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Le Bien chez Saint- Thomas d'Aquin

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par Vivien Hoch
Institut catholique de Paris - Licence 2008
  

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b) La bonté de l'acte volontaire libre

La morale est la science qui a pour objet de bien conduire les activités de l'homme vers leurs fins propres. Or il est évident que les activités humaines ne peuvent pas êtres toutes qualifiées de bonnes. Cependant, de part le fait, explicité plus haut, que le bien est corrélatif à l'être, il faut consentir à une première définition du bien pour l'acte humain : l'acte humain est bon dans la mesure même où il est, cela vaut en raison du positif même de sa substance : "l'être même de chaque chose est un bien" (Somme théologique, I pars, qu. 20, art. 2, concl.)

Nous avons déjà exposé, au chapitre précédent, les conditions requises à "l'humanité d'un acte", et nous avons remarqué qu'il existe deux sorte d'actes : les uns mauvais et non-humains et les autres humains et bons. Ces derniers sont reconnaissables en ce qu'ils portent sur un objet que requiert la nature humaine, c'est-à-dire que l'objet est convenable à la forme de l'homme. Quelle est la forme de la substance homme ? C'est la raison : "l'homme est un être raisonnable". C'est en somme extrêmement simple : l'homme agit pleinement en homme lorsqu'il veut quelquechose qui est fait naturellement pour lui. Sachant, de plus, que le discernement de ce qui est bon se fait grâce à la raison : "on discerne le bien du mal en se plaçant au point de vue de la raison." (Somme théologique, Ia IIae, Qu.18, art.5, concl.), il se dessine une deuxième définition du bien dans l'acte humain : dans l'acte intérieur de la volonté, est bien le fait que l'objet voulu soit conforme à la nature humaine12(*) par le mode de la rationalité (ratio). On pourrait dire que la raison propose et la volonté dispose. Le vocabulaire de Saint Thomas d'Aquin nomme cette perception du bien sous sa raison même de bien l'appétit rationnel. La volonté peut ou non suivre la raison, mais c'est ce choix, qui se fait dans l'intentionnalité (on se reportera avec profit à la Somme théologique, Ia IIae, Qu.12, sur l'intention) qui va déterminer la bonté de l'acte de la vouloir. L'objet proposé par la raison est donc nécessaire à la bonté de l'acte général (c'est le sens de la question 18, art. 2 : la bonté ou la malice de l'action humaine lui vient-elle de son objet ? de la Somme théologique). Mais la raison distingue le bien d'une chose selon plusieurs modalités : il y a le bien individuel, c'est à dire ce qui appartient en propre à une chose, par exemple la nourriture qui est bonne pour l'animal dans son individualité ; il y a le bien en raison de l'espèce, par exemple l'engendrement est bon à l'animal en raison du fait que cela lui permet de perpétuer son espèce ; il y a le bien du genre, c'est à dire la bonté de faire du bien en raison de son genre, comme le ciel est dit bon en ce qu'il permet l'existence d'autres êtres ; et enfin, il y a le bien selon la similitude d'analogie, qui n'est applicable qu'à Dieu en ce qu'Il diffuse l'être à toutes choses en-dehors de son genre propre (Somme contre les gentils, lib. III, cap. XXIV). Enfin, la raison distingue la bonté d'une fin en ce que premièrement, elle est ce pour quoi on la veut pour elle-même (par exemple l'argent pour l'avare) et deuxièmement, en ce qu'elle est plutôt ce par quoi on la veut (par exemple l'argent pour la jouissance) (Somme théologique, Ia IIae, Qu.7, art.2, concl.).

Le bien s'applique d'une troisième manière dans l'acte intérieur de la volonté : les circonstances déterminent elles aussi la bonté de l'acte. Saint Thomas affirme que : "la plénitude et la perfection qui conviennent aux êtres naturels ne résultent pas seulement de la forme substantielle qui les spécifie, mais viennent aussi, pour une bonne part, des accidents surajoutés" (Somme théologique, Ia IIae, Qu.18, art.3 : la bonté ou la malice des actions humaines leur vient-elle des circonstances ?). En effet, même si un objet est approuvé par la raison comme étant bon pour nous, il peut être mauvais en raison des circonstances. Par exemple, le fait, pour un être humain, de vouloir se reproduire est en soi bon en raison de son espèce, mais il n'est toutefois pas opportun d'engager la reproduction à n'importe quel moment, par exemple lors de la représentation d'un opéra. L'acte peut donc être qualifié spécifiquement de bon ou mauvais selon les circonstances. La morale considère donc les circonstances de l'action entreprise13(*) : c'est le sens de la notion de kairos chez Aristote, c'est à dire l'application d'un principe universel à une situation particulière au moment opportun (Aristote, Ethique à Nicomaque, livre VI).

Enfin, la notion de bien s'applique sous une dernière modalité à l'acte humain en tant qu'acte de la volonté extérieure : l'acte volontaire intérieur doit se compléter, pour qu'il soit pleinement bon, par l'acte extérieur qui l'exécute (Somme théologique, Ia IIae, Qu.20). En effet, il ne suffit pas d'avoir de bonnes intentions pour bien faire, mais il faut aussi bien le réaliser. C'est une remarque extrêmement importante, car elle a eut d'énormes répercussions dans toute la philosophie occidentale. D'abord, elle a mis Saint Thomas d'Aquin en différent dans le domaine de la philosophie de la décision avec son "maître" Saint Augustin, l'Evêque d'Hippone, pour qui seule l'intention (intentio ou intendere) compte dans la bonté de l'acte14(*) (St Augustin, Confessions, II). Il découlera de tout cela la notion extrêmement importante du Salut par les oeuvres lors de son application au problème théologique du Salut pour l'homme : il ne suffira plus d'avoir l'intention d'être sauvé, mais aussi de bien faire selon cette intention. Notons que Saint Thomas d'Aquin reprend clairement cette notion de la philosophie morale Helléniste, notamment (et surtout) d'Aristote, dont nous pouvons exposer rapidement sa conception de l'acte humain : intention délibération décision exécution responsabilité. On retrouve donc la notion de responsabilité extrêmement importante chez Saint Thomas d'Aquin.

Ainsi, nous avons distingué, avec Saint Thomas, les deux sortes d'ordre dans le domaine des fins : l'ordre d'intention (volonté intérieure) et l'ordre d'exécution (volonté externe). Nous pouvons schématiser les différentes modalités du bien de l'agir humain de cette façon :

volonté intérieure

(intention)

- en tant qu'acte

- en tant qu'objet rationnellement conforme à la nature humaine

volonté externe (oeuvre)

- en tant qu'opportunité

- en tant qu'il se réalise effectivement

* 12 Plus encore : puisque la raison provient de Dieu, et n'est qu'un reflet humain de Sa loi, il faut aussi que la volonté s'accorde avec la loi de Dieu (Somme théologique, Ia IIae, Qu.19, art.4, concl.).

* 13 intéressante comparaison possible entre ce sens aristotélicien des circonstances, très pragmatique, et les énoncés de l'impératif catégorique de Kant.

* 14 position que l'on retrouve aussi dans le droit Romain et chez les Stoïciens (Sénèque, de la vie heureuse).

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand