être dans l'impossibilité de vendre leurs produits à leur véritable prix dans la mesure où les acheteurs doutent de leur qualité. Le prix n'est plus un parfait signal de la valeur d'un bien puisque pour un même prix, il est possible d'obtenir des biens de qualités différentes. On risque d'aboutir à une situation de moindre efficience, dans laquelle il n'y a pas d'échange effectif, alors qu'en information parfaite, un prix d'équilibre satisfaisant le vendeur et l'acheteur existe.

(Ce texte est extrait de l'analyse économique des filières agricoles en Afrique sub-saharienne, une étude financée en 2000 par la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du Ministère des affaires étrangères de la France).

Au total, sur un point de vue théorique, plusieurs effets vertueux sont attribués à l'intégration économique régionale. C'est en espérant ces vertus que la plupart des schémas de libéralisation des échanges intracommunautaires se sont élaborés. Dans une perspective à la fois historique et exploratoire, le cas précis de l'UEMOA fera l'objet de la section suivante.

2.3. Schéma de libéralisation des échanges dans l'UEMOA.

On peut dire que la zone franc est née en 1939 lorsque les autorités françaises ont déclaré l'inconvertibilité du franc et ont décidé de délimiter un espace géographique à l'intérieur duquel les monnaies resteront convertibles et le change sera contrôlé vis-à-vis de l'extérieur. Cependant, ce n'est qu'en 1945 que les francs coloniaux ont été crées (FCFA, FCFP)9(*). Avec leur accession à l'indépendance, les anciennes colonies françaises ont maintenu cette coopération monétaire dans le cadre de certains accords dont le Traité de l'UMOA de 1962. Il faut signaler que le Mali refusait de ratifier ce Traité tout en décidant de la création de sa propre monnaie (le franc central malien) et il a fallu 1984 pour qu'il rejoigne définitivement l'union. Quant à la Mauritanie, bien qu'elle soit signataire de cet accord, elle a décidé de rompre son adhésion en 1973 et de créer une monnaie nationale (ouguiya).

L'héritage colonial d'une monnaie unique dans les pays de l'UMOA s'est renforcé avec les efforts d'intégration économique dont l'aboutissement actuel est l'UEMOA. A sa naissance officielle lors du Traité signé à Dakar le 10 janvier 1994, cet espace économique regroupait le Bénin, le Burkina, la Côte d'Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo (voir carte de l'UEMOA reproduite ci-après). En mai 1997, la Guinée-Bissau, un pays non francophone, a fait son entrée dans l'union. Ainsi, l'UEMOA est aujourd'hui une aire économique et monétaire composée de huit pays. Elle couvre une superficie d'environ 3 509 610 km2. Sa population et son PIB exprimé aux prix constants de 1996 sont estimés respectivement à 78,5 millions d'habitants et à 22184,1 milliards de FCFA en 2004.

Graphique n°1: Carte de l'UEMOA

Source: site Internet: http//www.uemoa.int/index.htm

Les principaux objectifs qui ont été assignés à l'UEMOA, tels qu'ils sont définis par l'article 4 du Traité de 1994, sont de:.

- renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres dans le cadre d'un marché ouvert et concurrentiel et d'un environnement juridique rationalisé et harmonisé ;

- assurer la convergence des performances et des politiques économiques des Etats membres par l'institution d'une procédure de surveillance multilatérale ;

- créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune ;

- instituer une coordination des politiques sectorielles nationales, par la mise en oeuvre d'actions communes et éventuellement de politiques communes notamment dans les domaines suivants : ressources humaines, aménagement du territoire, transports et télécommunications, environnement, agriculture, énergie, industrie et mines ;

- harmoniser, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les législations des Etats membres et particulièrement le régime de la fiscalité.

Le développement des échanges intracommunautaires constitue le socle sur lequel reposent ces objectifs. Or, jusqu'à récemment, les échanges internes étaient faibles dans l'espace UEMOA. Pour les stimuler, la réponse des instances de l'union est la libéralisation des échanges dont les conditions de réalisation ont été précisées dans l'article 76 du Traité de 1994. Elles consistent en :

- l'élimination, sur les échanges entre les pays membres, des droits de douane, des restrictions quantitatives à l'entrée et à la sortie, des taxes d'effet équivalent et de toutes autres mesures d'effet équivalent susceptibles d'affecter lesdites transactions, sous réserve du respect des règles d'origine de l'Union qui seront précisées par voie de protocole additionnel,

- l'établissement d'un TEC ;

- l'institution de règles communes de concurrence applicables aux entreprises publiques et privées ainsi qu'aux aides publiques ;

- la mise en oeuvre des principes de liberté de circulation des personnes, d'établissement et de prestations de services ainsi que de celui de liberté de mouvements des capitaux requis pour le développement du marché financier régional ;

- l'harmonisation et la reconnaissance mutuelle des normes techniques ainsi que des procédures d'homologation et de certification du contrôle de leur observation.

Ce schéma de libéralisation vise d'abord un plan de convergence d'une durée d'un an et demi avant l'entrée en vigueur du TEC. Depuis le 1er janvier 1996, l'initialisation en a été faite par l'Acte Additionnel 04/1996 exonérant tous les produits de cru des droits d'entrée et de toute autre taxe d'effet équivalent et instituant un abattement de 30% sur certains produits originaires de la zone. En 1997, les réductions tarifaires sur les produits industriels originaires de la zone sont passées à 60% et un calendrier les fixant à 80% puis à 100% respectivement à compter du 1er janvier 1999 et 1er janvier 2000 a été établi. Selon un rapport de la Commission de l'UEMOA sur l'union douanière, ce calendrier a été respecté par tous les Etats membres.

Parallèlement, il a été mis en place un système temporaire de compensations financières de moins-values de recettes douanières que certains Etats auront enregistrées du fait des tarifs préférentiels (article 58 du Traité de l'UEMOA). Suivant ce programme, les pertes dues à l'abandon des droits de douane dans les échanges internes seront compensées à hauteur de :

- 100% pour les années 2000, 2001 et 2002.

- 80% pour l'année 2003.

- 60% pour l'année 2004.

- 30% pour l'année 2005.

* 5 De crainte d'alourdir démesurément le travail, certaines de ces formes d'intégration économique ne seront pas exposées ici. Toutefois,, tout lecteur qui s'y intéresserait pourrait se reporter à Dicko Hamaciré (2005), "le marché commun de l'UEMOA: réalités et perspectives", Mémoire de Master en administration publique, Université Louis Pasteur de Strasbourg. Le document est disponible sur Internet.

* 6 Pour la distinction de ces différentes étapes, nous nous inspirons du dictionnaire des sciences économiques et sociales de Brémond et Gélédan, op.cit et du lexique d'économie de Silem et al. paru à Paris chez DALLOZ en 2002.

* 7 Ce traité a été signé le 7 février 1992. Il s'agit du deuxième acte fondamental du processus de construction de l'union européenne, le premier étant le traité de Rome signé le 27 mars 1957. Le traité de Maastricht est enté en vigueur le 1er novembre 1993.

* 8 Cette définition est proche de celle donnée par J. Brémond et A. Gélédan, Dictionnaire des sciences économiques et sociales, BELIN, Paris, 2002,p. 456.

* 9 A l'origine, les sigles FCFA et FCFP désignent respectivement franc des colonies françaises de l'Afrique et franc des colonies françaises du Pacifique.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera