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Intégration des marchés céréaliers dans l'UEMOA. Une analyse par les prix

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par Salissou MALAM SOULEY
Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée - Ingénieur statisticien économiste 2007
  

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5. INTERPRETATION DES RESULTATS ET RECOMMANDATIONS

L'objectif de ce chapitre est de présenter succinctement les résultats issus de différentes estimations et de dégager leur implication en terme de politique afin de proposer des recommandations.

5.1. Interprétation des résultats

Les résultats visant à étudier la similarité des mouvements des prix dans l'espace UEMOA seront présentés séparément de ceux dont l'objectif est d'évaluer l'impact de la crise ivoirienne et des reformes préférentielles.

5.1.1. Analyse de l'intégration des marchés

Il ressort de différentes analyses que le secteur céréalier de l'UEMOA n'est pas exclusivement formé des marchés intégrés. Il est plutôt fragmenté en sous espaces intégrés. L'importance et la structure de ces sous espaces varient selon les céréales comme le rappelle le tableau ci-dessous dans lequel "oui" désigne que le marché est intégré et "non" désigne le contraire.

Tableau n°22: Résumé des résultats sur l'intégration des marchés

 

Bénin

Burkina

Côte d'Ivoire

Mali

Niger

Sénégal

Togo

Maïs

oui

oui

non

oui

oui

oui

oui

Mil espace 1

non

oui

oui

oui

oui

non

non

Mil espace 2

non

non

oui

oui

oui

non

oui

Mil espace 3

non

oui

non

oui

non

oui

oui

Riz importé

oui

oui

oui

 
 

oui

oui

Riz local

non

 

non

 
 

non

non

Sorgho

non

oui

 

oui

oui

 

oui

Source: Nous-même

Mis à part le marché d'Abidjan, le secteur de commercialisation du maïs des pays concernés forme un ensemble économique intégré. Le fait que le marché d'Abidjan n'appartient pas à cet espace est une conséquence probable de l'importance des flux migratoires. En effet, les jeunes ruraux des pays sahéliens se dirigent généralement vers les grands centres urbains des pays côtiers (principalement Abidjan pour les pays de l'UEMOA) à la recherche d'une occupation complémentaire. Ils emportent avec eux leurs habitudes alimentaires dont les céréales sont la base essentielle. Ainsi les besoins en céréales s'accroissent dans ces villes côtières surtout lors des évènements socioculturels (baptêmes, mariages, Ramadan, Tabaski, Noël, etc.). Ce qui implique une demande plus vigoureuse et des prix plus élevés des céréales dans la production desquelles ces pays semblent avoir des avantages sur leurs pairs sahéliens (cas du maïs). Du coup, les différentiels des prix ne sont plus suffisamment importants pour couvrir les coûts de transactions et les échanges sont de facto bloqués. Il y a cependant lieu de relativiser cette perception des choses car les investigations menées par l'OMA et le FEWS/NET ainsi que certaines études comme celle de Traoré et al. (2002) ont indiqué non seulement l'existence mais aussi et surtout l'importance des échanges de cette céréale entre la Côte d'Ivoire et ses voisins. C'est le cas surtout du Mali. En effet, il a été constaté que les commerçants maliens exportent du mil vers la Côte d'Ivoire pour répondre à une demande de ce produit certainement à un prix plus rémunérateur surtout durant le mois de Ramadan et en retour, ils importent du maïs qui est moins cher. Et ce, malgré les récents évènements malheureux survenus en Côte d'Ivoire imposant une certaine prime de risque aux commerçants due par exemple à d'éventuels blocages de marchandises.

Les marchés du mil sont plutôt compartimentés en trois sous espaces. Les deux premiers sous espaces présentent des caractéristiques qui ne sont pas nettement différentes du fait qu'ils sont identiques à un marché près (le premier étant composé du Burkina, Mali, Niger et Côte d'Ivoire; et le deuxième du Mali, Niger, Côte d'Ivoire et Togo). Pour l'essentiel, ces pays sont tributaires de la Côte d'Ivoire. Leurs liens économiques semblent être historiques impliquant une plus grande efficacité des arbitrages spatiaux. En effet les échanges sont un vecteur important de la mise en relation des populations de diverses entités nationales et régionales. Sans prétendre à des analyses sociologiques, cela est gage des brassages socioculturels. Ce qui limite les coûts de transactions liés à des facteurs culturels (langue, religion) en élaguant des égoïsmes, des préjugés et des clivages primaires. Cette dimension historique est importante bien qu'elle soit fortement influencée par quelque vingt ans de politiques d'encadrement instaurées dans les pays sahéliens depuis le milieu des années 1960 et conduisant à la mise en place des organismes dont l'objectif est de maîtriser la production et la commercialisation des céréales. Dans cet ordre d'idées, on peut citer l'Office des Produits Agricoles du Mali (OPAM), l'Office des Produits Vivriers du Niger (OPVN) et l'Office national des céréales du Burkina (OFNACER) crées respectivement en 1965, 1970 et 1971. Ces offices achetaient des céréales pendant la période de récolte pour les revendre à des prix relativement faibles en vue de contrecarrer les comportements spéculatifs des commerçants qui se manifestent généralement pendant la période de "soudure" Fortement influencés par cet encadrement, les opérateurs du secteur céréalier ont eu du mal à renouer les liens existants entre eux et leurs collègues de la sous-région. Mais, déjà avec les mesures unilatérales de libéralisation du secteur vivrier entreprises par ces Etats en 1980 pour le Mali et au cours des années 1990 pour les autres, les échanges intra-UEMOA ne cessent de s'intensifier (Traoré et al., 2002). Les récentes mesures préférentielles viennent fortifier l'intensité de ces liens économiques. Un autre élément qu'il faut encore souligner est l'importance des mécanismes mis en oeuvre par la SADAOC dont la Côte d'Ivoire, le Burkina et le Mali sont membres. Ces sous espaces s'apparentent également à la classification établie par le CILSS et ses partenaires au courant les années 1990 distinguant trois blocs d'échanges en Afrique de l'ouest dont le bloc central composé du Burkina, Côte d'Ivoire, Ghana, Mali, Niger et Togo.

Composé du Mali, Togo, Sénégal et Burkina; le dernier sous espace intégré des marchés du mil semble devoir sa formation à un effet combiné de proximité et de corridor. Le Mali est un pays qui produit plus de céréales que les autres pays sahéliens de la zone comme l'indique le tableau 22 ci-dessous. De ce fait, ses voisins s'y approvisionnent régulièrement. Ces approvisionnements ont été facilité par le chemin de fer Bamako-Dakar et le corridor Bamako-Ouagadougou-Accra. Le Ghana joue également un rôle prépondérant tant de par la fréquence de contacts avec ces pays que de par son voisinage avec certains d'entre eux (Togo et Burkina).

Tableau n°23 : Evolution comparée de la production céréalière par habitant des pays sahéliens de l'UEMOA.

 

Production céréalière par habitant (en kilogrammes)

Campagne agricole

 

Pays

1997/1998

1998/1999

1999/2000

2000/2001

2001/2002

Moyenne

Burkina

186

243

240

198

295

226

Mali

227

255

283

221

241

245

Niger

180

304

285

205

291

253

Sénégal

91

83

106

109

101

98

Source :Extrait de CILSS/ AGRHYMET, MARS 2003

Les marchés du riz local sont tous segmentés. Cela n'est pas surprenant dans la mesure où l'utilisation des techniques similaires (essentiellement basées sur un système d'irrigation utilisant les motopompes) conduit les pays à produire à des coûts assez voisins (le Sénégal est une exception du fait de la mise en place des mécanismes de production à grandes échelles à travers l'aménagement de deux grands barrages sur la vallée du Sénégal permettant au riz local d'être vendu dans des conditions assez compétitives). La bande du différentiel de prix devient donc étroite. Ce qui constitue une contrainte majeure pouvant rendre les marchés inopérants car les marchés sont très restreints et indifférenciés si bien qu'ils n'offrent pas une forte incitation à la diversification et à l'augmentation de la productivité. . Il convient de noter par ailleurs qu'il existe un déséquilibre structurel au niveau local dans la production du riz. Ce déséquilibre est caractérisé par une insuffisance de l'offre par rapport à la demande se traduisant non seulement par le fait que la quasi-totalité de la production locale du riz est autoconsommée mais aussi et surtout par la forte subordination aux importations de cette céréale aux fins de combler des déficits alimentaires. Cette forte dépendance alimentaire a créé des habitudes alimentaires que l'agriculture locale est incapable de satisfaire à son stade actuel. Par exemple au Burkina où le riz occupe le quatrième rang dans la production locale des céréales après le sorgho, le mil et le maïs, les besoins en cette céréale s'accroissent rapidement si bien que le Comité Interprofessionnel du Riz du Burkina (CIR-B) estime qu'ils passeront de 4,5kg par personne et par an en 2002 à 19 kg par personne et par an en 2010. Or, de fortes importations des produits alimentaires poussent les prix à la baisse et ont tendance à stimuler la consommation de ces produits alors que les producteurs locaux ont besoin des niveaux de prix plus élevés pour couvrir au moins leurs coûts de production. Les politiques de libéralisation ont ainsi instauré les conditions d'une perte de souveraineté alimentaire c'est-à-dire le droit reconnu à chaque Etat, ou groupe d'Etats, de définir comme il l'entend sa politique agricole et les types de soutien agricole (protection à l'importation et soutiens internes) appropriés dès lors qu'il s'interdit toute forme de dumping (OMC). Evincés de leur marché intérieur, les producteurs locaux se tournent vers des cultures d'exportations (dont ils sont preneurs de prix) pour faire face aux dépenses courantes : santé, éducation, obligations sociales, etc.

Les marchés du sorgho, dont l'analyse n'a concerné que cinq pays (Bénin, Burkina, Mali, Niger et Togo), sont tous intégrés mis à part celui du Bénin. Il faut remarquer que l"espace économique ainsi formé comprend le Burkina et ses voisins. Le sorgho occupe la première place dans la production céréalière du Burkina. De ce fait, ce dernier dégage régulièrement des surplus exportables dont les premières destinations sont les pays limitrophes (notamment sahéliens dont les céréales sont les aliments de base) à travers le commerce transfrontalier. De plus la proximité est un facteur intégrateur dans la mesure où les coûts d'accès aux marchés (transport, information, négociation des contrats, etc.) sont généralement indiqués comme la cause première de l'isolement de régions pauvres par rapport aux grands courants d'échanges.

Quant à l'analyse de l'intégration des marchés du riz importé, il convient de rappeler que, faute de disponibilité globale des données, elle a été restreinte aux cinq pays suivants: Bénin, Burkina, Côte d'Ivoire, Sénégal et Togo. Seuls les marchés des trois premiers pays sont intégrés et suivent donc une dynamique commune de long terme. Ce qui est inattendu et difficile à interpréter, c'est l'absence du Togo dans cet espace bien que ce pays soit voisin commun du Bénin et du Burkina et que le port de Lomé joue un grand rôle dans le ravitaillement en riz importé (essentiellement thaïlandais et chinois). Excepté ce paradoxe, l'intégration des marchés du riz importé semble avoir donné à la proximité et à la variable prix une importance prépondérante. Les importations du riz dans l'espace UEMOA transitent généralement par le port d'Abidjan, de Lomé et de Cotonou. Le Burkina profite à la fois de sa proximité avec ses pays et de l'existence des voies routières (cas du Bénin) ou ferroviaires (cas de la Côte d'Ivoire) assez viables par lesquelles d'importantes quantités du riz importé se transportent. Les livraisons se font dans des conditions concurrentielles du fait de la diversification des sources d'approvisionnements. Ce qui permet aux consommateurs et aux producteurs de choisir les prestations adéquates.

5.1.2. Impact de la crise ivoirienne et des reformes préférentielles

A ce niveau, il convient de noter que les différents modèles estimés sont d'une qualité globale assez bonne (le coefficient de détermination ajusté allant de 0,4 à 0,89) indiquant ainsi qu'une part importante de la variabilité a été cernée par les variables introduites malgré l'existence d'un nombre important des coefficients individuellement non significatifs. La plupart des coefficients apparaissent généralement avec leur signe théorique attendu. Globalement, on peut dire sauf dans des rares exceptions, les différentes mesures préférentielles ont été plutôt décevantes. Par contre la crise ivoirienne a souvent provoqué une hausse des prix surtout pour la Côte d'Ivoire, le Burkina, le Mali et le Niger confirmant une fois de plus le degré de dépendance de ces trois derniers pays vis-à-vis du premier.

5.1.3. Marchés du maïs

L'évolution de prix du maïs révèle l'existence d'une relation de long terme stable entre les pays de l'UEMOA (Côte d'Ivoire exclue) au delà de leurs mouvements sporadiques de court terme. Cette relation indique que les prix du Sénégal dépendent positivement de ceux du Mali, du Niger et du Togo mais négativement de ceux du Burkina et du Bénin. Ainsi, à long terme, toute hausse des prix du maïs au Mali, Togo ou Niger est préjudiciable aux consommateurs sénégalais. En effet, le Sénégal est un pays à climat essentiellement septentrional. Du fait de cette position climatique, il enregistre régulièrement des déficits en céréales notamment le maïs dont le terrain de prédilection est la zone humide. Les approvisionnements du Sénégal se font en conséquence à travers des flux d'importations à travers des opérations d'arbitrages spatiaux. Ce qui pourrait expliquer la sensibilité des prix du Sénégal par rapport à ceux des autres pays, les convoitises à la recherche de cette céréale devenant rudes en période de rareté. Ces mêmes constats sont corroborés par la dynamique de court terme.

La crise ivoirienne a eu comme effet haussier sur prix de tous les pays toutefois l'influence n'est significative que sur l'évolution de court terme de ceux du Niger et du Mali. Ce qui traduit le degré d'interdépendance de ces économies. En ce qui concerne les mesures préférentielles, aucune d'entre elles n'a eu un impact significatif, conséquence probable de l'appartenance de ces pays à une zone de libre-échange plus vaste qu'est la CEDEAO. En effet, plusieurs études ont montré que l'analyse des échanges céréaliers dans l'UEMOA nécessitent une vue plus globale en tenant compte notamment des autres pays de la CEDEAO et de ceux du CILSS dans la mesure où les échanges de certains pays de l'UEMOA avec des pays tiers (Ghana et Nigeria surtout) sont plus actifs que leurs échanges intracommunautaires. C'est le cas du Niger, pays dont les déficits alimentaires sont généralement comblés par des importations provenant essentiellement du Nigeria. Par exemple, au cours de la période 2000-2001, les importations en céréales du Niger provenaient du Nigeria à hauteur de 75%, 81% et 21% respectivement pour le mil, le sorgho et le maïs. Toutefois, le degré d'incertitude sur l'évolution des prix au Nigeria dû à l'instabilité de la Naira (monnaie du Nigeria) conduit de fois les commerçants nigériens à retourner vers d'autres pays comme le Bénin et Burkina.

Les prix du maïs pratiqués au Burkina ne subissent qu'une influence positive de ceux du Togo (avec un retard de trois mois) et du Mali (avec un retard d'un seul mois). La contiguïté semble avoir pleinement joué son rôle. Les prix du Niger dépendent non seulement de ceux du Mali et du Togo retardés d'un à quatre mois mais aussi de leurs propres valeurs décalées sur une période de quatre mois. Comme l'a fait remarquer Aboubacar (2003), le Niger est un pays qui importe des céréales même pendant les campagnes jugées bonnes. Dans l'espace UEMOA, ses principaux fournisseurs en maïs sont le Bénin, le Mali et le Togo. Il est tout à fait logique de constater un lien entre les prix de ces derniers et ceux du Niger. Le fait que les prix du Niger suivent un processus autorégressif ayant quatre mois de retards renvoie directement à des phénomènes purement spéculatifs dont les manifestations les plus explicites apparaissent subséquemment aux années de mauvaises récoltes où une période de soudure sévit. La rigueur de celle-ci est souvent atténuée par des importations en maïs et en gari provenant d'autres pays.

Les prix du Togo ne dépendent pas de leur propre passé. En revanche, ils dépendent positivement de ceux du Burkina et négativement de ceux des autres pays avec un délai pouvant aller jusqu'à trois mois. Les habitudes alimentaires du Togo (tout comme dans les autres pays côtiers) combinent les céréales avec d'autres appoints alimentaires (bananes plantains, patates douces, manioc, vouandzou, etc.). ce qui lui permet de dégager d'importants excédents échangeables dont les prix s'imposent aux producteurs nationaux sur le marché régional. Cela semble être le cas du Bénin dont les prix ne subissent que l'influence négative de ceux du Niger (avec un délai d'un mois) et du Togo (avec un délai de trois mois). Le Niger est le principal importateur des produits béninois parmi les pays de l'UEMOA (Direction des affaires économiques du Bénin, 2004).

5.1.4. Marchés du mil

La normalisation est également faite par rapport aux prix du Sénégal. Alors qu'à court terme les prix du Togo et du Mali n'exercent aucune influence sur ceux du Sénégal, à long terme, deux effets contradictoires apparaissent: une influence négative des prix du Mali et une influence positive de ceux du Togo ( la première étant plus prononcée que la seconde). Ce qui voudrait dire qu'il existe une relation de long terme bien que ces prix évoluent indépendamment sur une courte période.

Les résultats de l'estimation ont également fait ressortir une interconnexion des marchés des pays sahéliens avec de fois des effets asymétriques. Ce qui débouche sur un double constat. Premièrement, ils rejoignent l'idée selon laquelle les échanges ne se limitent plus à la traditionnelle dynamique où les flux ont le sens univoque pays excédentaires-pays déficitaires, des pays déficitaires pouvant échanger entre eux. On peut attribuer cette cela aux efforts fournis par les systèmes d'information sur les marchés dont le principal objectif était de réduire les asymétries informationnelles tant entre les vendeurs et les acheteurs que entre les divers marchés.

Deuxième, ces résultats permettent d'entrevoir que les évolutions divergentes de court terme soldées essentiellement sur des effets asymétriques entre les marchés de divers pays vont laisser place à une relation stable à long terme. Par exemple, alors que l'évolution des prix sur les marchés maliens va de pair avec celle des marchés sénégalais sur le court terme, à long terme une relation inverse s'observe. Ce qui fait dire que toute baisse des prix du mil sur les marchés maliens n'est profitable aux consommateurs sénégalais qu'à court terme. La justification probable en est que l'augmentation des prix des produits locaux donne occasion aux pays industrialisés d'écouler plus facilement leurs excédents en biens identiques ou substituables. Ce qui conduit à l'instabilité des sources d'approvisionnements dans le temps. Or , comme le soulignent Azoulay et Dillon (1993), l'importation de ces produits alimentaires par les pays africains déficitaires constitue une menace de la désorganisation de la production locale notamment en créant de nouvelles habitudes alimentaires. Ces nouvelles habitudes affaiblissent la demande des individus en produits locaux. Les opérateurs privés, dont les coûts de transactions sont énormes, sont ainsi découragés et par voie de conséquence les marchés ne se développent pas. « Nous produisons un coton de haute qualité parfois à un prix cinq fois moins inférieur que celui de l'Europe et des Etats-Unis, nous devons le vendre à un prix d'or mais à cause des subventions qui cassent les prix, nous ne pouvons pas. Cela devient un désastre pour nos populations et sème la désolation dans nos pays », pour reprendre les termes par lesquels l'ambassadeur du Bénin à l'OMC, Samuel Améhou, dénonce les vagues de marginalisations qui pèsent sur les producteurs ouest-africains. Plus préoccupant est que ces pays industrialisés exercent des pressions sur les pays économiquement moins avancés qu'ils réduisent le degré de protection de leurs économies. Par exemple, bien que la protection de la farine soit de 50 €/t dans l'UEMOA contre 174 €/t dans l'Union Européenne, le Syndicat français de la meunerie d'exportation a exercé des pressions sur l'UEMOA fin 2001 pour réduire de 20% à 10% son droit de douane, sous prétexte que celui sur le blé n'est que de 5%, en disant : "on ne peut pas dire que protéger un moulin...c'est agir pour le développement"!(Berthelot , 2005). Pourtant, nous ne cultivons pratiquement pas le blé et donc la farine de blé est un concurrent étranger de taille pour nos céréales locales. Or, la place prépondérante de l'agriculture dans l'économie ouest-africaine et le rôle d'entraînement que son développement est susceptible d'exercer sur les autres secteurs économiques imposent qu'un intérêt vital soit porté à ce secteur.

Les prix pratiqués sur les marchés des pays côtiers réagissent eux aussi aux variations des prix des pays sahéliens mais avec un délai de trois ou quatre mois. A titre d'exemple, l'évolution des prix sur les marchés ivoiriens va de pair avec celle des valeurs retardées de quatre période des prix au Mali. De même les prix des marchés ivoiriens évoluent dans un sens inverse de celui des valeurs retardées de quatre mois des prix pratiqués sur les marchés sénégalais. L'importance de ce délai peut être due à des évènements réguliers (Noël, Tabaski, Ramadan) qui impliquent une demande plus vigoureuse en céréales. Toujours est-il que ces résultats laissent présager qu'un marché régional est en train de se construire progressivement.

L'impact de la crise ivoirienne se manifeste à travers le renchérissement des prix en Côte d'Ivoire et au Mali. Ce résultat rejoint la conclusion de Lutz (1994) selon laquelle, en absence des entraves au commerce, on observerait des flux intenses de céréales sèches transhumer du sud du Mali vers le nord de la Côte d'Ivoire. Source de divers gains en bien-être notamment l'impulsion de bas prix aux consommateurs à travers l'apprentissage collectif la création des économies d'échelles, cette étroitesse des liens économiques peut être handicapée par des évènements aussi majeurs que de la crise ivoirienne.

Les seules mesures préférentielles ayant eu d'impact sur l'évolution de différentes chroniques sont les politiques sectorielles (renchérissement des prix au Sénégal) et le deuxième volet du TEC qu'est le plan de stabilité (réduction des prix à la Côte d'Ivoire).

5.1.5. Marchés du riz importé

Un VECM et un VAR ordinaire (les séries n'étant pas toutes intégrées) ont été utilisés respectivement pour les séries intégrées d'ordre 1 (puisqu'elles sont co-intégrées) et pour les séries stationnaires. Le VECM (respectivement le VAR) concerne le Bénin, le Burkina et la Côte d'Ivoire (respectivement le Sénégal et le Togo).

Pour ce qui est du VECM, la relation de co-intégration a été normalisée sur les prix du Bénin. Cette relation de long terme indique que les prix du Bénin et ceux de la Côte d'Ivoire évoluent en sens inverses et que l'influence des prix du Burkina n'est significative. Les évolutions de court terme s'inscrivent également dans cette dynamique. En effet, à court terme, outre l'impact négatif des prix de la Côte d'Ivoire sur ceux du Bénin, aucune autre influence n'a été relevée.

Pratiquement, les mesures préférentielles n'ont eu influence affecté que sur l'évolution des prix du riz importé de la Côte d'Ivoire: les politiques sectorielles (impact négatif), le plan de convergence (impact négatif) et le système des compensations financières des moins-values (impact positif). La Côte d'Ivoire étant le plus grand pays de la zone tant du point de vue du P.I.B que de celui de la population, à court terme, les mesures de libéralisation la favorisent relativement aux autres pays y compris ceux qui disposent aussi d'un port. En effet, les analyses utilisant les modèles de gravité ont montré que l'importance des flux commerciaux dépend positivement de la puissance économique des pays (P.I.B et population). Forts de ce fait, certains analystes se plaisent d'affirmer que le libéralisme est l'arme du plus puissant ou comme le dit Vandana Shiva "le libre-échange n'est pas l'anti-protectionnisme. C'est le protectionnisme des puissants".

Mais, très étonnant est que les prix du Burkina et ceux de la Côte d'Ivoire évoluent indépendamment alors que l'analyse de l'intégration a montré que le Burkina, le Bénin et la Côte d'Ivoire forment un sous ensemble intégré en ce qui concerne la commercialisation du riz importé. Cela peut s'expliquer par l'effet de détournement de flux intervenu après la fermeture du chemin de fer entre le Burkina et la Côte d'Ivoire. Les opérateurs de ces deux pays ayant de difficultés à nouer des contrats, ils se tournent vers d'autres partenaires.

Quant à l'approche VAR, elle montre que les prix du riz importé sur les marchés du Sénégal ne dépendent que de leurs propres niveaux au mois précédent et d'une constante pouvant s'interpréter en terme de distance (tous les deux tirant les prix à la hausse) tandis que les prix au Togo dépendent non seulement de leurs valeurs au mois précédent et des termes déterministes(constante et tendance) mais aussi du cours international du riz. Cette indépendance totale des prix du riz importé entre les marchés du Togo et du Sénégal peut s'expliquer par le fait que chacun de ces deux pays disposent d'un port par lequel il s'approvisionne. Le fait que les prix du Sénégal soient indépendants du cours international du riz tient probablement à l'importance de la production locale de cette céréale. Enfin, de façon inattendue, le système de compensation de moins-values dues au désarmement tarifaire a eu un effet haussier sur les prix du Togo, un conséquence probable de la situation politique du pays qui n'était pas reluisante.

5.1.6. Marchés du riz local

Les séries des prix du riz local étaient stationnaires à niveau , exceptée celle de la Côte d'Ivoire dont l'ordre d'intégration est 1. Par conséquent leur analyse a été menée au moyen d'un VAR ordinaire sur la différence première des prix de la Côte d'Ivoire et les niveaux des autres variables. Les résultats obtenus (cf. annexes IV) indiquent que les prix de chacun de pays concernés ne dépendent que de leurs propres valeurs passées, exception faite pour les prix du Mali et du Sénégal qui s'exercent une influence négative réciproque. Ce qui confirme largement l'idée évoquée plus haut selon laquelle les prix du riz local évoluent indépendamment et par conséquent les marchés sont segmentés.

Mis à part le fait que le système de compensations financières des moins-values aurait tiré les prix de la Côte d'Ivoire à la hausse, ce qui n'est pas surprenant (ses effets vertueux pouvant être neutralisés par la crise), les mesures préférentielles (autres le système de pacte de stabilité ) entreprises dans le cadre des rapprochements intra-régionaux ont été favorables à une réduction des prix dans tous les pays étudiés conformément à nos attentes. Quoi qu'on doive y émettre de réserves, on peut penser que ces politiques sont de nature à améliorer la compétitivité-coût des entreprises domestiques existantes et les conditions d'émergence de novelles entreprises nationales.

5.1.7. Marchés du Sorgho

Il convient de rappeler que l'analyse des marchés du sorgho ne concerne pas le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Bénin, les deux premiers en raison de l'indisponibilité des données et le dernier du fait que sa série est stationnaire en niveau et donc ne peut être co-intégrée aux autres qui sont intégrées d'ordre 1.

Une normalisation par rapport aux prix du Niger a été retenue dans la relation de long terme. Cette dernière indique que les prix du Niger dépendent de positivement de ceux du Burkina , l'influence des autres prix étant négligeable.

Dans ce cas aussi, la crise ivoirienne entraîne une hausse des prix mais qui n'affecte significativement que le Niger. Contrairement à ce qui est attendu, les politiques sectorielles et le pacte de convergence ont été favorables à une hausse de prix dont la teneur affecte tous les pays tandis que les autres politiques restent sans effet. Ces mesures ont été très libérales, il n"est donc pas étonnant qu'elles ne puissent pas garantir des prix compétitifs aux producteurs ruraux. Les prix du sorgho au Mali et au Burkina ne dépendent d'aucune variable retenue y compris leurs propres valeurs retardées. Tout en étant indépendants de leur passé, les prix au Niger vont de pair avec ceux du Mali avec un retard d'un mois. Quant aux prix du sorgho sur les marchés du Togo, ils ne sont sujets qu'à leur évolution pendant le mois précédent et celle des coûts de transports au Burkina. Le Burkina et le Mali jouent donc un rôle moteur dans la commercialisation du Sorgho. On peut avancer l'hypothèse explicative de l'effet corridor qui aurait amoindri les coûts monétaires d'un déplacement mais aussi le coût d'opportunité du temps consacré aux voyages. En effet, la réhabilitation du corridor Bamako-Ouagadougou-Accra a permis aux pays enclavés de la zone (Burkina, Mali et Niger) de joindre plus facilement la ville de Tema (Ghana). Selon un rapport de l'UEMOA, ce corridor traite actuellement près de 30% du trafic des pays dits d'Interland (Mali, Burkina et Niger).

5.2. Simulations des chocs

Traditionnellement, pour analyser les effets d'un choc sur une variable exogène, on étudie les effets (statiques ou dynamiques) d'une variation d'une ou plusieurs variables exogènes. Or, dans une modélisation VAR, toutes les variables ont le statut d'endogènes. Simuler un choc revient à considérer les innovations (les parts de la variabilité des variables que le modèle ne permet pas d'expliquer) comme étant des variables exogènes et d'en analyser les effets sur les variables du modèle. Ces innovations peuvent donc subir des modifications exogènes au modèle (non anticipées) pouvant dévier les chroniques des valeurs qu'elles auraient prises selon les informations disponibles. Les outils d'analyse utilisés à cet effet sont les fonctions de réponse impulsionnelle et la décomposition de la variance sur un horizon temporel donné.

5.2.1. Fonctions de réponse impulsionnelle

La fonction de réponse impulsionnelle d'une variable X suite à un choc sur les résidus d'une autre variable Y (éventuellement sur les propres résidus de X elle-même ) mesure la sensibilité de X face aux chocs exogènes affectant Y (éventuellement affectant X elle-même).

Les graphiques symbolisant les fonctions de réponse de différentes variables sur un horizon temporel de dix mois sont fournis en annexes V.

Un choc négatif (modification exogène à la baisse) sur les prix peut être interprété comme étant par exemple un effet d'une politique de lutte contre l'inflation. De même un choc positif (modification exogène à la hausse) peut par exemple être imputable à une politique de lutte contre le chômage (sous l'hypothèse que la Courbe de Phillips tient).

Les fonctions de réponses impulsionnelles des prix du maïs et du mil indiquent que, de façon générale, les prix de chaque pays s'ajustent à la hausse suite à un choc positif affectant l'évolution des prix dans un autre pays. Non seulement ce choc est permanent mais aussi et surtout il va en croissant sur une période de 10 mois. Toute hausse non anticipée sur un marché risque de dévier les autres de leur sentier de long terme. Tout se passe comme s'il existait des mécanismes amplificateurs des écarts.

En revanche, les prix du riz local de chaque pays ne réagissent qu'aux chocs affectant les marchés domestiques. L'impact est haussier mais temps à disparaître à partir du cinquième mois. Il y a cependant lieu de noter que les prix de la Côte d'Ivoire et du Sénégal réagissent de façon asymétrique les uns suite aux chocs affectant les autres. Ce même constat est fait entre les prix du riz importé du Bénin et de la Côte d'Ivoire sur les cinq premiers mois avant d'avoir des effets symétriques à partir du sixième mois. L'évolution des prix du riz importé sur les marchés burkinabé ne serait perturbée que par des modifications exogènes entamant les prix domestiques. En cas de la réalisation d'une telle éventualité, le choc affectant les prix à la hausse produirait un impact haussier stable tout au long de l'horizon temporel choisi. Par contre, quand les prix sur les marchés ivoiriens et burkinabé connaissent des hausses non anticipées, celles-ci se répercutent sur les marchés ivoiriens mais avec des effets diamétralement opposés. D'éventuels chocs sur les prix des marchés sénégalais (respectivement togolais) du riz importé ne pourraient affecter que leur propre évolution. Un choc positif sur les prix du Sénégal ou du Togo produirait un impact haussier sur les prix domestiques. La teneur de cet impact s'estompe avec le temps et disparaîtra complètement au bout d'un semestre.

Enfin, les réponses impulsionnelles des prix du sorgho montrent que toute hausse non anticipée sur les prix au niveau d'un marché quelconque se traduit par une augmentation des prix aussi bien sur les marchés domestiques que sur les autres. Cet impact pourrait être entretenu par des mécanismes dynamiques le rendant permanent. L'impact du choc peut même s'accumuler et aller en croissant. C'est ce qu'on observe sur les réponses des prix sur les marchés nigériens suite aux chocs affectant les prix des autres pays.

5.2.2. Décomposition de la variance

La décomposition de la variance est d'une importance capitale car elle permet d'identifier les variables qui affectent plus significativement l'évolution globale des chroniques en jeu. Son objectif est de calculer la contribution sur les innovations des variables à la variance de l'erreur de prévision de chacune de ces variables. Une chronique X est d'autant plus sensible aux chocs affectant une autre chronique Y que la contribution des innovations sur Y à la variance de l'erreur de prévision de X est forte.

Pour toutes les séries, les résultats de la décomposition de la variance sont reportés en annexes V.

La décomposition de la variance de l'erreur de prévision des prix du mil fait d'abord remarquer que les innovations sur les prix de la Côte d'Ivoire n'influencent pratiquement que la variance de l'erreur de prévision des prix du Mali. Inversement, la variance de l'erreur de prévision des prix de la Côte d'Ivoire n'est due qu'à leurs propres innovations (75,6% à 99,75%) et, dans une moindre mesure, les innovations sur les prix du Mali (avec une contribution maximale de 13,34%). Ce renvoie à l'idée de l'existence d'une réciprocité des échanges entre ces deux pays tant évoquée par Traoré et al. (2002). Ensuite, la décomposition de la variance des prix du mil met en évidence une interconnexion plus accrue entre les pays sahéliens. Les pays dont les innovations des prix contribuent le plus à la variance de l'erreur de prévision des autres pays sont le Mali et le Burkina. Tout choc affectant les prix sur les marchés de ces deux pays risque de faire dévier le sentier de long terme.

Quant aux marchés du sorgho, la décomposition de la variance indique que la variance de l'erreur de prévision des prix de chaque pays est certes principalement due à leurs propres innovations mais elle est également due à celles des prix des autres pays. Le cas le plus illustratif est celui du Burkina dont l'erreur de prévision des prix est plus expliquée par les innovations sur les prix du Niger (38,29% à 41% selon les périodes) que par les innovations sur les prix domestiques (34 que par les innovations sur les prix domestiques (34% à 37% selon les périodes, exception faite pour le premier mois de l'horizon temporel choisi où cette contribution était de 57%). On peut ainsi dire que les prix du sorgho sur les marchés burkinabé sont plus sensibles aux chocs affectant les prix du Niger qu'aux chocs affectant les prix domestiques. Réciproquement, la variance de l'erreur de prévision de prix sur les marchés nigériens est due aux innovations sur les prix du Burkina (avec une contribution allant de 16,5% à 32,78% suivant les périodes) et sur les prix du Mali (avec une contribution de 6,52% à 20,32%). Les prix du Mali sont aussi fortement influencés non seulement par des chocs les affectant mais aussi par des chocs affectant les prix du Niger et du Burkina. Il faut souligner qu'un choc sur l'évolution des prix sur les marchés togolais n'exercerait pratiquement aucune influence sur les prix des autres pays (la contribution de leurs innovations sur les prix des autres pays étant voisine de 0). La réciproque est également vraie. On peut donc résumer l'analyse de la décomposition de la variance des prix du sorgho en disant qu'elle révèle une forte interconnexion entre les marchés du Burkina, Mali et Niger. Ce qui est tout à fait attendu eu égard à ce qui a été dit précédemment.

En ce qui concerne les marchés du riz (importé et local), on peut noter que la variance de l'erreur de prévision des prix de chaque pays est quasi-totalement imputable à leurs propres innovations tout au long de l'horizon temporel (avec une contribution allant de 79% à 99%). Ainsi l'évolution des prix de ces céréales dans chaque pays n'est pratiquement entamée que par les chocs affectant les prix sur les marchés domestiques. Ce constat ajoute foi à l'idée de la fragmentation de ces marchés.

Enfin, les innovations sur les prix du maïs du Niger et du Togo ne contribuent quasiment pas à la variance des erreurs de prévision des prix des autres pays. Excepté cela, les marchés du maïs semblent être les plus interdépendants, les innovations sur les prix de chaque pays ayant un poids important dans la variance de l'erreur de prévision de chaque autre pays. Toutefois, il faut noter que les pays dont l'influence des prix sur les autres est la plus prononcée sont le Bénin et le Burkina. D'éventuels chocs sur les prix du maïs sur les marchés de ces deux pays affecteraient les prix des autres pays de façon sensible.

5.3. Recommandations

Nous sommes convaincu que réaliser une intégration économique plus harmonieuse et lutter contre l'insécurité alimentaire, gage de développement, ne sont pas hors de la portée d'un espace économique aussi prospère que l'UEMOA s'il on s'emploie à mettre en place et d'exécuter des dispositifs nécessaires. En ce sens et nous formulons les recommandations suivantes :

Recommandation 1: Suivi et évaluation des interactions entre l'évolution des marchés et la vulnérabilité.

A la lumière de notre analyse, il ressort que les producteurs locaux des céréales sont vulnérables à l'évolution des prix sur les marchés internationaux. Les prix mondiaux sont très fluctuants et la volatilité des termes de l'échange accentue ces fluctuations comme l'indique Berthelot (2005). Il est donc capital de chercher à comprendre comment les producteurs locaux dépendent des marchés afin de définir des actions communautaires susceptibles de rendre les produits de la zone plus compétitifs tout en tenant compte de l'environnement international. Cela passe d'abord par une amélioration des systèmes statistiques dans la mesure où le manque d'information sur les flux transfrontaliers des céréales est un problème crucial qui compromet la compréhension du fonctionnement des marchés régionaux de ce secteur ainsi que la formation des prix. Corrélativement, ce problème rend moins efficace l'action communautaire du fait d'une mauvaise capacité de prévision. Rien que la crise alimentaire de l'année 2004-2005 a été largement imprévue laissant perplexes tous les experts de la sécurité alimentaire (Commission Européenne, 2006) Pour les pays sahéliens, il faut noter que, vers la fin de l'année 2005, les instances du CILSS ont entamé des discussions avec leurs partenaires allant dans le sens de mettre en place des organes de suivi des stocks nationaux et des flux transfrontaliers mais il serait préférable que le suivi soit étendu aux pays côtiers dans la mesure où l'ouverture au marché régional impose la prise en compte de complémentarités entre différents pays..

Ensuite, une meilleure analyse économique tant conceptuelle que pragmatique de la sécurité alimentaire est nécessaire pour mieux cerner le fonctionnement des marchés céréaliers. Dans cet ordre d'idées, nous suggérons que les autorités l'UEMOA avec l'appui de ses partenaires financent des programmes d'études des marchés céréaliers d'abord au niveau national avant de s'intéresser au marché communautaire. Ces études devraient renforcer les analyses de terrain déjà entreprises par des ONG comme Afrique Verte (cas du Burkina, Mali et Niger) et des systèmes d'information tels que le FEWSNET et l'OMA (au Mali).

Recommandation 2: Promouvoir et Assurer la paix.

De nombreuses études ont montré l'existence d'une forte corrélation entre le couple (paix, stabilité) d'une part et le couple (développement, intégration économique) de l'autre (Dicko, 2005). En effet les instabilités et crises de quelque nature qu'elles soient sont symptômes des récessions car loin de favoriser les conditions de la croissance (en attirant les investissements nationaux et internationaux dans divers secteurs), elles conduisent à des vagues de délocalisations des entreprises exposant un nombre croissant d'individus au chômage et à la misère. L'exemple de la crise ivoirienne est l'un de plus illustratifs pour le cas de l'UEMOA. Un intérêt vital doit être porté à la paix au plan communautaire pour renforcer le schéma de l'intégration économique de nos économies et concrétiser un avenir meilleur. Promouvoir la paix suppose avant tout le respect de valeurs essentielles de la démocratie, des droits de l'homme et de la bonne gouvernance. Pour cela, le rôle de la Cour de Justice et de la Cour des Comptes, principaux organismes de contrôle sur la bonne gestion et la transparence au niveau communautaire, doit être renforcé et étendu dans la mesure où l'une des causes officielles des conflits les plus fréquemment évoquées en Afrique est la mauvaise gestion (corruption, manque de transparence dans les systèmes de passation des marchés, clientélisme, etc.).

Recommandation 3: Développer les liaisons routières et ferroviaires et améliorer la libre circulation des personnes et de biens entre Etats membres

Les économies de l'UEMOA se caractérisent par l'étroitesse de leurs marchés. Le transport routier est un véritable catalyseur des relations économiques. Ainsi, pour élargir les marchés et accroître les capacités productives, la création d'un réseau routier intégré viable et durable est d'une importance primordiale. Fort malheureusement, comme l'ont noté des études récentes citées plus haut (cf. chapitre II, section I), les coûts de transport et l'existence des intermédiaires non fonctionnels (c'est-à-dire les frais indûment exigés et diverses tracasseries non formelles) sont en premier lieu le facteur de blocage des échanges des produits vivriers dans l'UEMOA. Il résulte la nécessité de fournir des efforts au niveau communautaire pour mettre en place des infrastructures par lesquelles d'importantes quantités de biens se transporteraient plus facilement. Certes des efforts considérables ont déjà été fournis notamment avec le Programme d'Actions Communautaires des Infrastructures et du Transport Routier (PACITR), qui vise la réhabilitation des sections du corridor Bamako-Ouagadougou-Accra, mais beaucoup reste à faire.

Une autre dimension importante dans le processus de l'intégration économique est la libre circulation des personnes et de leurs biens. En effet, si deux ou plusieurs pays acceptent de coordonner leurs actions, c'est parce qu'ils estiment cette coordination a plus d'avantages que d'inconvénients. Ces avantages s'accroissent avec le degré de mobilité des facteurs (Mundell, 1961). L'idée est une forte mobilité des facteurs s'accompagne de ce qu'on appelle « effet de contagion » c'est-à-dire le transfert de technologies et de connaissances entrepreneuriales. Cela nécessite le renforcement du contrôle multilatéral ainsi que la mise en oeuvre et l'extension de diverses actions de facilitation de transport et de transit routier entre Etats membres prévues dans le cadre du PACITR .

6. CONCLUSION GENERALE

Multiples sont les espoirs portés à l'intégration économique des pays membres de l'UEMOA notamment en vue de combattre efficacement l'insécurité alimentaire et de créer ou d'améliorer les conditions d'une croissance durable. Dans ces directions, des efforts ont été fournis et continuent d'être fournis. L'objectif de ce rapport était de procéder à une analyse d'un volet des plus sensibles de cette intégration: l'intégration des marchés céréaliers. Les céréales retenues sont le maïs, mil, riz importé, riz local et sorgho. Il s'agissait en fait de savoir si les marchés de ces produits alimentaires se sont structurés en donnant naissance à des marchés sous-régionaux ou si, au contraire, ils ne sont jusque là que des marchés locaux fragmentés. L'objectif du travail était aussi d'évaluer l'impact des réformes préférentielles dans lesquelles ces pays se sont engagés pendant ces dernières années ainsi que l'incidence des évènements malsains dont la crise ivoirienne sur l'évolution des prix dans ces filières céréalières..

Une approche par les prix a été retenue. L'idée de base est que les prix sont des indicateurs qui agrègent de l'information sur de nombreuses variables. De ce fait, ils doivent être de bons signaux de l'évolution des marchés tant du point de vue de l'offre que de celui de la demande. Sans doute, l'approche n'est pas exempte de limites et ce, pour deux raisons essentielles. La première est que les anticipations des agents sont une partie intégrante de l'information agrégée par les prix. Or, la formation des anticipations des agents dépend de leur niveau d'information et des paramètres de risque ou d'incertitude. Si les agents ne sont pas bien informés ou évaluent très mal les risques, les prix jouent peu ou pas ce rôle de signal.

La seconde raison pour laquelle les analyses en termes des prix comportent des limites réside dans le fait que les prix ne sont pas la seule variable sur laquelle joue la concurrence. En effet, les règles des arbitrages spatiaux, surtout dans les pays en développement, prennent en compte plusieurs autres paramètres tels que qualité, délai de livraison, délai de paiement, éloignement, etc. Il est donc parfois nécessaire de "nourrir les prix" d'autres variables complémentaires.

Au delà de tous ces facteurs, des indices mensuels des prix moyens des céréales couvrant la période allant de janvier 1998 à décembre 2005 et issus des publications des organismes de la Statistique des pays de la zone (Guinée-Bissau exclue faute de disponibilité de ces données) ont été utilisés. La méthode d'analyse privilégiée est la théorie de la co-intégration.

La conclusion qui ressort de nos estimations, conduites par la méthode multivariée de Johansen, est que seuls les marchés du sorgho sont globalement intégrés pour tous les pays pour lesquels ils ont été étudiés. Toutefois, pour certaines céréales des marchés des sous espaces plus ou moins étendus sont unifiés. Par exemple la Côte d'Ivoire est le seul pays à ne pas appartenir à l'espace intégré des marchés du maïs. De même, les marchés du mil sont fragmentés mais en trois sous espaces intégrés d'une étendue de quatre pays (exception faite pour le Bénin n'appartient à aucun de ces sous espaces) dont le Mali et la Côte d'Ivoire semblent être les pivots.

La formation de ces sous espaces met en évidence l'existence d'un lien de complémentarité entre ces pays. Elle laisse également penser que les mesures de libéralisation entreprises par les autorités de l'UEMOA pour promouvoir l'intégration économique de la zone ont eu l'effet attendu qui est celui de fortifier les liens économiques intracommunautaires. Cependant, les effets de ces mesures sont plutôt décevants quant à leur impact sur l'évolution des prix des céréales sauf pour la Côte d'Ivoire qui enregistre souvent un effet baissier sur ses prix dû au tarif extérieur commun et un effet haussier dû au système de compensations des moins-values. Toutefois, il serait prématuré de porter un jugement définitif sur ces politiques en raison notamment de nombreux facteurs exogènes qui pèsent sur leur issue notamment la concurrence internationale et l'absence de diversification de l'appareil productif. Ce qui revoie à la question des contraintes financières qui limitent les possibilités de réaliser les investissements nécessaires notamment en terme de liaisons ferroviaires et routières, usines de production, etc.

Quant à la crise ivoirienne, ses effets se manifestent à travers le renchérissement des prix dans pratiquement tous les pays avec de degrés certes variables. Les pays pour lesquels l'influence est la plus prononcée sont la Côte d'Ivoire et les pays de l'Interland (Burkina, Mali et Niger) dont la dépendance vis-à-vis de la Côte d'Ivoire est certaine compte tenu de leur enclavement et de leur faible niveau d'industrialisation. Ces niveaux de prix plus élevés de céréales accroissent les difficultés d'accès à la nourriture aux ménages les plus démunis provoquant ainsi une dégradation accrue de leur situation alimentaire même si les marchés sont suffisamment approvisionnés du fait de la faiblesse de leur pouvoir d'achat. Ainsi, rechercher l'intégration économique dans l'UEMOA sans s'employer à juguler la crise ivoirienne ne serait-il pas vain espoir?

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon